1. ANAT., usuel. Partie inférieure et postérieure du pied formée par le calcanéum. S'asseoir, être accroupi sur les talons; écraser qqc. avec/sous le talon; joindre les talons (pour saluer); pivoter, tourner sur ses talons; presser un cheval du talon; chaussures qui laissent le talon libre, qui blessent le talon. On n'entendait plus que la débandade des petits pieds tapant du talon à contretemps, tandis que le piano continuait tout seul à jouer en mesure (Zola, Page amour, 1878, p. 900).Ce pas inimitable et dansant − la pointe du pied en dehors, le talon effleurant à peine la terre (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 181).− P. anal. Talon de la main. Saillie située sous les plis cutanés de la face antérieure du poignet. Un jour, il s'est enfoncé un canif dans le talon de la main. Des folies, des folies! (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 90).
− [P. allus. myth.] Le talon d'Achille. L'unique endroit du corps où Achille ne fut pas invulnérable. Au fig. Point faible de quelqu'un, aspect, partie vulnérable de quelque chose. Aux heures d'étreinte nous perdons le sentiment des finesses, tandis que l'homme que nous dominons reste maître de lui (...). Prends bien garde à cela, ma mignonne: c'est le défaut de notre cuirasse, c'est notre talon d'Achille (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Baiser, 1882, p. 607).La cour, moyen de neutraliser « les grands » par la dépendance et la dépense, devient en même temps, par son coût, le talon d'Achille de la monarchie (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 21).
− Locutions
a) Avoir (donner) des ailes aux talons. (Faire) se déplacer, s'enfuir rapidement. La peur lui donne des ailes aux talons. Le besoin de me défaire le plus tôt possible d'un trésor dont elle ne connaissait pas le prix me donnait des ailes aux talons (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 104).Tout Paris chanta: Comme il est gai, comme il est leste... Il a des ailes aux talons (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 105).
b) Avoir l'estomac dans les talons. V. estomac B 1.
c) Être, marcher... sur les talons de qqn. Suivre quelqu'un de très près. La police est sur ses talons; chien qui marche sur les talons de son maître. Quand le juge suppléant entrait dans un salon, immédiatement entrait sur ses talons Toto, qui serait mort de frayeur s'il avait été séparé de son père par une porte (Champfl., Bourgeois Molinch., 1855, p. 48).Nous étions sur les talons de l'ennemi. La bataille de la Marne se terminait; c'était bien une grande victoire (Foch, Mém., t. 1, 1929, p. 144).♦ Au fig. Être proche de quelqu'un par l'âge, le succès. Cette cadette marche sur les talons de son aînée (Ac.1835-1935).Un instant, il s'était cru, à son tour enfin, un des maîtres du marché, ayant violé la chance, sur les talons de Saccard (Zola, Argent, 1891, p. 379).
♦ Sur les talons (de qqn). Juste derrière quelqu'un. Il a tiré (...) sur ses talons les portes du temple de Janus (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 678).Une promenade, jugulaire au menton, avec sabre, revolver et quatre poilus sur les talons! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 38).
♦ Être toujours sur les talons de qqn, aux talons de qqn ; avoir toujours qqn sur les talons. Suivre quelqu'un partout, se montrer importun vis-à-vis de quelqu'un; être importuné par quelqu'un. Le Tarasconnais s'ennuya d'avoir perpétuellement sur les talons ce compagnon mélancolique, qui lui rappelait toutes ses mésaventures (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p. 125).Je t'en prie, ne sois pas tout le temps sur mes talons! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, II, 2, p. 33).
d) (Être, mettre qqn) sous le(s) talon(s) de qqn. (Être, mettre quelqu'un) sous la dépendance de quelqu'un. Monarchistes et républicains (...) se sont confondus pour maintenir la justice et le droit sous le talon de M. le ministre de la Guerre (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 1).C'est grâce à cette flamme sacrée que s'est levée et organisée, sous le talon de l'ennemi et de ses collaborateurs, l'immense résistance française (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 407).
e) Montrer les talons. S'enfuir. Misérable aristocrate (...) Songe à nous montrer les talons, ne reparais jamais ici (Balzac, Épis. Terr., 1830, p. 433).
f) Ne pas arriver, venir... au talon de qqn. Être très inférieur à quelqu'un. Synon. ne pas arriver* à la cheville de qqn.M. Jourdain ne va pas au talon du premier négociant que tu vas rencontrer dans la rue (Flaub., Corresp., 1850, p. 239).C'est un brave et honnête garçon. Vous ne lui venez pas au talon (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 236).
g) Tourner les talons. S'en aller, partir brusquement. Et si (...) vous n'êtes pas augmenté de huit jours au rapport de demain matin, je veux être changé en bénitier! Voilà! Sur quoi, il tourna les talons (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 243).Tourne les talons et descends. Un seul conseil, mais un bon. On a jamais eu l'habitude d'être commandé par les autres, ici (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 126).
h) Vieilli ou littér. Voir les talons de qqn ♦ Être débarrassé de la présence de quelqu'un. Ils voulaient se débarrasser de moi coûte que coûte (...) D'ailleurs pour qu'ils n'aient pas hésité à placer un garçon de mon âge chez une veuve encore jeune, il fallait qu'ils fussent bien pressés de me voir les talons (Mauriac, Asmodée, 1938, I, 4, p. 37).
♦ Arriver au moment où les autres partent. Mon bataillon est entré le premier dans la Chambre, et nous n'avons pas eu grand mérite, car nous n'avons vu que les talons des factieux (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, t. 1, 1848, p. 321).