PATELIN1, -INE, subst. masc. et adj.
I. − Subst. masc., vx. [Parfois avec une majuscule, p.allus. à La Farce de Maître Patelin] Personne qui affecte une douceur et une amabilité trompeuses destinées à duper son entourage et à dissimuler ses véritables intentions. Ce sont, sous le menu vair et l'hermine ou en cotte de drap, des Patelins et des Archipatelins (A. France, Génie lat., 1909, p.9).
II. − Adjectif A. − [En parlant d'une pers.] Qui cherche à séduire, à s'attirer la bienveillance ou la confiance d'autrui par un comportement doucereux, une amabilité insinuante et feinte. Synon. onctueux, papelard, patelineur (dér. s.v. pateliner).Je la regardais avec douleur. N'éprouvant rien près de moi, elle était pateline et non pas affectueuse; elle me paraissait jouer un rôle en actrice consommée (Balzac, Peau chagr., 1831, p.144).Hume était un gros homme, patelin, flegmatique, poli, sceptique, qui se savait gré de voir toujours plutôt le côté favorable que le côté défavorable des choses (Guéhenno, Jean-Jacques, 1952, p.187).− Empl. subst. Elle était tout-à-fait jésuitique (...) c'était une pateline dont l'aspect édifiant aurait suffi pour faire sortir un saint du purgatoire ([L'Héritier],Suppl. Mém. Vidocq, t.1,1831,p.9).
B. − [En parlant des attitudes, des expressions, des manières de qqn] Doucereux, flatteur, insinuant. Bienveillance, obséquiosité pateline; ton, sourire patelin; caresse, manière pateline. Cette espèce d'hypocrisie pateline, par laquelle l'homme qui pouvait tout essayait de se faire passer pour opprimé, souleva dans le coeur de Grégoire un mépris qu'il eut peine à contenir (Thierry, Récits mérov., t.2, 1840, p.150).Un après-midi, comme ils retournaient des silex au milieu de la grande route, M. le curé passa, et, les abordant d'une voix pateline... (Flaub., Bouvard, t.1, 1880, p.83):. ... mais plus encore que ses rogues manières, on redoutait la bonhomie pateline et froide dont il s'accoutrait quelquefois: si malin que fût le grand Volat, on reniflait à son entour le relent de traîtrise qui invitait à la prudence; un putois a beau être fin, il n'est pas libre de ne pas puer.
Genevoix, Raboliot, 1925, p.24.
C. − [En parlant d'une oeuvre littér., d'une expr. verbale ou écrite] Empreint de bonhomie feinte, de fausse bienveillance, de flatterie. Il fallait opter: ou la tragédie pateline, sournoise, fausse, et jouée, ou le drame insolemment vrai, et banni (Hugo, Cromwell, 1827, p.41).Et Zola de plaider les circonstances atténuantes de la corruption avec un tas de circonlocutions et avec des phrases patelines (Goncourt, Journal, 1893, p.362).V. parthique rem. s.v. parthe ex. de Bremond.
REM. Patelinement, adv.D'une manière pateline. [Le second candidat] grassouillet et blond, l'air demi-libertin, demi-benêt, dit à voix basse et patelinement: −Sire, vous ferez construire une salle [de théâtre], vous payerez les costumes (Balzac, OEuvres div., t.2, 1833, p.592).
Prononc. et Orth.: [patlε
̃], fém. [-in]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.A. Subst. 1. 1460 «langage» (Guillaume Alexis, Les Faintes du monde, 860 ds OEuvres poétiques, éd. A. Piaget et E. Picot, t.I, 118); en partic. ca 1477 pathelin «propos sournois, artificieux» (Messieurs de Mallepaye et de Baillevent ds Théâtre fr. avant la Renaissance, éd. E. Fournier, p.118); encore mentionné ds Littré; 2. ca 1464 nom propre «nom d'un avocat retors» (La Farce de Maistre Pathelin); 1538 «homme souple et artificieux» (Est.). B. Adj. 1. 1571 «qui tâche, par des flatteries ou de belles paroles, à tromper ou simplement à arriver à ses fins» (La Porte, Epith.); 2. 1735 «(d'une attitude) empreint d'une douceur hypocrite» [regarder qqn d'] un air patelin (Mouhy, Paysanne parvenue, p.4). Dér., à l'aide du suff. -in* −prob. sur le modèle de gobelin* −du rad. onomat. patt-, v. aussi patois; la nuance «rusé, artificieux» qui caractérise très tôt «langage» vient sans doute du personnage de Maistre Pathelin qui dupe les gens par de belles paroles, d'où le sens du subst. «homme souple et artificieux», et par la suite celui de l'adj. Il est probable que le sens premier de patelin «langage» est à l'orig. du nom de Maistre Pathelin dont il est dit que «Tant de langaiges il fatroulle» (Maistre Pathelin, éd. J. Cl. Aubailly, 776) et qu'«Il ne cessera Huy de parler divers langaiges» (ibid., 854-55), cf. G. Frank ds Mod. Lang. Notes, t.56, 1941, pp.42-47; l'hyp. de Sain. Lang. Rab. t.2, p.378, qui fait de patelin un dér. de patiler, pateler (FEW t.21, p.220b) à laquelle semble se rallier Spitzer ds G. Frank, loc. cit., p.47, note 12, est peu probable.