1. [Chez l'homme] La conversation générale des femmes sur la plage: leurs oreilles, qu'elles se sont fait percer pour mettre des boucles d'oreille (Goncourt,Journal,1864, p.66).Un petit morvandiau, tout brun? (...) qui a les oreilles sans ourlet et la peau tannée? (R. Bazin, Blé,1907, p.29):3. ... il passait et repassait la main sur les oreilles décollées, qui pliaient le long de la joue et se redressaient comme des ressorts, et devenaient brûlantes...
Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p.673.
SYNT. Hélix, lobe, lobule, tragus de l'oreille; oreille(s) grande(s), petite(s), bien contournée(s), bordée(s), ourlée(s), rouge(s), transparente(s); oreilles broussailleuses, poilues, velues; oreilles détachées, écartées, en feuilles de choux, en chou-fleur; (se) laver les oreilles, mettre du coton dans ses oreilles; se frotter, se gratter l'oreille; enfoncer son chapeau jusqu'aux oreilles, remonter son col jusqu'aux oreilles; mettre son crayon sur l'oreille; appliquer, coller son oreille contre une porte; anneaux, pendants d'oreilles.
♦ Avoir, mettre, poser (son chapeau) sur l'oreille. [Signe de détermination ou d'insouciance, de laisser-aller] Alfred avait le canotier sur l'oreille. Loin de sa femme, ce petit quadragénaire gras reprenait du poil de la bête (Mauriac,Noeud vip.,1932, p.215).Il marchait en balançant les poings, son chapeau mou crânement posé sur l'oreille (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.205).
♦ Couper une oreille, les oreilles. [Pour châtier les malfaiteurs, les voleurs autrefois, ou pour menacer] Jeune homme, j'ai eu le bonheur, à Bristol, de n'avoir qu'une oreille coupée quand je méritais qu'il ne m'en restât pas une (Janin,Âne mort,1829, p.68).
♦ Frotter* les oreilles, donner* sur les oreilles, secouer les oreilles à qqn. Donner une correction. Je vais te secouer les oreilles, fumiste! Filou! (Audiberti,Quoat,1946, 2etabl., p.51).
♦ Pincer, tirer les oreilles; prendre par l'oreille. [Pour châtier, surtout pour punir un enfant] Spinello, tu es bien ignorant pour ton âge. J'ai grande envie de te tirer les oreilles comme à un mauvais écolier (A. France,Puits ste Claire,1895, p.79).J'aurais pris le gamin par les oreilles et je vous l'aurais fouetté avec une bonne poignée d'orties (Bernanos,Crime,1935, p.815).
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Loc. fam. Avoir la puce* à l'oreille. Dépendre* les oreilles. Dormir* sur ses deux oreilles, sur l'une ou l'autre oreille; ne dormir* que d'une oreille. Fendre* l'oreille. Pendre* à l'oreille. ♦ En avoir sur l'oreille (vieilli). ,,Être fatigué, abattu`` (Littré).
♦ Ne pas avoir de coton dans les oreilles. Ne rien perdre de ce qui se dit. Certain Boniface (...) s'était vanté jadis de n'avoir jamais eu de la cire aux yeux, ni les prunelles à la poche, ni du coton dans les oreilles (Cladel,Ompdrailles,1879, p.310).
♦ Chauffer*, échauffer les oreilles. Agacer. Avoir chaud aux oreilles. Être agacé. C'était la seconde fois, cet après-midi là, qu'on autorisait ainsi quelqu'un à lui parler. Et ce n'était pas seulement parce que (...) il était en vacances. C'était une question de caste, en quelque sorte, et le commissaire commençait à en avoir chaud aux oreilles (Simenon,Vac. Maigret,1948, p.119).
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Se faire tirer l'oreille. Se faire prier, être peu enclin à faire quelque chose. La main leste à la poche, ne se faisant jamais tirer l'oreille pour payer des glaces ou du punch, il prêtait cinquante francs sans jamais les redemander (Balzac,Employés,1837, p.88).P. métaph. Sa destination avait toujours été d'être magnifique; mais ses rentes se faisaient un peu tirer l'oreille (Montherl.,Bestiaires,1926, p.389).♦ Y laisser ses oreilles. ,,Être maltraité`` (Littré). Rapporter ses deux oreilles. Revenir sain et sauf d'une aventure, d'une entreprise dangereuse. Après avoir été la dupe d'une femme, il devait être la dupe du monde et des fausses amitiés. L'expérience qu'il a gagnée est chèrement payée, voilà tout. Nos ancêtres disaient: pourvu qu'un fils de famille revienne avec ses deux oreilles et l'honneur sauf, tout est bien (Balzac,Illus. perdues,1843, p.576).Croyez-vous mon fils capable de s'afficher avec cette ouvrière? −Et quand cela serait, répondit le barbier en riant, pourvu qu'un garçon rapporte au logis ses deux oreilles, il n'y a pas à s'inquiéter du reste (Theuriet,Mariage Gérard,1875, p.24).
♦ Pédaler avec les oreilles. ,,Dodeliner de la tête en pédalant, signe extérieur d'une grande fatigue`` (Glossaire du sport cycliste ds Vie Lang. 1966 no173, p.452).
− P. exagér. [À propos d'un rire, d'une grimace] Rire d'une oreille à l'autre. Et Pierrot d'élargir jusqu'aux oreilles une grimace enfarinée (Bertrand,Gaspard,1841, p.84).Un rire d'allégresse fendait sa bouche jusqu'aux oreilles, ses yeux tout ronds s'illuminaient (A. France,Pt Pierre,1918, p.120).
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Loc. adv. fam. à valeur intensive ♦
Jusqu'aux oreilles. Entièrement. Être crotté jusqu'aux oreilles. Elle rencontre son regard et rougit jusqu'aux oreilles (Bernanos,M. Ouine,1943, p.1478).Au fig. Synon. jusqu'au cou.Être dans une affaire jusqu'aux oreilles. Oh! Oh! comme je vais être seul maintenant! Et me voilà dans le malheur jusqu'aux oreilles! (Maeterl.,Maleine,1889, p.221).♦
Par-dessus les oreilles Autant que l'on peut, à l'excès. Si l'on avait pu voir dans toutes les chambres, on aurait assisté à quelque chose de drôle, le petit monde s'en donnant par-dessus les oreilles (Zola,Nana,1880, p.1314).Pour neuf lecteurs sur dix, un roman est un plat dont ils s'empiffrent et dont ils veulent avoir par-dessus les oreilles (A. France,Vie littér.,1892, p.318).En avoir par-dessus les oreilles. En avoir assez, être accablé. Synon. en avoir par-dessus la tête.Quant à la Cibo, j'en ai par-dessus les oreilles: hier encore, il a fallu l'avoir sur le dos pendant toute la chasse (Musset,Lorenzaccio,1834, iv, 1, p.214).−
En loc. adj., vieilli. Vin d'une oreille. Bon vin (,,parce que le bon vin fait pencher la tête de celui qui le goûte d'un côté seulement``, (Littré);) vin de deux oreilles. Mauvais vin (,,parce qu'on secoue la tête et par conséquent les deux oreilles``, (Littré).) Rem. Explication différente chez A. France (Rabelais, 1909, p.3): Et, quand il s'écrie que le pineau est à une oreille, c'est que les Chinonais mettaient le bon vin dans des cruchons à une oreille, ou (...) à une seule anse.
2. [Chez les animaux] L'âne qui marche en tête, l'âne coronel, a toujours un petit plumet qui marque sa supériorité dans la hiérarchie de la gent à longues oreilles (Gautier,Tra los montes,1843, p.70).Les oreilles [du taureau] pointaient, tantôt l'une, tantôt l'autre, tantôt les deux à la fois, dans un mouvement sans repos (Montherl.,Bestiaires,1926, p.526):4. [Le lièvre] dort, les oreilles soigneusement rabattues sur le dos, pareil à une grosse pierre terne (...) et les bouts noirs et blancs de ses oreilles frémissent quand un bruit étrange aux rumeurs coutumières de la forêt heurte ses notes discordantes au concert monotone qui berce son sommeil.
Pergaud,De Goupil,1910, p.127.
SYNT. Oreilles larges, petites, pointues, rondes; oreilles mobiles; oreilles aplaties, couchées, droites, pendantes; coucher, dresser, remuer les oreilles; chauvir des oreilles; couper, tailler les oreilles d'un chien.
♦ [Chez le cheval] Les oreilles sont un élément important de la beauté de la tête quand elles sont hardies, c'est-à-dire quand leur taille, leur forme, leur port sont corrects. Trop grandes, ce sont des oreilles d'âne (...). Si les oreilles sont ballottantes pendant la marche, on dit que le cheval a des oreilles de cochon ou qu'il a les oreilles plaquées (Larousse du cheval,1975, p.195).
♦ [P. allus. au conte du Petit Chaperon Rouge] Léo: Tais-toi, Yvonne approche... Georges: −Tu as de grandes oreilles, Léo. Léo: −C'est pour mieux empêcher qu'on te dévore, mon enfant! (Cocteau,Parents,1938, i, 8, p.219).
♦ Oreilles d'âne. [Symbole de l'ignorance] Cette tombe, si mon souvenir est exact, était située près du lavabo surmonté d'une tête de moine à oreilles d'âne, ces oreilles-là me reviennent de droit si j'ai cité de travers (Hugo,Corresp.,1862, p.394).[P. allus. à Midas] Certaines nuits, j'étais naïvement effrayé par mon intelligence, sachant que si l'artiste métamorphose tout en or, il ne saurait se passer d'oreilles d'âne. Je me tâtais les tempes, je me mêlais les cheveux, je cherchais des oreilles d'âne. J'en trouvais dans mon manque de culture et dans ma prétention même (Cocteau,Potomak,1919, p.22).
− ART CULIN. Oreilles de veau, de porc farcies, frites, grillées, à la Mirepoix. −Voulez-vous du thé? −Du thé? parle-moi d'une bonne soupe aux oignons, à la bonne heure; et puis, attends... −Une oreille de veau à la vinaigrette? −Oui, c'est cela, une oreille à la vinaigrette (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz,1864, p.38).
− TAUROM. Récompense accordée au matador. Si le public a particulièrement apprécié le travail du matador, il demandera au président l'octroi de l'oreille du toro (...). L'octroi de la deuxième oreille, éventuellement de la queue, est de la compétence exclusive du président qui n'a pas à se ranger à une pétition du public (Cas.-DupuyTaurom.1981).
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Loc. fig. ♦ Tenir le loup par les oreilles. ,,Être aux prises avec une situation difficile sans savoir comment en sortir`` (Ac. 1935).
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[À propos de pers., p. anal. avec les attitudes, les possibilités des oreilles de certains animaux] Avoir l'oreille basse. Être honteux, humilié. Aussitôt qu'il paraissait avec ses souliers ferrés, ses bas de laine bleue (...), on affectait de mettre la conversation sur un ton de cour: ne sachant quelle contenance tenir, Stamply se retirait confus, humilié et l'oreille basse (Sandeau,Mllede La Seiglière,1848, p.90).−Avez-vous eu souvent l'oreille basse, dans la vie? vous demande-t-il (Villiers de l'I.-A.,Contes cruels,1883, p.348).[P. allus. à la fable de La Fontaine, L'Âne vêtu de la peau du lion] Laisser passer, montrer (le bout de) l'oreille. Se dévoiler involontairement, laisser deviner ses intentions. Je ne réussis plus à me prendre au sérieux dans mon rôle turc; Loti passe le bout de l'oreille sous le turban d'Arif, et je retombe sottement sur moi-même (Loti,Aziyadé,1879, p.106).Le bout de l'oreille. Ce qui révèle quelque chose. Le bon Dieu est cruel de ne pas laisser entrevoir aux sous-préfets le petit bout de l'oreille de l'avenir (Hugo,Hist. crime,1877, p.191).Secouer les oreilles. Ne plus se soucier de quelque chose. Il faut que je retrouve l'homme qui m'a insulté, répétait Leuwen (...). −Dans le métier que nous faisons, vous et moi, répondit enfin Coffe d'un fort grand sans-froid, il faut secouer les oreilles et aller en avant (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1835, p.49).Proverbe. Chien* hargneux a toujours l'oreille déchirée. −
P. compar. ou p. métaph. ♦ Serviette nouée en oreilles de lapin. Le muguet: deux longues oreilles vertes et un petit bouton blanc (Renard,Journal,1900, p.581).Une grande consoude, aux feuilles en oreilles d'âne (Genevoix,Rroû,1931, p.112).
♦ (Cheveux coupés en) oreilles de chien. Coiffure, à la mode, sous le Directoire, dans laquelle deux longues mèches de cheveux encadraient le visage. Deconinck déclamait entre ses oreilles de chien envolées par-dessus le haut collet de son habit, et il brandissait son chapeau à la Robinson (Adam,Enf. Aust.,1902, p.266).