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PRIVÉ, -ÉE, adj. et subst. masc.

PRIVÉ, -ÉE, adj. et subst. masc.
A. − Vieilli. Apprivoisé. Lapin privé. Ils avaient vendu (...) plus de deux cents pigeons-ramiers privés, qui ne voulaient manger que dans la main (Voy. La Pérouse,t.3, 1797, p.191).Elle avait toujours (...) à sa suite un sanglier privé qui remplissait le château de ses grognements (Chateaubr., Mém.,t.1, 1848, p.38).
B. − [P. oppos. à commun, collectif, public]
1. Dont seuls quelques particuliers peuvent faire usage; où le public n'est généralement pas admis. Domicile, quartier, salon privé; porte, route, voie privée; lieux privés; être dans ses appartements privés. C'étaient des contrats avec les propriétaires de rues privées transformées en voies municipales, contrats utiles à la ville dont ils agrandissaient le domaine (Jaurès, Ét. soc.,1901, p.30).
Chemin* privé.
Propriété privée. Les populations de la Grèce et de l'Italie, dès l'antiquité la plus haute, ont toujours connu et pratiqué la propriété privée. On ne trouve pas une époque où la terre ait été commune (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p.68).
Empl. subst. masc.
Vieilli. Lieux d'aisances. Il se sent tout à coup, un besoin incommode, fruit de sa peur, sans aucun doute; mais le privé se trouvait dans le corridor, et Giovan n'y fût pas allé, dût-il crever. Nécessité n'a point de loi. Lassé de frétiller d'un pied sur l'autre, le malheureux se soulagea pleinement où il put, aux dépens de son nez (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p.315).La réalisation de la gémination est subordonnée à l'existence de certaines conditions qui doivent être préalablement remplies: −affectation à l'école d'un ménage d'instituteurs; −reprise en charge, aux récréations, des garçons par l'instituteur, des filles par l'institutrice; −existence de privés nettement séparés (Encyclop. éduc.,1960, p.100).
[En parlant d'un appartement, d'un bâtiment] Toute cette histoire d'une pairie retrouvée sur un tréteau et d'un bateleur reconnu lord, avait fait éclat à Windsor, dans les privés royaux (Hugo, Homme qui rit,t.3, 1869, p.140).
2. Qui appartient en propre à une ou à plusieurs personnes. Collection, possession privée. Ne croit-on pas raconter un trait de l'âge d'or, si toutefois dans l'âge d'or il y avoit des richesses privées et des impôts publics? (Staël, Allemagne,t.1, 1810, p.279).Ce serait un beau livre à écrire et qui n'épargnerait pas les rois: histoire secrète de la fortune privée des chefs d'État (Barrès, Cahiers,t.7, 1908, p.125).
3. Qui a lieu dans l'intimité, sans public; qui concerne un petit nombre de personnes. Dîner privé; rencontre, réunion, séance privée. Un véritable ami, aux répétitions privées, est un mauvais juge. Il ne nous juge pas du point de vue littéraire ni dramatique: il nous juge du point de vue du succès (Renard, Journal,1902, p.723):
1. Les mères de famille, qui n'ignoraient pas que le nombre de chances de trouver des gendres croissait en raison directe des occasions où leurs filles pouvaient exposer leurs épaules, venaient de se grouper en syndicats. Délibérément, elles renonçaient à se faire une coûteuse concurrence en donnant chacune leurs réceptions privées, et, moyennant des frais minimes, elles recevaient en commun. Martin du G., Devenir,1909, p.142.
Culte* privé. Communion* privée. Conseil* privé. Charte* privée.
Leçon privée. Leçon particulière. [Le médecin] me prescrivit des séances de gymnastique suédoise. Je pris quelques leçons privées avec un grand professeur blond (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p.42).
4. Qui est d'ordre strictement personnel; qui ne concerne pas les autres. Synon. intime, particulier, personnel.Affaire, conversation, correspondance, lettre privée; relation, vengeance privée; qualités, moeurs, situations privées; rendez-vous privé; question, réaction d'ordre privé. La vie intérieure, cette chose privée, cachée, non partageable, non démocratique, est considérée comme un péché par le conservatisme de beaucoup d'éducateurs (Carrel, L'Homme,1935, p.377):
2. −En somme, résuma Maigret, c'est surtout le matin qu'il était dehors. Savez-vous s'il recevait des communications téléphoniques privées? −Cela dépend de ce que vous entendez par privées. Je savais qu'il était correspondant d'un journal de Paris. Il m'avait demandé l'autorisation d'accepter ce poste. Cela lui prenait fort peu de temps, puisque c'étaient les mêmes informations que les nôtres qu'il transmettait... Je lui avais permis de se servir d'une de nos lignes téléphoniques (...). Je n'ai jamais surpris de communication vraiment privée, avec un ami, par exemple... Simenon, Vac. Maigret,1948, p.141.
Vie privée. Anton. vie professionnelle, publique*.On fouille dans ma vie privée. On m'accuse de crimes absurdes. On cherche à m'écraser, il n'y a pas d'autre mot (Duhamel, Combat ombres,1939, p.254).Il y a la vie privée, et elle aussi est importante, et elle aussi a ses devoirs. Une femme, un enfant, les former, les rendre heureux, leur faire traverser ce passage de la vie avec un bonheur qu'ils n'auraient pas eu sans vous, est-ce que, cela aussi, ce n'est pas important? (Montherl., Reine morte,1942, I, 1ertabl., 3, p.147).
Empl. subst. masc. Ce qui fait partie de la vie familiale, personnelle d'un individu, de son intimité; ce qui ne concerne pas les autres. Vivre dans le public et le privé, en redoutant d'être à la merci du voisin, ou acculé à des échanges trop onéreux (Pesquidoux, Livre raison,1928, p.257).Ma vie à moi. C'est du privé, et qui ne regarde personne (Camus, État de siège,1948, 2epart., p.233).
Loc., vieilli. En mon/ton/son propre et privé nom. Pour mon/ton/son compte personnel; personnellement. J'ai combiné dans tout ce récit [de la bataille d'Eylau] les expressions mêmes de Jomini (...). Je ne dis rien en mon propre et privé nom; je borne mon soin à compiler de mon mieux (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t.13, 1869, p.91).
Locutions
Dans le privé; dans son privé; en son privé (vieilli). Dans sa vie privée, familiale. Synon. dans l'intimité.Nous avons montré Tartarin de Tarascon comme il était en son privé, avant que la gloire l'eût baisé au front et coiffé du laurier séculaire (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p.27).Que fut donc, dans le privé, Marcel Proust, cet homme extraordinaire? On veut savoir qui l'a connu, on veut lire toute sa correspondance, on est avide du moindre détail sur sa personne. Que va-t-il faire, dorénavant? (Blanche, Modèles,1928, p.94).Les circonstances allaient lui permettre de voir le personnage qui entrait, hors de son cadre de prestige et de puissance, saisi dans sa nudité humaine, dans son privé, dans son repos, presque sans aucune référence à son internationale, formidable et diffuse fortune (Malègue, Augustin,t.2, 1933, p.162).
En privé. En particulier, à part. Il sut, d'ailleurs, m'en donner, en public comme en privé, des preuves généreuses et émouvantes. Mais il n'en tirait pas de conséquences pratiques (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p.146).La chasse à courre avait formé un type de cheval et de cavalier. On eut un jour l'idée d'organiser des concours, en privé, pour se distraire (Jeux et sports,1967, p.1606).
5. Qui émane d'une personne. Acte privé; initiative privée; plainte privée. D'après son opinion privée, et plusieurs autres capitaines présents se joignirent à lui, il n'y avait nul doute que Napoléon ne trouvât en Angleterre tous les égards et les traitements auxquels il pouvait prétendre (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.24).Dans les démocraties, le progrès doit venir de l'initiative privée (Carrel, L'Homme,1935, p.348).
(Agir) de son autorité* privée.
DROIT
Écritures privées. Anton. écritures publiques.V. écriture II C 2.
(Acte) sous seing privé. (Acte) fait sans l'intervention d'un officier public. Anton. acte public (v. public1), notarié.Le mandat peut être donné ou par acte public, ou par écrit sous seing privé, même par lettre (Code civil,1804, art. 1985, p.357).Mon mari avait signé un acte sous seing privé exécutable à la date du 11 novembre suivant, par lequel je lui abandonnais plus de la moitié de mes revenus (Sand, Hist. vie,t.4, 1855, p.378).
Empl. subst. M. César le força à s'asseoir, à tirer de sa veste le sous-seing privé préparé par Etagnon (Pourrat, Gaspard,1930, p.166).
C. − [P. oppos. à public, officiel]
1. Qui ne prend pas part aux affaires publiques; qui est considéré comme simple citoyen, comme simple particulier; sans mission politique ou officielle. Synon. particulier.Visite, voyage privé; agir comme personne privée. Qui aujourd'hui sur la terre pourrait se flatter de connaître dans l'empereur l'homme privé plus que moi? (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823p.256).Dans Venise, le doge était considéré comme personne privée et n'avait rang que de simple duc souverain; hors de Venise, le doge était considéré comme personne publique, il représentait la république même et prenait place parmi les têtes couronnées (Hugo, Rhin,1842, p.417).V. huis-clos ex. de Clemenceau.
Empl. subst. L'État est d'abord une médiation entre l'individuel et le social, entre le privé (les intérêts privés) et le public (l'intérêt général) (Traité sociol.,1968, p.372).
À titre privé. En tant que personne privée, sans mission officielle. Je ne pouvais pas davantage empêcher un député ou un sénateur de circuler à titre privé dans la zone des armées, d'y recueillir des doléances de militaires (Joffre, Mém.,t.2, 1931, p.148).M. Frescheville est réellement ici en congé. L'affaire que vous savez ne l'intéresse plus qu'à titre privé (Bernanos, Crime,1935, p.855).
De source privée. De source non officielle. Synon. officieux.Une évaluation de source privée, fondée sur des enquêtes auprès de constructeurs et sur des éléments officiels, indique que, en 1960-1961, charges de gestion et d'entretien compris, le loyer annuel d'un HLM de 3 pièces dans une ville neuve de 10000 habitants, devrait s'établir à 500000 anciens francs pour équilibrer l'ensemble des dépenses (Gds ensembles habit.,1963, p.23).
2. DR. Droit privé. ,,Ensemble des dispositions régissant les rapports entre particuliers et les rapports des collectivités publiques avec les particuliers`` (Cap. 1936). Non-seulement la directe seigneuriale a disparu avec les redevances et les services qui la suivaient, mais encore les acensements et les emphytéoses, bien que contrats de droit privé, ont été abolis et les rentes perpétuelles déclarées toujours rachetables (Guyot, Agric. Lorr.,1889, p.29).V. public1A ex. de Durkheim.
D. − [P. oppos. à public, nationalisé, d'État] Qui ne dépend pas de l'État, qui n'est pas d'État, qui n'est pas géré par l'État. En Allemagne comme en Suisse, l'industrie privée a été longtemps hostile à toute aide de l'État, de peur que celle-ci ne puisse être l'amorce de la nationalisation tant redoutée (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p.164).Test de cohérence entre plans de développements privés et plans ou programmes d'investissements et de main-d'oeuvre contrôlés ou influencés directement par l'État (Perroux, Écon. XXes.,1964, p.558).
SYNT. Établissement hospitalier, organisme privé; capitaux, circuits, contrats, intérêts, marchés, monopoles, pouvoirs, producteurs privés; associations, entreprises, firmes, sociétés privées; ambulance, clinique, patinoire privée; télévision privée.
Secteur* privé. Anton. secteur public.Empl. subst. Travailler dans le privé. Devant ces difficultés, FO et la CFTC réagissent en demandant (...) de rentrer dans le droit commun des conventions collectives. Il est vrai qu'elles auraient ici un sens différent de celui qu'elles ont dans le privé, puisque, l'entreprise étant unique et l'échelle hiérarchique bien établie, elles détermineraient des salaires réels (Reynaud, Syndic. en Fr.,1963, p.189).
École privée; cours, enseignement privé. Synon. école, enseignement libre*; anton. école laïque*, enseignement laïc*.Tout Français âgé de 25 ans accomplis, n'ayant encouru aucune des incapacités prévues à l'article 4 de la loi du 25 juillet 1919 est capable de diriger une école technique privée, s'il est en possession des titres ou s'il justifie des connaissances régulièrement exigées pour y exercer les fonctions de professeur et s'il a rempli enfin pendant cinq ans au moins les fonctions de professeur (Encyclop. éduc.,1960, p.75).
Empl. subst. Quant aux parents des 22 écoliers, ils considèrent que la présence d'un établissement public est avant tout une question de principe. «L'an passé, nous étions tous contraints de scolariser nos enfants dans le privé, à Andrezé. Il n'y avait donc pas le libre choix», s'indigne MmeCassard, qui a mis son sous-sol à la disposition des deux enseignantes (Libération, 8-9 sept. 1984, p.8).
[En parlant d'une pers. ou de plusieurs pers.] Qui n'est pas payé par l'État ou les collectivités locales. Milice privée. Les détectives russes de la police privée, les mains dans les poches de leur veston (la droite tendue par le colt), adossés aux chambranles ou marchant avec nonchalance, ne dormaient pas (Malraux, Cond. hum.,1933, p.357).V. public1A ex. de Encyclop. éduc.
Empl. subst. [Souvent p.réf. aux détectives privés amér., héros de romans policiers] Détective, policier qui travaille hors des services officiels. Si je n'avais pas voulu bêtement (...) jouer au «privé» amerloque, avec mon ouisquie et le semblant d'importance que je me donnais, Nathalie serait peut-être encore vivante (A.D.G., Le Grand môme,Paris, Gallimard, 1977, p.148).
En partic. Clientèle privée. Clientèle qui va consulter un médecin qui exerce à titre libéral dans un établissement hospitalier public. Consultation privée. Les soins qu'il prodiguait le matin aux indigents hospitalisés, étaient en grande partie bénévoles. Mais il tirait généralement une grande aisance de sa clientèle privée et des consultations particulières qui lui étaient demandées (Bariéty, Coury, Hist. méd.,1963, p.789).
REM.
Privément, adv.a) En privé, en particulier, à part. Faire le mort est si commode et il est si ennuyeux, avec des étrangers, de s'expliquer, de se justifier, ou de convaincre. Je n'ai donc pas d'aptitude à la vie politique, et je ne cause volontiers que privément (Amiel, Journal,1866, p.231).Après cela, je n'eus plus guère envie de parler privément avec ce Jean-Baptiste, ni lui non plus, je pense (Tharaud, Chron. frères enn.,1929, p.204).b) En cachette, sans témoins. Un instant même, dans la crainte de représailles, il se réfugia dans l'église du mont Sion où, dit joliment l'Éracies, «il s'occupait d'oraison et regardait privément dans ses livres» (Grousset, Croisades,1939, p.62).
Prononc. et Orth.: [pʀive]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Adj. a) [fin xies. privé «familier, qui vit dans l'intimité de quelqu'un» (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t.2, p.118, no856)] ca 1140 privé «intime» (Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 3210); ca 1140 meisnee privee «suite d'un seigneur» (Id., ibid., 5823 et 5835); 1174 privé conseil «pensée secrète» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 265); b) ca 1160 privé «apprivoisé» (Eneas, 3588 ds T.-L.); 1476 priver «apprivoiser» (Lettre de Louis XI du 8 déc. ds Gdf.); c) 1367 privée personne «qui n'a pas de part aux affaires publiques» (doc. ds Du Cange, s.v. privati); 1690 (acte) sous seing privé «fait sans l'intervention de l'officier public» (Fur., s.v. seing); 2. subst. a) 1remoit. du xiies. en sun privé «dans son troupeau, dans sa possession (en parlant de Dieu)» (Psautier Cambridge, 134, 4 ds T.-L.); b) ca 1140 privé «ami intime» (Geffrei Gaimar, op. cit., 2631); c) ca 1180 en sun privé «ce que l'on possède, dans sa possession» (Thomas, Tristan, éd. B. H. Wind, Sn1283). Du lat. privatus «particulier, propre, individuel» et comme subst. «simple particulier». Fréq. abs. littér.: 3778. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6757, b) 3786; xxes.: a) 4113, b) 5798. Bbg. Becker (K.). Sportanglizismen im modernen Frz. Meisenheim, 1970, p.213, 327. _Thom (M.). Cerises privées. R. Ling. rom. 1975, t.39, pp.56-78. _Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p.293.

PRIVER, verbe trans.

PRIVER, verbe trans.
A. − Vieilli. Apprivoiser. On vient de m'apporter un jeune pigeon que je veux garder, et priver, et caresser (E. de Guérin, Journal,1837, p.133).C'est le martin-pêcheur (...) L'hirondelle, le merle à priver plus facile (Pommier, Océanides,1839, p.16).
B. − [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.]
1. Priver qqn de qqc.Empêcher quelqu'un de posséder quelque chose, de jouir de quelque chose, lui ôter ce dont il dispose; lui refuser ce qu'il attend. Synon. déposséder, dépouiller.
[Le suj. désigne une pers.] L'amour qu'elle t'a volé, il faut que je te le rende!... Ne dis pas que c'est impossible! Car cet amour dont elle nous a privés tous les deux, il est en moi, tout neuf, prêt à être donné! (Lenormand, Simoun,1921, 9etabl., p.102).V. admirateur ex. 7.
[Sans compl. second.] Et je possédais les moyens victorieux de répondre, et j'aurais gardé le silence! Et j'aurais attendu!... Et pour quelques légères considérations, j'aurais privé les contemporains avides! Non (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823, p.241).
[Sans compl. d'obj. dir.] Une continuelle mise en question de tout prive du pouvoir de procéder par opérations séparées, oblige à s'exprimer par éclairs rapides (G. Bataille, Exp. int.,1943, p.54).
[Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] La haine qu'il portait au connétable l'aveuglait et le privait de toute raison; il regrettait toujours de ne point l'avoir fait mourir (Barante, Hist. ducs Bourg.,t.1, 1821-24, p.375).Le manque d'argent me privait d'une multitude de choses agréables, que n'apprécient pas toujours ceux qui peuvent se les procurer (A. France, Vie fleur,1922, p.482).
En partic. [En manière de châtiment, de sanction] Priver de sortie. Sans doute Votre Excellence a pesé dans sa sagesse la force des motifs qui la déterminent à un acte aussi important que celui de me priver ainsi de ma liberté, sans aucune forme judiciaire préalable, sans même qu'on m'ait dit pourquoi (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823p.493).Ce garçon dont on parle dans le journal, ils l'ont porté dans leurs bras, ils l'ont privé de dessert, ils savent bien que ce n'était pas un enfant extraordinaire (Mauriac, Journal 1,1934, p.73).
Rare, vieilli. Priver (qqn) de + inf.Parmi les maux que produisent les révolutions, un des plus tristes sans doute est celui de priver d'être bon (Maine de Biran, Journal,1815, p.89).
2. Priver qqn de qqn.Enlever, retirer à quelqu'un la présence d'une personne nécessaire ou à laquelle il est attaché. Priver une mère de son enfant. M. Gillenormand (...), pour des motifs stupides, l'avait arraché sans pitié au colonel, privant ainsi le père de l'enfant et l'enfant du père (Hugo, Misér.,t.1, 1862, p.758).Il y a eu, il est vrai, dans les années qui précédèrent le mariage, d'assez vilaines manoeuvres de chantage de la part de la femme; elle privait Swann de sa fille chaque fois qu'il lui refusait quelque chose (Proust, J. filles en fleurs,1918, p.466).
En partic. [Le compl. d'obj. dir. désigne un pays] Les journaux furent assez unanimes pour regretter un événement qui privait la patrie d'un chef dont la bonne volonté avait toujours été reconnue (Gobineau, Pléiades,1874, p.349).Sa mort héroïque [du colonel des Vallières], survenue le 28 mai 1918, à la tête de la 151edivision d'infanterie, a privé la France d'un de ses futurs grands chefs (Joffre, Mém.,t.2, 1931, p.171).
C. − [Le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Enlever, supprimer à une chose une ou plusieurs de ses caractéristiques, un ou plusieurs de ses avantages, la démunir, lui retirer quelque chose de nécessaire. Malgré la vénération et l'amour que je lui porte, je ne balance pas à dire qu'il a privé ses églogues de leur plus grand charme, en en bannissant les femmes (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p.119).Il n'y aura rien de comparable dans le monde entier, et à cause d'un prince (...) vous voudriez empêcher ce projet de se réaliser? Et priver Paris de sa plus grande curiosité? (Queneau, Pierrot,1942, p.155).
D. − Empl. pronom. réfl.
Vieilli. S'apprivoiser. (Dict. xixeet xxes.).
Se priver de + subst.; se priver de + inf.Renoncer à quelque chose volontairement, refuser quelque chose. Se priver d'un plaisir; se priver des services de qqn; se priver de dîner, de manger. Moi, qui n'ai pas la foi, qui ai souvent manqué de tout et qui sais aujourd'hui me priver de tout, même de fumer et de boire, je puis certifier que la pauvreté est une grande force spirituelle, à condition d'être réellement démuni de tout (Cendrars, Bourlinguer,1948, p.201):
. ... lorsque j'ai renoncé pour toi aux bals et aux soirées, c'était simplement de l'ennui que je m'épargnais, ce n'était pas un sacrifice que je te faisais, il n'y a de sacrifice à se priver d'une chose que lorsque la chose dont on se prive faisait éprouver du plaisir. Hugo, Lettres fiancée,1820, p.18.
Se priver sur + subst.Se priver sur la nourriture. [Mes parents] ont toujours réglé d'avance. Jamais un sou de dette. Même au milieu des pires déboires. À Courbevoie seulement à force de soucis et de se priver sur bien des choses, ma mère s'est mise à tousser (Céline, Mort à crédit,1936, p.58).
Empl. abs. S'imposer des privations. Je n'avais pas besoin d'un cadeau pour savoir que tu pensais à notre anniversaire. Si tu m'avais acheté quelque chose, il aurait fallu encore se priver ce mois-ci (Arland, Ordre,1929, p.347).V. liarder ex. de Rolland.
Ne se priver de rien. Bien sûr que non! Tout cet argent-là, les deux vieilles en font un magot, qu'elles cachent. Et elles ne se privent de rien, je vous assure; seulement, elles lui font des scènes lorsqu'il s'achète des boules de gomme! (Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p.895).
Fam. [En tournure nég.] Ne pas se priver de + inf.Ne pas manquer de, ne pas s'abstenir de. Les clients de l'étude ne se gênaient pas plus devant lui qu'on ne se prive de parler en présence d'une douzaine d'huîtres (About, Nez notaire,1862, p.122).Elle me rappelait que je me voyais déjà pape, académicien, empereur! Et comme je n'étais rien de tout ça: il y avait de quoi rire. Elle ne s'en privait pas et finalement elle m'a foutu dehors (Queneau, Loin Rueil,1944, p.148).
REM.
Privateur, -trice, adj.,rare. Qui prive. Doctrine du péché: étant capable de tout le mal n'en rien faire, et voilà le bien; volonté privatrice −je n'aime point cela (Gide, Réflex. litt. et mor.,1897, p.414).
Prononc. et Orth.: [pʀive], (il) prive [pʀi:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1300 «ôter à quelqu'un, à quelque chose un bien, un avantage» (Gloss. rom., ms. Bibl. royale, 9543 ds T.-L.); 2. 1538 se priver de «renoncer à l'usage de quelque jouissance» (Est., s.v. praecludere); 1819 se priver «s'imposer des privations» (Boiste). Empr. au lat. privare «écarter de, ôter de, dépouiller». Fréq. abs. littér.: 1357. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2142, b) 1595; xxes.: a) 1631, b) 2105.

PRIVÉ, -ÉE, part. passé, adj. et subst.

PRIVÉ, -ÉE, part. passé, adj. et subst.
I. − Part. passé de priver*.
II. − Adj. Privé de.[Le compl. précise ce dont l'être ou la chose concernée est privée] Qui manque de, qui n'a pas ou qui n'a plus.
A. − [Privé concerne un être vivant, gén. une pers., ou un de ses attributs]
1. [Le compl. désigne une pers.] Ma femme agonisant alors dans un hôpital, mon deuxième petit garçon, privé tout à coup de sa mère, étant sur le point de mourir, et moi-même en grand danger (Bloy, Journal,1897, p.258).Privés de nombreux ouvriers appelés au front, les propriétaires étaient dans l'impossibilité de cultiver la totalité de leurs terrains (Becquet, Organ. loisirs travaill.,1939, p.218).J'imaginais Louise dans sa chambre sans joie, privée de son enfant, privée de tout: une telle détresse aurait dû faire exploser la terre (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p.132).
2. [Le compl. désigne une entité abstr.] Malade privé d'espoir; privé de repos, de sommeil. Sa voix lente, privée d'accent, paraîtrait molle, sans une résonance finale qui déconcerte, une sécheresse tranchante comme un couperet qui tombe (Martin du G., J. Barois,1913, p.328).Souvent des enfants privés d'affection comblent leur solitude en essayant de faire vivre les choses autour d'eux et en dialoguant silencieusement avec elles (Mounier, Traité caract.,1946, p.129).
3. [Le compl. désigne une entité concr.] Privé de la parole, de la vue; privé de moyens, de ressources; malade privé de promenades. On s'est trouvé quelquefois, dans le courant du jour, privé de boire et de manger, parce qu'on se trouvait précisément entre la ration consommée et la ration à venir (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823, p.423).Un chien privé d'hémisphères cérébraux ne manifeste plus de réflexes conditionnés, alors qu'il conserve ses réflexes absolus (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p.91).
B. − [Privé concerne une chose; le compl. désigne une chose] Boutique privée de lumière. Le bois enveloppé, privé d'air, se pourrit (Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p.3).Pauvreté d'un sol siliceux, privé d'éléments fertilisants, moins propre aux moissons et à l'engraissement du bétail qu'aux arbres et aux landes (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p.112).
III. − Subst. Celui, celle qui est privé(e) de, qui n'a pas. Ce n'est pas un acte de vertu, l'acte de dévouement qui fait donner leur vie à ces innommés, à ces anonymes, à ces privés de gloire? (Goncourt, Journal,1870, p.583).C'était lui, le loin de Dieu, le privé de lumière, le vrai mort (Malègue, Augustin,t.2, 1933, p.368).
Prononc. et Orth.: [pʀive]. Att. ds Ac. dep. 1694.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·