a) Cette partie du corps en tant que réserve de force et de vigueur. Et voici que, de tout le pressoir énorme, aux assemblages chevillés, sous les tours saccadés, irrésistibles de la roue, maniée à grands efforts de reins, des voix sortaient et éclataient (Pesquidoux,Chez nous, 1923, p. 94).L'homme qui soulève des poids, c'est avec ses reins qu'il les soulève, c'est d'un déhanchement des reins qu'il étaye la force multipliée de ses bras (Artaud,Théâtre et son double, 1938, p. 161).− P. anal. [Chez l'animal, en partic. les bovidés et les équidés] Chaque précipice [a] son sauteur. Le saumon franchit le sien avec les reins, la marmotte avec les pieds, l'écureuil volant avec les bras (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p. 236).Les gros traîneurs de charrues [les chevaux] on les avait attachés dans les brancards des charrettes et ils retenaient à pleins reins des chargements de femmes et d'enfants (Giono,Gd troupeau, 1931, p. 11).
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Loc. et expr. ♦ Tour de reins, coup de reins. Mouvement de la taille et des hanches pour produire un effort plus ou moins violent. D'un tour de reins, je m'étais dégagé, envoyant au hasard un solide coup de poing dans la direction de mon assaillant (Benoit,Atlant., 1919, p. 178).Et maintenant (...) ajouta-t-il en se levant d'un vif coup de reins, « allons voir si le Pilote est de retour! » (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 237).
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Avoir les reins solides, forts, absol. avoir des reins. Avoir une grande force, de la vigueur. À de tels chemins, il faut de telles voitures. Mais, au voyageur, il faut des reins solides (G. Leroux,Roul. Tsar, 1912, p. 143):2. Écoutez, reprit Madeleine, il y a encore assez de place sous la voiture pour qu'un homme s'y glisse et la soulève avec son dos. Rien qu'une demi-minute, et l'on tirera le pauvre homme. Y a-t-il ici quelqu'un qui ait des reins et du cœur? Cinq louis d'or à gagner!
Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 217.
Au fig. Être assez riche et/ou puissant pour supporter une épreuve, affronter l'adversité, entreprendre une chose difficile. Pour que le bonhomme Neuville lui ait confié de si gros intérêts, il faut que le jeune homme ait les reins solides (Augier,Beau mariage, 1859, p. 155).[Garnotelle] a senti, à son dernier envoi de Rome, qu'il n'avait pas assez de reins pour la grande peinture (Goncourt,Man. Salomon, 1867, p. 204).♦
Briser, casser les reins de qqn; se casser, se rompre les reins. Briser le dos, la colonne vertébrale de quelqu'un; se briser le dos. Lorsque le travail manquait à Rognes, elle se louait à Cloyes, portant des fardeaux à se rompre les reins (Zola,Terre, 1887, p. 169).Je montais lentement sans quoi il m'eût cassé impitoyablement les reins, je m'en rendis bien compte une fois ou deux alors que je semblai grimper trop vite (Vialar,Faux fuyants, 1953, p. 196).Au fig. Ruiner, briser la carrière, l'entreprise de quelqu'un. Ce sujet bourgeois m'abrutit (...). Ce sera un joli tour de force, je le sais, mais j'ai peur quelquefois de m'y casser les reins, ou, du moins, il me semble qu'ils faiblissent (Flaub.,Corresp., 1853, p. 223). b) Cette partie du corps dans l'anatomie, la physionomie, la silhouette de quelqu'un.
α) Le bassin et les hanches. Cambrure, chute des reins; un tortillement, un balancement, un mouvement des reins; des reins élégants; jouer des reins, se camper sur ses reins. Je restai seul à la forge avec mon nouveau compagnon, Simon Benerotte, un solide gaillard, la barbe rude et les reins massifs (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 391).Je m'étais assis dans l'espoir que vînt s'installer devant moi une belle personne de qui je pusse contempler la descente de reins (Montherl.,Pte Inf. Castille, 1929, p. 597).− P. métaph. La route est devenue comme une reine. Tout le long du nord-ouest un allongement de collines paysannes la suit avec maintenant des roches décharnées, des reins échinés par la pluie (Giono,Eau vive, 1943, p. 146).
β) La taille. Les généraux français, avec leur écharpe tricolore autour des reins, leurs grands chapeaux à cornes en travers de la tête, et leurs sabres traînants, se promenaient dans cette chambre (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz, 1864, p. 180).Hauts sur jambes, efflanqués, la courte veste de laine brune aux reins, le béret sur les yeux, ils allaient en groupe (Pesquidoux,Chez nous, 1923, p. 85).
γ) Les fesses. Si jamais Morache nous disait: « Vous allez me baiser le gras des reins », on n'aurait rien à répondre, rien à foutre, qu'à l'aider à se déculotter (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p. 116).
δ) Le dos. −
(Avoir +) subst. désignant une arme + dans les reins. Être menacé par une personne qui tient une arme dans votre dos. À la queue, le peloton formant l'escorte avait l'ordre de pousser les traînards, la baïonnette dans les reins (Zola,Débâcle, 1892, p. 471).Ils marchent pesamment, les bras en l'air, un canon de fusil dans les reins; quand ils sont tous contre le mur, dix fusils sont braqués sur eux (T'Serstevens,Itinér. esp., 1963, p. 289).♦ Au fig. Être acculé, pris au piège. J'ai tant sermonné Charpentier que l'imprimeur me pousse l'épée dans les reins; et je ne suis pas encore à la moitié! (Flaub.,Corresp., 1879, p. 297).
− [Pour marquer par l'attitude du corps, courbé en avant, l'humilité, la servilité, et, au fig., attitude morale de qqn qui plie, qui s'humilie devant qqn ou qqc.] Oui, Votre Seigneurie, répondit la vieille en s'inclinant avec cette souplesse de reins particulière au peuple italien (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 1, 1859, p. 49).La pauvreté (...) oblige ceux qu'elle aime à lutter dans l'ombre avec elle et ils sortent un jour de son étreinte les tendons froissés, mais (...) les reins plus souples (A. France,Vie fleur, 1922, p. 557).
− En partic. Tour de(s) reins. Exercice de danse ou d'acrobatie qui consiste à renverser le corps en arrière de manière à provoquer une cambrure très exagérée du dos. Je faisais le pitre, des tours de passe-passe (...) des exercices d'acrobatie, le tour des reins ou le grand écart (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 179).Différents tours de reins. A) Tour de reins dégagé; B) tour de reins levé (Bourgat,Techn. danse, 1959, p. 117).
c) Cette partie du corps en tant que siège des passions et des impulsions.
α) [P. réf. à la loc. biblique] Sonder les reins et les cœurs. Les passions inconscientes par opposition aux activités conscientes conduites par le cœur. La Providence a des voies bien cachées, elle sonde les reins et les cœurs (Balzac,Goriot, 1835, p. 208).[Jahvé] est le juge des peuples et il sonde les reins et les cœurs; il rend justice selon le droit, parce qu'il est juste (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 973).
β) Lieu de manifestations physiques d'impressions ou de sentiments. Mathieu sentit qu'un frisson de joie allait naître au creux de ses reins; il eut honte, il se dit avec application: nous avons perdu la guerre (Sartre,Mort ds âme, 1949, p. 94).
γ) Symbole de la puissance sexuelle ou procréatrice de l'homme. Cette rousse audacieuse (...) avait l'air de porter sur sa tête tous les incendies qu'elle allumait dans les reins juvéniles des écoles (Bloy,Désesp., 1886, p. 68).Puissent les reins de tes hommes se tarir comme ceux de l'eunuque, et tes femmes, hurlantes d'amour et de stérilité, appeler, sur le pas de leur porte, une semence étrangère (Toulet,Mariage Don Quichotte, 1902, p. 254).