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FORCE, subst. fém.

FORCE, subst. fém.
I.− [La force comme propriété des êtres ou des choses]
A.− [Comme propriété des êtres vivants] Énergie, pouvoir d'agir.
1. Énergie musculaire qui permet à un être vivant de réagir face à d'autres êtres, d'agir sur son environnement. Synon. robustesse, vigueur.
a) Au sing. Avoir, ne pas avoir de force, avoir une force herculéenne; être, rester sans force; abuser de sa force. − Tu as été malade, Marguerite? − Non, fit-elle, non, je suis pleine de force et de santé (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 142).Mais il avait jeté de volée, avec toute sa force, en cherchant à toucher et à faire mal (Montherl., Bestiaires,1926, p. 386).Franchir [les rapides] en hissant la barque à force de bras (H. Bazin, Vipère,1948, p. 189).
À la force du/des poignet(s). En utilisant principalement les poignets pour fournir un effort physique intense. Il a soulevé le kader à la force du poignet : ça indique du nerf (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 362).D'autres, raccrochés par les mains à des cordages, un instant balancés dans le vide, remontaient maintenant, à la force des poignets (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 134).Au fig. Sans aide, par ses seuls moyens. Rateau, qui réussissait, mais à la force du poignet, dans tout ce qu'il entreprenait (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1627).
Être taillé, être bâti en force. Être musclé, râblé. Elle était taillée en force, superbe de corps (France, Vie fleur,1922, p. 534).Tout petit, mais solide, bâti en force (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 215).
Être, n'être pas de force. Avoir, n'avoir pas la force suffisante. Le mousse et moi n'étions pas de force pour hisser le canot au palan (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 174).
Ne pas sentir sa force. Faire mal sans s'en rendre compte.
Camisole* de force.
Collier de force (lutte). Ceinturage au moyen des jambes. Abattage en douceur et collier de force, opposition de buste et même crocs-en-jambe, il usa de tout (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 334).V. aussi collier.
Instruments* de force, jambe* de force. Travail* de force, travailleur* de force. Tour* de force.
Loc. adv.
De force. [Le petit comte] tentait d'arracher de force, en même temps, les doigts dont sa compagne se couvrait les yeux (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 57).
En force (exécuter un mouvement, travailler, etc.). En y mettant une grande force physique, p. oppos. à en souplesse.
b) Au plur. Perdre, retrouver, ménager, rassembler, refaire ses forces; reprendre des forces; être à bout de forces; crier, taper de toutes ses forces; ses forces l'abandonnent, le trahissent, reviennent. Nous avons mangé une partie de nos provisions et pris des forces pour l'escalade du pic (Maine de Biran, Journal,1816, p. 202).L'ordre clair que la force des trains lance aux forces des hommes (Romains, Vie unan.,1908, p. 60):
1. Instinctivement, de ses dernières forces, il suivait, sentant que quand il ne pourrait plus, ce serait la fin, et le grand frou-frou des vautours chauves. Benoit, Atlant.,1919, p. 64.
Rem. Le plur. est habituel dans la loc. être à bout de forces; le sing. est cependant possible : Ta grand'mère qui est à bout de force et de patience (Flaub., Corresp., 1871, p. 197).
2. Ensemble des ressources physiques, morales ou intellectuelles qui permettent à une personne de s'imposer ou de réagir.
a) Au sing. Force de l'esprit, de caractère. Mais, à demi-morte, épuisée par ses propres désirs, sans force pour résister, elle s'abandonna à Stephen (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 184).La tête carrée, sous laquelle on sent une prodigieuse force nerveuse, la race hardie, jamais malade, conquérante (Goncourt, Journal,1865, p. 173):
2. Mais l'extraordinaire présence de son esprit lui était si agréable, lui donnait une telle impression de force, de ressource, qu'il en venait à se dire : « je vais essayer ce système maintenant. » Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 66.
Force d'âme. Courage moral :
3. Que voulez-vous! J'ai sucé le lait de la Révolution, je n'ai pas l'esprit du baron d'Holbach, mais j'ai sa force d'âme. Balzac, Cous. Bette,1846, p. 401.
Force de l'âge (être dans). À l'âge où l'on a la plénitude de ses moyens.
Être, ne pas être de force. Avoir, n'avoir pas la même compétence, le niveau requis. Je ne suis pas de force, mais c'est égal, j'essayerai de vous battre tout de même (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 154).
Force de travail. L'activité humaine en tant que facteur de production. [Les achats de services] se décomposent en forces de travail et matières ou machines (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 180).
Force-travail. L'intuition profonde que Marx a eue des conditions d'hétéronomie ou d'aliénation faites dans le monde capitaliste à la force-travail (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 55).
b) Au plur. Toutes mes forces concentrées se portaient sur une pensée, et plus je la remuais dans ma tête, moins j'y pouvais voir nettement (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 291).Aujourd'hui, il fait contre nous l'épreuve de ses forces d'amour et de haine (Tharaud, Dingley,1906, p. 89).
Être au-dessus des forces de (qqn). [D'un acte que l'on n'a pas le courage moral d'accomplir] . Eh bien? fit-il d'une voix émue. − Eh bien, mon père, je ne puis rien vous promettre, dis-je enfin; ce que vous me demandez est au-dessus de mes forces (Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 217).
3. Puissance, capacité d'action d'un groupe. L'union fait la force; la force d'une nation. Une majorité (...) avertie de sa propre force par les chiffres authentiques du scrutin (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 95).
4. P. méton. Groupe social, classe, institution exerçant une influence dans la vie sociale. Les forces d'opposition. Voir aussi infra I C 2 :
4. Toutes les forces du passé se groupent derrière elle, et les oppositions officielles, par lâche cœur, ne servent qu'à rehausser sa puissance. Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 155.
5. ... et, moins confiant que lui dans la durée d'une race qui ne se défendait point, il eût voulu faire appel aux forces saines de la nation, à une levée en masse de tous les honnêtes gens de la France tout entière. Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 987.
Forces productives. Ensemble des moyens, humains ou non, dont dispose la société pour produire (d'apr. Bouv.-Ibarr. 1975) :
6. ... le bon sens de cette paysanne le faisait songer à l'opulence qu'apporteraient dans un pays tant de bras inoccupés et par conséquent ruineux, tant de forces qu'on entretient improductives, si on les employait aux grands travaux industriels qu'il faudra des siècles pour achever. Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Boule de suif, 1880, p. 134.
Force de vente. Ensemble des personnes qui dans une entreprise sont chargées de la vente (d'apr. cida 1973).
B.− [Comme propriété des choses]
1. DYNAMIQUE. Ce qui modifie l'état de mouvement ou de repos d'un corps. Parallélogramme de forces; résultante de deux forces; force centrifuge*, centripète*. Synon. énergie (potentielle ou cinétique).
Force acquise. Énergie qui se maintient une fois l'impulsion donnée.
Au fig. Aucun moyen de reculer, toute la colonne n'était plus qu'un projectile, la force acquise pour écraser les Anglais écrasa les Français (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 397):
7. Mais en le regardant vivre sous ses yeux le commissaire croyait voir un homme qu'on aurait vidé de toute substance, écorché intérieurement. Il allait et venait, buvait, parlait comme un homme ordinaire, mais il n'y avait plus rien à l'intérieur, rien que l'intelligence qui continuait à fonctionner par la force acquise. Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 182.
Force vive. Synon. de énergie cinétique ou actuelle (ainsi dénommée par Leibniz).Ils disent d'abord que le frottement des marées produisant de la chaleur doit détruire de la force vive. Ils invoquent donc le principe des forces vives ou de la conservation de l'énergie (Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 43):
8. On sait quelle fut la destinée changeante de cette idée de constance : on peut dire qu'on n'a fait, depuis Descartes, que de changer de ce qui ne change pas : conservation de la quantité de mouvement, conservation de la force vive, conservation de la masse et celle de l'énergie... Valéry, Variété IV,1938, p. 224.
Force de pesanteur (ou poids). Attraction que la terre exerce sur les corps.
Force d'inertie. Résistance que les corps opposent au mouvement. Au fig. Tout le temps de notre séjour à Plymouth, Napoléon demeura concentré et purement passif, n'opposant que la force d'inertie (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 439):
9. ... j'entrevoyais déjà ces difficultés élastiques où se heurtent les plus rudes volontés et où elles s'émoussent; je craignais cette force d'inertie qui dépouille aujourd'hui la vie sociale des dénouements que recherchent les âmes passionnées. Balzac, Lys,1836, p. 46.
ÉLECTR. Force électromotrice (f.e.m.), v. électromoteur. Spéc. Courant triphasé. Avoir, mettre la force dans une maison.
MAGNÉTISME. Champ*, flux*, ligne* de force.
P. méton. Capacité de résistance à une traction, une pression. La force d'un câble, d'un mur.
Au fig. Force de résistance :
10. Les liens qui résultent de la cohabitation n'ont pas dans le cœur de l'homme une source aussi profonde que ceux qui viennent de la consanguinité. Aussi ont-ils une bien moindre force de résistance. Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 162.
2. Énergie qui est dans quelque chose.
[En parlant d'une chose concr.] La force de l'eau, du courant. La force du vent, les accidents de terrain avaient empêché Michel d'entendre (R. Bazin, Blé,1907, p. 19):
11. Alors, suivant la force du souffle on se rapproche plus ou moins du bord droit, si l'on sème à gauche, et du gauche, si l'on sème à droite, afin de limiter cette course, ce vol insolite du grain... Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 3.
Vent de force n.
P. anal. :
12. L'or est une force : il représente toutes les facultés de l'homme, puisqu'il lui ouvre toutes les voies, puisqu'il lui donne droit à toutes les jouissances... Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 142.
3. Cause qui agit dans. Synon. agent.
a) Ce qui meut, anime la nature, l'univers. Il est vrai que la plupart de ces sages se perdirent dans de vaines recherches sur les causes premières, sur les forces actives de la nature (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 10).Il y a dans la nature ou une grande force cachée, ou un nombre de forces inconnues qui suivent des lois inaccessibles aux démonstrations des sciences humaines (Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 2).Sur le plan cosmique (...) [le] déchaînement de certaines forces aveugles, qui actionnent ce qu'elles doivent actionner et broient et brûlent au passage ce qu'elles doivent broyer et brûler (Artaud, Théâtre et double,1938, p. 138):
13. Là où les hommes de nos jours ne voient que des choses inertes, les Anciens reconnaissaient des énergies vivantes, et ce sont ces puissances cachées qu'ils ont appelées les dieux. La force active et vivifiante qui se révèle au printemps parmi les éclairs de l'orage, qui bouillonne dans la sève de la vigne et s'épanouit à l'automne en grappes dorées, nous la nommons Dionysos... Ménard, Rêv. païen,1876, p. 72.
14. Pouvez-vous arrêter le vent, pouvez-vous entraver les forces de la nature? Non. Les sens aussi sont des forces de la nature, invincibles comme la mer et le vent. Ils soulèvent et entraînent l'homme et le jettent à la volupté sans qu'il puisse résister à la véhémence de son désir. Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Enf., 1883, p. 395.
b) Ce qui est à l'origine des phénomènes biologiques. Ces médecins admettent généralement l'intervention de forces spéciales pour la production des maladies; ils croient à ce qu'ils appellent des entités, des êtres morbides, à des entités thérapeutiques (C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 191).
Force vitale, organique :
15. ... à l'imitation de Newton, les géomètres, les physiciens, les chimistes employaient tous, sous diverses formes, l'idée de force ou d'action à distance; les physiologistes proclamaient la nécessité d'admettre des forces vitales et organiques pour l'explication des phénomènes que présentent les êtres organisés et vivants... Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 198.
16. La perfection des êtres, leurs propriétés, leur génération exigent un principe inconnu, un X placé hors de toute connaissance (...). À la fin du xviiiesiècle (...) il deviendra la « force vitale ». Ce n'est plus alors un pouvoir central, un pouvoir qui, installé au cœur de l'organisme, en régit les activités; c'est une qualité particulière de la matière constituant les êtres vivants, un principe qui se répand dans tout le corps, se loge dans chaque organe, chaque muscle, chaque nerf pour leur conférer ses propriétés. F. Jacob, La Logique du vivant,Paris, Gallimard, 1970, pp. 48-49.
Capacité de, aptitude à. La force de reproduction des organes détruits, dans les espèces inférieures où une telle reproduction s'observe, s'affaiblit et s'épuise par son action (Cournot, Fond. connaiss.,1851p. 201).
c) Ce qui est à l'origine du comportement instinctif de l'être vivant, du comportement inconscient de la personne, par opposition à la conscience, la volonté, la raison, etc. Ces premiers jours de printemps fiévreux, où les forces d'amour gonflent l'être et le baignent, comme un ruisseau caché qui bruit sous le sol, l'enveloppent, l'inondent (Rolland, J.-Chr.,Antoinette, 1908, p. 873):
17. La raison décisive d'un acte ne nous paraît donc jamais résider en aucune des tendances partielles qui ont contribué à le rendre possible; elle est, à nos yeux, dans ce pouvoir qu'aucune des déterminations particulières ne saurait épuiser, et qui, absorbant toutes les raisons de détail, semble naturellement capable de dominer l'ensemble des forces définies, énergies physiques, appétits, tendances, motifs, déterminisme de la nature et de l'esprit. Blondel, Action,1893, p. 119.
18. La vérité, c'était aussi qu'un instinct sourd et puissant l'avait poussée et qu'elle avait obéi aux forces obscures de son être. Mais cela n'était point d'elle; ce qui était d'elle et de sa conscience, c'est d'avoir cru, consenti, voulu un sentiment vrai. France, Lys rouge,1894, p. 27.
19. Enfin je suis détaché. Je ne sais quoi, je ne sais qui m'a détaché, Isa, des amarres sont rompues; je dérive. Quelle force m'entraîne? Une force aveugle? Un amour? Peut-être un amour... Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 166.
Force vive. L'instinct est une force vive, mais de courte portée et de fécondité étroite (Mounier, Traité caract.,1946, p. 134).
[En parlant d'un groupe hum.] Quand des races s'atrophient, l'humanité a des réserves de forces vives pour suppléer à ces défaillances (Renan, Avenir sc.,1890, p. 74).
d) Idées-forces. Idées, convictions largement répandues dans l'opinion publique et qui déterminent son comportement :
20. Il faudra que nous ayons une politique de Syrie, que nous donnions aux gens de Syrie des idées qui leur plaisent, des idées-forces qui entrent par leur propre vertu dans les esprits. Barrès, Cahiers,t. 11, 1914-17, p. 76.
Images-forces. Il y a des images-forces, comme il y a des idées-forces. Nous réalisons par la pensée l'acte dont la ligne est le témoignage inscrit; nous l'ébauchons en puissance dans nos propres muscles (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 167).
e) [Désignant une pers. considérée comme un agent inanimé] Je suis une force qui va! Agent aveugle et sourd de mystères funèbres! (Hugo, Hernani,1830, III, 4, p. 1227).Je ne suis qu'une force, aussi petite que l'on voudra, qui voudrait se dresser contre la coalition des mauvaises forces (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, pp. 9-10).
Être une force de la nature. Être très fort. Il se sentait seul au monde, seul et fort. Il était une force de la nature (Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 86).
4. [En parlant d'une chose abstr.] Caractère nécessaire, contraignant. La force de l'habitude. Waldemar cessa de lutter contre la force de l'évidence et, rallumant la bougie, il approcha avec force la lumière du visage blanc pur de Dorothée (Jouve, Scène capit.,1935, p. 123).
La force des choses. Ainsi contraint par la force des choses à ne pas être aussi radical dans sa politique pratique qu'il en aurait l'intention (Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], 1850, p. 110):
21. Il en sera de nous et de la France ce qu'il plaira à la providence, c'est-à-dire ce qui est déterminé par l'invincible force des choses, par cet enchaînement universel sur lequel l'homme, avec toute sa force et sa sagesse, n'a aucun empire... Maine de Biran, Journal,1816, p. 148.
(Cas de) force majeure. Événement imprévisible et insurmontable ayant une cause extérieure et rendant impossible l'exécution de l'obligation (d'apr. Barr. 1974).
(Avoir) force de loi, force légale. Avoir un caractère impératif comparable à celui d'une loi. Les synagogues (...) votaient des résolutions ayant force de loi pour la communauté (Renan, Vie Jésus,1863, p. 142).
(Avoir) force de chose jugée. Il [l'Auditeur papal] casse ou réforme les jugements qui ont force de chose jugée (Stendhal, Rome, Naples et Flor.,t. 2, 1817, p. 365).
5. Loc. (exprimant l'idée de nécessité)
Par force (loc. adv.). En y étant contraint. Synon. par nécessité.Et, comme on ne me laisse boire ici que de la tisane, j'économise par force (Jouy, Hermite,t. 4, 1813, p. 309).Un navire est un lieu honnête par force, à la manière des petites villes (Mille, Barnavaux,1908, p. 266).
À toute force (loc. adv.). D'une manière impérative. Synon. absolument.Il fallait en sortir à tout prix, et je n'avais pas de dénoûment. Je résolus d'en trouver un à toute force (Janin, Âne mort,1829, p. 78).
Force est (était) de (loc. verb. impers.). Il est (était) nécessaire de. Il fallut bien se soumettre, car ce roi les eût envoyés en prison. Force était d'obéir avec docilité (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24, p. 352).Force nous avait été de la former, cette junte; elle parlait aux Espagnols au nom de leur roi; elle amenait les généraux des Cortès à traiter avec une autorité de la patrie (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 197).
Il est force de (rare). Ces prédications gasconnes sont utiles dans l'ordre civilisé, où il est force d'abuser le peuple sur son malheureux sort (Fourier, Nouv. monde industr.,1830, p. 24).
C.− Contrainte ou pouvoir de contrainte. Synon. coercition, violence.
1. Toujours au sing. [Sans déterm. ou avec l'art. de la généralité] La force prime le droit; préférer la ruse à la force. Il pouvait prêter force à la justice, s'il le fallait, mais jamais se venger par sa seule puissance (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24, p. 280).Les privilèges de naissance et de dignité, créations illégitimes de l'ignorance et de la force brutale (Proudhon, Propriété,1840, p. 184).L'abus de la force sous le manteau de la justice (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 48).
Coup de force. Intervention militaire ou de police. Synon. raid, descente.Certaines [filles] restaient paralysées sur la porte des cafés, dans le coup de force qui balayait l'avenue (Zola, Nana,1880, p. 1315).Réaliser un coup de vive force contre nos positions avancées (cf. Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 213):
22. Quelques jours après le 1ermai, Rosenthal, qui tremblait de colère en pensant aux quatre mille cinq cents arrestations préventives que le préfet de police avait organisées cette année-là, écrivit un pneu à Simon pour le prier de venir le voir, comme s'il avait été pressé de riposter aux coups de force de la police. Nizan, Conspir.,1938, p. 87.
Mesure de violence, en violation du droit ou de la loi. [Le peuple] attendrait en vain, pour un coup de force et de dictature de classe, l'occasion d'une révolution bourgeoise (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. xxxi).
Épreuve de force. Conflit dans lequel chacun des adversaires ou l'un d'eux veut triompher de l'autre. En septembre 1938, raconte Marat, la CGT donna l'ordre d'une grève générale de 24 heures que les patrons et le gouvernement décidèrent de briser : ce fut une épreuve de force (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 173).
Maison* de force.
2. P. méton., souvent au plur. Ensemble des moyens humains et techniques permettant d'exercer la coercition. Les forces armées; les forces de police, de l'ordre; la force d'intervention coloniale. La Convention, pour accroître ses forces, donna des armes à quinze cents individus dits les patriotes de 89 (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 338).Les Anglais rassemblèrent toutes leurs forces de mer (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24, p. 104).
Force de défense :
23. Et puis la foule qui a le sentiment très juste qu'il faut préserver nos forces de défense, prête à suivre qui lui montrera que le meilleur moyen de fortifier l'armée c'est d'en faire l'armée de la nation, non d'une caste en décadence au service de l'église romaine... Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 231.
Force publique. Ensemble des forces chargées de maintenir l'ordre public (cf. Barr. 1974).
Force de frappe ou, plus rarement, force de dissuasion. Force offensive mettant en œuvre l'arme atomique :
24. Il faut que nous sachions nous pourvoir, au cours des prochaines années, de ce qu'on est convenu d'appeler une « force [it. ds le texte] de frappe » susceptible de se déployer à tout moment et n'importe où. Il va de soi qu'à la base de cette force sera un armement atomique. De Gaulle, 3 nov. 1959ds Gilb. 1971.
F.F.I.* (Forces Françaises de l'Intérieur).
3. Loc. adv.
Par force. En ayant recours à la force; en se soumettant à la force. Nous nous disions que le gouvernement ne reposait que dans une poignée de gens, qu'il ne durait que par force, qu'il était en horreur à la nation (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 449).Tout son argent s'en allait pour elle. Et quand il n'en avait plus, il tentait de la garder par force (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 172).
De (vive) force. En ayant recours à la force. Il fallait enlever la barricade, entrer de vive force (About, Roi mont.,1857, p. 266).
De gré ou de force. Volontairement ou non. Tu entends bien, je n'ai plus le sou, et, de gré ou de force, par contrainte ou par amour, il faut que mon frère ouvre sa bourse! (Gobineau, Pléiades,1874, p. 95).
En force. En nombre, de manière à dominer. Je conçois que tous les honnêtes gens, que tous les intrigans de la République, pourront bien se réunir en force, dans les assemblées primaires, abandonnées par la majorité de la nation (Robesp., Discours,Guerre, t. 8, 1792, p. 189).Vive le roi! crièrent les convives, parmi lesquels les ministériels étaient en force (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 677).Avec des moyens militaires suffisants, sinon supérieurs. L'ennemi n'était pas encore en force pour commencer le siège; il nous tenait seulement étroitement bloqués (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 107).Au fig. Le tumulte des pulsions systématise un retour en force de l'instinct que d'autres événements manifestent (Mounier, Traité caract.,1946, p. 11).Synon. de de force, par force.Il ne nous reste plus à envisager que l'intervention en force (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 232).
À force ouverte (vx). Des circonstances telles que le chef du pouvoir exécutif ne puisse pas soutenir, à force ouverte, ses volontés arbitraires (Sieyès, Tiers état,1789, p. 63).Les adeptes de J.-J. Rousseau, tranchans comme leur maître, attaquèrent à force ouverte les principes de l'ordre social (Bonald, Législ. primit.,t. 1, 1802, p. 92).
II.− [La force comme degré d'intensité de qqc., ou exprimant une grandeur, une quantité]
A.− Intensité.
1. [En parlant d'un acte accompli par un être vivant] La force d'un coup, d'une ruade.
Avec force. Frapper avec force sur l'épaule de qqn. Il aspire et respire avec force, le souffle raclant entre les mâchoires rapprochées (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 43).
2. [En parlant d'un comportement hum., d'un sentiment] La force de son penchant, de ses sentiments. La malade n'avait pas encore consenti à en prendre [d'un médicament], mais sa résistance diminuait de force à chaque fois (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 204).
[En parlant d'un acte de pensée, de création esthétique] La force d'un raisonnement, la force du style.
Dans toute la force du terme, du mot. Au sens non affaibli du mot. Il était, dans toute la force du terme, ce qu'en vénerie on appelle un chien sage (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 570).[Rembrandt] un génie romantique dans toute la force du mot, un alchimiste de la couleur, un magicien de la lumière (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 55).
Avec force. Mon soupçon revint avec force (Jouve, Scène capit.,1935, p. 214):
25. L'orateur développait ce thème avec force, sans acrimonie, avec un ascendant de parole qui ne s'était jamais manifesté plus victorieusement. Vogüé, Mort,1899, p. 367.
3. [En parlant d'un rayonnement, d'une vibration, etc.] La force du soleil, de la lumière. Le gaz (...) éclairait de toutes ses forces les murs aveuglants de blancheur (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 121).Titien lui-même n'a pas cette force profonde de couleur et cette intensité de lumière [qu'a Rembrandt] (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 58).
B.− [Exprime une grandeur, une quantité]
Force d'un cuir, d'une peausserie. ,,Son épaisseur, mesurée en mm ou en fractions de mm`` (Rama 1973).
Force d'une toile, d'un carton, d'un papier. ,,La quantité de matière qui y est incluse, mesurée généralement en grammes par mètre carré`` (Rama 1973).
Force de corps (typogr.). Hauteur d'un caractère indiquée en points typographiques.
Force d'un acide, d'un vin. Degré de concentration d'une solution, d'un mélange (indiqué en degrés alcooliques pour le vin et le vinaigre).
C.− Loc. (exprimant l'idée de quantité ou d'intensité).
1. À force de (loc. prép.), à force (loc. adv.).
a) À force de. À cause de la quantité, de l'intensité de.
À force de + subst.[Julien] arriva séduit, admirant, et presque timide à force d'émotion (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 282).Cet air lourd et parfumé, à force de jonquilles et de roses dont l'appartement était plein (Bourges, Crépusc. dieux,1844, p. 218).Dans un paysage lunaire à force de dévastation (Benoit, Atlant.,1919, p. 106).La femme eût voulu l'arrêter à force de tendresse (Malraux, Espoir,1937, p. 510).J'en sortis enfin, à force d'insistance (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 353).
À force de + inf.Synon. tant, tellement (+ prop.)Ma langue saigne à force de répéter depuis six ans ce mot effroyable : merci (Montherl., Malatesta,1946, IV, 4, p. 516).
b) À force. Synon. de à la longue.De plus, en menaçant toujours sans frapper jamais, à force, on aura fait le jeu de l'Allemagne (Jaurès, Guêpier marocain,1914, p. 95).
2. Force + subst. au plur., vieilli, adj. indéf. Synon. de beaucoup de.Ainsi on ne verrait plus ni Saint-Barthelemy, ni frondes, ni dragonnades, ni révolution, ni contre-révolutions, qui, après force coups et grand massacre de gens, tournent toutes au profit de la susdite valetaille (Courier, Pamphlets pol.,Aux âmes dév. Véretz, 1821, p. 89).Ce spectacle a paru satisfaire beaucoup la société de chez Doyen, qui a jeté force sous aux musiciens et aux bateleurs (Delécluze, Journal,1827, p. 438).Pèlerinage de sainte Anne; force boutiques autour (Michelet, Journal,1831, p. 95).[Il] se vanta d'avoir, après force démarches, fini par découvrir un certain Langlois (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 122).
[Suivi d'un subst. sing. non nombrable] [Ils] sablaient force champagne (Béranger, Chans.,t. 3, 1829, p. 139).Puis force joli papier pour lui écrire une lettre par quinzaine (Balzac, E. Grandet,1834, p. 52).Donne force pâture à ta grande fournaise (Barbier, Iambes,1840, p. 38).
3. Faire force de (vx). Naviguer le plus rapidement possible. Faire force de rames :
26. Nous fîmes force de nos mauvaises voiles et de nos plus mauvaises rames et, pendant que nous nous démenions, la paisible frégate continuait à prendre son bain de mer et à décrire mille contours agréables autour de nous, faisant le manège... Vigny, Serv. et grand. milit.,1835, p. 171.
4. À force. En redoublant d'effort. [Il] fit travailler à force à la mettre [une ville] en état de défense (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 354).On fouille à force à Pompeï, et on publie les nouvelles découvertes dans de magnifiques livraisons (Taine, Voy. Ital.,t. 1, 1866, p. 92).Il ne bougeait plus. Il ne respirait plus. Il était comme de la terre. On entendait seulement ce bruit d'étoffe que faisait le sang en coulant à force, de lui (Giono, Gd troupeau,1931, p. 105):
27. C'était une journée où il aurait fallu partir plus tôt, marcher, grimper vite, et, le sommet atteint, redescendre rapidement, gagner à force sur la menace du gros temps. Peyré, Matterhorn,1939, p. 221.
Rentrer à force. Rentrer en pressant, en bourrant.
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀs]. Enq. : /foʀs/. Homon. forces (cisailles); formes de forcer. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 « (d'une personne) énergie, vigueur physique » ma force e ma baldur (Roland, éd. J. Bédier, 2902); b) ca 1135 « faculté morale, pouvoir capable de produire tel effet » (Couronnement Louis, 146 ds T.-L.); ca 1200 « énergie, courage » Force et pooir (Chastelain de Couci, Chansons, éd. A. Lerond, III, 22); ca 1200 « degré d'intensité d'un sentiment » (G. Brulé, Chansons, éd. H. P. Dyggve, LVI, 44 : force d'Amour); c) 1669-73 « capacité intellectuelle » (Boil., Art poét., 1, 166 ds Littré); d) 1690 vers, tableau d'une grande force (Fur.); 2. a) ca 1100 « emploi de moyens violents pour contraindre la volonté des autres » par force e par vigur (Roland, 3683); 1176-81 « violence » (Chr. de Troyes, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 1214); b) 1176 « ensemble de personnes armées » (Id., Cligès, éd. A. Micha, 3395); c) 1566 « pouvoir qu'exercent certaines notions abstraites » (Bodin, Rep., I, XI ds Gdf. Compl.); d) 1690 la force du sang de la parenté (Fur.); 3. a) ca 1200 « importance numérique, quantité » (Chevalier cygne, 221 ds T.-L.); mil. xiiies. force de + subst. « beaucoup de » (J. de Thuin, Jules César, 113, 7, ibid.); b) 1784 impr. force de corps (Encyclop. méthod. Mécan. t. 3); 4. a) ca 1208 « degré de puissance, d'intensité d'un agent physique » a force de rimes [rames] (Villehardouin, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 467); b) 1690 « capacité de résistance, de solidité d'une chose » (Fur.); c) 1690 « degré de rendement, d'efficacité » (ibid. : la rheubarbe est une racine qui a la force de purger); 5. 1580 « principe de mouvement et d'action » force attractive (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, livre I, chap. 21, p. 133); 1783-88 les forces [de l'univers] (Buff., Min., t. IX, p. 5 ds Pougens ds Littré). Du lat. imp. fortia, neutre plur., pris pour subst. fém. sing., de l'adj. fortis, v. fort. Fréq. abs. littér. : 34 566 (force-travail : 4). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 51 946, b) 41 018; xxes. : a) 46 578, b) 52 685. Bbg. Flutre (L. F.). A. fr. a force faite. Romania. 1956, t. 77, pp. 514-515. − Gohin 1903, p. 354. − Launay (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau. Genève-Paris, 1977, pp. 107-108. − Quem. DDL t. 11. − Tilander (G.). Die Wissenschaft kann der Papierflut nicht mehr Herr werden. In : [Mél. Rheinfelder (H.)]. Münich, 1963, pp. 339-344. − Vildé-Lot (I.). Fr. mod. 1965, t. 33, pp. 309-310.

FORCER, verbe.

FORCER, verbe.
I.− Exercer une vive pression sur.
A.− Emploi trans. [Les masseurs qui] moulaient, pétrissaient, écrasaient sous leurs paumes ointes les muscles un à un, tiraient et forçaient les jointures (Martin du G., Devenir,1909, p. 60).La grande barre de fer, où quatre hommes sont attelés, s'arrête de forcer les charpentes (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 223).
Fausser en exerçant une pression trop forte. Sous peine de forcer la barre, il ne faut pas serrer un côté du châssis avant d'avoir arrêté l'autre par les coins (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p. 294).
Faire pénétrer en poussant fort. Synon. bourrer.L'étable de troncs bruts entre lesquels on avait forcé des chiffons et de la terre (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 58).
Faire céder, fracturer. Forcer un coffre, une serrure :
1. Je vois un type sans col, chemise sale, gilet ouvert et pantalon à raies, en train de forcer des robinets à bière. Malraux, Espoir,1937, p. 589.
B.− Emploi abs. Avant que la nécessité s'impose à nous de forcer à bloc et que le corps crie sous le cric (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 63).Le menton appuyé sur la nuque de Paul, forçant avec sa grande force de charpentier, avec ses vingt-six ans solides (Giono, Batailles ds mont.,1937, p. 121).
Forcer + compl. locatif.Pièces qui s'emboîtent juste et qui forcent l'une sur l'autre (Romains, Vie unan.,1908, p. 258).Le petit taureau qui joyeusement chargeait le picador, forçait sur le fer (Montherl., Bestiaires,1926, p. 421).Un bateau longeait la rive... Il forçait contre courant (Céline, Mort à crédit,1936, p. 254).
II.− Augmenter la force, l'intensité de quelque chose au delà de la limite normale.
A.− Augmenter l'intensité, le rythme de quelque chose. Synon. intensifier, pousser, renforcer.
1. Emploi trans. Forcer l'allure, le pas. Il força les feux, pour chauffer les pièces (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 39).Aline calcula-t-elle mal la dose? ou voulut-elle la forcer?... Elle en prit tant, qu'une heure après elle était morte (Gide, Journal,1902, p. 112).
Rem. Vieilli ou région. Augmenter. Elle forçait ses approvisionnements comme si Paris eût été menacé d'un siège (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 163). Un courage inutile assaillit le Survenant. Une ardeur nouvelle força son sang (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 191).
Forcer de (vieilli).Et la noire gondole força de rames, se glissant le long des palais de marbre (Bertrand, Gaspard,1841, p. 212).Elle fuyait (...) poursuivie par les sangliers qui filaient ventre à terre. J'avais beau forcer de vitesse, je n'arrivais pas (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 156).
Au fig. Pousser trop loin. Synon. exagérer, outrer.Forcer son style, son talent. Quand il faut s'arrêter, il continue. On veut forcer l'analyse, et tout se disperse en atomes (Reybaud,J. Paturot,1842,p. 282).Ça nous faisait en calculant juste, sans forcer du tout les chiffres, à peu près dans les trois millions (Céline, Mort à crédit,1936, p. 518).
Forcer les limites. Aller au delà de. Prenez garde à votre défaut. Vous forcez les limites de la nature humaine; vous la faussez par votre grandeur (Renan, Drames philos.,Abbesse Jouarre, 1886, V, 2, p. 673).
Forcer le ton. Exagérer. Les mauvais Français nous accusent de forcer le ton et de faire parade de sentiments conventionnels (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 180).
Emploi pronom. Sa voix frêle se força si drôlement sur la dernière syllabe qu'il crut devoir achever par une petite toux aiguë de coquette (Bernanos, Imposture,1927, p. 383).
2. Forcer sur.Insister avec excès. Synon. en rajouter (fam.).Je forçais un peu sur la note... je faisais de la consolation... je faisais ce que je pouvais... Alors elle tournait en fontaine... − Pleurez pas madame! Pleurez pas!... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 663):
2. À la vérité, il forçait un peu sur le sublime : c'était un homme du xixesiècle qui se prenait, comme tant d'autres, comme Victor Hugo lui-même, pour Victor Hugo. Sartre, Mots,1964, p. 15.
B.− Hâter la croissance de plantes, la maturation de fruits (cf. forçage).
Au fig. Modifier artificiellement ce qui vient de la nature. Mais, je vous demande, est-ce qu'on peut forcer son tempérament. C'est de naissance! (Bernanos, Imposture,1927, p. 468):
3. ... je ne vis vraiment, que si je fuis la vie au sens courant du terme, dans l'exaltation ou dans la création; et ce qui doit se passer dans les autres moments, c'est qu'exaspéré de ne point parvenir à vivre autrement, je veux alors, si je puis dire forcer [it. ds le texte] la vie, la susciter, fût-ce artificiellement... Du Bos, Journal,1926, p. 104.
C.− Imposer à (une personne, un animal) un effort au-delà de ses capacités physiques normales. Forcer un cheval. Tu as modifié ton programme, tu as couru une épreuve qui n'est pas faite pour toi, tu as forcé ton organisme (Montherl., Olymp.,1924, p. 318).
III.− Dominer en usant de la force, de la violence. Synon. contraindre.
A.− [Le compl. désigne un animé]
1. Poursuivre (un gibier) jusqu'à ce qu'il soit à bout de force. Synon. réduire aux abois.Partout ils [les loups, les renards] trouveront un lièvre à forcer ou un agneau à ravir (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 86):
4. Dans les bois des environs, on forçait un malheureux cerf et le grand hourvari des aboiements arrivait jusqu'à nous. Un vieux monsieur à cheval est passé, sanglé dans son habit rouge et le nez surmonté d'un binocle. Green, Journal,1938, p. 158.
Forcer (qqn) dans (ou autre compl. locatif).Synon. acculer, cerner.Forcer l'ennemi dans ses derniers retranchements. Le réduire à merci :
5. Les autres vaches, ils me rebousculent, ils me poussent, ils sont les plus forts... Ils sont extrêmement brutaux... Ils me projettent dans l'escalier... Ils écoutent même pas ma mère... Ils me forcent dans la pièce en-dessous... Je prends tous les coups, comme ils viennent... Je résiste plus... Céline, Mort à crédit,1936, p. 390.
P. métaph. La dialectique, poursuivant passionnément cette proie merveilleuse, la pressa, la traqua, la força dans le bosquet des notions pures (Valéry, Variété IV,1938, p. 245):
6. Nous rentrerons sans doute un peu dans nos raisonnemens antérieurs; mais il le faut pour poursuivre et forcer dans son dernier retranchement la théorie de Locke. Cousin, Hist. philos.,t. 2, 1829, p. 439.
2. P. anal. Obtenir de haute lutte. Au combat, ces garçons (...) enfonçaient n'importe quelle troupe et forçaient la victoire (Pourrat, Gaspard,1922, p. 224).L'espoir de forcer la chance (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 220).
Prendre une femme de force. Synon. violer.Un homme qui va forcer sur un lit une femme qu'il épouse parce qu'il n'a pas découvert d'autres moyens de lui voler sa dot (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 25).
3. SP., rare. Attaquer un adversaire pour le réduire à la défensive (cf. forcing). Tu t'es obstiné à jouer fignolé devant un adversaire qui n'avait plus de souffle, au lieu de le forcer par un jeu rapide (Montherl., Olymp.,1924, p. 291).
B.− [Le compl. d'obj. désigne un inanimé concr.] S'emparer d'un lieu, obtenir le passage vers (un lieu) en recourant à la violence. Forcer une ville. Reconquérir Metz et Strasbourg, et par là forcer les accès faciles de Paris (Barrès, Cahiers,t. 13, 1921-22, p. 179):
7. ... le solitaire se ramasse. C'est forcer le passage ou mourir qu'il faut! Le chien l'étourdit de son hurlement sans oser l'assaillir : il va le charger; déjà il baisse ses défenses. Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 11.
8. Et d'ailleurs tu sais nos conventions, je fonce droit devant moi, toujours. Si la vie n'est qu'un obstacle à forcer, je la force, je sortirai de l'autre côté tout écumant, tout sanglant. Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1381.
Forcer la porte de qqn. Parvenir auprès de quelqu'un malgré la consigne de n'ouvrir à personne :
9. Pardonnez-moi de forcer votre porte. (Regardant vers Christine). Ah! elle est encore là! Je craignais d'arriver trop tard. (Il prend Christine par la main, la fait lever). Vous permettez... et je l'emmène! Montherl., Celles qu'on prend,1950, III, 5, p. 826.
Forcer la consigne. [Même sens] . Decraemer veillait la petite morte. Il n'avait voulu voir personne. Mayet son comptable, un matin, força la consigne (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 145).
Au fig. La pensée d'Hélène avait été prompte à forcer la maison, le repos de Vial (Colette, Naiss. jour,1928, p. 39).Je crois bien que j'ai rêvé d'Allan : cet être qui m'absorbe depuis huit jours va-t-il forcer jusqu'à mon sommeil? (Gracq, Beau tén.,1945, p. 67).
IV.− Mettre dans la nécessité d'accomplir une action.
A.− Forcer à, forcer de.Synon. contraindre, obliger.
1. [Le compl. indir. est un inf.]
a) [À la forme active, la prép. est soit à, soit de (70 % pour à, 30 % pour de dans le corpus littér. TLF)] Ceux-ci entrèrent parce que nous les y forçâmes (Leroux, Parfum,1908, p. 111).[Quelqu'un] qui voudrait m'influencer, me contrôler, m'embrigader. Me forcer à dire autre chose que ce que je voulais dire (Montherl., Notes théâtre,1954, p. 1074).Une sourde inquiétude le forçait à aller et venir (Green, Moïra,1950, p. 39).Cette triste myopie qui le [l'écrivain] forçait à examiner de tout près chaque objet (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 14).
Forcer de + inf.Elle me força de rester immobile et de la regarder sourire (Jouve, Scène capit.,1935, p. 223).Cette indigestion qui te forcera de te refaire en ta maison (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 876).Quelque chose le força d'écouter ce bruit doux et tranquille (Green, Moïra,1950, p. 32):
10. Nous-même qui aspirons à la vie éternelle, nous qui en avons reçu l'espérance, un chant humain suffit pour nous forcer d'aimer, pendant quelques instants, le désespoir... Mauriac, Journal 2,1937, p. 122.
Emploi abs. Attendez! Je ne veux forcer personne. J'ai pour principe d'être correct (Camus, État de siège,1948, p. 217).
Rem. Ne se construit gén. pas avec une complétive. Par exception : ah, qui se donne comme il faut, il forcera bien qu'on l'accepte! (Claudel, Part. midi, 1906, I, p. 1012).
b) [À la forme passive, la préposition est de] Quand il sera forcé par la faim de redescendre (Zola, Germinal,1885, p. 1338):
11. Par exemple, je suis forcé de reconnaître qu'il n'est pas encore bien joli; il est probable que cela viendra plus tard... Loti, Mon frère Yves,1883, p. 194.
Rem. La constr. avec la prép. à est répandue dans les œuvres antérieures au xixes. On la trouve encore parfois sous la plume d'écrivains de la 1remoitié du xixes. Nous espérons être vainqueurs si nous sommes forcés à combattre (Lamart., Corresp., 1832, p. 291; cf. aussi Id., Chute, 1838, p. 996). [Elle] attendait d'être forcée à parler (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 297). Forcée à vivre de mon travail de chaque jour (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 302). Tu es donc forcée à prendre un brave garçon inférieur (Flaub., Corresp., 1863, p. 124; cf. aussi Id., Hérodias, 1877, p. 152).
2. [Le compl. indir. est un subst. verbal (action ou état); la prép. est toujours à]
[À la forme active] On peut le molester, mais on ne saurait le forcer au travail (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 305).La maladie qui, apparemment, avait forcé les habitants à une solidarité d'assiégés (Camus, Peste,1947, p. 1355):
12. Il répondit « oui », voulant forcer son visage à une expression désolée, mais les deux hommes s'étaient pénétrés d'un coup d'œil... Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Hérit., 1884, p. 488.
[À la forme passive] Le bilieux est forcé aux grandes choses par son organisation physique (Stendhal, Hist. peint. Ital.,t. 2, 1817, p. 46).Mais, que veux-tu? On est forcé à des ménagements (Zola, Œuvre,1886, p. 170).[J'étais] un peu gêné, non pas pauvre, mais pauvret, mais soucieux, forcé à une économie de tous les instants (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Divorce, 1888, p. 1095).
Contraint et forcé. [Expression à valeur intensive] [Il] se taisait farouchement, n'ouvrait la bouche, contraint et forcé, que pour nier contre toute évidence (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 78).
B.− Forcer + subst. d'action.Ma rancune revient, de sentir si près de moi celle qui a forcé la tendresse de cette petite Aimée si peu sûre (Colette, Cl. école,1900, p. 65).Mais avant qu'elle eût pu s'écarter, il avait glissé à ses pieds et posé la joue contre sa hanche, comme un enfant qui veut forcer le pardon (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 663).La famille du maquignon donnait l'exemple avec une vigueur qui forçait l'admiration (Aymé, Jument,1933, p. 13).Il avait les yeux fiévreux, une agitation qui cette fois parut forcer l'attention du docteur (Peyré, Matterhorn,1939, p. 225):
13. L'ordre dans lequel les pensées nous sont présentées, toute la composition même du livre n'ont d'autre objet que de gagner, sans jamais le forcer, notre assentiment. Du Bos, Journal,1922, p. 60.
C.− Forcer la main à qqn.Imposer quelque chose à quelqu'un contre son gré. Je n'aime pas cette façon de me forcer la main. Tu me traînes à cet acte. Tu commences, pour m'obliger à finir (Camus, Malentendu,1944, II, 8, p. 159):
14. Drôle de fille! Il fallait toujours qu'elle vous arrachât de haute lutte ce qu'on était tout disposé à lui donner. Henri était certain qu'elle avait machiné sa grossesse, en trichant sur les dates, pour lui forcer la main; et après ça bien sûr, elle s'était convaincue qu'en le mettant devant le fait accompli elle l'avait seulement aidé à prendre conscience de ses vrais désirs. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 540.
Avoir la main forcée. Se voir imposer quelque chose contre son gré. Il semble qu'il veuille avoir la main forcée, de façon à être couvert par un ordre, par une imposition ministérielle de son rôle (Goncourt, Journal,1865, p. 199).On le menaçait de se passer de lui, (...) il avait donc la main forcée (Hugo, Corresp.,1852, p. 123).
V.− Verbe pronom.
A.− Se forcer.Faire des efforts pour aller contre une réaction naturelle, pour faire une chose qu'on n'a pas envie de faire. Elle dut lui couper sa viande. − Forcez-vous un peu, répétait-elle. Le vieux restait le nez dans son assiette (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 233).Le moderne ne réussit pas à Londres; parfois les urbanistes anglais se forcent; ils imaginent alors une cage de verre (comme celle du Daily Express, dans Fleet Street) (Morand, Londres,1933, p. 73):
15. Il vint en avant, il vint encore un peu en avant, puis il s'arrêta, comme n'osant pas aller plus loin; pourtant, la nuit était tout à fait venue. Il était dans une nuit d'autant plus noire qu'il y manquait les étoiles, il aurait pu venir sans crainte, alors quoi? Il a dû se raidir, il a dû se dire : « Il faut », et se forcer; puis s'avance, descend la pente. Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 205.
B.− Se forcer à (pour).Synon. se contraindre à, s'obliger à.Se forcer à sortir. Il serrait les mâchoires, mordait ses lèvres pour se forcer à la maîtrise de soi (Montherl., Songe,1922, p. 134).La nécessité de s'imposer dans un sens qui n'était pas celui de sa nature, de se forcer pour rire (Montherl., Songe,1922p. 58).
Rem. Se forcer de est rare. Il se força de ne point allonger le pas malgré qu'il l'eût très élastique (Gide, Caves, 1914, p. 723; cf. aussi Id., ibid., p. 833). Je m'approchai de la bergère, je me forçai d'arriver jusqu'à son corps, qui me terrifiait (Jouve, Scène capit., 1935, p. 200).
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀse], (il) force [fɔ ʀs]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Faire céder par la force a) xies. « faire violence (à une femme) » d'apr. FEW t. 3, p. 730a; xiiies. [ms.] (Chr. de Troyes, Chevalier Charrette [var. ms. V] 1321 ds T.-L.); ca 1200 plus gén. (Antioche, éd. P. Paris, VIII, 1381); b) ca 1230 « prendre de vive force une position militaire » ici pronom. (Chevalier deux épées, 9496 ds T.-L.); cf. 1588 Alexandre forçant la ville (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, livre I, chap. 1, p. 30); c) mil. xves. « exercer une pression morale sur autrui » (Ch. d'Orléans, La Retenue d'amours, éd. P. Champion, 83); d) av. 1549 « vaincre, maîtriser ses propres sentiments » forcer sa complexion (Marg., Lett., 78 ds Littré); e) 1552 « s'assurer la maîtrise de quelque chose » forçant ton Destin (Ronsard, Odes, livre V, IX, 27 ds Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 3); f) 1573 forcer la porte (Dupuys); 2. pousser au-delà de l'activité normale, de l'état normal a) ca 1210 « fausser, tordre » (Estoire d'Eustachius d'apr. Lar. Lang. fr.); b) 1573 forcer un animal (Dupuys); 1605 [éd.] plantes forcées (O. de Serres, 545 ds Littré); c) 1668 forcer son talent (La Fontaine, Fables, éd. H. Régnier, livre IV, 5, vers 1); d) 1690 forcer son stile (Fur.); e) 1859 emploi abs. « agir avec force, fournir un effort intense » (ici en parlant du vent) (Bonn.-Paris : le vent force lorsqu'il augmente); 1910 (Claudel, Gdes odes, p. 239). Prob. d'un lat. vulg. *fortiare, du lat. fortia, v. force. Fréq. abs. littér. : 4 176. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 524, b) 6 477; xxes. : a) 6 494, b) 6 621.

FORCÉ, ÉE, part. passé et adj.

FORCÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.− Part. passé de forcer*.
II.− Adjectif
A.− Qui dépasse la bonne limite. Synon. excessif, exagéré, outré.Alors nous jouons la comédie. Qu'elles sont bêtes, ô ma chérie, les pièces de salon du répertoire actuel. Tout y est forcé, grossier, lourd (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Moustache, 1883, p. 616).
Marche* forcée.
Rare. [Qualifiant un subst. désignant une pers.] [D'Annunzio] est tout le temps au bout de lui-même, tendu, forcé, paroxysé, et par moments il en est ridicule, car on craint une apoplexie (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 85).
B.−
1. Qui est exécuté sous la contrainte, qui est dû à une pression. Synon. obligatoire; anton. libre, volontaire.Rougon se prêta à ce nouvel interrogatoire, espérant tirer d'elle quelque confidence forcée (Zola, E. Rougon,1876, p. 74).Il ne s'agissait pas ici d'une retraite forcée, mais d'un mouvement préparant les opérations ultérieures (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 365):
1. N'était-ce point plutôt, pour une dernière et miséricordieuse tentative, l'écluse levée aux secrets hideux de l'âme, aux pensées venimeuses étouffées vingt ans, trente ans, l'aveu forcé, involontaire, matériel, pourtant encore libérateur... Bernanos, Imposture,1927, p. 368.
2. Et la vertu, ou puissance intime, par laquelle nous résistons à cet attrait de voler, c'est la justice. Non pas justice forcée, par gendarmes et juges, mais justice libre, justice de soi à soi... Alain, Propos,1935, p. 1247.
Carte forcée. Imposée par prestidigitation (cf. carte II C 1).
Conduite forcée. V. conduite C 1.
Spéc. Exécuté par décision de justice, par obligation légale. Arrêts forcés (v. arrêt I A 2); cours forcé (v. cours II B); emprunt forcé (v. emprunt A 2); résidence* forcée; travaux* forcés; vente* forcée.
2. Qui se produit indépendamment de la volonté; non voulu, non décidé. Synon. involontaire.Le bain forcé qu'elle avait pris sous le pont de Passy (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 337).Pendant cette halte forcée, la conversation roula sur les incidents de la guerre (Verne, Enf. cap. Grant,t. 3, 1868, p. 77).Ce séjour forcé à Paris, toute l'année, m'entraînerait à plus de dépenses (Flaub., Corresp.,1875, p. 205).Des jours de chômage forcé (R. Bazin, Blé,1907, p. 196):
3. Elle [la peste] veut que nous soyons heureux comme elle l'entend, non comme nous le voulons. Ce sont les plaisirs forcés, la vie froide, le bonheur à perpétuité. Tout se fixe, nous ne sentons plus sur nos lèvres l'ancienne fraîcheur du vent. Camus, État de siège,1948, p. 226.
Nécessaire, inéluctable. Le sentiment religieux n'existe pas naturellement, (...) il est le résultat forcé de l'éducation (Delécluze, Journal,1825, p. 190).L'action de la machine est une conséquence forcée des forces de la vapeur (C. Bernard, Notes,1860, p. 491).Ce fait décisif dont il restera à déterminer les conséquences forcées (Blondel, Action,1893, p. 335).
C'est, c'était forcé (fam.). Cela ne peut, ne pouvait être autrement. Elle vous expose, avec une conviction irrécusable, des nécessités stupéfiantes : − Le père était alcoolique; n'est-ce pas? C'était forcé : il avait été au Tonkin cinq ans (Frapié, Maternelle,1904, p. 255):
4. − (...) Et j'ai été sûr de t'avoir. Il respira, la moustache allumée d'un rire. Et il fit encore un pas : − Tu reviendrais chez toi, c'étais forcé. Genevoix, Raboliot,1925, p. 347.
C.− Qui n'est pas spontané, qui est le résultat d'un effort sur soi-même. Synon. affecté, contraint, factice.Et l'on organisait sans ardeur, avec une gaîté forcée, toutes ces petites surprises si douces dans une famille unie (Maurois, Ariel,1923, p. 30).Sur son vieux visage l'amabilité forcée du sourire de la marchande contrastait avec l'expression anxieuse du regard (Bourget, Actes suivent,1926, p. 155):
5. Comme votre ton est différent de celui d'autrefois! Il y a dans vos manières présentes je ne sais quoi de contraint et de forcé. Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 3etabl., 8, p. 1629.
Fréq. abs. littér. : 4 688. Fréq. rel. littér. : xixes. a) 8 566, b) 7 748; xxes. : a) 6 368, b) 4 645.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·