Dans cette page, retrouvez les définitions de:

TROUÉE, subst. fém.

TROUÉE, subst. fém.
A. −
1. Trou, cavité formé(e) par l'action de creuser ou d'entailler (le sol, la roche, etc.). On n'apercevait (...) que des moulins, les roues des grues aux trouées des carrières, et la pépinière de Cels (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 167).
En partic. Large brèche laissée dans le sol (ou dans un objet quelconque) par l'explosion d'un engin de guerre. Les boulets faisaient des trouées dans les cuirassiers, les cuirassiers faisaient des brèches dans les carrés (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 400).
2. Ouverture, passage fait(e) dans un élément naturel (forêt, haie, etc.) ou dans un ensemble urbanisé pour le percement de rues, d'avenues. Synon. percée.On profita de la trouée déjà faite lors de la dernière excursion pour ouvrir une route praticable (Verne, Île myst., 1874, p. 542).
3. Ouverture, percée naturelle (due généralement à l'absence de végétation) permettant de découvrir certains éléments du paysage. Synon. échappée.Au travers des murs de charmille on apercevait çà et là, par les trouées du feuillage, une belle lune éclairant un paysage étendu et tranquille (Stendhal, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 311).D'antiques hêtres ombrageaient la scène, et, par une trouée, on apercevait un beau château assis sur une pelouse qui dominait la mer (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 113).
P. anal. Percée faite à travers un écran plus ou moins dense (brume, nuages, etc.) et laissant apparaître le ciel, le soleil, la lune. Synon. déchirure.Trouée d'azur, de lumière, de bleu, d'or. La brume était moins épaisse. Parfois, des trouées, des tunnels en elle, permettaient d'apercevoir les phosphorescences de l'eau à un mille (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 203).Tout à coup la lune se leva et, par une large trouée, inonda le sol (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 155).
P. métaph. C'était, brusquement, l'horizon fermé qui éclatait, une trouée de lumière s'ouvrait dans la vie sombre de ces pauvres gens (Zola, Germinal, 1885, p. 1278).
4. GÉOGR. Dépression naturelle entre deux massifs montagneux facilitant le passage d'une région à une autre, notamment en temps de guerre pour les armées en campagne. La trouée de Charmes, de l'Oise, d'Avranches, de Saverne. Du nord au sud, les armées entrent successivement en action. Le 14 [novembre 1944], c'est au tour de la IreArmée française. Il s'agit pour elle de forcer la trouée de Belfort et de déboucher en Haute-Alsace (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 135).
B. − P. anal.
1. ART MILIT. Brèche, percée faite dans les rangs ennemis et préparant ainsi le passage à d'autres troupes. On sait le reste: (...) les Français refoulés (...), une nouvelle bataille se précipitant à la nuit tombante sur nos régiments démantelés, toute la ligne anglaise reprenant l'offensive et poussée en avant, la gigantesque trouée faite dans l'armée française (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 406).Dans cette situation tragique, il [Jocelin II] résolut de s'ouvrir une trouée à travers les assiégeants. Les Arméniens (...) prirent le parti désespéré de le suivre (Grousset, Croisades, 1939, p. 164).
2. SPORTS (rugby). ,,Se dit de l'attaquant qui fonce et tente de franchir en force le rideau défensif`` (Petiot 1982). Lémond tente une descente, profitant d'une trouée, mais il échoue (L'Œuvre, 24 févr. 1941).
C. − Au fig., littér. ou vieilli
1. Passage à vide, moment de repos, de rupture avec le quotidien. Synon. coupure, interruption.J'ai été à la campagne passer trois jours ce qui a fait une grande trouée dans ma vie, et de là bien des retards (Sainte-Beuve, Corresp., t. 6, 1846, p. 526).Brusquement, il eut une de ces minutes de vertige, qui s'ouvrent de loin en loin dans la plaine de la vie. Une trouée dans le temps. On ne sait plus où on est, qui on est, dans quel siècle l'on vit, depuis combien de siècles on est ainsi (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 628).
2. Ouverture, voie ouverte à quelqu'un par un modèle, un précurseur. Enfin l'idée est lancée, la trouée est faite, c'est l'important. Plus d'un compositeur français voudra profiter des idées salutaires émises par Wagner (Baudel., Art romant., Richard Wagner, 1861, p. 517).
3. Progression spectaculaire, avancée rapide permettant de faire dans le monde une percée incontestable (par son talent, sa volonté, sa ruse, ses qualités d'orateur, intellectuelles, littéraires, etc.). L'avocat de Karr, avec une grande habileté mêlée à une certaine éloquence, poussa la plus belle trouée dans la déclamation de l'accusation (Goncourt, Journal, 1853, p. 98).J'ai souvent pensé avec étonnement à la trouée que les impressionnistes et que Flaubert, de Goncourt et Zola ont fait dans l'art (Huysmans, Art mod., 1883, p. 94).
Loc. Faire sa trouée. Faire son chemin, s'assurer une position confortable et stable dans la vie sociale et professionnelle. Synon. faire son trou*, faire une percée*.Il n'y a pas bien longtemps encore, un homme de bonne volonté faisait aisément sa trouée et choisissait sa voie (Taine, Notes Paris, 1867, p. 287).Je crois que maintenant notre trouée mondaine est faite et que je serai reçue partout (L. Daudet, Phryné, 1937, p. 90).
Prononc. et Orth.: [tʀue]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. Fin xves. trauee « ouverture, trou » (dans un mur par ex.) (Jean Molinet, Devise de Jehan du Gaughier, 21 ds Faictz et ditz, t. 2, p. 756); trauwee (Id., Prenostication de la Comette, 1, 72, ibid., p. 911); 1611 trouee « id. dans une haie » (Cotgr.); a) av. 1750 « (dans une forêt) endroit sans arbres, où les arbres ont été abattus » (St Sim., 29, 82 ds Littré); b) 1887 « endroit d'un champ où les plantes sont fauchées » (Zola, Terre, p. 141: les faucheurs élargissaient encore leurs trouées); 2. a) 1798 « ouverture faite dans une ligne ennemie par une charge, le canon, etc... » (Ac.); 1840 faire sa trouée « faire son chemin, réussir » (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, p. 21); 3. 1849 « espace dans les nuages découvrant le bleu du ciel » (Flaub., Tentation, p. 429); 1852 une trouée du ciel (Gautier, Italia, p. 15); 4. 1892 géol. « large passage naturel dans une chaîne de montagnes, entre deux massifs » la trouée de la Forêt-Noire (Zola, Débâcle, p. 11). Part. passé fém. subst. de trouer*. Fréq. abs. littér.: 396. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 224, b) 865; xxes.: a) 770, b) 565.

TROUER, verbe trans.

TROUER, verbe trans.
A. − [Le suj. désigne une pers. ou un animal] Faire un trou dans, traverser de part en part, percer.
1. [Le compl. désigne une chose]
a) [Le verbe exprime une action intentionnelle]
α) Imprimer en creux, faire un trou par enfoncement dans une matière meuble comme la terre, le sable. Le bœuf cède, en trouant la terre de ses cornes (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1878, p. 209).Les pas des chevaux (leurs pas de femmes) trouent le sable comme de la neige (Montherl., Encore inst. bonh., 1934, p. 688).
[Le suj. désigne une chose] Ses gros souliers trouaient et emportaient la terre grasse (Zola, Terre, 1887, p. 9).
β) Faire un trou en creusant pour se ménager un passage, un abri. Ce bruit de bonds, de pas (...) ce long ruissellement de bêtes qui trouent les halliers, les haies, les prairies (Giono, Chant monde, 1934, p. 86).
γ) Percer de part en part dans un but précis. Synon. perforer.Il est bien plus simple (...) de faire la boîte, puis de passer deux ou trois mois à la percer, à la trouer en tous sens, pour y placer les croisées, les portes, les tuyaux de calorifères (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 337).On troua ces planches aux deux extrémités, on les enfila dans les cordes (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 292).
δ) Se frayer un passage à travers, pratiquer une trouée dans. Et on vit, trouant une haie, des hommes en uniforme bleu qui avançaient, fusil au poing (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 433).P. anal. Un cheval sans cavalier se ruait, galopait, renversant des soldats, trouant la foule d'un long remous d'effroi (Zola, Débâcle, 1892, p. 366).
b) [Le verbe exprime une action non intentionnelle] Déchirer, faire un trou dans (un vêtement, une étoffe). Je n'ai rien pris du tout. J'ai troué mon filet (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 775).Alexis, ce n'est pas le moment de te couper les ongles de pied.Oui, mais je troue toutes mes chaussettes (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 148).
2. [Le compl. désigne un animé ou une partie du corps]
a) Arg., pop.
α) Trouer qqn.Blesser ou tuer par balle ou au moyen d'une arme blanche. Trouer la gorge, la poitrine, le ventre. Les drôles auraient bien pu se dispenser de nous attaquer, nous aurions passé comme des lettres à la poste, et je ne vois pas à quoi leur a servi de trouer nos hommes (Balzac, Chouans, 1829, p. 47).Il l'appela « son vieux Moloch », il lui raconta qu'il avait troué son adversaire, de part en part, comme un tamis (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1023).[Dans une tournure factitive] À moins que tu ne t'engages, ne te fasses un de ces matins glorieusement trouer pour la patrie (Vallès, J. Vingtras, Bachel., 1881, p. 364).
β) Trouer la peau. Pour toute raison, nous allons vous casser la gueule et vous trouer la peau (Renard, Journal, 1897, p. 446).J'apprendrai à ceux qui tiendront les mitrailleuses à vous dénicher et à vous trouer la peau (Magnane, Bête à concours, 1941, p. 434).[Dans une tournure factitive] Peuple, veux-tu te faire trouer la peau pour assurer des dividendes aux actionnaires du Creusot? (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 490).
b) Percer une partie du corps dans un but précis. Trouer les oreilles. Braunens se saisit de lui [le cochon], l'immobilisa et, en la trouant, lui passa un anneau de fer au travers de la narine (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 77).
B. − [Le suj. désigne une chose]
1. [Le verbe fonctionne comme un verbe d'action]
a) [L'action porte sur une chose]
α) Percer, ronger par son pouvoir corrosif. L'eau troue la roche. La plage où la mer troue De son flot obstiné le rocher dur et noir Vers la côte (Régnier, Sites, 1887, p. 135).Empl. abs. Les gargouilles rejetant loin les eaux de pluie qui trouent et rongent (Faure, Hist. art, 1912, p. 281).
P. anal. Le vin acide a fini par lui trouer l'estomac (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1578).
β) Faire un trou dans, provoquer une cassure, une déchirure dans. Il se fâchait, il écrivait son ordonnance d'une plume irritée, qui trouait le papier mince (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 960):
... le flot du monde derrière elle la jetait au milieu de femmes mordillant, avec les coins de leur bouche, les deux bouts de leur mouchoir de tête, au milieu d'hommes aux orteils trouant leurs espadrilles, aux vestes et aux culottes recousues de ficelles... Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 90.
b) [L'action porte sur un animé]
α) [Le suj. désigne une balle ou une arme blanche] La balle troua sa peau [du rhinocéros], comme une vrille (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 356).P. anal. (avec la douleur violente provoquée par une blessure) Il avait sommeil et des élancements violents lui trouaient le crâne (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 96).
β) Au fig. Trouer le cœur. Affecter, émouvoir profondément. C'est d'avoir ça devant moi qui me troue le cœur et me fend le crâne (Zola, Débâcle, 1892, p. 465).Ce rire trouait le cœur de Mmed'Orgel: « Cette enfant est ravissante » (Radiguet, Bal, 1923, p. 184).
2. [Le verbe fonctionne comme un verbe d'état ou est empl. au passif]
a) [Gén. au passif dans troué de]
α) [Le suj. désigne un élément naturel] (Être) creusé, percé naturellement de. Troué de cavernes, de cavités, de cratères, de crevasses, d'entonnoirs. J'avais fini par aimer d'un amour attendri et profond les montagnes décharnées, trouées de grottes sombres, les sables sans verdure et la route grise allongée entre des rochers de toutes couleurs (Du Camp, Nil, 1854, p. 270).Une terre qui vagabondait (...) en de stériles landes, trou-ées de mares d'eau rouillée (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 178).
β) (Être) creusé, percé de trous à la suite d'une explosion (bombe, obus). Des physionomies de villes trouées de boulets, saignantes, éventrées, des ambulances où se pressent les rats (Goncourt, Journal, 1858, p. 463).
γ) [Le suj. désigne une étoffe, un vêtement] (Être) déchiré, percé par l'usure ou pour des raisons diverses. Les draps eux aussi étaient troués par de la braise de cigarette (Montherl., Célibataires, 1934, p. 866).
δ) [Le suj. désigne une partie du corps] (Être) creusé ou percé par une cavité, un orifice anatomique ou pathologique. Visage troué de petite vérole. Tout souriait (...) dans son visage blanc, ses yeux de pervenche, ses joues et son menton troués de fossettes (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 706).C'était un homme (...) avec un visage long, chevalin, troué de deux petits yeux très vifs (Fabre, Lucifer, 1884, p. 87).
ε) Au fig. Présenter une solution de continuité, un vide donnant l'impression d'un trou.
[En rel. avec trou III A 1] Salle trouée de grands vides, spectateurs de glace (Goncourt, Journal, 1885, p. 431).
[En rel. avec trou III A 4] L'écu emprunté a vite fait de trouer la bourse (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 264).
[En rel. avec trou III A 5] Quotidien, ce travail [de la ménagère] (...) est troué d'attentes: il faut attendre que l'eau bouille, que le rôti soit à point (Beauvoir, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 242).
b)
α) Être percé, muni d'une ouverture destinée à recevoir portes, fenêtres, etc. Une haute muraille faite de pierres à peine dégrossies, sans ornements, sans fenêtres, trouée d'une seule porte massive et à moitié pourrie (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p. 92).Deux réduits entresolés, cachés par des rideaux à demi tirés, trouaient le mur du fond (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 273).
β) Percer, offrir des trouées pour le passage, l'aération. Des bosquets circulaires, aux angles des taillis que trouaient les sentes (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 76).Ces larges artères, en trouant les quartiers tassés du vieux Paris, vont découvrir et aérer [au XIXesiècle] d'antiques monuments (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 385).
C. − P. anal. ou au fig.
1. Traverser de part en part une matière dense en paraissant y faire un trou. Certains pics (...) trouaient les nuages gris et réapparaissaient au-dessus des vapeurs mouvantes (Verne, Voy. centre terre, 1864, p. 73).Un avion qui roule, bord sur bord, troue les nuages et tombe ailes en croix, dans la saulaie (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 254).
2. Donner l'apparence d'un trou par opposition avec un élément de contraste. Non plus des landes ou des bosquets trouant l'océan des cultures, mais des groupes de champs isolés au milieu de l'inculte généralisé (Meynier, Paysages agraires, 1958, p. 34).
3. [Le contraste de couleurs ou de lumière donne l'impression d'un trou dans le paysage]
a) Former une tache, vive ou sombre, donnant l'apparence d'un trou. Un cheval blanc, au loin, faisait une tache claire trouant l'ombre grise (Zola, Curée, 1872, p. 329).La fenêtre ne contenait plus qu'un grand vivier de ciel vert, troué de deux ou trois étoiles aux pulsations désordonnées (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 44).
b) Percer, apparaître au travers de. Ils attendirent sur le perron que les autres fussent prêts:sans parler, côte à côte, dans le brouillard épais que trouait l'unique lanterne allumée devant la porte de l'auberge (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 324).Les troncs se penchent sur leur reflet; des rayons obliques trouent les feuillages (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 705).
4. [Le contraste se fait entre le bruit et le silence] Synon. de déchirer, percer.Trouer le silence, les ténèbres. À chaque instant des trains passaient, trouant la campagne de leur rumeur, filant à toute vapeur vers des destinations inconnues (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 211).La voie aiguë de l'instituteur troua la nuit:Les femmes en arrière. Les hommes, lâchez vos fusils si vous en avez (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 146).
D. − Empl. pronom.
1. [Indique une action]
a) [Le suj. désigne un inanimé concr.] Se déchirer, se fendre sous l'effet de l'usure ou d'une autre action. Un examen attentif est nécessaire pour remédier aussitôt au moindre accroc, remettre un bouton qui manque, rétablir une couture défaite, consolider les parties claires avant qu'elles ne se trouent (Lar. mén.1926, p. 752).
b) [Le suj. désigne un élément naturel: eau, brume, nuages, etc.] C'était un voile opaque [le brouillard] qui se fendait par étroites zones, ou qui se trouait par petites brèches (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 12).Derrière nous, le fleuve fumant se trouait de déchirures, devant nous, il s'ouvrait béant, floconneux, sale (Cendrars, Moravagine, 1926, p. 271).
c) P. anal. [Le suj. désigne la voix hum.] Présenter des interruptions, des silences. Sa voix soudain se troue pour dire:Mon vieux Jem... mon vieux Jem...Oui... oui... disent simplement les autres (Martin du G., Devenir, 1909, p. 64).
2. [Indique un état] Présenter des creux, des cavités. Des épaules fort blanches et potelées que laissait à découvert l'échancrure du corsage et où se trouaient dans l'embonpoint deux fossettes appétissantes (Gautier, Fracasse, 1863, p. 105).
REM.
Troueur, -euse, subst.a) Ce, celui, celle qui troue. [Un] saumoneau, attiré vers la mer nourricière qui fera de lui, en un an, un (...) troueur de courant (Genevoix, Routes avent., 1958, p. 241).b) Synon. de poinçonneur.La troueuse de tickets ne poinçonnait plus que mollement (Arnoux, Double chance, 1958, p. 141).
Prononc. et Orth.: [tʀue], (il) troue [tʀu]. Ac. 1694: troüer; dep. 1718: trouer. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 trans. « creuser, évider » (Enéas, 892 ds T.-L.); 1160-74 troe part. passé adj. « percé d'un ou plusieurs trous » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, 2epart., 3271); ca 1170 intrans. « se percer de trous; être percé de trous » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2109); d'où 1881 pop. se faire trouer « se faire tuer » (Vallès, loc. cit.); 2. 1828 « traverser un milieu » ici part. passé adj. sentier troué par le pied du voyageur (Chênedollé, Journal, p. 131); 3. 1829 « faire une trouée dans » (Balzac, Chouans, p. 40: il [...] chargea sur le centre des Chouans avec une telle furie qu'il troua leur masse); 1856 en parlant de la lumière (Flaub., Corresp., p. 490); 1879 d'un son (Huysmans, Sœurs Vatard, p. 8: trouant de leur toux rauque les cris grêles des filles); 4. 1848 (en parlant d'une chose) « former une ouverture dans » ici part. passé adj. (Flaub., Champs et grèves, p. 294: un vieux pan de mur troué d'une porte en ogive); 1855 portes cochères trouent ce mur (Goncourt, Journal, p. 191). Dér. de trou*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 264. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 73, b) 571; xxes.: a) 706, b) 327. Bbg. Quem. DDL t. 39.

TROUÉ, -ÉE, part. passé et adj.

TROUÉ, -ÉE, part. passé et adj.
I. − Part. passé de trouer*.
II. − Adjectif
A. − [En parlant d'une chose]
1. Qui est percé d'un ou de plusieurs trous.
a) [En parlant d'un élément naturel] Percé de trous, de cavités naturelles. Roche trouée. Derrière lui, devant lui, au-dessus de lui des falaises trouées (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 80).
b) [En parlant d'une pièce usinée] Où l'on a volontairement percé un ou plusieurs trous dans un but précis. Les trous faits au bois ont 18 millimètres de diamètre; (...) puis on met sécher quelque temps le bois troué, dans un lieu sec et chaud (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 216).Une épingle de cravate avec perle.Une vraie perle, trouée, il est vrai (Barrès, Cahiers, t. 10, 1913, p. 15).
En partic. Qui possède une ouverture centrale. [Le camphre] nous arrive en masses rondes ou en pains ordinairement troués dans leur milieu (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p. 141).
NUMISM. Pièce trouée. Ancienne pièce de monnaie percée en son centre. (Ds Lar. encyclop.).
c) BÂT. Où l'on a pratiqué une ou plusieurs ouvertures dans un but esthétique ou utilitaire. L'ascension dans la flèche découpée et trouée à jour [de la cathédrale de Milan] n'a rien de périlleux, quoiqu'elle puisse alarmer les gens sujets au vertige (Gautier, Italia, 1852, p. 51).
En partic. Qui a subi les effets de l'usure ou de la dévastation. Noir tumulte. Les voix [des assaillants] n'avaient plus rien d'humain Et ma fenêtre était trouée à coups de pierres (Hugo, Année terr., 1872, p. 280).
d) [En parlant d'un lieu, d'un site géogr.] Que l'on a percé dans le but de pratiquer un chemin, un passage, une trouée. L'antique Afrique mystérieuse, aujourd'hui découverte, trouée de part en part, l'attirait (Zola, Fécondité, 1899, p. 661).
e) Au fig. [En rel. avec trou III A 3] S'il y avait un peu d'argent parfois, dans cette bourse toujours trouée, Il était pour les pauvres, les enfants et cet humble marchand de choses sucrées (Claudel, Poés. div., 1952, p. 862).
2. [En parlant d'une étoffe, d'un vêtement, d'un accessoire vestimentaire] Qui présente des trous souvent dus à l'usure ou à la vétusté. Blouse, bottine, chapeau, gant, guenille, habit, jupon, linge, manteau, nappe, robe, soulier, vêtement troué(e). Tous les matins je savoure une singulière éloquence; le beuglement des bœufs est à coup sûr plus littéraire que les leçons des professeurs de droit; les habits troués des pêcheurs, et recousus de fil bleu et blanc, sont plus beaux que les robes de docteurs bordées d'hermine (Flaub., Corresp., 1842, p. 12).J'ai fait de longs détours parce qu'il fallait que je descende des marches et que j'avais des bas troués aux genoux (Anouilh, Sauv., 1938, II, p. 208).
[P. méton.; en parlant d'une pers.] Les parents finauds (...) lui envoyaient leur marmaille, les plus troués, les plus chétifs, pour l'apitoyer davantage (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 897).
[Dans un cont. métaph.] Pourquoi ne pas dire hardiment des choses logiques au lieu de se couvrir du manteau infiniment troué de la vieille morale (Le Dantec, Savoir!1920, p. 47).
B. − [En parlant d'une pers. ou d'un animal]
1. [En parlant d'une formation milit.] Désuni, désorganisé par l'incursion de lignes adverses dans ses propres rangs. Les lignes anglaises sont trouées ou ébranlées de toutes parts (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 3, 1862, p. 146).
2. [En parlant d'une partie du corps] Le prêtre lui trouva un rire de diable [à la chèvre], avec sa barbiche pointue et ses yeux troués de biais (Zola, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1269).
3. [En parlant d'une pers. ou d'une partie du corps] Blessé, perforé par balle ou arme blanche.
a) [En parlant d'une partie du corps] Du revers de sa main portant sur un grand plat La tête de Pierrot, dont le front troué saigne, Elle apparaît dans l'ombre au pied de l'Opéra (Lorrain, Modern., 1885, p. 59).
b) [En parlant d'une pers.] Fam. Ah! Oh! Je suis blessé, je suis troué, je suis perforé (Jarry, Ubu, 1895, IV, 4, p. 73).Barque et Biquet sont troués au ventre, Eudore à la gorge (Barbusse, Feu, 1916, p. 250).
Prononc. et Orth.: [tʀue]. Ac. 1694: troüé, -ée; dep. 1718: troué, -ée. Fréq. abs. littér.: 278. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 164, b) 635; xxes.: a) 593, b) 344. Bbg. Quem. DDL t. 39.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·