2. [Correspond à intelligible A 2; avec une idée de degré; le subst. déterminé désigne l'objet de l'intelligence] Dont on ne saisit pas ou dont on saisit mal la signification, que l'on ne comprend pas ou que l'on comprend mal. Votre relevé de compte est absolument inintelligible pour moi. En ma qualité d'artiste, je n'entends rien aux usages du commerce (Bloy, Journal,1900, p. 39).Il faut bien du parti-pris pour trouver inintelligibles des poèmes qui sont la lumière même (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 162):2. Ces livres constituaient, en effet, le plus incroyable des galimatias, le plus inintelligible des grimoires. Tout était en allégories, en métaphores cocasses et obscures, en emblèmes incohérents, en paraboles embrouillées, en énigmes bourrées de chiffres!
Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 124.
SYNT. Déclaration, discours, explication, notion inintelligible; chapitre, document, texte inintelligible; lettres, notes, pensées inintelligibles; inintelligible patois; inintelligible charabia des télégrammes.
− Inintelligible à/pour qqn.Formule, propos, technique, texte, paroles parfaitement/complètement inintelligible(s) pour qqn; langage inintelligible au commun des hommes. Argot intelligent quoique inintelligible pour tous ceux qui n'en ont pas la clef (Murger, Scène vie boh.,1851, p. 13).
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[En parlant de qqn] Dont on ne comprend pas ou dont on comprend mal le discours. Le poëte (...) était une intelligence inintelligible, un esprit trouble en tout, un de ces hommes empêchés qui bredouillent en parlant et qui griffonnent en écrivant (Hugo, Rhin,1842, p. 237):3. − Quelquefois, vous êtes inintelligible (...), expliquez davantage et en plus de mots ce que vous voulez dire, et que ces mots ne soient pas du patois normand. Il peut être plus énergique que notre français de Paris, mais personne n'y comprend rien.
Stendhal, Lamiel,1842, p. 193.
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En partic. Que l'on ne s'explique pas ou que l'on s'explique mal, faute d'en dégager la cause et d'en saisir le déroulement. Nulle vérité n'est plus difficile à comprendre qu'une autre, quand on sait bien tout ce qui est avant. Il n'y a d'inintelligible pour nous que ce qui est trop loin de ce que nous savons déjà (Destutt de Tr., Idéol. 1,1801, p. 14).Si la cause première n'existe pas, toute existence est inintelligible (Bourget, Actes suivent,1926, p. 35).♦
[À propos de la manière d'être ou d'agir d'une pers.] Refus inintelligible; attitude qui devient inintelligible. Les renversements sentimentaux étaient inintelligibles, venant d'elle. Ils ne lui ressemblaient pas (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 398).Rusés, méfiants, cupides [les paysans]? Non. C'est nous qui traduisons par des contresens (...). Quelle grandeur plutôt, insondable et inintelligible! (...) Il n'y a de grandeur que très obscure (Chardonne, Dest. sent., I, 1934, p. 172).[En parlant de la pers. elle-même] Ne serai-je pas un homme d'autrefois, inintelligible aux générations nouvelles? Mes idées, mes sentiments, mon style même ne seront-ils pas (...) choses ennuyeuses et vieillies? (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 458).− Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est inintelligible. Le peuple est comme l'enfant, il s'émerveille de ce qu'il ne comprend pas. Il aime l'inintelligible (Hugo, Rhin,1842, p. 162).Cet homme avait eu la singulière idée de vouloir que l'homme qui prie comprît ce qu'il dit. Mais le latin, c'est-à-dire l'inintelligible pour la masse, c'est l'arche sainte de la foi (Goncourt, Journal,1857, p. 319).
− P. anal. [S'applique à ce qui, perçu par la vue, relève de la connaissance intellectuelle] Il y a bien des lacunes, bien des obscurités, dans cette science allégorique des tons. Dans (...) [le Couronnement de la Vierge de Fra Angelico] les marches du trône, par exemple, restent inintelligibles (Huysmans, Cathédr.,1898, p. 195).