OSTRACISME, subst. masc.
A. − ANTIQ. GR. Bannissement d'une durée de dix ans prononcé à la suite d'un jugement du peuple, dans certaines cités grecques et en particulier à Athènes, à l'encontre d'un citoyen devenu suspect par sa puissance, son ambition. Ce citoyen d'Athènes qui condamna Aristide à l'ostracisme parce qu'il était las de l'entendre appeler juste (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.57).
B. − P. anal. Action d'exclure d'un groupement politique, de tenir à l'écart du pouvoir, une personne ou un ensemble de personnes; résultat de cette action. Synon. exclusion.Prononcer l'ostracisme contre qqn; être frappé d'ostracisme: 1. ... tous les esprits distingués de la France contemporaine se sont trouvés tôt ou tard mis en dehors du recrutement gouvernemental, ou, s'ils ont triomphé de l'ostracisme auquel les condamnait leur divorce avec les passions communes, ç'a été en se reniant eux-mêmes.
Bourget, Essais psychol., 1883, p.67.
− En partic. Exil. On nous communique officiellement la convention des souverains alliés, qui, sans autre forme de procès, proclament et consacrent l'ostracisme, l'emprisonnement de Napoléon (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.860).
C. − P. ext. 1. [S'applique à une pers., un ensemble de pers.] a) Décision de mettre ou de tenir à l'écart d'une société, d'une collectivité par des mesures discriminatoires. Synon. fam. mise en quarantaine.Marcel, qui avait refait dix fois, et du haut en bas remanié cette toile, attribuait à une hostilité personnelle des membres du jury l'ostracisme qui le repoussait annuellement du salon carré (Murger, Scènes vie boh., 1851, p.179).Presque personne à l'université ne parlait à Drabkin, en dehors de ses coreligionnaires (...). Mais là était le plus surprenant. Drabkin ne souffrait aucunement de l'ostracisme dont il était l'objet (Green, Journal, 1936, pp.51-52):2. ... il acceptait, sans révision, comme vérités éternelles, les opinions stagnantes de son milieu. (...) c'était peut-être heureux qu'il fût ainsi; car à quoi bon discuter les principes auxquels, de gré ou non, il faut conformer sa conduite, si l'on ne veut pas risquer l'ostracisme?
Martin du G., Devenir, 1909, p.14.
b) Attitude hostile d'un ensemble de personnes constituant une communauté envers ceux qui lui déplaisent. En dix minutes le Nabab subit toutes les manifestations de ce terrible ostracisme du monde parisien (A. Daudet, Nabab, 1877, p.239):3. Se souciant de moins en moins du monde (...), il vivait dans un isolement relatif qui n'avait pas, comme celui où était morte Mmede Villeparisis, l'ostracisme de l'aristocratie pour cause, mais qui aux yeux du public paraissait pire...
Proust, Temps retr., 1922, p.764.
2. [S'applique à une chose] Action de proscrire. [Dans les mines à grisou] il n'y a pas plus de raison, a priori, de frapper l'électricité d'ostracisme qu'il en apparaît de proscrire l'emploi (...) des explosifs de sûreté (Haton de La Goupillière, Exploitation mines, 1905, p.644).J'ignore pourquoi l'on fait peser un tel ostracisme sur une profession utile, solennelle et discrète [la pharmacie] (Jammes, Mém., t.1, 1921, p.127).
Prononc. et Orth.: [ɔstʀasism̭]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. 1535 Antiq. gr. (G. de Selve, Vies de Plutarque ds Delb. Notes mss); 2. 1667 «fait de repousser systématiquement quelque chose» (Boileau, Sat., XI ds Littré); 3. 1770 pol. «parti pris d'exclusion à l'égard d'une personne» (Lefèvre de Beauvray, Dict. social et patriotique ds Quem. DDL t.11). Empr. au gr.
ο
σ
τ
ρ
α
κ
ι
σ
μ
ο
́
ς «bannissement», dér. de ο
̓
σ
τ
ρ
α
κ
ι
́
ζ
ω (v. ostraciser). Fréq. abs. littér.: 49. Bbg. Quem. DDL t.11.