1. Ce qui est inscrit dans la mémoire; ce dont on se souvient. Rosa (...) se rappela tout à coup (...) sa première communion (...) Louise et Flora, étreintes des mêmes souvenances lointaines, gémissaient aussi avec des torrents de larmes (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1195):2. Aujourd'hui donc, dimanche (...), ma vie affairée et échauffée par l'action s'arrête (...), prête l'oreille aux souvenirs qu'on entend bruire si distinctement dans le silence de certains jours, et, toute chargée d'impressions, de souvenances, de mélodies automnales, se retire dans un coin bien solitaire, bien à couvert des interruptions pour se raconter à vous.
M. de Guérin, Corresp., 1834, p. 175.
♦ P. métaph. Ce n'était presque plus une femme, c'était une souvenance en bandeaux, une dame du passé (D'Esparbès, Dern. lys, 1898, p. 94).
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P. méton. ♦ Évocation des souvenirs. Il multiplie ses sensations par la pensée, il triple la félicité présente par l'aspiration de l'avenir et par les souvenances du passé (Balzac, Splend. et mis., 1844, p. 65).
♦ Ce qui suscite l'apparition du souvenir par une association mentale. En fait de poussière, considérée alors comme rappel des origines et souvenance des fins, sais-tu qu'après notre mort, nos charognes sont dépecées par des vers différents, suivant qu'elles sont obèses ou qu'elles sont maigres? (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 45).
2. a) Souvenance + adj.Nous compterons cette nuit dans nos belles souvenances; car notre liaison n'est pas une liaison d'un jour (Borel, Champavert, 1833, p. 204).Il racontait à la volée toutes les souvenances attendries qui tout à l'heure l'avaient hanté (Estaunié, Simple, 1891, p. 84).♦ [Dans une loc. adj.] De douce souvenance. De bonne, d'illustre mémoire. Il chantait... et ses yeux se remplissaient de pleurs Car il songeait à toi, gentil Pays de France, pays de douce souvenance ! (M. de Guérin, Poés., 1839, p. 29).
b) Souvenance + compl. de n. désignant l'objet du procès ou les circonstances auxquelles il se rattache.Les souvenirs de son long malheur mêlés aux mélodieuses souvenances des plaisirs qu'il avait goûtés dans le seul amour qui lui fût permis, l'amour maternel, tout fondit à la fois sur son cœur (Balzac, Enf. maudit, 1836, p. 400).Il allait toujours se remémorant et creusant dans sa tête pour y retrouver toutes les petites souvenances de son bonheur passé (Sand, Pte Fad., 1849, p. 43).
c) Verbe + souvenance.[Ces bonbons] pénétraient les papilles de la bouche, évoquaient des souvenances d'eau opalisée par des vinaigres rares, de baisers très profonds, tout imbibés d'odeurs (Huysmans, À rebours, 1884, p. 137).♦ Garder souvenance de. Le peuple garde souvenance des récits souvent répétés; mais ce qu'il ne fait que voir, il l'oublie bien vite (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 186).
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Avoir souvenance de + subst.Combien j'ai douce souvenance Du joli lieu de ma naissance! (Chateaubr., Avent. dern. Abenc., 1826, p. 256).On me fit une querelle abominable, mon père se mit contre moi dans une des plus grandes colères dont j'aie souvenance (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 190).Avoir souvenance de + inf. passé.J'ai quelque souvenance d'avoir été soldat, mais cela est si loin de moi qu'en vérité je le puis ranger parmi les choses oubliées (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1809, p. 806).J'ai souvenance d'avoir traversé toute l'après-midi de cette même journée d'immenses, d'interminables plateaux de sable recouverts de fougères (Loti, Maroc, 1889, p. 28).[À la forme nég.; pour exprimer une certitude] Je n'ai pas souvenance d'avoir vu une caresse, un baiser de Deschartres à qui que ce soit (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 436).♦ Avoir souvenance que.Elle croit avoir souvenance que je lui portais en secret un farouche amour (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 497).
− [Le compl. d'obj. désigne une action à faire dans l'avenir] Avoir souvenance de + inf.Synon. penser à.La duchesse, sa fille et madame Isabelle se jetèrent à genoux en sanglotant, et prièrent le roi d'avoir souvenance de faire bonne justice de la mort de son frère unique (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 9).