1. Élever au-dessus de l'état d'esprit et des réalités ordinaires, généralement sous l'effet de l'enthousiasme, d'une admiration ou d'une joie extrême. Les beautés de Corneille, celles qui ravissent, qui enlèvent et qui font passer sur tous ses défauts (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 7, 1864, p. 216).Déjà, enfant, l'orage me ravissait comme une caresse du ciel (...). La foudre me jetait dans une extase (Cocteau, Poés. crit. II,1960, p. 49).− [Le suj. désigne le sentiment éprouvé] L'enthousiasme nous ravit au-dessus et hors de nous-mêmes vers des objets qui nous échauffent sans nous enivrer (Cousin, Hist. philos. mod.,t. 3, 1847, p. 17).
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Ravir en/dans + subst. indiquant l'état que l'on atteint.Ravir dans un songe. Tout le présent éconduit, ravi en vision, je vivais à nouveau entre Cardamine, Mariette, Maldious (Arnoux, Écoute, 1923, p. 52):3. Mon attention excessive à suivre mes idées intérieures, à demi formées et dont le rêve m'enchantait déjà, me forçait à demeurer quelquefois sans mouvement, l'œil fixe attaché en avant comme celui d'un chien d'arrêt sur un objet que je ne voyais pas, ravi dans une sorte de distraction voisine de l'extase.
Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 54.
Littér. Nids purs, écluses d'herbe, ombres des vagues creuses, Bercez l'enfant ravie en un poreux sommeil! (Valéry, Alb. vers anc.,1900, p. 85).− Ravir de + subst. précisant le sentiment éprouvé (le sens paraissant moins fort).Ravir d'aise, de joie. Je vous recommande Canterbury. C'est une cathédrale à vous remuer et à vous ravir d'enthousiasme (Hugo, Corresp.,1828, p. 448).Ces gestes inhabiles qui ravissent d'amour et de pitié le cœur des mères (Bernanos, Joie,1929, p. 682).[Parfois avec un subst. exprimant un état affectif normalement pénible] Autour de moi tout conspirait à me noyer l'âme d'une terreur exquise (...). Les murs, les parquets, les meubles, les ustensiles avaient des voix, des formes inattendues qui me ravissaient d'effroi (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 153).
− [Le compl. d'obj. désigne un attribut de la pers.] Je n'éprouvai jamais un tel enchantement, jamais si douce harmonie ne frappa mes oreilles et ne ravit mes sens; où suis-je? Ce n'est plus ici le même palais, ce n'est plus le même air que je respire; tout est changé quand je la vois (Cottin, Mathilde,t. 1, 1805, p. 221).
2. [Sens affaibli] Procurer un vif plaisir. Synon. charmer, enchanter, plaire.a) [Le suj. désigne une chose] Elle courait avec une grâce qui ravit Julien (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 321).Un bout de jardin dans Paris ravit plus qu'un parc en province (Proust, Temps retr.,1922, p. 733).− [Avec compl. prép. indiquant un point partic.] Tout ce que tu dis de Laforgue et de Rimbaud m'a ravi par sa justesse (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1906, p. 72).
− [Le compl. d'obj. désigne un attribut, une faculté de la pers.] Ravir les oreilles, le regard, l'intelligence. Mais le grandement beau de Paris, ce sont les édifices, les églises, l'admirable et antique Notre-Dame, Saint-Eustache, la Sainte-Chapelle, qui vous ravissent les yeux et l'âme (E. de Guérin, Lettres,1838, p. 200).Des costumes multicolores, qui ravissaient le goût puéril et barbare de la petite cour de Wahnfried (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 445).
b) [Le suj. désigne une pers., le verbe est gén. suivi d'un compl. prép., d'un gérondif indiquant la particularité, le fait qui procure le plaisir] Elle redoutait la solitude, et on la ravissait en la venant voir sans façon (Zola, Page amour,1878, p. 880).La petite princesse montait sans façon sur la charrette d'une paysanne qu'elle ravissait par son babil (Barrès, Cahiers,t. 7, 1908, p. 94).
c) [P. méton.; le compl. d'obj. désigne une période de la vie] Celle que j'aime est une enchanteresse (...) Compagne et sœur, ma muse et ma maîtresse, Elle ravit mes soirs et mes matins (Rollinat, Névroses,1883, p. 125).Ces merveilleux décors de Jusseaume pour Pelléas qui ravissaient mes vingt ans (Green, Journal,1944, p. 116).
d) Loc. adv.
α) À ravir. De manière à charmer; admirablement. Chapeau, robe qui va à ravir; chanter, danser, dessiner à ravir; se porter à ravir; être habillée, coiffée à ravir; être belle à ravir; pittoresque à ravir. Elle était grande, mince, svelte, faite à ravir, délicate, souple (Gobineau, Pléiades,1874, p. 256).Cette voix admirable qui la sert si bien et dont elle joue à ravir, je serais presque tenté de dire en musicienne! (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 457).P. ell., avec valeur d'adj. Deux petits tableaux d'un laisser aller, d'une exécution à ravir (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 36).Vous aurez du succès, car vous êtes à ravir (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p. 186).
β) Moins cour. À ravir + subst. indiquant la pers. intéressée, le sens, la faculté touchés.Mon regard découvrit au plus creux de son sein Des choses à ravir les yeux d'un séraphin (M. de Guérin, Poés.,1839, p. 106).Je l'ai vue [Yvonne de Bray] blonde à ravir, − à ravir les autres − je l'ai vue cultivée par Bataille (Colette, Pays. et portr.,1954, p. 133).V. délicatesse ex. 2.