1. Instrument à vent puissant et complexe, utilisé depuis des siècles dans les églises, souvent de grandes dimensions, possédant un (ou plusieurs) clavier(s) manuel(s) et un clavier de pédales, dont les touches commandent le passage de l'air, envoyé par une soufflerie et emmagasiné dans les sommiers, vers des tuyaux de taille décroissante disposés par jeux, que l'on peut combiner les uns avec les autres, et qui ont chacun un timbre différent. Buffet, tuyaux d'orgue; jeux d'un orgue; facteur d'orgue; concert d'orgue; jouer de l'orgue, toucher l'orgue. L'orgue succède aux chants; il roule, et répercute dans les profondeurs de la nef, ses ondes graves ou sonores (Michelet,Chemins Europe,1874, p.134).V.
déchaînement B 2 ex. de Moselly:
1. L'orgue est certes le plus grand, le plus audacieux, le plus magnifique de tous les instruments créés par le génie humain. Il est un orchestre entier, auquel une main habile peut tout demander, il peut tout exprimer.
Balzac,Langeais,1834, p.202.
Rem. 1. Le mot s'emploie parfois au fém. plur., surtout dans la loc. les grandes orgues, où il désigne de façon plus solennelle un instrument unique. On parla des orgues de la cathédrale, qui avaient besoin d'être réparées (Zola, Conquête Plassans, 1874, p.1023). J'ai autant d'aise à me trouver ici qu'à son clavier l'organiste des grandes orgues (Romains, Knock, 1923, III, 6, p.18). 2. ,,Le pluriel orgues est également du masculin quand il désigne plusieurs instruments`` (Grev. 1969, § 262).
♦ Cabinet d'orgue. Synon. de buffet d'orgue. V. buffet II B 1.Synon. anc. de orgue de Barbarie (infra A 3 b). (Ds Littré, Guérin 1892).
♦ Grand orgue ou grandes orgues. Orgue le plus important d'une église, placé souvent dans une tribune au fond de l'église, par opposition à petit orgue ou orgue de choeur, orgue de dimensions restreintes, souvent placé dans le choeur. Le Gloria in excelsis divisé entre le grand et le petit orgue, l'un chantant seul et l'autre dirigeant et soutenant le choeur, exultait d'allégresse (Huysmans,En route,t. 1, 1895, p.51).
♦ Tribune de l'orgue, des orgues et p. ell. orgue(s). Tribune où est placé le grand orgue d'une église (habituellement au fond de la grande nef, au-dessus du portail principal). Il ouvrit la petite porte de la tour par où l'on monte aux orgues, et nous nous mîmes à grimper dans les ténèbres (Erckm.-Chatr.,Conscrit 1813,1864, p.29).
−
Loc. et expr. ♦ Loc. verb. Ronfler comme un/des (tuyau(x) d')orgue(s). Bourdonner, ronfler bruyamment et régulièrement. Labouise se réveilla et, secouant son camarade, qui ronflait comme un orgue (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Âne, 1883, p.379).Les abeilles lourdes de butin, qui ronflent comme des tuyaux d'orgues (Rolland,J.-Chr.,Antoinette, 1908, p.836).Le petit poêle à pétrole qui ronflait comme un tuyau d'orgue (Duhamel,Combat ombres,1939, p.286).
♦ Expr. Disposition en tuyaux d'orgue. ,,Disposition rappelant les hauteurs décroissantes des tuyaux d'un orgue`` (Ac. 1935). Fam. Ils sont comme des tuyaux d'orgue. ,,Se dit, par une espèce de proverbe, De plusieurs enfants qui sont tous d'une taille inégale`` (Ac. 1835, 1878).
− P. métaph. Devant la fenêtre baignée d'un clair de lune, soudain il me sembla que le doigt de Dieu effleurait le clavier de l'orgue universel (Bertrand,Gaspard,1841, p.46).Le vent souffle dans les branches. Son orgue a les pins pour tuyaux (Cros,Coffret santal,1873, p.11).
2. HIST. DE LA MUS. a) Orgue hydraulique. Orgue en usage dans l'Antiquité et chez les Romains, dans lequel l'air était poussé par la pression de l'eau. [Néron] affectait de ne s'occuper que de certains instruments de musique, nouvellement inventés, et en particulier, d'une espèce d'orgue hydraulique (Renan,Antéchrist,1873, p.307).Une plainte continue monte du fond des ergastules. Les sons doux et lents d'un orgue hydraulique alternent avec les choeurs de voix (Flaub.,Tentation,1874, p.27).
b) Orgue pneumatique. Orgue dans lequel l'air était chassé dans les tuyaux par des soufflets et qui remplaça l'orgue hydraulique au ives. de notre ère. Les crises sonores de coqueluche des orgues pneumatiques (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.251).
c) Orgue portatif*, positif*.
3. P. anal. a) [Instruments à clavier] ♦
Orgue expressif. Instrument du début du xixes., combinant les tuyaux et les anches libres, et qui fut l'ancêtre de l'harmonium. Elle s'appuyait à son bras avec de longs soupirs d'orgue expressif: «Ah! docteur, c'est beau la jeunesse!» (A. Daudet,Jack,t.2, 1876, p.272):2. ... l'expression [est un jeu de l'harmonium], qui permet d'augmenter ou diminuer l'intensité [sonore] par la pression des pieds sur la soufflerie, et auquel l'instrument doit son nom d'orgue expressif.
Lavignac,Mus. et musiciens,1895, p.111.
♦ Orgue de cinéma. Orgue électrique en usage naguère dans les salles de cinéma et dont les jeux sont soumis à un constant trémolo. (Ds Rob., Pt Rob., Lar. Lang. fr.).
♦ Orgue électrique. Instrument muni de hauts-parleurs et d'amplificateurs, dont les sons imitant les jeux de l'orgue, sont produits par des circuits électriques. Cette année voit se développer [dans les catalogues de vente par correspondance], à tous les niveaux de prix, les instruments de musique, de la flûte à l'orgue électrique, voire électronique (Le Monde, 1erdéc. 1983, p.16, col.3).
♦ Orgue électronique. Instrument produisant des sons synthétiques grâce à des circuits oscillants. Les constructeurs d'orgues électroniques ont pris pour but de créer un instrument qui remplacerait entièrement les véritables orgues à tuyaux (...). À l'aide de générateurs électroniques de courants en dent-de-scie, qui produisent des sons riches en harmoniques supérieurs, ils ont réussi à imiter parfaitement le son des tuyaux d'orgue (A. Buchner,Encyclop. des instruments de mus.,trad. par B. Faure, Paris, Gründ, 1982, p.334).
b) [Autres instruments] ♦ Orgue de Barbarie, orgue (à manivelle, à cylindre). Orgue mécanique, habituellement de petites dimensions, portatif ou monté sur roues, dans lequel une manivelle met en rotation un cylindre noté ou une bande de carton perforée et actionne le soufflet, dont jouent les musiciens ambulants. Synon. limonaire, cabinet d'orgue (vieilli, supra 1).Il avait chez lui (...) un orgue de Barbarie avec des airs nouveaux et des cylindres de rechange (Sainte-Beuve,Volupté,t.1, 1834, p.92).Un joueur d'orgue étonna. Tant de musiques vivantes sortaient de sa boîte somptueuse à panneaux de soie rouge, entre lesquels une image exposait un cheval blanc sous un homme (Adam,Enf. Aust.,1902, p.1).
♦ Orgue à bouche. Instrument à vent d'origine asiatique très ancienne, fondé sur le principe de l'anche libre, très fine donc très sensible, dont les tuyaux sont perpendiculaires à l'embouchure. J'ai vu les prêtres (...) offrir le sacrifice du matin aux sons de la flûte et de l'orgue à bouche (Claudel,Connaiss. Est,1907, p.82).Le réservoir d'air des (...) orgues à bouche de Chine (Schaeffner,Orig. instrum. mus.,1936, p.47).
4. Point d'orgue a) Prolongation de la durée d'une note ou d'un silence et, p. méton., signe composé d'un point surmonté d'un arc de cercle, et indiquant la prolongation de cette note. Brusquement, la course s'arrête. À pas feutrés, pp., sur la pointe des pieds −avec les notes de la basse piquées −la marche reprend, hésite, se ralentit − poco ritard., −fait halte, sur deux points d'orgue, dont le second, qui passe du majeur au mineur, dénote l'incertitude... (Rolland,Beethoven,t.1, 1937, p.135).− P. métaph. [Ceci] détermina un «ah!» de soulagement, éternisé en point d'orgue (Courteline,Ronds-de-cuir,1893, 6etabl., iii, p.250).
b) Au xviiies., signe placé sur un accord de sixte ou de quarte de la dominante et annonçant une cadence improvisée. Le lasciatemi fare (je me charge de tout) de Rossini avec ses chanteurs en est venu à ce point, que ceux-ci n'ont plus même la faculté de composer le point d'orgue (Stendhal,Rossini,t.2, 1823, pp.114-115).