1. Trou vertical, le plus souvent circulaire et à parois maçonnées, entouré parfois d'une margelle, creusé dans le sol pour atteindre une nappe aquifère. Puits profond; tirer l'eau du puits; curer un puits. Auprès de la cuisine se trouvait un puits entouré d'une margelle, et à poulie maintenue dans une branche de fer courbée, qu'embrassait une vigne aux pampres flétris (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 79).En terrain calcaire, la nécessité de creuser des puits profonds, travail impossible individuellement, obligerait les habitants à se grouper pour effectuer ce travail en commun (Meynier, Paysages agraires, 1958, p. 102):1. (...) le père Jacques poussa le sac dans le puits et il se pencha sur la margelle, soutenant encore le sac que je ne voyais plus. Puis il se redressa et referma le puits, remettant soigneusement le plateau et assujettissant les ferrures...
G. Leroux, Parfum, 1908, p. 158.
♦ Puits artésien*.
♦ Puits de Jacob [P. réf. au passage de la Bible dans lequel le Christ s'arrêta au puits de Jacob afin d'abreuver la Samaritaine et de la convertir, l'eau vive et jaillissante étant un breuvage de vie et d'enseignement] Jésus au puits de Jacob disait: « J'ai une nourriture que vous ne connaissez pas » (Barrès, Cahiers, t. 11, 1916, p. 204).Ne songe-t-on pas à cette eau incomparable de Bethléem (...) d'où jaillit une source inépuisable pour abreuver toute l'humanité agglomérée sous le sceptre de Rome? Et à ce puits de Jacob précisément, où Jésus entretint la Samaritaine? (Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p. 297).
♦ Proverbe. La vérité est au fond du puits. La vérité est difficile à découvrir. [Souvent dans des variantes] L'erreur parcourt la terre, met ses pavillons aux sommets des hautes montagnes, tandis que l'humble vérité se cache et se retire au fond des puits (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 308).La mythologie, qui certes est une des plus grandes inventions humaines, a mis la vérité dans le fond d'un puits, ne faut-il pas des seaux pour l'en tirer? (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 426).
−
Expr. diverses ♦ Montrer à qqn la lune dans un puits. Duper quelqu'un, tromper par de fausses apparences. (Dict. xixeet xxes.). Regarder la lune dans un puits. Être trompé, dupé. C'est une chanson où il est question de paysans qui regardent la lune dans un puits (Green, Journal, 1943, p. 81).
♦ Cet homme est un puits. Personne très discrète qui ne révèle pas ce qui lui est confié. (Dict. xixeet xxes.).
♦ C'est tombé dans un puits. Cela est oublié. Victor: Ah! tu as entendu, toi? Fortuné: Ne faites pas attention, monsieur Victor, c'est tombé dans un puits (Dumas père, Barrière Clichy, 1851, iii, 8, p. 93).
♦
Tomber dans un puits sans fond. Rester sans effet, être inutile: 2. Maman recommença d'écrire, et plusieurs fois par semaine, des lettres tantôt suppliantes, quand elle les rédigeait seule, et tantôt débordantes de rage quand mon père les avait dictées. Toutes ces lettres tombaient dans un puits sans fond et sans échos.
Duhamel, Notaire Havre, 1933, p. 170.
− P. anal. Endroit, trou profond. Plombières est un puits creusé par la nature au centre des montagnes (Berlioz, Grotesques mus., 1859, p. 134).Leurs chambres, qui se touchaient, donnaient sur la même cour noire, un puits étroit dont les odeurs empoisonnaient l'hôtel (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 658).
−
P. métaph. Et toujours son aventure [de l'abbé Birotteau] était un puits sans fond où tombait sa raison (Balzac, Curé Tours, 1832, p. 217).♦ Puits de + subst.J'eus l'idée de noter plusieurs des moments si précieux de nos épanchements intimes (...). Attacher une idée nette, s'il se peut, à ces moments obscurs, irréparables, que chacun laisse aller au puits de l'oubli (Michelet, Journal, 1857, p. 326).Quand la comète tombe au puits des nuits, du moins A-t-elle en s'éteignant des soleils pour témoins (Hugo, Année terr., 1872, p. 28).
2. P. anal. ou au fig. [Le plus souvent dans la constr. puits de + subst.] Source (abondante, profonde) dont on tire quelque chose. Le Christianisme (...) a placé la charité comme un puits d'abondance dans les déserts de la vie (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 91).Quel chagrin pèse donc sur ta tête abattue? À quel puits de douleur tes yeux puisent-ils l'eau? (Gautier, Poés., 1872, p. 216).Cette pièce, toute claire, harmonieuse et proportionnée [Antigone], m'est un puits de rêverie (Barrès, Voy. Sparte, 1906, p. 85).♦
En partic. Puits de science, d'érudition. Personne très savante. [Mmede Coislin] parlait de tout ce qu'elle ne connaissait pas comme si elle avait été un puits d'érudition (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres, 1847, pp. 8-9):3. L'auteur (...) de cette géographie, de ce glossaire, épilogue longuement sur le nom d'une petite localité dont nous étions autrefois, si je puis dire, les seigneurs, et qui se nomme Pont-à-Couleuvre. Or je ne suis évidemment qu'un vulgaire ignorant à côté de ce puits de science, mais je suis bien allé mille fois à Pont-à-Couleuvre pour lui une, et du diable si j'y ai jamais vu un seul de ces vilains serpents...
Proust, Sodome, 1922, p. 925.
♦ P. métaph. Jamais esprit de cet ordre [Ampère] ne songea moins à ce qu'il y a de personnel dans la gloire. Pour ceux qui l'abordaient, c'était un puits ouvert. À tout heure il disait tout (Sainte-Beuve, Portr. littér., t. 1, 1844-64, p. 362).
− Expr. littér. [Le puits est le symbole de l'abondance] Riche comme un puits. Très riche. Aujourd'hui on crie « au miracle » de ce que M. Pastoret, âgé de plus de quatre-vingts ans, riche comme un puits et ayant besoin de repos, soit resté pour la première fois fidèle au malheur (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres, 1847, p. 181).