1. Qui apporte, qui donne la mort; que la mort accompagne. Synon. funeste, mortel, néfaste.Sinistre destinée, renom. Les soldats étaient las de tuer; aucun ne se présenta pour la sinistre besogne (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 307).En ces cantons la vipère pullule, et de sinistres accidents y arrivent aux voyageurs (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 113):... j'ai réfléchi au profond mystère que représente la guerre, qui m'est apparue comme une sorte de jeu sinistre auquel l'humanité a besoin de se livrer de temps à autre, le jeu de la violence et de la mort, quelque chose de comparable à un appétit de malheur, à un irrésistible besoin de souffrir pour rétablir je ne sais quel équilibre dont nous ignorons les lois.
Green, Journal, 1941, p. 119.
♦ Loc., rare. À mains sinistres. Avec des mains qui donnent la mort. [Dans la mêlée,] ces rudes laboureurs se débarrassèrent de leurs fusils et se mirent à tuer avec leurs mains (...) C'est à mains sinistres qu'ils combattirent (D'Esparbès, Bris. fers, 1908, p. 206).
♦ [P. méton.] Dates sinistres; sinistre nouvelle. Voici les meubles sots, poudreux, écornés: la cheminée sans flamme et sans braise, (...): l'almanach où le crayon a marqué les dates sinistres! (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 28).Une grave nouvelle, une nouvelle sinistre. M. Brun vient de se noyer (Pagnol, Fanny, 1932, ii, 7, p. 140).
− Lieu sinistre. Lieu de mort, où la mort a frappé. Il revit (...) le laboratoire dévasté, taché de sang, et le souvenir implacable de cette pièce sinistre amena avec lui, un à un, les souvenirs cruels de sa vie (Zola, M. Férat, 1868, p. 92).Dans l'une des rues basses qui encerclent le Palamède [à Nauplie], j'ai visité la sinistre église. Sous son portail, le président Capo d'Istria fut assassiné (Barrès, Voy. Sparte, 1906, p. 162).
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Spéc., vieilli ♦ ASTROL. Aspect sinistre. ,,Aspect des astres annonçant des événements funestes`` (Ac. 1798-1878). Synon. maléfique.[P. méton.] Il ne savait pas cela, l'homme à la sinistre étoile! (Dumas père, Intrigue et amour, 1847, v, 2, p. 289).
♦ CHIROM. Ligne sinistre. ,,Ligne qui présage des malheurs`` (Ac. 1798-1878).
2. Qui fait craindre un malheur, une catastrophe. Rêve sinistre; idées, prédictions, prophéties sinistres. J'ai fait un songe cette nuit, Sinistre, et dont l'horreur profonde me poursuit (Ponsard, Lucrèce, 1843, iv, 1, p. 70).Désespéré, mais n'écoutant que son devoir, il s'embarqua aussitôt, le cœur plein de sinistres pressentiments, pour rejoindre l'armée (Grousset, Croisades, 1939, p. 301).♦ Sinistres auspices. Signes qui annoncent quelque chose de mauvais. Cet être dont les destinées n'ont que trop évidemment justifié les sinistres auspices sous lesquels il a paru sur la terre! (Crèvecœur, Voyage, t. 1, 1801, p. 15).
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[En parlant d'un oiseau tel que le corbeau, la chouette] Mon destin n'avait pas, (...) Sondé les profondeurs blêmes du désespoir, Et, corbeau funéraire au fond d'un vieux manoir, Sinistre suzerain des demeures désertes, (...) Vous m'aviez abusé, mes pleurs avaient menti (Dierx, Lèvres closes, 1867, p. 210).♦ Loc. À sinistre présage, de sinistre augure. La bague de la Sainte Vierge Marie (...) était sortie de son reliquaire sans que personne l'eût touchée, et avait roulé plus d'une demi-heure par terre sans s'arrêter; ce que beaucoup de gens interprétaient à sinistre présage (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 62).Voilà qui est fatal pour l'avenir: (...) et ce malheureux Boulot est mort en prison! Tout cela est de sinistre augure; le destin me conduira en prison (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 61).