a) [En parlant d'une chose concr.] Complètement imprégné, gorgé (de quelque chose). Air saturé de poussière; terre saturée d'engrais; gâteaux saturés de rhum. Mon cœur triste doit ressembler à cette éponge saturée de fiel et de vinaigre, dont les Juifs imaginèrent de désaltérer le sauveur mourant (Bloy,Journal, 1894, p. 146).Le pays est noyé d'eau. Le sol, de nature argileuse, en est vite saturé et la rend (Pesquidoux,Livre raison, 1925, p. 106).− En partic. [En parlant de l'air] Rempli d'une odeur prononcée. Ville saturée d'odeurs marines. Tenant à la main une lampe, j'allais de pièce en pièce sans rouvrir les volets clos depuis plusieurs années, ni soulever les rideaux pleins de camphre. L'air y était pesant, saturé d'odeur (Gide,Nourr. terr., 1897, p. 187).Il humait avec gourmandise cet air léger, aigrelet, saturé des senteurs printanières de l'Île-de-France (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 864).
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P. anal., fam. [Sur le plan phys. et en parlant d'une pers.] Aujourd'hui, Daudet m'apparaît plus saturé de morphine que jamais (Goncourt,Journal, 1889, p. 1088).♦ En partic., pop. fam. Ivre, alcoolique. Le copain qui l'appuie à droite (...) entame un plaidoyer. Celui-là, aussi, est assez saturé pour ponctuer son discours de gestes larges et flottants (Vercel,Cap. Conan, 1934, p. 48).Et quand tu ne boirais par jour que la ration d'une demoiselle, n'importe. Tu es né saturé, mon pauvre bonhomme (Bernanos,Journal curé camp., 1936, p. 1191).
b) Spécialement − ÉCON. Marché saturé. Marché où les ventes cessent de s'accroître pour se stabiliser autour d'une valeur à peu près constante. Le marché des récepteurs de télévision ne paraît pas encore saturé. Les lentilles du Chili, qui sont de bonne vente, risquaient (...) de rester pour compte, car le marché français était pour l'instant saturé et on ne mangeait plus de légumes secs à ce moment de l'année (Duhamel,Passion J. Pasquier, 1945, p. 205).L'industrie du superphosphate voyait le marché français saturé du fait de la crise agricole et cherchait à compenser le rétrécissement du marché national par une politique d'exportations (Industr. fr. engrais chim., 1954, p. 46).
− LING. Corpus saturé. Corpus dont le dépouillement n'apporte plus d'informations nouvelles. Pour inventorier le vocabulaire de la bourrellerie, j'ai interrogé 20 bourreliers; au bout de mon 15eenregistrement, je ne découvre plus de termes nouveaux: les 15 enregistrements en question constituent un « corpus saturé » et suffiront à mon enquête (D. D. L.1976).
− LOG., MATH. [En parlant d'un système axiomatique] Caractérisé par la saturation. (Dict. xxes.).
− MATH. [En parlant d'un ensemble] Qui possède une propriété donnée, lorsque cette propriété n'appartient à aucun ensemble incluant le premier (d'apr. Uv.-Chapman 1956).
− TRANSP. [En parlant d'une voie de commun.] Dont le trafic est si intense que l'écoulement normal des véhicules est perturbé. Autoroute saturée au moment des départs en vacances; boulevards périphériques saturés. (Dict. xxes.).
− [En parlant d'un espace public, de la densité d'un habitat, etc.] Qui a atteint une capacité d'accueil maximale. Quartiers du centre ville saturés; parking saturé. La ville, saturée, ne pouvant accueillir de nouveaux habitants, on a fait surgir en hâte des cités suburbaines, vastes et compacts lots de boîtes à loyer ou interminables lotissements (Le Corbusier,Charte Ath., 1957, p. 54).La balance touristique de la France penche du mauvais côté. La montagne, plus que les plages saturées, pourrait, pense-t-on, aider à la redresser (L'Express, 9 janv. 1967, p. 58, col. 1).