A. − Valeurs sém. 1. [Sert à exprimer un rapport d'appartenance, de parenté, de possession, d'appropriation plus ou moins lâche, d'intérêt entre l'être ou l'objet représenté et deux ou plusieurs pers. dont le locuteur] :
5. Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres.
Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Hugo, Légende, t.2, 1859, p.776.
2. [Sert à exprimer le même rapport entre l'être ou l'objet représenté et un groupe social qui inclut le locuteur ou la généralité des hommes] On m'a parlé d'un travail, un parallèle entre la constitution anglaise et la nôtre... Je pourrai peut-être vous fournir des documents (Zola, E. Rougon, 1876, p.170):6. Vous savez, les femmes, un rien les trouble! la mienne surtout! Et l'on aurait tort de se révolter là contre, puisque leur organisation nerveuse est beaucoup plus malléable que la nôtre.
Flaub., MmeBovary, t.1, 1857, p.138.
3. Par syllepse de la pers. a) Plur. de majesté ou plur. officiel. [Le suj. est une seule pers. qui dit nous au lieu de je; forme employée par les souverains, les chefs d'État, certains personnages officiels dans l'exercice de leur fonction] L'intérêt des Français se confond avec le nôtre (Mauger, Gramm. pratique du fr. d'auj., Paris, Hachette, 1968, p.141).
b) Plur. de modestie. [Forme employée parfois par les écrivains dans leurs ouvrages, notamment dans leurs préfaces, ou par les orateurs dans leurs discours] D'autres traités sont historiques; le nôtre essaie de décrire l'état présent du pays (Mauger, Gramm. pratique du fr. d'auj., Paris, Hachette, 1968, p.141).
B. − Fonctionnement syntaxique 1. [En fonction de suj.] Les médecins de Molière parlaient latin, les nôtres parlent grec (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p.36).− [Après le présentatif c'est] Ce n'est pas votre faute, mon bon Christophe. Ce n'est ni votre faute, ni la nôtre (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p.1229).
2. [En fonction d'attribut du suj. ou de l'obj.] De la première femme aimée, nous aimons tout: ses enfants sont les nôtres, sa maison est la nôtre, ses intérêts sont nos intérêts (Balzac, Lys, 1836, p.110).Votre prix sera le nôtre (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.128).
3. [En fonction de compl. d'obj. dir.] Ils ont perdu leur temps, et ils nous ont fait perdre le nôtre (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.304).Leur mère prévint délicatement la nôtre qu'elle n'accepterait pour brus que des filles dotées (Beauvoir, Mém. j.fille, 1958, p.273).
4. [En fonction de compl. prép.] Jésus fait passer sa croix de ses épaules sur les nôtres et de nos épaules sur les siennes, en sorte qu'on pleure toujours de douleur ou de compassion (Bloy, Journal, 1903, p.154).
5. [En fonction de compl. de compar.] Dans une petite maison comme la nôtre il faut mettre la main à tout (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.140).
6. [En phrase ell.] Vous me dites que vous faites passer ces documents par l'ambassade. Quelle ambassade? La nôtre ou la vôtre? (Tocqueville, Corresp.[avec Reeve], 1845, p.88).
7. [Employé avec chacun(e), lorsque ce dernier évoque la 1repers.] Nos rôles sont tracés, gardons chacun le nôtre (Dumas père, Caligula, 1837, iii, 3, p.83).
8. [Renforcé par propre (réfl.), par seul, par un adj. numéral cardinal, par à + subst. ou pron. pers., par à tous, pour préciser le genre des possesseurs ou pour énumérer les éléments du référent plur.] La littérature qui est la nôtre, à Daudet et à moi (Goncourt, Journal, 1891, p.11).Nous croyons à son existence [d'un personnage de roman] aussi fermement qu'à la nôtre propre (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.115).− [Par un compl. de reprise avec de pour nommer l'obj. possédé] Aujourd'hui, ce matin, tu le verras, le nôtre, de berger (Audiberti, Femmes Boeuf, 1948, p.118).