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MORNE1, adj.

MORNE1, adj.
A. − [Appliqué à une pers.] Qui est dans un état d'abattement, d'ennui ou de tristesse se manifestant par un manque de vitalité et une tendance plus ou moins marquée au mutisme. Je suis morne toujours. Je n'ai plus d'exaltations, plus de ferveur. Hier je n'ai pas eu la force de souffrir de Pelléas. La vie de caserne est affreuse et les jours ne passent pas. Je pense à toi avec lassitude (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p.289).Une foule morne qui piétinait dans le noir sans rien dire et sans se bousculer, ce qui m'impressionna beaucoup car à Naples la foule est habituellement gaie et bruyante et portée à la chanson (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.162):
1. L'homme en qui s'exagéraient ordinairement les sentiments du bord, pénibles ou joyeux, Paganel, lui qui au besoin eût inventé l'espérance, Paganel demeurait morne et silencieux. On le voyait à peine. Sa loquacité naturelle, sa vivacité française s'étaient changées en mutisme et en abattement. Il semblait même plus complètement découragé que ses compagnons. Verne, Enf. cap. Grant, t.3, 1868, p.207.
[P. méton.] Qui exprime, traduit cet état, ou se traduit, est accompagné par cet état.
[En parlant d'un aspect de la pers., d'une manifestation de son comportement] Air, sourire morne; silence morne. Il apportera donc à sa femme un regard morne, une humeur sombre, un front morose, tout ce qui caractérise un mari qui aime ailleurs que chez lui (Ponson du Terr., Rocambole, t.2, 1859, p.252).
[En parlant d'un sentiment, d'un état physique ou psychique] Un morne désespoir; un morne ennui; une morne fatigue. Ils se remirent en marche, ayant dans leur allure le morne accablement des bêtes de somme (Moselly, Terres lorr., 1907, p.2):
2. Il n'y avait plus rien sur ce visage impénétrable et simple comme le granit, qu'une morne tristesse. Toute sa personne respirait l'abaissement et la fermeté, et je ne sais quel accablement courageux. Hugo, Misér., t.1, 1862, p.252.
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. [Certains fous] passés à l'état de pierre stupide au fond de laquelle suinte quelque chose qu'on ne voit pas et qui est le désespoir et l'insanité. − Leur immobilité est d'un morne qui fend le coeur. Ils révèlent l'éternité du supplice par l'immobilité rigide de la pose (Barb. d'Aurev., Memor. 3, 1856, introd., p.62).
B. − [Appliqué à une chose] Qui provoque un état de lassitude, d'ennui par son uniformité, son absence d'intérêt, son manque d'éclat. Synon. ennuyeux, monotone; gris, terne, maussade.Vie, existence, travail morne; temps, ciel morne; paysage, ville, plaine morne; couleur, ton morne; style morne. Le travail que n'illumine pas le sens du divin est triste et sans but; il tourne aisément à la corvée morne, au pensum, quelle que soit sa nature (L. Daudet, Homme et poison, 1925, p.9).Ce fut une journée morne, triste. Il faisait très chaud. Un temps sourd, de peu de lumière, aux nuées basses (Bosco, Mas Théot., 1945, p.160):
3. La campagne... morne, dans la nuit morne... L'immense campagne... Quelle désolation uniforme!.. rapide, dans les vastes espaces de silence, le petit char glisse sur la route déserte entre les bras noirs des sapins!... G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p.164.
REM.
Mornement, adv.D'une manière morne. Le poème de la matière marche, lourd et lent comme une charrue. Courbet la poussera jusqu'à l'extrémité de son large sillon unique, qui luit mornement comme un sol humide et chauffé (Faure, Hist. art, 1921, p.188).
Prononc. et Orth.: [mɔ ʀn̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 murne agn. «abattu par la tristesse (en parlant d'une personne)» (Geiffrei Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 2536); ca 1160 morne «id.» (Enéas, 8398 ds T.-L.); 2. 1181-90 «empreint d'une sombre tristesse (en parlant du visage, etc.)» (Chrétien de Troyes, Conte du Graal, éd. F. Lecoy, 7785); 3. a) 1549 temps morne (Est.); b) 1572 [éd.] couleur morne (Amyot, Œuvres morales et meslées de Plutarque, t.1, p.74). Prob. issu d'un anc. verbe morner, v. morné.
STAT.Morne1, 2 et 3. Fréq. abs. littér.: 2384. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2167, b) 4477; xxes.: a) 5435, b) 2620.

MORNE2, subst. masc.

MORNE2, subst. masc.
[Principalement dans une île ou sur un littoral] Colline, montagne. Un gros morne la termine [une île] à chacune de ses extrémités; et un pic, ou plutôt un volcan, à en juger par sa forme, s'élève au milieu (Voy. La Pérouse, t.3, 1797, p.96).Aux Gonaïves, près du Port-au-Prince. On voit une habitation en ruine sur les flancs élevés d'un morne qui domine une rade (Lamart., T. Louverture, 1850, I, 1, p.1263).Le côté de l'est est barré par de hauts mornes ferrugineux qu'enserre et couronne le bleu de la mer (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p.88).
Prononc. et Orth.: [mɔ ʀn̥]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1640 (Bouton, Relation de l'establissement des François depuis l'an 1635 dans l'Isle de la Martinique, p.30). Mot du créole des Antilles qui s'est répandu ensuite aux créoles de la Réunion, d'Haïti et de la Martinique, d'orig. incertaine (cf. FEW t.21, p.15a). Peut-être issu, par altération, de l'esp. morro «monticule, rocher» (1591 ds Cor.-Pasc.) qui représente un type *murrum, du rad. prérom. *murr-, v.moraine et morion1. Cf. Bl.-W.1-5et Chaudenson, Le Lex. du parler créole de la Réunion, t.1, p.619. Fréq. V. morne1. Bbg. Dulong (G.). Le Mot morne en canad. fr. In: Congrès Internat. Des Sc. Onom. Wien, 1969, t.1, pp.255-258.

MORNE3, susbt. fém.

MORNE3, susbt. fém.
HIST. DES ARM. (Moy. Âge). Anneau utilisé pour garnir la pointe d'une arme courtoise et la rendre ainsi moins meurtrière. On attachait des mornes à l'extrémité des fers des lances dont on faisait usage dans les tournois, pour empêcher ces fers de pénétrer dans les défauts de la cuirasse, et pour les rendre par conséquent, moins dangereux (Havard1890).
Prononc.: [mɔ ʀn̥]. Étymol. et Hist. 1. 1478 «virole de fer» (Douët d'Arcq, Comptes de l'Hôtel des rois de France, p.353); 2. 1479 «anneau servant à rendre la lance inoffensive» (Arnaud d'Agnel, Comptes du roi René, t.1, p.395). Dér. régr. de morné «émoussé» (v. ce mot). Fréq. V. morne1.

MORNÉ, -ÉE, adj.

MORNÉ, -ÉE, adj.
A. − [En parlant d'une arme courtoise, d'un fer de lance] Qui est garni d'une morne. Je ne restai pas en demeure et je rompis contre le champion une seconde lance mornée (Chabeaubr.,Mém., t.4, 1848, p.42).Nous n'avions jamais souffert de l'amour, nous; nos larmes et nos soupirs n'étaient que des armes mornées, des armes de tournois (La Varende,Amours,1944, p.192).
B. − HÉRALD. [En parlant d'un animal] Représenté sans dents, bec, langue, griffes ou queue. Lion morné, aigle morné (Ac. Compl.1842).Figure représentant un merle morné (sans bec ni pattes), de profil, la tête à dextre (L'Hist. et ses méth.,1961, p.762).
Prononc. et Orth.: [mɔ ʀne]. Att. ds Ac. 1762-1878. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié du xiiies. «émoussé (d'un sentiment)», d'apr. O. Schultz-Gora ds Z. rom. Philol. t.46 1926, p.325 et t.51 1931, p.734 (Jehan Bretel, Jeux-Partis, éd. A. Långfors, LXXVIII, 50); 2. 1remoitié du xvies. lance mornee (Chronique de François Ier, éd. G. Guiffrey, p.305); 3. 1658 hérald. lyon morné (Le Laboureur, Discours sur l'origine des armes, p.202). Part. passé d'un verbe morner, disparu avant les premiers textes (cf. Bl.-W.1-5), que l'on suppose d'apr. les comp. amorner, réfl. «se mortifier» (xiiies. [ms.] Image du monde, ms. de St Brieux ds Gdf.), amorné «triste» (2emoitié du xiiies. ds T.-L. et Gdf.) et amornir, réfl. «devenir morne», att. dans le Roman d'Alexandre d'Alexandre de Paris, III, 3891 in Elliott Monographs, no37, p.230) et dans la version S du Roman de Thèbes (éd. L. Constans, 4889); cf. aussi Nezirovc, Le Vocabulaire dans les deux versions du Roman de Thèbes, pp.19-20), amorni «triste» (Benoît de Ste-Maure, Troie, 19100 ds T.-L.). Morner est empr. à l'a. b. frq. mornôn, qui correspond au got. maurnan «être occupé, inquiet»; cf. l'ags. murnan «id.» (angl. to mourn «être triste»); l'a. h. all. mornên «se soucier»; l'a. nord. morna «affliger, attrister».

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·