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NOTRE, NOS, adj. poss.

NOTRE, NOS, adj. poss.
Adjectif possessif de la première personne du pluriel, des deux genres, de forme atone, correspondant au pronom personnel nous, exprimant l'appartenance, la possession, la référence à nous, indiquant qu'il y a plusieurs «possesseurs», dont le locuteur, par opposition à mon, ma, mes (indiquant qu'il n'y a qu'un «possesseur»); lorsqu'il y a un seul élément (être ou chose) «possédé», il prend la forme notre; lorsqu'il y a plusieurs éléments «possédés», il prend la forme nos.
I. − Valeurs sém.
A. − Valeurs de «possession» (rapport de possession ou rapport personnel référant à nous). Qui est à nous, qui nous appartient, qui nous concerne.
1. [Représentant deux ou plusieurs pers., dont le locuteur]
a) Notre, nos + subst. désignant une pers., pour exprimer une relation familiale (parenté) ou sociale (vie sociale, amitiés, relations de travail, de voisinage, etc.).Notre père, notre mère, nos parents, nos enfants, nos neveux et nièces; notre directeur, nos employés, notre jardinier, nos voisins, nos clients, nos domestiques, nos invités. Un matin Dream est convoqué chez notre grand patron, le phraseur (Peisson,Parti Liverpool,1932, p.90).Notre petite va faire sa Première Communion de jeudi en quinze (Mauriac,Myst. Frontenac,1933, p.179):
1. Pour nous, modestes chercheurs, pour nous, débutants qui, hier encore, vivions dans le rayonnement des maîtres, notre garçon de laboratoire, c'est beaucoup mieux qu'un serviteur: c'est l'égal d'un secrétaire, c'est un ami, c'est un témoin... Duhamel,Combat ombres,1939, p.68.
[En s'adressant à qqn] À notre cher défunt, regretté...; à nos chers amis, auditeurs, lecteurs. Des petits cadres noirs, des couronnes de verre, Ayant trois mots gravés en or: «À notre mère!» (Rimbaud,Poés.,1871, p.38).
b) Notre, nos + subst. désignant une chose concr. ou abstr., pour exprimer l'appartenance à des pers. physiques ou morales, ou une appropriation plus large.Notre maison, notre jardin, notre nouvel appartement, notre voiture; notre mariage, notre lune de miel, notre voyage de noces; nos peines et nos joies, notre espérance, nos projets, le cadet de nos soucis; de notre côté, pour notre part, à notre insu. Vous et moi avons fait notre devoir (Vigny,Mém. inéd.,1863, p.98):
2. [Les religieuses] ne disent de rien ma ni mon. Elles n'ont rien à elles et ne doivent tenir à rien. Elles disent de toute chose notre [it. ds le texte]; ainsi: notre voile, notre chapelet; si elles parlaient de leur chemise, elles diraient notre [it. ds le texte] chemise. Hugo,Misér., t.1, 1862, p.580.
Notre, nos + adj. au compar., pour former un adj. au superl. rel.Nos moindres soucis, nos plus chers désirs, notre meilleur ami; de notre mieux. Serviteurs, apportez-nous un pot de notre meilleur Cray Billon pour ces gentilshommes! (Claudel,Raviss. Scapin,1952, p.1315).
[Avec les subst. d'action, indique un rapport de personne référant à nous et renvoie]
[aux agents de l'action] Notre voyage (= le fait que nous voyagions), notre arrivée, notre départ, notre retour. Marie ne voulait pas parler, mais devant l'insistance du procureur, elle a dit notre bain, notre sortie au cinéma et notre rentrée chez moi (Camus,Étranger,1942, p.1190).
[aux patients de l'action] Notre récompense (= le fait que nous soyons récompensés); à notre aide, à notre service; nos lecteurs, nos représentants, nos juges, nos persécuteurs. C'est Mademoiselle qui est venue si vite à notre secours?... Je vous remercie (Balzac,Annette, t.1, 1824, p.109).
2. [Représentant un groupe soc. plus large, une collectivité (groupe ling., socio-culturel, territorial, etc.)] Notre association, notre société; notre bonne ville; pour des raisons indépendantes de notre volonté. C'est Noël, aujourd'hui; Noël est notre fête, À nous, enfants (Vigny,Destinées,1863, p.94).
En partic. Du pays auquel nous appartenons. Notre patrie, notre langue, notre nationalité, notre armée, notre marine, notre gouvernement, notre Président, nos ministres:
3. Il y a dans un spectacle comme celui du théâtre Balinais quelque chose qui supprime l'amusement, ce côté de jeu artificiel inutile, de jeu d'un soir qui est la caractéristique de notre théâtre à nous. Artaud,Théâtre et son double,1938, p.72.
3. [Représentant la généralité des hommes, l'espèce hum. en gén., l'humanité] Qui est le nôtre, auquel nous appartenons en tant qu'hommes. Notre âme, notre corps, notre coeur, notre conscience, notre esprit, notre organisme; notre monde, notre planète; notre époque, notre siècle, notre temps; nos actes. Il en est de notre vie comme de notre globe: notre enfance est son premier pôle, et notre vieillesse en est le dernier; c'est sur eux que roulent toutes les harmonies de notre vie (Bern. de St-P.,Harm. nat.,1814, p.134).La vie est courte et l'art long! Et puis, à quoi bon? N'importe, «il faut cultiver notre jardin» (Flaub.,Corresp.,1859, p.349).L'immortalité de l'âme de notre béatitude future (Gilson,Espr. philos. médiév.,1931, p.177).
RELIG. Notre Père qui es/êtes au cieux (prière du Pater des chrétiens); Notre-Seigneur, Notre-Sauveur Jésus-Christ. Louange à Notre-Père, (Amour à Notre-Mère), Et gloire à Jésus-Christ (Nouveau,Valentines,1886, p.246).Marie voulait s'appliquer à Jésus-Christ Notre Sauveur de toutes les forces de son âme (Jouve,Scène capit.,1935, p.20).
Notre-Dame* et v. dame1I A 1 b α.
4. [Par syllepse de la pers., à la place de mon, ma, mes]
a) [Représentant une seule pers. qui parle en son nom propre]
Plur. de majesté ou plur. officiel. [Correspondant au nous de majesté; dans le lang. officiel de personnalités, de dignitaires ecclésiastiques, d'autorités administratives dans l'exercice de leur fonction (souverains, papes, évêques, ministres, maires de communes, etc., dans leurs discours ou leurs écrits officiels)] Tel est notre bon plaisir; à nos bien-aimés fils les archevêques et évêques: notre bénédiction apostolique; notre attention a été attirée sur un cas grave. Notre Conseil d'Etat entendu, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit (Ac.1835).Le Roi d'Espagne: La Reine de Castille, notre épouse et associée, s'intéresse à lui (Claudel,Chr. Colomb,1929, 2epart., p.1173).V. nous I A 4 a ex. de De Gaulle:
4. catherine: (...) Vous-même avez tiré l'horoscope de ce mois de juillet, et le résultat de vos calculs a été qu'aucun malheur réel ne menaçait notre personne, ni celle de notre auguste fils... Dumas père, Henri III,1829, I, 1, p.120.
Plur. de modestie. [Correspondant au nous de modestie, notamment chez les écrivains dans leurs ouvrages, dans leurs préfaces] Notre but, notre intention, notre propos est de...; notre analyse, notre exposé; à notre avis. Nous avons distingué dans notre premier chapitre trois problèmes particulièrement significatifs pour la philosophie de la culture (Maritain,Human. intégr.,1936, p.81).Comme nous l'avons dit dans notre introduction (Bachelard,Poét. espace,1957, p.146).
[Dans la bouche ou la pensée d'une pers. se parlant à elle-même] Ayons au moins la gloire de notre infamie, se dit-il en se raffermissant sur ses jambes (Gautier,Fracasse,1863, p.266).
b) [Dans la lang. jur. ou admin., désigne le mandataire qui parle au nom de qqn (avocat, notaire, etc.)] Notre dot à nous, est la terre de Loustrac (...). Ces propriétés, dont les titres sont chez moi, proviennent de la succession de nos père et mère, excepté la maison de Paris, laquelle est un de nos acquêts (...). −Qu'apportez-vous (...)? −Nos droits, dit Solonet (Balzac,Contrat mar.,1835, p.246).
B. − Valeurs styl., hypocoristiques
1. Fam. [Pour marquer l'affection, la sympathie personnelle à l'égard de qqn, ou des nuances très diverses, de la camaraderie au mépris, à l'ironie] (La personne) à laquelle je m'intéresse personnellement, aux intérêts, aux soucis, à la santé de laquelle je prends part. Notre Pierre a été bien fatigué; comment va notre malade? notre gaillard, nos lascars, nos bougres. Bonjour, mon fiston (...). Comment va notre petite santé? (Balzac,Illus. perdues,1837, p.71).La Marquise: Eh bien! déjà partis, nos messieurs? (Mérimée,Deux hérit.,1853, p.67).Kate apprivoise notre sauvage (...). Je n'en ai jamais tant obtenu (Nizan,Conspir.,1938, p.125).
2. [Pour marquer une valeur d'habitude ou la convenance] Qui nous est habituel ou qui nous convient. À notre heure, à nos heures; nos petites habitudes; ce n'est pas notre genre:
5. −Vous êtes ici en vacances, on me l'a dit. Je vous ai vu plusieurs fois assistant à notre partie de bridge qui est devenue un besoin pour la plupart d'entre nous. Simenon,Vac. Maigret,1948, p.53.
[Appliqué à un objet que l'on s'est pour ainsi dire approprié par son travail, par son étude] Nos petites économies; nous savons nos auteurs, nous connaissons nos classiques; nous gagnons nos x francs par mois. Nous travaillons nos huit heures par jour (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922, p.693).
3. [Pour marquer l'intérêt supposé commun au sujet parlant (auteur, narrateur, récitant) et à l'interlocuteur ou une sympathie à l'égard du personnage principal du récit] Dont il s'agit, dont il est question, dont nous parlons. Notre héros donc... Notre bretteur était là depuis quelques minutes quand la porte du cabaret s'entr'ouvrit (Gautier,Fracasse,1863p.316).«Il y a du lion dans l'air, par ici», se dit notre homme, et il renifla fortement de droite et de gauche (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p.125).
4. Vx, pop. et région. [Devant un appellatif, pour marquer le respect envers un supérieur hiérarchique, p. ex. des serviteurs s'adressant à leurs maîtres; parfois p. iron.] Notre petite dame, notre femme. Et que fait-il, ce garde du commerce? −Not'maître, il conduit les gens en prison (Jouy,Hermite, t.3, 1813, p.67).Stéphanette: C'est donc vrai, berger, que vous êtes sorciers, vous autres? Le berger: Nullement, notre demoiselle (A. Daudet, Lettres moulin,1869, p.47).
C. − Valeurs collective et distributive
1. [Choix entre notre ou nos]
a) [Si chaque possesseur ne possède qu'un seul être ou objet, on emploie]
α) [notre si on veut insister sur l'individualité des possesseurs] Amis, prenons tous notre verre: Le Sénat s'assemble aujourd'hui (Béranger,Chans., t.2, 1829, p.27).
β) [nos si on veut insister sur la pluralité des éléments possédés par le groupe] Nous dansons vers nos chapeaux, et en me regardant dans la glace pour coiffer le mien je chipe une bougie (Colette,Cl. école,1900, p.215).
b) [Notre reste au sing. devant un subst. abstr.] Notre enfance. Voulons-nous continuer notre marche, commandant? (Vigny,Serv. et grand. milit.,1835, p.59).
c) [Même si un seul élément est «possédé», le plur. nos prévaut si la phrase indique]
α) [une idée de réciprocité] Nous nous embrassons, Rostand et moi, malgré nos chapeaux (Renard,Journal,1897, p.451).
β) [une idée de jonction] Ta poitrine sur ma poitrine, Mêlant nos voix, Lents, nous gagnerions la ravine (Rimbaud,Poés.,1871, p.65).
γ) [une idée de compar.] Faisant abstraction de la différence de nos natures, je me surpris à le regarder avec quelque envie (Toepffer,Nouv. genev.,1839, p.106).Elle ne tenait pas assez de compte du degré de génération qui nous séparait et de la distance énorme de nos âges (Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.285).
2. [Choix entre notre/nos, votre/vos et son/sa/ses]
a) [Après on ou un suj. indéterminé ou impers., on emploie]
α) [notre, nos si le locuteur s'inclut dans le groupe] Nous, on l'a eu, notre armistice, on l'a depuis bientôt deux mois (Vercel,Cap. Conan,1934, p.16).On est encore ensemble, Azarius. On a encore not' force, not' santé. Qu'est-ce que tu veux qui nous arrive de pire? (Roy,Bonheur occas.,1945, p.346).
β) [votre, vos ou son, sa, ses si le locuteur s'efface et ne s'inclut pas dans le groupe] V. son/sa/ses.
b) [Après chacun reprenant le pron. pers. nous, on emploie]
α) [notre, nos] V. chacun I A 3 a, leur1.L'usage ordinaire est de mettre notre, votre si chaque possesseur a un seul être ou objet et nos, vos si chaque possesseur a plusieurs êtres ou objets (Grev.1975,§ 428 a).
β) [Exception] Nous gagnâmes chacun nos places (Duhamel,Désert Bièvres,1937, p.116).Voir Grev. 1975, §428 a, note 3.
II. − Fonctionnement syntaxique
Rem. Notre, nos est toujours antéposé au subst. qu'il détermine.
A. − Répétition
1. [Elle se fait normalement, notamment]
a) [devant des subst. coordonnés désignant des êtres ou des pers. de catégories différentes] Nos enfants et nos cousins.
b) [devant des adj. qualifiant des subst. désignant des êtres (ou des choses) différents ou bien des adj. ou des subst. exprimant des qualités opposées] Nos grands et nos petits côtés. Nous avons tous nos défauts et nos qualités (Balzac,Lys,1836, p.89).
2.
a) [La non-répétition a lieu dans les mêmes cas que pour les autres adj. poss.] V. leur2/leurs.
b) En partic.
[Lorsque les subst. coordonnés représentent la même pers. ou la même chose] Notre maître et seigneur; notre oncle et parrain. Les Mémoires de notre vieil aventurier et médecin qui s'était improvisé auteur pour finir sa vie en paix (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.16).
[Avec des subst. formant groupe] Nos père et mère; en notre âme et conscience; nos amis et connaissances.
[Avec des adj. voisins de sens ou exprimant des qualités compatibles entre elles] Notre brave et fidèle serviteur. Notre seul et légitime souverain (Scribe,Bertrand,1833, iv, 12, p.211).
Rem. Cependant, pour marquer l'insistance, on peut répéter. La présomption de cet écolier tragique, qui s'avise de vouloir faire parler les Romains après notre grand, notre sublime Corneille (Jouy, Hermite, t.2, 1812, p.7).
B. − Renforcement de notre, nos
1. [Par seul, propre (sens réfl.)] Notre propre image. Non seulement nous n'avons plus le respect de l'écriture des autres, mais même de notre propre écriture (Gide,Journal,1905, p.192).
2. [Par un compl. précisant l'identité ou le nombre: à nous, à nous deux, à tous, à lui (eux, elles, etc.) et à moi, etc.] Nos parents, à Julien et à moi, donnaient deux sous à chacun, ces jours de sortie (Gide,Si legrain, 1924, p.403).Mon idée! N'exagère rien. C'est notre idée à tous (Duhamel,Désert Bièvres,1937, p.11).
Prononc. et Orth.: [nɔtʀ ̭] devant voyelle et h non aspiré: notre oncle, notre habit [nɔtʀ ɔ ̃kl̥]...; [nɔtʀ ə] devant consonne et h aspiré: notre mère, notre hache [nɔtʀ əmε:ʀ]... Pop. not' (Sand, Hist. vie, t.4, 1855: not'dame et Claudel, J. d'Arc, 1939, p.1224: not'roi). Ac. 1694 et 1718: nostre; dep. 1740: notre; dep. 1835: nos. Étymol. et Hist. Art. et adj. poss. I. Masc. A. Cas régime sing. nostre 1. 842 art. poss. (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p.2, 3: Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament); fin xes. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 80: Per mals conselz van demandan Nostre sennior cum tradissant; 142: Vers nostre don son aproismad); ca 1190 no dial. (Floovant, éd. F.H. Bateson, 733); ca 1228 id. pic. (Gerbert de Montreuil, Violette, éd. D.L. Buffum, 1372); 2. adj. poss. a) ca 1100 associé à l'art. dém. [indique ici la proximité d'intérêt] (Roland, éd. J. Bédier, 2583: Cest nostre rei por quei lessas cunfundre?); ca 1223 associé à l'art. indéf. (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, 2 Mir 9, 1114: Un nostre enfant noz norrirez); b) ca 1140 réfère à l'art. déf., en l'absence d'un subst. non répété: emploi dit de ,,pron. poss.`` (l'art. fonctionne comme un pron., qualifié par le poss., v. G. Moignet, Gramm. de l'a. fr., p.121) (Pèlerinage de Charlemagne, éd. G. Favati, 820: Ma dame la reïne, ele dist mult que fole, Que mesprisat barnet si ben cumme le [ms. la] nostre!). B. Cas suj. sing. nostre 1. adj. poss. a) fin xes. associé à l'art. déf. (Passion, 417: Lo nostrae seindrae en eps cel di Veduz furae veiades cinc); ca 1100 (Roland, 1444); b) ca 1100 assume la fonction d'attribut (Id. 922: Se lui servez [Mahomet], l'onur del camp ert nostre; 1211: Ferez i, Francs, nostre est li premers colps!); ca 1340 nos dial. pic. (Bastard de Bouillon, 5704 ds T.-L.); c) fin xiiies. associé à l'art. dém.; emploi de ,,pron. dém.`` [indique ici la proximité d'intérêt] (St Julien, 716, ibid.: Ainc ne sot tant dire cist nostres Ne li autre qu'i vaille un gant); 2. ca 1100 art. poss. (Roland, 1: Carles li reis, nostre emperere magnes); fin xiies. nos région du Nord-Est (Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer, 2231); 1erquart xiiies. id. pic. (Renclus de Molliens, Carité, 102, 2 ds T.-L.); ca 1228 id. pic. (Gerbert de Montreuil, op. cit., 1545), cf. 1521 Fabri, Rhétor., L. II, p.132 ds Hug.: En picart, l'en a coustume de dire ,,no maistre`` pour ,,nostre maistre``. C. Cas régime plur. 1. adj. poss. fin xes. associé à l'art. déf., emploi de ,,pron. poss.`` los nostres (Passion, 10: Peccad negun unque non fiz, Per eps los nostres fu aucis); 2. art. poss. noz ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 618: De noz pechez sumes si ancumbrez); ca 1100 (Roland, 2148). D. Cas suj. plur. 1. art. poss. a)ca 1050 nostra (St Alexis, 12: Nostra anceisur ourent cristïentét); 1100 nostre indique ici la proximité d'intérêt (Roland, 1255: Nostre Franceis n'unt talent de fuïr); id. noz (Id., 2178; 2484); b) ca 1190 associé à un adj. indéf. (Floovant, 686: Tuit nostre home le servent); 2. adj. poss. ca 1100 nostre associé à l'art. dém. (Roland, 2715: Cist nostre deu sunt en recreantise). II. Fém. A. Cas suj. sing. 1. art. poss. fin xes. nostra (Passion, 14: Cum aproismed sa passïuns −cho fu nostra redemptïons −...); ca 1100 (Roland, 1713: ...«Forz est nostre bataille»); 1190-1200 (Conon de Béthune, Chansons, éd. A. Wallensköld, IV, 3, 8, p.226); 2. adj. poss. associé à l'art. déf. ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, 18397 ds T.-L.: la nostre gent). B. Cas régime sing. 1. art. poss. ca 1100 nostre (Roland, 804: «Pernez mil Francs de France, nostre tere»); fin xiies. no région du Nord-Est (Raoul de Cambrai, 2004); 1erquart xiiies. id. pic. (Renclus de Molliens, Miserere, 148, 11 ds T.-L.); 2. adj. poss. associé à l'art. déf. nostre ca 1100 (Roland, 189: Si recevrat la nostre lei plus salve; 374: ... en la nostre marche); ca 1190 emploi de ,,pron. poss.`` attribut (Floovant, 653: La loi de Mäonmot la nostre ne vaudrai). C. Cas régime plur. noz 1. art. poss. fin xes. (Passion, 503: Fraindre devem noz voluntez); ca 1100 (Roland, 42:... de noz muillers); 2. adj. poss. ca 1165 associé à l'art. déf. les noz genz (Benoît de Ste-Maure, Troie, 10520 ds T.-L.); ca 1210 emploi de ,,pron. poss.``, forme anal. des noes [batalles] pic. (Robert de Clari, Constantinople, éd. Ph. Lauer, XLVII, p.49, 75). D. Cas suj. plur. noz 1. art. poss. ca 1100 (Roland, 949: Noz espees sunt bones e tranchant); 2. ca 1210 pic. adj. poss. associé à l'art. déf., forme anal. les noes batailles (Robert de Clari, op. cit., XLVIII, p.50, 14). III. Emploi subst. A. Plur. 1. cas suj. ca 1100 li nostre désigne ceux d'un même camp, les défenseurs d'une même cause (Roland, 1628: Mult decheent li nostre!); 2. cas régime ca 1100 les noz (Id., 1191; 1951); ca 1275 les nostres (Adenet Le Roi, Beuve de Conmarchis, éd. A. Henry, 1590). B.Sing. «notre bien, ce qui nous appartient» ca 1120-50 (Grant mal fist Adam, I, 110 ds T.-L.: Le nostre doner). IV. Représentant une seule personne, correspond à nous ,,de majesté`` 1241, v. nous II C. Le poss. nostre, art. [atone] et adj. [tonique] est issu du lat. nŏster. Le paradigme type de l'a. fr. est le suivant: masc. sing., cas suj., cas régime [formes atones, formes toniques] nostre (< noster; nostru); masc. plur., cas suj. [atone, tonique] nostre (< nostri); fém. sing., cas suj., cas régime [id.] nostre (< nostra); masc. et fém. plur., cas régime [forme tonique] nostres (< nostros; nostras), [forme atone] noz; cette dernière forme représente prob. le masc. nŏstros avec, en position proclitique, chute du r dans le groupe de quatre consonnes constitué par la chute du o final et aboutissement de *nosts à noz. À partir de noz, s'est peu à peu constitué un paradigme de l'art. poss. (masc. sing. cas suj. nos, régime no; plur. cas suj. no, régime nos; fém. sing. no, plur. nos) en usage notamment dans le domaine pic. où il est même employé en position tonique (G. Moignet, op. cit., pp.40-42; Gossen, §68; FEW t.7, p.195b, note1; v. aussi Fouché, pp.169-170). Le lat. noster exprime l'appartenance, le possesseur étant l'ensemble des personnes indiquées par nous; il peut être employé comme attribut et faire fonction de pron.; dès l'époque class., il peut indiquer un rapport de proximité d'intérêt: noster Ennius (Cicéron, Pro Archia, 22); hic noster «cet orateur, dont nous parlons» (Id., Orator, 99); nostri «les nôtres (compatriotes, soldats, amis...)»; d'une pers. noster est «il est avec nous, dans notre camp» (Id., Ad Quintum, 1, 1, 10); noster, subst., désignation familière du maître par les esclaves: Horace, Satires, II, 6, 48 désigne dans ce cont. Horace lui-même. Au Moy. Âge, noster, utilisé par une autorité, exprime le plur. dit ,,de majesté`` (ixes. autorité eccl., autorité civile ds Nov. gloss.). Fréq. abs. littér. Notre: 63859. Nos: 53913. Fréq. rel. littér. Notre: xixes.: a) 91683, b) 77416; xxes.: a) 84590, b) 101002. Nos: xixes.: a) 104600, b) 62563; xxes.: a) 63817, b) 69124.

NÔTRE, sing.,

NÔTRE, sing.,NÔTRES, plur., adj. poss. tonique, pron. poss. et subst.
Adjectif possessif, de forme tonique, pronom possessif et substantif, de la première personne du pluriel des deux genres, correspondant au pronom personnel nous et à l'adjectif possessif atone notre, nos; le possesseur est un pluriel, toujours de l'animé; lorsque le possesseur est un singulier, on emploie mien(s), mienne(s).
I. − Adj. poss. tonique. [Sert à exprimer l'appartenance, la possession, la référence à nous] Qui est à nous, qui nous appartient ou qui nous concerne.
A. − Vx ou littér. [En fonction d'épithète, le plus souvent postposé au subst.] De nous, à nous. Mais tandis que la cellule occupe un point déterminé de l'organisme, une idée vraiment nôtre remplit notre moi tout entier (Bergson, Essai donn. imm., 1889, p.109):
1. ... nous croirons finalement avoir choisi une opinion toute nôtre, en oubliant que ce choix ne s'est exercé que sur une collection d'opinions qui est l'oeuvre, plus ou moins aveugle, du reste des hommes et du hasard. Valéry, Variété V, 1944, p.131.
Rare, antéposé. Chaque moment est donc le noeud d'une infinité de racines qui plongent à une profondeur inconnue (...) dans la secrète structure de cette nôtre machine à sentir et à combiner, qui se remet incessamment au présent (Valéry, Variété [I], 1924, p.143).
B. − Littér. [En fonction d'attribut]
1. [Attribut du suj.] À nous.
a) [Le suj. désigne une chose] Être nôtre. Nous appartenir, être à nous. Le mal qui nous vient des vices qui sont nôtres Est pire que le mal que nous font ceux des autres (Hugo, Ruy Blas, 1838, iv, 5, p.433):
2. Cette image que la lecture du poème nous offre, la voici qui devient vraiment nôtre (...). Elle devient un être nouveau de notre langage, elle nous exprime en nous faisant ce qu'elle exprime, (...) elle est à la fois un devenir d'expression et un devenir de notre être. Bachelard, Poét. espace, 1957, p.7.
b) [Le suj. désigne une pers.] Être nôtre. Être à nous; être de notre parti; nous être dévoué. Souvent, c'est à force de penser toujours à ceux qui sont nôtres qu'on ne leur écrit pas (Hugo, Corresp., 1863, p.441).«Botticellina était mienne... Faudra-t-il donc qu'elle soit, désormais, tienne?» −Elle sera nôtre! répliqua le poète (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.205).
2. [Attribut du compl. d'obj., notamment après un verbe factitif] Faire nôtre. Nous approprier, adopter. Nous considérons comme nôtre votre succès; nous regardons cette terre comme nôtre; nous avons fait nôtre cette proposition. Nous le revendiquons pour nôtre, cet étendard, contre ceux de l'armée de Condé qui le canonnèrent (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.237):
3. ... dans l'ordre moral, nous faisons nôtre le magnifique programme des quatre libertés humaines, que le Président des États-Unis a proposé aux peuples du monde comme contrepartie de leurs peines et comme but de leurs espérances. De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.67.
C. − Littér., rare. [Précédé d'un adv. de compar., pour former un adj. au compar. ou au superl.] Ce à côté de quoi la vie non encore vécue, la vie relativement future, nous semble une vie plus lointaine, plus détachée, moins intime, moins nôtre (Proust, Prisonn., 1922, p.98):
4. Nous sentons «venir de nous» (...) des modifications −des valeurs −des grandeurs, des «sensations» −des «accélérations» qui sont à la fois le plus nôtres [it. ds le texte] et le plus étrangères, nos maîtres, nos nous du moment, et du moment-venant. Valéry, Soirée avec M. Teste, 1895, p.128.
II. − Pron. poss. [Avec l'art. déf., le nôtre, masc. sing., la nôtre, fém. sing., les nôtres, plur. des deux genres; contracté avec à et de pour former au(x) nôtre(s), du nôtre, des nôtres; renvoie à un subst. précédemment exprimé] Ce, celui, ceux, celles qui est (sont) à nous (plusieurs possesseurs dont le locuteur), qui nous appartient ou qui nous concerne.
A. − Valeurs sém.
1. [Sert à exprimer un rapport d'appartenance, de parenté, de possession, d'appropriation plus ou moins lâche, d'intérêt entre l'être ou l'objet représenté et deux ou plusieurs pers. dont le locuteur] :
5. Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres. Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres Cette petite fille et ce petit garçon, Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson. Hugo, Légende, t.2, 1859, p.776.
2. [Sert à exprimer le même rapport entre l'être ou l'objet représenté et un groupe social qui inclut le locuteur ou la généralité des hommes] On m'a parlé d'un travail, un parallèle entre la constitution anglaise et la nôtre... Je pourrai peut-être vous fournir des documents (Zola, E. Rougon, 1876, p.170):
6. Vous savez, les femmes, un rien les trouble! la mienne surtout! Et l'on aurait tort de se révolter là contre, puisque leur organisation nerveuse est beaucoup plus malléable que la nôtre. Flaub., MmeBovary, t.1, 1857, p.138.
3. Par syllepse de la pers.
a) Plur. de majesté ou plur. officiel. [Le suj. est une seule pers. qui dit nous au lieu de je; forme employée par les souverains, les chefs d'État, certains personnages officiels dans l'exercice de leur fonction] L'intérêt des Français se confond avec le nôtre (Mauger, Gramm. pratique du fr. d'auj., Paris, Hachette, 1968, p.141).
b) Plur. de modestie. [Forme employée parfois par les écrivains dans leurs ouvrages, notamment dans leurs préfaces, ou par les orateurs dans leurs discours] D'autres traités sont historiques; le nôtre essaie de décrire l'état présent du pays (Mauger, Gramm. pratique du fr. d'auj., Paris, Hachette, 1968, p.141).
B. − Fonctionnement syntaxique
1. [En fonction de suj.] Les médecins de Molière parlaient latin, les nôtres parlent grec (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p.36).
[Après le présentatif c'est] Ce n'est pas votre faute, mon bon Christophe. Ce n'est ni votre faute, ni la nôtre (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p.1229).
2. [En fonction d'attribut du suj. ou de l'obj.] De la première femme aimée, nous aimons tout: ses enfants sont les nôtres, sa maison est la nôtre, ses intérêts sont nos intérêts (Balzac, Lys, 1836, p.110).Votre prix sera le nôtre (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.128).
3. [En fonction de compl. d'obj. dir.] Ils ont perdu leur temps, et ils nous ont fait perdre le nôtre (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.304).Leur mère prévint délicatement la nôtre qu'elle n'accepterait pour brus que des filles dotées (Beauvoir, Mém. j.fille, 1958, p.273).
4. [En fonction de compl. prép.] Jésus fait passer sa croix de ses épaules sur les nôtres et de nos épaules sur les siennes, en sorte qu'on pleure toujours de douleur ou de compassion (Bloy, Journal, 1903, p.154).
5. [En fonction de compl. de compar.] Dans une petite maison comme la nôtre il faut mettre la main à tout (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.140).
6. [En phrase ell.] Vous me dites que vous faites passer ces documents par l'ambassade. Quelle ambassade? La nôtre ou la vôtre? (Tocqueville, Corresp.[avec Reeve], 1845, p.88).
7. [Employé avec chacun(e), lorsque ce dernier évoque la 1repers.] Nos rôles sont tracés, gardons chacun le nôtre (Dumas père, Caligula, 1837, iii, 3, p.83).
8. [Renforcé par propre (réfl.), par seul, par un adj. numéral cardinal, par à + subst. ou pron. pers., par à tous, pour préciser le genre des possesseurs ou pour énumérer les éléments du référent plur.] La littérature qui est la nôtre, à Daudet et à moi (Goncourt, Journal, 1891, p.11).Nous croyons à son existence [d'un personnage de roman] aussi fermement qu'à la nôtre propre (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.115).
[Par un compl. de reprise avec de pour nommer l'obj. possédé] Aujourd'hui, ce matin, tu le verras, le nôtre, de berger (Audiberti, Femmes Boeuf, 1948, p.118).
III. − Substantif
A. − Au sing.
1. Au masc. à valeur de neutre (le plus souvent en emploi partitif). Ce qui nous appartient en propre, notre bien personnel; au fig. l'effort de chacun, notre part personnelle. Donner du nôtre. Il n'y a rien du nôtre. Le vôtre et le nôtre, chacun le sien (Ac.).
En/y être du nôtre (vx). Perdre une partie de notre bien; ne pas être récompensés en proportion de nos efforts. Il ne faut pas que ça nous coûte un sou, et nous y serons encore joliment du nôtre (Zola, Vérité, 1902, p.55).
Y mettre du nôtre. Apporter notre contribution personnelle à un effort commun, faire des efforts; nous montrer conciliants. Je ferai mon possible. Si ça tournait mal, ça ne serait pas de ma faute. (...) j'ai trop envie d'être heureuse... Enfin, c'est fait, n'est-ce pas? C'est à lui et à moi de nous entendre et d'y mettre du nôtre (Zola, Assommoir, 1877, p.437).
2. Au fém., fam. À la nôtre! À notre santé! (pour trinquer, sur le modèle de à la tienne*! à la (bonne) vôtre*!). Boubouroche: À la nôtre! Potasse: À la nôtre! On trinque (Courteline, Boubouroche, 1893, i, 2, p.25).
B. − Au plur.
1. Au masc. Les nôtres. Nos parents, nos proches, nos amis, les membres du groupe auquel nous appartenons (par exemple nos concitoyens, nos compatriotes, ceux de notre parti, nos soldats, nos contemporains). On s'est battu; cinq ou six des nôtres ont été tués (Renan, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, iii, 1, p.570).Elle s'installera ici... elle prendra ses repas... voudra renouer ses relations... connaître les nôtres (H.Bataille, Maman Colibri, 1904, iv, 6, p.29).
Être des nôtres
Être de notre parti, de notre bord. Je sais qu'avec vous je n'ai rien à craindre; car nous sommes du même bord, nous nous entendons... vous êtes des nôtres (Scribe, Bertrand, 1833, iv, p.209).
Participer avec nous, chez nous (à un dîner, une fête, un séjour). Serez-vous des nôtres dimanche? Voulez-vous bien être des nôtres?:
7. Jenny! (...) une bonne nouvelle: Jacques est des nôtres pour tout l'été! Cela promet quelques bonnes parties de tennis, j'imagine?... Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p.920.
2. Au fém. dans la loc. faire des nôtres. Faire des folies de notre façon, nos fredaines habituelles:
8. chiffinch: (...) nous avons donc fait des nôtres à Londres, (...) mac allan: Moi, j'ai fait des miennes? chiffinch: (...) vous meniez un train de prince. Dumas père, Laird de Dumbiky, 1844, II, 9, p.50.
Prononc. et Orth.: [no:tʀ ̭]. Ac. 1694, 1718: nostre, nostres; dep. 1740: nôtre, nôtres. Étymol. et Hist. V. notre, nos III. Fréq. abs. littér.: 3412. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5476, b) 3881; xxes.: a) 4113, b) 5283.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·