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PEUPLE, subst. masc.

PEUPLE, subst. masc.
A. −
1. Ensemble des humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant parfois une communauté d'origine, présentent une homogénéité relative de civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d'institutions communes. Tant que les hommes ne sont pas liés entre eux par une croyance commune, ils ne forment pas encore un peuple, car l'intérêt, qui a pu les rassembler hier, demain peut-être les divisera (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin, 1876, p.54).Sous ces emprunts, le Japon a jalousement conservé son originalité de peuple insulaire dans son cadre de montagnes et de découpures littorales (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum., 1921, p.209):
1. ... pour les barbares grossiers, l'idée que nous attachons au mot peuple, en tant qu'une réunion d'hommes ayant un même langage, des moeurs et des institutions communes, est une idée pour laquelle ils n'ont souvent point de mots. Au lieu de tel peuple, ils diront telle famille; plus souvent encore tel homme, tel héros, d'autant plus grand que le peuple sera plus nombreux. Mérimée,Mél. hist. et littér., 1855, p.116.
Rem. 1. Sur l'empl. de peuple et nation, v. nation B 1 a rem. 2. 2. La notion de peuple est très vague et peut correspondre à une ethnie: Un peuple peut se confondre avec une ethnie ou rassembler plusieurs ethnies (George 1970), à une communauté politique, linguistique ou culturelle: Mais ici les échafauds et les batailles, ayant coupé la nation en deux, firent deux peuples, l'un catholique et légitimiste, la Belgique; l'autre protestant et républicain, la Hollande (Taine, Philos. art, t.2, 1865, p.39).
Au plur. Ensemble des communautés humaines constituant la population du globe. Fils de Francklin, béni par Voltaire, il aurait chanté l'alliance de tous les peuples (P. Leroux,Humanité, 1840, p.iv).
En partic.
[Dans l'Ancien Testament] Le peuple choisi, de Dieu, élu. Le peuple juif (en tant que choisi par Dieu qui lui révéla la vraie religion). L'espèce humaine pour les Juifs, ce n'était (...) que le peuple choisi de Dieu et distingué du reste des nations (P. Leroux,Humanité, 1840, p.739).Un désespoir si obstiné, n'est-ce pas, à tout prendre, le plus beau cri d'espérance? Au fond, ces plaintes sont remplies d'allégresse et de cette confiance en lui-même, qui est le signe du peuple élu (Tharaud,An prochain, 1924, p.64).
[Dans le Nouveau Testament] Peuple de Dieu. L'ensemble des chrétiens. Par définition le peuple de Dieu en Christ comprend des hommes de toute race et de toute langue. Il est une réalité essentiellement religieuse et, partant, universelle (Allmen1956).
2. P. ext. Ensemble de personnes qui, n'habitant pas un même territoire mais ayant une même origine ethnique ou une même religion, ont le sentiment d'appartenir à une même communauté. Peuple basque, chrétien, palestinien, tzigane. Pour sentir la situation habituelle du peuple juif, il faut se rappeler ce que c'est pour l'homme pauvre et déshérité d'être chez lui l'été un jour de fête, de voir tout le monde courir au plaisir (Michelet,Journal, 1842, p.389).
SYNT. [Corresp. à 1 et 2 supra] Peuple arriéré, avancé, barbare, civilisé, cultivé, évolué, primitif, sauvage; peuple autochtone, indigène; peuple agriculteur, chasseur, commerçant, guerrier, marin, pasteur, pêcheur; peuple nomade, sédentaire; peuple libre, opprimé, soumis; art, coutumes, langue, littérature, moeurs, morale, religion d'un peuple.
3. Vx. Ensemble des personnes qui constituent la population d'une agglomération. Peuple d'un bourg, d'un village. Le clergé favorisoit encore la population (...) en dirigeant toutes les foudres de l'église, contre le systême du petit nombre d'enfans, adopté par le peuple des villes (Chateaubr.,Génie, t.1, 1803, p.62).
B. −
1. HISTOIRE
a)
α) [Sous la République romaine, p. oppos. au Sénat] Ensemble des citoyens de tout ordre, plèbe exclue. Demandez à l'histoire romaine quel était précisément le pouvoir du sénat; elle demeurera muette (...). On voit bien, en général, que celui du peuple et celui du sénat se balançaient mutuellement, et ne cessaient de se combattre (J. de Maistre,Constit. pol., 1810, p.20).
β) [À l'époque impériale] Synon. de plèbe. (Ds Morf. Philos. 1980).
b) Peuples de la mer. ,,Peuples, qui en 1200 avant notre ère, envahirent l'Égypte en venant des Balkans`` (Ville 1967).
2.
a) Ensemble des individus constituant une nation (v. ce mot B 2), vivant sur un même territoire et soumis aux mêmes lois, aux mêmes institutions politiques. Bonaparte (...) lorsqu'il voulut les asservir, salua les Français du nom de grand peuple; lui-même se glorifie de ce tour d'adresse (Stendhal,Rome, Naples et Flor., t.1, 1817, p.204).On a prétendu qu'Offenbach avait été envoyé par la Prusse pour déviriliser la France (...), cela exprime bien qu'avant d'attaquer un peuple, il faut le syphilitiser, sinon au propre, du moins au figuré (Péladan,Vice supr., 1884, p.182):
2. J'ai honte (...) pour ces hommes jeunes tout prêts à se précipiter dans leur trou au moindre bruit. Comment croire que c'est ce même peuple qui a fait 93, 48 et la Commune, qui s'est accroché dans les tranchées de 14 à 18... Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.50.
Rem. 1. Peuple peut désigner soit la totalité de la nation, soit la partie de la nation qui est dominée économiquement et politiquement comme l'atteste l'ex. de Valéry, Regards sur monde act., 1931, p.19: Le mot peuple, par exemple, avait un sens précis quand on pouvait rassembler tous les citoyens d'une cité autour d'un tertre, dans un Champ de Mars. Mais l'accroissement du nombre, le passage de l'ordre des mille à celui des millions, a fait de ce mot un terme monstrueux dont le sens dépend de la phrase où il entre; il désigne tantôt la totalité indistincte et jamais présente nulle part; tantôt le plus grand nombre, opposé au nombre restreint des individus plus fortunés ou plus cultivés. 2. À partir de la Révolution française et pendant une partie du xixes. a eu un contour flou; durant cette période a) il désigne l'ensemble de la nation française, sans distinction de classe: On entend par démocratie et par peuple la famille française tout entière, la nation dans sa génération la plus complète dans toutes les classes, dans tous les modes d'existence, de situation, de professions qui la composent (Lamart., Le Conseiller du Peuple, le passé, le présent, l'avenir de la République, 1850, p.20 ds M. Tournier, Le Mot «Peuple» en 1848 ds Romantisme, 1975, no9, p.11); b) il exclut l'aristocratie: Autrefois, le Tiers était serf, l'ordre noble était tout. Aujourd'hui le Tiers est tout, la noblesse est un mot. Mais sous ce mot s'est glissée une nouvelle et intolérable aristocratie; et le peuple a toute raison de ne point vouloir d'aristocrates (Sieyès, Tiers état, 1789, p.79); c) il ne désigne plus que le prolétariat, la classe ouvrière: Tocqueville (...) définit par «peuple proprement dit», «les classes qui travaillent de leurs mains» (Tocqueville, Souvenirs, 1848 ds M. Tournier, op. cit., p.14). La notion même du peuple, dans les écrits comme dans la pratique, se focalise sur le petit peuple, les plus démunis, la partie que Marat avait très précocement définie comme la plus digne d'intérêt, la plus «intéressante», quoique longtemps négligée (M. Vovelle, La Mentalité révolutionnaire, Paris, Éd. soc., 1985, p.102).
b) [P. oppos. aux gouvernants] Partie de la nation soumise à une autorité ayant le pouvoir politique. Toutes les fois que la tyrannie s'efforce de soumettre la masse d'un peuple à la volonté d'une de ses portions, elle compte parmi ses moyens les préjugés et l'ignorance de ses victimes (Condorcet,Esq. tabl. hist., 1794, p.96).Je vous demande ce que nous devons faire, alors que le gouvernement se permet des actes arbitraires, si vous ôtez à tout un peuple la faculté d'élever sa voix contre l'oppression ou les abus? Quel frein imposerez-vous donc à l'ambition du chef et aux malversations de ses ministres? (Crèvecoeur,Voyage, t.2, 1801, p.336).
La religion est l'opium* du peuple.
En partic., au plur. ou précédé d'un poss. Les sujets en tant que dépendant du souverain. Lui seul [Louis XVI] a le droit de tyranniser les peuples? (Marat,Pamphlets, Offrande à la Patrie, 1789, p.32).Un prince qui gouverne sagement et fait le bonheur de son peuple peut bien dire avec vérité, «la nation a besoin de moi» (Maine de Biran,Journal, 1814, p.5).
Père du peuple. Titre donné à certains rois. Louis XII a obtenu le plus beau surnom des rois de France: il fut tout d'une voix appelé le Père du Peuple (Chateaubr.,Ét. ou Disc. hist., t.4, 1831, p.235).
Le Petit père des peuples. V. petit I B 2 a.
3. [Le peuple institutionalisé et doté d'une physionomie juridique] Ensemble des citoyens d'un pays qui exercent le droit de vote pour désigner leurs gouvernants. Gouvernement du peuple; député, élu, représentant du peuple; consultation, la voix du peuple. Nous avons vu la souveraineté passer du peuple dans un homme; c'est l'histoire de Napoléon. (...) il le disait sans cesse; il disait: «Qui a été élu comme moi par dix-huit millions d'hommes? Qui est comme moi le représentant du peuple?» (Guizot,Hist. civilis., leçon 9, 1828, p.21):
3. Son principe [de la République française] est: gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Constitution de 1958, art. 2 et 3.
HIST. DE LA RUSSIE SOVIÉTIQUE. Commissaire du peuple. [Titre correspondant à celui de ministre]
Souveraineté* du peuple. Peuple souverain. V. souverain1.
Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. ,,Droit inhérent de tous les peuples à profiter et à user pleinement et librement de leurs richesses et ressources naturelles`` (Marie 1981). Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se réduit-il à une souveraineté territoriale ou se transforme-t-il nécessairement en droit des peuples à disposer des pôles de développement? (Perroux,Écon. XXes., 1964, p.176).
C. −
1. Le peuple. L'ensemble des personnes qui n'appartiennent pas aux classes dominantes socialement, économiquement et culturellement de la société. Synon. masse, plèbe (vieilli).Je trouvai horriblement vulgaires ces gens que j'aurais voulu aimer (...). En un mot (...) j'aime le peuple, je déteste ses oppresseurs, mais ce serait pour moi un supplice de tous les instants que de vivre avec le peuple (Stendhal,H. Brulard, t.1, 1836, p.183).Quelques hommes privilégiés veillent qui pensent que la misère du peuple est la condition de leur aisance. 500.000 parasites maintiennent dans une affreuse pauvreté plus de 24 millions de pauvres (Guéhenno,Journal «Révol.», 1937, p.54):
4. ... il y a aussi le peuple, qui fait si grossièrement fi de l'humanisme (...). Le peuple, à qui fut accordé par les radicaux le privilège exorbitant d'avoir par tête de pipe autant de droits civils et politiques qu'un Rezeau, le peuple, non pas populus mais plebs, ce magma grouillant d'existences obscures et désagréablement suantes... Le peuple (à prononcer du bout des lèvres comme «peu» ou même comme «peuh!»)... H. Bazin,Vipère,1948,p.113.
[En mettant l'accent sur la hiérarchie sociale; p.oppos. à la bourgeoisie, à la noblesse] Ah! le frisson d'amour d'une femme, qu'elle ait quinze ou cinquante ans, qu'elle soit du peuple ou du monde, me va si droit au coeur que je n'hésite jamais à le comprendre (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Miss Harriet, 1883, p.874):
5. Le bourgeois feint de traiter le peuple comme l'ensemble de ses enfants; il le reprend, l'avertit, le secourt, car il est assez clair que ce peuple ne saurait prendre lui-même en main ses destinées. Quand il punit le peuple, il le punit comme son propre enfant, pour son bien. Nizan,Chiens garde, 1932, p.95.
[En mettant l'accent sur l'aspect culturel] Depuis le peuple jusqu'au petit nombre des esprits les plus cultivés, chacun demande à être ému (Marmontel,Essai sur rom., 1799, p.317).Les revenants et les sorciers plaisent au peuple comme aux hommes éclairés (Staël,Allemagne, t.2, 1810, p.193).
Péj. Ensemble de personnes caractérisées par la vulgarité, le manque de distinction des manières quelle que soit la classe sociale à laquelle elles appartiennent. Elle veut qu'elle aussi [sa fille] (...) apprenne à penser sainement, à penser différemment du peuple (...): «J'appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément: la Cour en est remplie» (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.4, 1851, p.230).
Locutions
Homme, femme, enfant, gens du peuple. Personne(s) issue(s) de la couche la plus démunie socialement et culturellement de la société. Elle insistait sur la déchéance physique du vieux, soulignait les tares de la sénilité, avec une crudité de termes, comme font les gens du peuple, pour qui la délicatesse des sentiments est un luxe inutile (Moselly,Terres lorr., 1907, p.251).
Le petit, le menu peuple. Les couches les plus modestes de la société. Synon. petites gens (v. gens1).Déjà on était à table quand parut Choulette (...) il ne vivait plus qu'avec des gens du menu peuple, buvait toute la journée du vin de Chianti avec des filles et des artisans (A. France,Lys rouge, 1894, p.252).
Péj. Le bas peuple. Synon. canaille, populace, vulgaire.Une poussée rompit la ligne des soldats, et tout ce qui se pressait dans les allées, de bas peuple et de canaille, se rua au rocher de vin (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p.9).
Péj. La lie du peuple. La partie la plus marginalisée de la société, la plus rejetée. On voit un jeune homme de la lie du peuple, un simple pêcheur, acquérir en quelques heures le plus grand ascendant sur la multitude (Sénac de Meilhan,Émigré, 1797, p.1731).
[P. allus. à Voltaire, OEdipe, IV, 1; pour caractériser la crédulité du vulgaire] Un vain peuple. Bien que la sentimentalité ne soit pas ce qu'un vain peuple pense (Laforgue,Mor. légend., 1887, p.80).
2. Empl. adj. inv.
a) [En parlant d'une pers.] Qui est de condition modeste, qui a des manières, des comportements caractéristiques du peuple. Eût-il raflé tous les hippodromes, et quand il pourrait acheter la plus grosse étude de Paris, cette fille peuple serait sa femme d'élection (Barrès,Déracinés, 1897, p.159).
[P. méton.] Accent, parler peuple. Quand Chrysanthème s'accroupit devant sa boîte à fumer, je lui trouve un air peuple dans le plus mauvais sens du mot (Loti,MmeChrys., 1887, p.141).Je prends leur allure [des enfants], une dégaine peuple, ouvrière, carrée, lourde (Frapié,Maternelle, 1904, p.93).
b) Être peuple. Avoir des manières populaires, qui manquent de distinction; avoir des qualités physiques caractéristiques du peuple. Par les attaches et les extrémités, par l'attitude alourdie des membres, il était peuple (Zola,Fortune Rougon, 1871, p.12).
D. −
1. Multitude de personnes rassemblées dans un lieu. Synon. foule.Place, rue, salle, tribune remplie/pleine de peuple. De cette large rue aux maisons basses et peinturlurées, dévalant en lacet, un flot de peuple qui roulait sous le soleil, pareil à une traînée de fourmis (Zola,Germinal, 1885, p.1265).J'arrivais, moi, un samedi, ça faisait du peuple dans les rues. Ça moutonnait le long des boutiques. Le tramway (...) laminait la cohue (...) la foule était dense, et marron et onduleuse (Céline,Mort à crédit, 1936, p.249).
Fam. et pop. Se moquer, se ficher, se foutre du peuple. Se moquer, se ficher des gens, du monde et en particulier d'un groupe restreint englobant le locuteur. Dès qu'il aperçut Jésus-Christ, il cria: −J'aurais parié vingt sous (...). Est-ce que tu te fous du peuple? Nous t'attendons (Zola,Terre, 1887, p.64).
2. Vx. Synon. de public.Au siècle où nous vivons, l'horizon de l'art est bien élargi. Autrefois le poëte disait le public; aujourd'hui le poëte dit le peuple (Hugo,Angelo, 1835, préf., p.3).
3. Un peuple de, tout un peuple de. Un grand nombre de. Un peuple de douaniers, d'employés, de marins, de matelots. Un peuple de femmes d'officiers, rangées sur des gradins qui montent jusqu'en haut, haletantes, affamées de voir l'Impératrice (Goncourt,Journal, 1862, p.1139).Un peuple de dockers appartenant à toutes les races du globe s'affairait dans le tapage des sirènes à vapeur et les sifflets des usines et des trains (Cendrars,Du monde entier, 1924, p.128).
a) [À propos d'animaux, de végétaux] Peuple de fleurs, de grenouilles, d'hirondelles. Je découvris sur un espace découvert où s'attardaient des pans de neige, un peuple de petits crocus blancs, soyeux, délicats (Gide,Feuillets d'automne, 1949, p.1084).Il voit tout un peuple d'arbres rabougris, levant vers le ciel des branches noueuses et tordues (Sartre,Mort ds âme, 1949, p.218).
b) [À propos de choses] Peuple de statues. Parmi ce peuple de toits qui descendaient vers le lac, émergeait une tour souveraine, couronnée de clochetons (Martin du G.,Thib., Sorell., 1928, p.1223).
Prononc. et Orth.: [poepl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 842 poblo «ensemble d'hommes qui habitent un même pays et ont en général des institutions communes; ensemble des sujets vis-à-vis de souverains» (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p.1); b) fin xes. pople «population (d'un endroit)» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 40); c) ca 1135 pueple «l'humanité» (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 741); d) ca 1225 (Gautier De Coinci, II Ch 9, 3134, éd. V. F. Koenig, t.3, p.426; Li grans pueples et li menus); e) 1679 «ensemble (d'animaux)» (La Fontaine, Fables, livre IX, 19, éd. H. Regnier, t.2, p.451); 2. av. 1654 adj. «populaire» (Guez De Balzac, Diss., IX, t.2, p.491 cité ds Brunot t.3, p.166). Du lat. populus «peuple, ensemble des habitants d'un État constitué ou d'une ville», «ensemble des citoyens [s'opposant au Sénat et à la Plèbe]», et p. ext. «les gens, le monde» et «le public». Fréq. abs. littér.: 23099. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 55469, b) 30031; xxes.: a) 26681, b) 18765. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.372, 373, 374-375. _ Dossiers de mots. Néol. Marche. 1979, no6, p.280. _ Eskenazi (A.). Peuple et nation dans l'Esprit des lois. Ét. sur le XVIIIes. Clermont-Ferrand, 1979, pp.41-58. _ Hilty (G.). Les Serments de Strasbourg et la Séquence de Sainte Eulalie. Vox rom. 1978, t.37, pp.128-133. _ Klare (J.). L'Elaboration du vocab. pol. soc. en France ds la première moitié du 19es. Beitr. rom. Philol. 1974, t.13, p.268. _ Launay (M.). Qu'entend-on par peuple à Genève au 18es.? Images du peuple au 18es. Paris, 1973, pp.55-64. _ Maulnier (T.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp.175-176. _ Peuple et pouvoir: ét. de lexicol. pol. par J.-P. Beaujot, B. Conein, G. Gayot, M. Glatigny, Lille, 1981, 196 p. _ Quem. DDL t.11, 15, 20. _ Seguin (J.-P.). Lexicogr. et conformisme en 1798. La Licorne. 1978, no2, p.96. _ Rabotin (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Montréal-Paris-Bruxelles, 1975, p.47, 52, 63, 67. _ Tournier (M.). Le Mot Peuple en 1848: désignant social ou instrument pol.? Romantisme. 1975, t.9, pp.6-20; Un Vocab. ouvrier en 1848: essai de lexicométrie. Thèse, St Cloud, 1975, t.1, pp.63-65, 92-100, 104-106; t.2, passim. _ Vardar Soc. pol. 1973 [1970], pp.284-285. _ Wind 1928, p.9, 11.

PEUPLER, verbe

PEUPLER, verbe
I. − Empl. trans.
A. − Qqn1/qqc.1peuple qqc.2de qqn3/qqc.3
1. Qqn1peuple qqc.2de qqn3/qqc.3
a) Établir, installer en grand nombre (des personnes dans une contrée, un pays pour en constituer la population). Romulus, après avoir fondé Rome, la peupla de gens ramassés sans choix (Ac.).L'homme de génie ne vole pas, il conquiert, il fait de la province qu'il prend une annexe de son empire; il lui impose ses lois, il la peuple de ses sujets (Dumas père, Comment je devins aut. dram., 1833, introd., p.16).
Qqn1peuple qqc.2[Avec effacement du compl. prép. de] Un domaine et les terres qui en dépendent lui sont offerts, à charge par lui de les peupler (Huysmans, En route, t.2, 1895, p.289).
b) P. anal. [Le compl. prép. de désigne un animal, un végétal] Peupler un pays de gibier, un étang de poissons. Fernand Lopez, renégat portugais, déporté à cette oasis, la peupla de vaches, de chèvres, de poules, de pintades et d'oiseaux de quatre parties de la terre (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.654).
En partic. [Avec effacement du compl. prép. de] Peupler un bois, une vigne. ,,Garnir (un bois, une vigne) de nouveaux plants`` (Ac.).
2. P. ext.
a) Qqn1peuple qqc.2de qqn3/qqc.3Réunir, dans un lieu déterminé, plusieurs personnes ou plusieurs choses. Le philanthrope (...) avait peuplé les bagnes de moralistes qui lui étaient dévoués, et qui y propageaient ses leçons (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.437).C'était elle qui avait meublé tout l'appartement (...) et elle avait peuplé sa propre chambre d'objets glanés dans tous les ports où l'avait mené [sic] son époux aventureux (Butor, Passage Milan, 1954, p.10).
[Avec effacement du compl. prép. de] On donne un bal, on cherche à le peupler, qu'importe bien ou mal! (Bayard, Ménage paris., 1844, ii, 9, p.346).
b) Qqn1/qqc.1peuple qqc.2de qqc.3[Le compl. prép. de désigne une chose immatérielle] Remplir.
[Le suj. désigne une pers.] Il nous faut autour de nous, des hommes qui pensent et qui parlent. Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes (Maupass., Contes et nouv., t.2, Horla, 1886, p.1105).François, seul, ne s'ennuya pas. Il n'avait même pas besoin de peupler sa solitude et son oisiveté de ces mille distractions auxquelles même les paresseux se croient tenus (Radiguet, Bal, 1924, p.138):
1. Par l'esprit, elle retournait sans cesse au grand troupeau de corps impudiques dont elle peuplait son cerveau, et pour cette femme éprise de chimères, la vie n'était réelle que dans la mesure où elle rejoignait un rêve précis. Green, Malfaiteur, 1955, p.50.
[Le suj. désigne une entité psychol.] Tu peuples [l'imagination] nos jours et nos nuits des pensées des autres, de celles que tu leur prêtes et non de celles qu'ils ont réellement (Maurois, Journal, 1946, p.108).
[Le suj. désigne une chose matérielle] La veilleuse peuplait l'espèce de lingerie où il couchait d'ombres familières et de monstres apprivoisés (Mauriac, Sagouin, 1951, p.55).
B. − Qqn3/qqc.3peuple qqc.2
1.
a) Qqn3peuple qqc.2Occuper une contrée, un pays; former, constituer la population d'une contrée, d'un pays. Notre grand-père (...) appartenait à une sorte de clan de marins et de paysans qui peuple tout le pays de Goëlo (Renan, Ma Soeur, 1862, p.11):
2. ... ce que j'aime dans les villes algériennes ne se sépare pas des hommes qui les peuplent. Voilà pourquoi je préfère m'y trouver à cette heure du soir où les bureaux et les maisons déversent dans les rues, encore obscures, une foule jacassante... Camus, Été, 1954, p.102.
Empl. pronom. passif. Qqc.2se peuple de qqn3.Des contrées désertes se peupleront d'habitans; des hordes sauvages deviendront des nations policées (Say, Écon. pol., 1832, p.342).
b) P. anal. [Le suj. désigne un animal, un végétal] Ce n'est pas en vain que Dieu a donné à l'homme, pour son usage, les animaux qui peuplent la terre, le ciel et l'eau (A. France, Rôtisserie, 1893, p.325).
Fréq. au passif. La mer est peuplée d'espèces assez voraces (...) pour faire disparaître promptement la dépouille des pauvres diables qui laissent leur vie dans les flots (Delacroix, Journal, 1853, p.110).
Empl. pronom. passif. Tout milieu riche en matière organique se peuple rapidement d'une flore bactérienne ou fongique saprophyte (Plantefol, Bot. et biol. végét., t.1, 1931, p.395).Maintenant, les arbres s'étaient peuplés d'oiseaux. La terre soupirait lentement avant d'entrer dans l'ombre (Camus, Noces, 1938, p.25).
2. P. ext.
a) Qqn3peuple qqc.2Occuper, en grand nombre, un lieu (de façon permanente ou épisodiquement). Les beautés qui peuplent la montagne Sainte-Geneviève, et se partagent les amours des écoles, lui inspiraient une sorte de répugnance qui allait jusqu'à l'aversion (Musset, Mimi Pinson, 1845, p.216).Les personnes qui peuplent les salons s'attribuent des goûts et des dégoûts qui ne furent jamais les leurs (Barrès, Amit. fr., 1903, p.13).
Fréq. au passif. [En parlant d'un lieu public, d'un bâtiment] Il me venait des rires de gamine, du grenier voisin, qui était peuplé de toute une famille (Zola, Nouv. Contes Ninon, 1874, p.70).Maintenant les rues étaient plus noires et moins peuplées. Des voix passaient encore. Dans l'étrange apaisement du soir, elles devenaient plus solennelles (Camus, Env. et endr., 1937, p.49).
Empl. pronom. passif. Qqc.2se peuple.Elle avait (...) adressé çà et là quelques invitations auxquelles on s'était empressé de répondre; déjà les salons de l'hôtel Levrault commençaient à se peupler de figures aristocratiques (Sandeau, Sacs, 1851, p.38).Le trottoir s'était peuplé; une foule s'éveillait, allait entre les marchandises, s'arrêtant, causant, appelant (Zola, Ventre Paris, 1873, p.614).
b) Qqc.3peuple qqc.2Remplir, occuper (un lieu); être un grand nombre concentré (dans un lieu). Ces myriades de statues qui peuplaient tous les entre-colonnements de la nef et du choeur, à genoux, en pied, équestres, hommes, femmes, enfants, rois, évêques, gendarmes (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.127).
Empl. pronom. passif. Les jardins commencent à se peupler de statues à la manière italienne [première moitié du XVIIesiècle] (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p.188).
Au fig. ou p. métaph. Quels rêves peupleront Le sommeil de la mort lorsque, sous notre front, Ne s'agiteront plus la vie et la pensée? (Dumas père, Hamlet, 1848, iii, 4, p.210).Mes vrais souvenirs de collège commencent où les cahiers se ferment Farces et rixes, escapades (...) voilà mes souvenirs de cancre, ce qui peuple ma mémoire de mauvais élèves et d'affranchi (Cocteau, Portr.-souv., 1935, p.107).Les cris des oiseaux de mer peuplaient le matin, montaient comme la senteur sauvage de la mer libre (Gracq, Syrtes, 1951, p.222).
II. − Empl. intrans., vieilli. Proliférer; se reproduire, se multiplier en abondance. Ces Clermont-Tonnerre, dont un aïeul vendit (...) cinq millions une terre de vingt-deux villages, vivent là, peuplent avec des bûcheronnes (Goncourt, Journal, 1857, p.388).
REM.
Peuplant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui favorise le peuplement. La forêt est-elle peuplante? (...) La réponse qui vient tout d'abord à l'esprit est négative. (...) on peut aussi regretter que les acquisitions de terrains par l'État sur de vastes surfaces aient précipité l'émigration (Forêt fr., 1955, p.8).
Prononc. et Orth.: [poeple], [pø-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1155 popler «emplir un lieu d'habitants» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 643); b) ca 1200 pupler en parlant d'animaux (Bueve de Hantone, éd. A. Stimming, 5072); c) ca 1236 puepler en parlant de végétaux (Rose, éd. F. Lecoy, 1352); 2. au fig. a) 2emoitié xiiies. peupler de «remplir de (gens, nourriture, équipements, etc.)» (Gaufrey, 23 ds T.-L.); b) 1762 (Rousseau, Émile, p.662 peupler d'images). Dér. de peuple*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 637. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1030, b) 735; xxes.: a) 720, b) 969.

PEUPLÉ, -ÉE, part. passé et adj.

PEUPLÉ, -ÉE, part. passé et adj.
I. − Part. passé de peupler*.
II. − Adjectif
A. −
1. Où il y a de nombreux habitants. Synon. habité, populeux.Contrée, ville très peu peuplée. Pays [le Maroc] dur, austère, sans grâce, riche et qui semble pauvre, peuplé et qui semble vide (Tharaud, Marrakech, 1920, p.2).
2. Où il y a de nombreuses personnes, beaucoup de gens. Lorsqu'il ferma la nouvelle Fabrique et se replia sur l'ancienne encore très peuplée, il envisageait ce qu'il croyait le pire avec cette confiance du médecin qui fait crédit à la nature et à la fièvre plus qu'à ses remèdes (Chardonne, Dest. sent., III, 1936, p.232).
B. − P. ext. Rempli. Synon. vivant.Je suis triste. Cette maison que tu rendais si gaie et si peuplée pour moi il y a peu de jours me semble à présent vide et déserte (Hugo, Corresp., 1831, p.497).Turpin, donc, prêtait l'oreille au silence d'après minuit, si complexe, si peuplé dans son apparence déserte (Arnoux, Rhône, 1944, p.144).
Prononc.: [poeple], [pø-]. Fréq. abs. littér.: 766. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1041, b) 1143; xxes.: a) 975, b) 1169.

Peuple, subst. masc.,

Peuple, subst. masc.,vx ou région., synon.Cette espèce de parc était borné (...) par deux longues avenues de peupliers démesurés, appelés peuples en Normandie (...) Ces peuples avaient donné leur nom au château (Maupass., Une Vie, 1883, p.13).Un terrain aux ondulations très lentes. Peu de haies, une rangée de «peuples», comme dit Tellier, et de saules (Tharaud, Pour fid. de Péguy, 1928, p.145).

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·