1. [En parlant d'une pers.] Dont la santé est altérée; qui est atteint d'une maladie, qui éprouve un malaise. Synon. indisposé, souffrant, en mauvaise santé; anton. bien portant, en bonne santé.Elle avala un verre d'eau où elle avait fait tremper une poignée d'allumettes, ce qui la rendit horriblement malade , sans la tuer (Zola, Nana, 1880, p. 1452).Je sortais d'un dispensaire, j'avais joué avec des enfants malades, sans répugnance pour leurs plaies, toute douce et toute attendrie (Bernstein, Secret, 1913, iii, 3, p. 35).Sa voisine de chambre était gravement malade, (...) elle avait un cancer (...), elle allait mourir (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 38):1. L'Amiral n'avançait guère, il se traînait plutôt, en ronronnant, d'un roulis vers l'autre. Ce n'était plus un voyage, c'était une espèce de maladie. Les membres de ce concile matinal, à les examiner de mon coin, me semblaient tous assez profondément malades, paludéens, alcooliques, syphilitiques sans doute...
Céline,Voyage,1932, p. 144.
SYNT. Être incurablement, légèrement, réellement, sérieusement malade; être bien malade; être trop malade (pour faire qqc.); être malade comme une bête, comme un chien, à mourir; avoir l'air malade; se croire, se rendre, se sentir malade; manger, rire à s'en rendre malade.
♦ Tomber malade. Devenir malade. − (...) Si tu te voyais! Tu es blême!Tu me fais peur, tu vas tomber malade... − C'est des idées que tu te fais, je vais très bien. Évidemment, je suis fatiguée (Triolet,Prem. accroc,1945, p. 72).
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ARM. Se faire porter malade. Se faire inscrire comme malade. Synon. fam. se faire porter pâle.Pendant l'hiver de 1917, quand j'étais prisonnier, la nourriture était si mauvaise que tout le monde est tombé malade. Naturellement, je me suis fait porter malade comme les autres: mais je n'avais rien (Sartre,Nausée,1938, p. 137).Fam. Se déclarer malade (sans l'être forcément). Elle crut que Paul l'avait prise en grippe et la fuyait. Le lendemain, elle se fit porter malade, se coucha et dîna dans sa chambre (Cocteau,Enfants,1929, p. 144).−
Expr. iron., fam. et vieilli ♦ Le voilà, vous voilà bien malade. ,,Il se plaint, vous vous plaignez injustement`` (Ac., Littré).
♦ Est bien malade qui en meurt. ,,Pour se moquer d'un danger qui menace plusieurs personnes et dont on croit pouvoir se tirer sans peine`` (Ac. 1878).
♦ Il ne mourra que les plus malades. ,,Pour nier ou narguer un danger`` (Ac. 1878).
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Malade + compl. prép.♦
[Le compl. désigne ce qui rend qqn malade] Malade + subst. déterminé ou non.Malade de/par suite de (la) chaleur, de/du froid. Il a été trois jours malade du plaisir qu'il avait pris à cette soirée (Dumas père, Lorenzino,1842, ii, 4, p. 239).Ma femme étant dans son lit, malade par suite des fatigues que je lui ai données, je veux vous envoyer moi-même de mes nouvelles (Tocqueville,Corresp. [avec Gobineau], 1850, p. 104).Françoise dépensait dans ces allées et venues une telle ardeur que maman voyant sa figure enflammée craignait que notre vieille servante ne tombât malade de surmenage (Proust,J. filles en fleurs,1918, p. 445).Malade + inf.La moitié des dames qui ont assisté au bal du prince sont dans leur lit, malades d'avoir eu froid en sortant (Flaub.,Corresp.,1865, p. 168).♦ [Le compl. désigne la nature de la maladie] Malade de la grippe, d'une dysenterie. Je suis inquiet de Théo. Je trouve qu'il vieillit étrangement. Il doit être très malade, d'une maladie de coeur, sans doute. Encore un qui s'apprête à me quitter (Flaub.,Corresp.,1872, p. 356).Au cas où il tomberait malade de la peste et en mourrait (Camus,Peste,1947, p. 1306).
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[Le compl. désigne l'organe, la partie du corps atteinte] Malade du coeur, du foie, de la moelle, des reins. Elle est malade de la poitrine et (...) elle a presque toujours la fièvre (Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 78).Madame, qui est malade du ventre et ne peut avoir d'enfants, ne veut plus entendre parler de la chose (Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p. 41).Tout est revenu. Des années venaient de passer d'un seul coup. J'avais été bien malade de la tête (Céline,Mort à crédit,1936, p. 215).Pop. Malade du pouce. Avare ou paresseux (d'apr. France 1907). Fam. Il est malade du cerveau! Il est fou! −
En partic. Dont les fonctions psychiques sont perturbées; p. ext., qui n'agit pas raisonnablement, qui ne parle pas, ne juge pas avec bon sens. Ah! ça, est-ce que tu es malade? Des femmes, il te faut des femmes, maintenant, et avec une gueule comme la tienne! (Courteline,Train 8 h 47,1888, 1repart., v, p. 54).− C'est affreux ce que vous dites là, Monsieur Georges. Il continue encore, tandis que je me tordais les mains: − Pourquoi est-ce affreux?... Mais non, ce n'est pas affreux... C'est juste. Tu me crois malade... Tu crois qu'on est malade, quand on a de l'amour (Mirbeau,Journal femme ch.,1900p. 141).♦ Malade d'esprit. V. âme ex. 118.
♦ Qui est perturbé, dégoûté, attristé, qui éprouve un malaise plus moral que physique. Ça me rend malade de voir ça. Je hais le mensonge. Le moindre mensonge me rend malade (Cocteau,Parents,1938, ii, 1, p. 231).
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Malade + compl. prép. indiquant la cause du malaise. [Le compl. est un subst.] Malade d'anxiété, de chagrin, de colère, de dégoût, d'envie, de fureur, de haine, d'incertitude, de jalousie, de peur, de tristesse. Charles d'Este, malade d'impatience allait faire quelque folie, lorsque la nouvelle de Sadowa bourdonna, grandit, éclata enfin (Bourges,Crépusc. dieux,1884, p.38).Pourquoi ai-je consenti, puisque je ne vous aimais point?... Je ne puis pas me souvenir, j'étais si triste, si malade du départ d'Honoré (Zola,Débâcle,1892, p. 527).Il a vu une fois à Paris un film soi-disant andalou exécuté à Hollywood. Il a été obligé de quitter la salle, il n'a pas pu dîner, il était malade de souffrance, de rage, physiquement malade; il ne pouvait plus parler (Montherl.,Bestiaires,1926, p. 462).[Le compl. est un inf. introd. par de ou plus rarement par à] L'homme, par la fenêtre ouverte, montre tout Au roi pâle et suant qui chancelle debout, Malade à regarder cela! «C'est la crapule, Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule (...)» (Rimbaud,Poés.,1871, p. 55).Il se remit à rôder, malade de ne point la voir (Zola,Rêve,1888, p. 92).Avec toi j'ai rencontré l'amour. Je l'aimais assez pour le lui cacher (...). Je l'aime assez pour être malade d'avoir à lui tirer ce coup de revolver à bout portant (Cocteau,Parents,1938, ii, 1, p. 234). 2. [En parlant d'une partie du corps, d'un organe] Qui est atteint d'une maladie, dont la fonction est perturbée; qui est le siège d'une douleur. Corps, organisme malade; bras, épaule,jambe malade; coeur, estomac, foie, gorge, poitrine, poumon malade; bronches, dents malades. Vent d'est. Elle a été moins bien aussi. D'abord, la tête malade; puis son ventre enfla un peu et elle eut des hoquets (Michelet,Journal,1858, p. 392).Il a besoin de moi pour ne pas penser qu'il va mourir. Il a les reins très malades (Aragon,Beaux quart.,1936, p. 310).V.
acoquiner ex. 13:
2. Paul Alexis (...) a toujours les yeux bien malades: il ne peut plus lire et est maintenant obligé de dicter ses articles.
Goncourt,Journal,1894, p. 599.
♦ [P. méton.] Quant au mari, la vue de plus en plus malade, il avait dû cesser tout travail de peinture (Zola,Fécondité,1899, p. 471).
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En partic. Qui n'a plus toute sa raison. Cerveau malade. Lord Rochester, la retenant par sa robe: Francis, ne me dis pas adieu! Lady Francis: Il me tutoie! (...) A-t-il la tête un peu malade? (Hugo,Cromwell,1827, p. 215).Ton esprit est tellement malade que tu ne t'en aperçois pas, et que tu crois être dans ton naturel, chaque fois qu'il sort de ta bouche des paroles insensées (Lautréam.,Chants Maldoror,1869, p. 159).Vous déparlez, je vous dis; vous avez la tête malade. Il n'y a pas de serpents dans votre main (Giono,Colline,1929, p. 32).♦
[P. méton., en parlant d'une faculté, d'un sentiment, d'une manifestation de la pers.] Qui dénote le manque de raison; qui a quelque chose d'anormal, d'excessif. Cette émotion flatta, démesurément Frédéric, dont l'orgueil était malade (Flaub.,Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 53).Elle m'aime, pensai-je. Que ce soit un caprice de cette imagination blasée et malade, c'est probable. Mais enfin elle m'aime (Gobineau,Pléiades,1874, p. 69).Elle se renversa sur sa chaise pour rire plus à son aise, mais d'un rire énervé, malade, un de ces rires qui tournent en attaques de nerfs (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Cri d'al., 1886, p. 1063):3. Quelqu'un voyait M. Barrault, l'instituteur, le collègue de mon grand-père, sous l'aspect d'un vieux pauvre. Quelque part, dans une tête, rôdait cette pensée malade et criminelle.
Sartre,Mots,1964, p. 63.
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[En parlant d'un attribut de la pers.] Qui est inquiet, troublé, tourmenté. Esprit malade. La conscience de Hulot était si malade, qu'il trouva je ne sais quoi de sinistre et de froid dans la figure de Mitouflet (Balzac,Cous. Bette,1846, p. 301).Je vous envoie mon coeur gonflé de vous, avide De vous, mon coeur malade et triste à se briser. Je vous envoie ma peine, et ma vie insipide, Mon tourment, mon désir, mes soirs éternisés (Géraldy,Toi et Moi,1913, p. 105):4.... Héloïse s'efforçait d'éteindre aux eaux de la piété des feux brûlants encore; mais la religion, impuissante à guérir cette âme malade, ajoutait à ses tourments. La tristesse, les regrets amers, les remords, un insurmontable amour, dévoraient les journées de cette pâle recluse...
Toepffer,Nouv. genev.,1839, p. 91.
♦ [P. méton.] Qui est le fait d'un esprit tourmenté. Jeunes gens qui dormez de ce sommeil malade, (...) qui vous penchez aux lucarnes des villes afin de déchiffrer les énigmes nocturnes et de surprendre une réponse à votre appel (...) ne renoncez pas à vous réunir par petits groupes et à vous exprimer par des organes modestes (Cocteau,Foyer artistes,1947, p. 60).