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MAINTENANT, adv.

MAINTENANT, adv.
I. − [Désigne le prés. du locuteur, c.-à-d. le moment où l'on dit «maintenant». Fonctionne ainsi en oppos. avec alors, qui introduit un ordre temporel différent de celui du locuteur. Peut être transposé dans le passé] Synon. à présent.
A. − À l'instant, au moment où l'on dit «maintenant».
1. [Le prés. est le prés. effectif du locuteur]
a) [Avec les temps du prés. (prés. de l'ind., passé composé de l'accompli, prés. du subj.)] Vous voici arbre mugissant au vent et racontant à la nature des mélodies végétales. Maintenant vous planez dans l'azur du ciel immensément agrandi. Toute douleur a disparu. Vous ne luttez plus, vous êtes emporté, vous n'êtes plus votre maître et vous ne vous en affligez pas. Tout à l'heure l'idée du temps disparaîtra complétement (Baudel.,Paradis artif.,1860, p. 339).Ce type qui mange à la table ronde, près de la porte, je le reconnais maintenant: il descend souvent à l'hôtel Printania, c'est un voyageur de commerce (Sartre,Nausée,1938, p.135):
1. De la fenêtre de ma chambre je contemple le proche rideau de grands arbres. Il vient de pleuvoir et, maintenant, le soleil qui se couche derrière le bois, touchant de ses derniers rayons les branches encore ruisselantes, accroche des diamants à l'extrémité des ramures. Gide,Journal,1938, p. 1321.
[P. oppos. explicite à un état ant.] Deux jours et deux nuits le vent a soufflé. Il était chargé de nuages; maintenant il pleut (Giono,Colline,1929, p. 36).
En partic. [Avec une idée de rupture]
[Entraînant un effet d'insistance] Vous me croyez maintenant? Vous savez que je ne mens pas? (Mauriac,Asmodée,1938, iii, 6, p. 111).
[Soulignant une réaction affective (étonnement, réprobation p. ex.)] Blanche Frontenac s'était levée: − Il insulte son oncle, maintenant! Sors d'ici. Que je ne te revoie plus! (Mauriac,Myst. Frontenac,1933, p. 118).Tout cela est peut-être exagéré. − Tu défends Camille, maintenant? − Mais non, mais il faut voir (Drieu La Roch.,Rêv. bourg.,1937, p. 123).Non, mais, dis, tu me prends pour ta femme de chambre, maintenant? (Aymé,Cléramb.,1950, iii, 1, p. 133):
2. Le chien, sans doute, les comprit. Il s'efforçait de le caresser, lui collait ses pattes sur les épaules, les éraflait avec ses ongles. − «Allons! maintenant! voilà qu'il a emporté ma culotte!» Flaub.,Bouvard,t. 1, 1880, p. 67.
Elliptiquement. Et maintenant? En retrouvant le vaste appartement silencieux, au fond duquel deux religieuses veillaient une bière, et où il ne restait plus rien de l'espérance qu'elle y avait laissée une demi-heure plus tôt, elle eut un (...) serrement de coeur (Martin du G.,Thib.,Mort père, 1929, p. 1353).
[Marque, dans le fil d'une démonstration, d'un exposé, d'une méditation, le moment où l'on parle] Vous ne me reconnaissez pas! (...) c'est moi!... Chez MmeLenormand!... Où nous avons tant ri!... Vous y êtes maintenant? (Jouy, Hermite,t. 2, 1812, p. 89).Maintenant passons à des choses moins aléatoires. Montfort est une ville, ou plutôt... oui, je dis bien, une ville, − pleine de boue et de calme (Villiers de L'I.-A.,Corresp.,1859, p. 36).
Plus rarement. [P. oppos. explicite à un état futur] Demain, je trouverai que c'est une bonne chose que d'en avoir fini. Maintenant, je ne sens que ma fatigue (Camus,Malentendu,1944, III, 1, p. 163).
Maintenant ou jamais. − Moi, tu parles, si j'en ai profité! qu'il ajoutait. Robinson, que je me suis dit! C'est mon nom Robinson!... Robinson Léon! − C'est maintenant ou jamais qu'il faut que tu les mettes, que je me suis dit!... (Céline,Voyage,1932, p. 54).
Dès maintenant. Qui ne voit posée dès maintenant la sourde analogie qui va régner d'un bout à l'autre de ce livre? Suivons la pensée de M. Ferrero et appliquons son analyse au monde moderne (J.-R. Bloch,Dest. du S.,1931, p. 206).
En emploi subst. Comme tout part du «maintenant» et de l'«ici» du sujet pensant (Ruyer,Esq. philos. struct.,1930, p. 300).
b) [Avec les temps du fut. (fut. de l'ind., fut. périphrastique, prés. au sens du fut. ). S'applique à un fait ou un état fut. dont on a, au moment où l'on parle, la certitude (alors qu'on ne l'avait pas précédemment)]
α) Dans un avenir plus ou moins proche. Maintenant [que la bataille est commencée], nous allons bientôt avoir des chevaux à revendre (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 36).Je suis encore ici pour douze jours, après quoi je m'en retourne dans la Capitale avec mon livre achevé. Mais je ne sais encore si je le ferai paraître maintenant et si je n'attendrai pas le mois d'octobre, à cause des Misérables d'Hugo (Flaub.,Corresp.,1862, p. 281).Allons, ma vieille [Le Grand Meaulnes à sa jument]! Allons! Maintenant nous n'irons pas plus loin (Alain-Fournier,Meaulnes,1913, p. 61).Sois tranquille, Gregory, je ne partirai pas maintenant. Allan et moi nous avons quelque chose à nous dire (Gracq,Beau tén.,1945, p. 43):
3. Ma langue, je la tiens quand je veux. Mais je voulais vous le dire pour que, ensuite, vous n'alliez pas nous faire des scènes en disant qu'on vous l'avait caché. Et maintenant, j'irai plus loin. Comme il s'agit d'une affaire très grave, je vais être franche jusqu'au bout. Pagnol,Fanny,1932, I, 2etabl., 4, p. 81.
Dans + indication de durée + maintenant. Dans moins d'une demi-heure maintenant, je serai à mon emplacement dans la bataille de Verdun (Romains,Hommes bonne vol.,1938, p. 146).
β) À partir du moment présent. Synon. désormais, dorénavant.Bah! Je suis solide! Qu'est-ce que ça fait? La République est proclamée! On sera heureux maintenant! (Flaub.,1reÉduc. sent.,1845, p. 116).Alors, je sens bien que, maintenant, je ne peux vivre que dans le remords ou le regret (Duhamel,Nuit St-Jean,1935, p. 51).Cette masse − ou ce disque − cellulaire aura maintenant à subir toutes sortes de transformations pour produire l'embryon (J. Rostand,La Vie et ses probl.,1939, p. 35):
4. Si j'étais parti seul, j'aurais peut-être pu en revenir. Maintenant je serai mort dans trois mois. Montherl.,Exil,1929, I, 3, p. 37.
5. J'ai eu un camarade qui travaillait dans votre boîte. Il ne touchait que dix-huit marks par mois. − Oui, mais... c'était au début. Maintenant vous gagnerez bien davantage. Ambrière,Gdes vac.,1946, p. 282.
En partic. [Avec des verbes signifiant une attente, un espoir] Lafont: Je m'attends à tout maintenant. Clotilde: C'est toujours le plus sage, on n'a pas de déceptions de cette manière (Becque,Parisienne,1885, ii, 5, p. 293):
6. [Des ouvriers] m'ont appris que la commande datait de douze jours seulement. Espérons maintenant que ce travail sera terminé avant six mois. Espérons aussi que je pourrai garder ma patience... Bloy,Journal,1892, p. 25.
En tournure ell.:
7. − Maintenant, mes amis, dit-il [Le Capitaine], à la grâce de Dieu et chacun pour soi! La batterie se dispersa en s'enfonçant sous les hauts sapins, et notre matériel demeura intact au bord de la route, à la disposition des Allemands... Ambrière,Gdes vac.,1946p. 27.
c) [Avec des indications temporelles privilégiant le passé]
Jusqu'à maintenant. Jusqu'à maintenant, tout ce que j'ai voulu énergiquement, je l'ai fait. Pourquoi ne réussirais-je pas cette fois encore?... (Martin du G.,Thib.,Épil., 1940, p. 790).
Il y a maintenant, voici maintenant tant de temps; ça fait maintenant... Il avait assisté, voici dix-huit ans maintenant, à un autre drame (Maupass.,Contes et nouv.,t. 1, En mer, 1883, p. 94).Elle se languit. C'est ça qui la rend malade. Cela fait maintenant six semaines que vous êtes à Cannes: elle ne peut pas s'y faire (Montherl.,Fils personne,1943, ii, 1, p. 292).
2. [Par transposition dans le passé]
a) [Correspond à supra 1 a] Mais il jugeait que maintenant il avait conquis le droit, après ce nouvel essai, de retourner dans son ermitage suisse (Rolland,J.-Chr.,Nouv. journée, 1912, p. 1494).Il avait quitté la fenêtre et maintenant il allait et venait dans son vaste cabinet (Billy,Introïbo,1939, p. 122).Le silence était maintenant à nouveau total, Juliette attendit encore un bon moment, puis se précipita en bas (Triolet,Prem. accroc,1945, p. 39).
[Avec l'imp. «présent dans le passé», le plus-que-parfait de l'accompli] :
8. ... c'était, depuis le crépuscule, un long acheminement, un ruissellement d'ombres silencieuses, filant isolées, s'en allant par groupes, vers les futaies violâtres de la forêt. Chaque coron se vidait, les femmes et les enfants eux-mêmes partaient comme pour une promenade, sous le grand ciel clair. Maintenant les chemins devenaient obscurs, on ne distinguait plus cette foule en marche... Zola,Germinal, 1885, p. 1375.
En tournure ell. − C'est-i vous, Phémie! reprit-elle sans conviction, d'une voix maintenant tout à fait tremblante (Bernanos,Crime,1935, p. 727).
Rare. [Avec le passé simple] Et il sentit maintenant - et la pleine conscience lui sembla battre son front comme l'aile même de la folie - qu'il l'avait lui-même amenée [Heide] à Albert pour la plonger au sein de leur vie double (Gracq,Argol,1938, p. 67):
9. Le pauvre enfant était bien mort, mais ma mère se plut à lui faire elle-même une dernière toilette. On avait profité de son premier abattement pour l'en empêcher. Maintenant, exaltée et comme ranimée par ses larmes, elle frotta de parfums ce petit cadavre, elle l'enveloppa de son plus beau linge et le replaça dans son berceau pour se donner la douloureuse illusion de le regarder dormir encore. Sand,Hist. vie,t. 2, 1855, p. 226.
b) [Correspond à supra 1 b, avec un temps grammatical marquant le futur par rapport à un passé] L'on allait donner maintenant un acte de la Valkyrie (Bourges,Crépusc. dieux,1884, p. 16).Jusque-là, il avait bien eu des prétextes; mais rien ne le retenait maintenant (Zola,Joie de vivre,1884, p. 1014).Je savais que maintenant elle ne parlerait pas. Le pire pour elle était passé (Gracq,Syrtes,1951, p. 170).
[Avec le fut. «des historiens»] :
10. Mon collègue Montholon, qui était chargé du classement des archives de la chancellerie, ferma son carton vert intitulé: «conflit austro-serbe» et en ouvrit un tout neuf: «guerre européenne». Durant quatre années, maintenant, Londres va prendre en mains les destinées du pays, se raidir, se tendre jusqu'à craquer... Morand,Londres,1933, p. 59.
B. − Au temps, à l'époque où vit le locuteur. Synon. aujourd'hui.
1. [Le prés. est le prés. du locuteur] Maintenant encore les jeunes villageois font des chansons satiriques (Michelet,Journal,1830, p. 75).
[P. oppos. explicite avec une période ant.] La vie d'un homme était [au XVIes.] une suite de hasards. Maintenant la civilisation a chassé le hasard, plus d'imprévu (Stendhal,Rouge et Noir,1830, p. 327).Autrefois ils travaillaient, maintenant ils dorment, ou ils promènent madame (Flaub.,1reÉduc. sent.,1845, p. 53):
11. L'antithèse entre la vieille Angleterre agricole et la jeune Angleterre industrielle, entre le froment et le mâchefer, Chateaubriand l'a marquée dans une belle page des Mémoires: «J'ai vu l'Angleterre dans ses anciennes moeurs... aujourd'hui ses vallées sont obscurcies par les fumées des forges et des usines; ses chemins sont changés en ornières de fer.» Les grands puits de charbon, creusés alors dans la campagne verte, ont avalé les paysans anglais par millions; maintenant, ils les rejettent et ces chômeurs errent inutiles... Morand,Londres,1933p. 43.
En tournure ell.:
12. À te voir encore si peu avenant! si peu gracieux! si borné envers et contre tout! si rébarbatif toujours! si mal commode avec le monde! comment veux-tu arriver? Surtout maintenant dans le commerce? Avec la si grande concurrence! t'es pas seul à chercher une place! Céline,Mort à crédit,1936, p. 345.
2. [P. transposition dans le passé] :
13. On disait qu'elle avait quitté sa famille pour suivre un Italien. L'homme était mort depuis deux ans, et elle travaillait maintenant pour les grands magasins. Chardonne,Épithal.,1921, p. 296.
3. De maintenant. Je demande si le philosophe de maintenant vit comme un homme vivant ou comme un ver (Nizan,Chiens garde,1932, p. 90).Les lèvres de quatorze ans, sans être dédaigneuses, avaient une tranquillité superbe. Celles de maintenant ont molli, ont intimement cédé (Romains,Hommes bonne vol.,1939, p. 34).
C. − Maintenant que, loc. conj. [Marque que la réalisation du procès de la princ. est conditionnée par le procès de la sub.] Le groupe des badauds avait un peu grossi. Maintenant que la nuit tombait, et que la lumière venait de l'intérieur, ils prenaient pour les peintres un aspect encore plus étrange (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p. 195).Maintenant que tu as fait ton magot, - dit-il, - tu peux me quitter... Mais tu es tellement idiote que tu perdras tout... (Mauriac,Myst. Frontenac,1933, p. 91).Georges! tu ne vas pas te mettre à croire cette infamie, maintenant qu'elle t'arrange (Cocteau,Parents,1938, iii, 1, p.271):
14. Elle [Hyacinthe] n'était plus qu'une femme se dévêtant comme une autre, chez un homme (...). Et puis, à quoi bon cela? Maintenant qu'elle se livrait, il ne la désirait plus! La désillusion lui vint avant même qu'il ne fût assouvi et non plus après comme de coutume. Huysmans,Là-bas,t. 2, 1891, p. 43.
[Au sens strictement temporel] Rare. Maintenant que je vais fermer l'histoire de ma vie à cette page, c'est-à-dire plus de sept ans après en avoir tracé la première page, je suis encore sous le coup d'une épouvantable douleur personnelle (Sand,Hist. vie,t.4, 1855, p. 485).
Rare (avec le fut.). S'il a «peut-être» pour moi «une certaine amitié», j'espère qu'il ne se lassera pas de moi après huit jours, maintenant que nous serons devenus plus sérieux (Montherl.,Ville dont prince,1951, i, 3, p. 871).
II. − [Suggère la pertinence de l'énoncé qui le comporte au point du discours où on en est parvenu; est obligatoirement en tête d'énoncé] Synon. ceci dit.
A. −
1. [Ce qui est dit est présenté comme apportant un surplus d'information ou bien comme posant une question ou formulant un souhait que ce qui précède ne laissait pas prévoir]
[Assertion ou interrogation rhétorique] :
15. Tel mot ressemble à une griffe, tel autre à un œil éteint et sanglant; telle phrase semble remuer comme une pince de crabe. Tout cela vit de cette vitalité hideuse des choses qui se sont organisées dans la désorganisation. Maintenant, depuis quand l'horreur exclut-elle l'étude? Depuis quand la maladie chasse-t-elle le médecin? Hugo,Misér.,t. 2, 1862, p. 188.
[Interrogation] Toute la reconstruction de la société autour de la reine, il me l'a empruntée, et dans son volume entier, il n'y a de neuf que la description de son appartement, dont il est à la fois le conservateur et le concierge. Maintenant est-il pour ou contre elle? On n'en sait rien (Goncourt,Journal,1892, p. 197).
[Injonction] J'ai le cancer. Oui, je l'ai... et maintenant, gardez cela pour vous, et merci (Goncourt,Journal,1883, p. 220).
2. En partic.
[Marque la pertinence du dire dans telle ou telle hypothèse] Voici d'ailleurs la liste des pharmaciens encore ouverts, et des spécialités qu'on peut y trouver (...). Maintenant, si MmeLointier demande de l'Uronyl, qu'elle exige la mention du docteur Leprêtre, car il y a des contrefaçons (Montherl.,Exil,1929, i, 1, p. 22).
[Marque la pertinence du dire en relation avec une proposition concessive, notamment alternative] Il ne peut pas y avoir un phénomène physiologique sans un élément anatomique normal; il ne peut pas y avoir un phénomène pathologique sans un élément anatomique anormal. Maintenant, que la lésion du tissu soit visible ou non, il faut l'admettre (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 167).
[En corrélation avec une hypothétique et une concessive] :
16. Et au moment de m'en aller, comme elle me dit qu'elle gardera le secret de ma visite, je lui dis: «Vous savez, Princesse, dans ce moment-ci, Popelin sait que je suis chez vous... Maintenant, qu'il le sache ou qu'il ne le sache pas, s'il m'interroge, je lui dirai que je vous ai vue». Goncourt,Journal,1890, p. 1124.
B. − [Le locuteur, prenant du champ par rapport à ce qu'il vient d'énoncer, envisage une implication possible mais non vérifiée, ou qui du moins peut être mise en doute, ou admet une objection ou un autre point de vue concevables] Ce que j'aime en eux (...), c'est un certain type beau et moral que je m'en forme; c'est mon idéal que j'aime en eux. Maintenant sont-ils conformes à ce type? C'est ce qui m'importe assez peu (Renan,Souv. enf.,1883, p. 385).Il gagnait bien, oui, par rapport à un cantonnier. Maintenant, par rapport à un banquier... (Aragon,Beaux quart.,1936, p. 72):
17. Qu'est-ce qu'il avait pu lui faire pour la tomber la jolie?... C'était sûrement pas la richesse... c'était une erreur alors?... Maintenant aussi faut se rendre compte, les femmes c'est toujours pressé. Ça pousse sur n'importe quoi... N'importe quelle ordure leur est bonne... c'est tout à fait comme les fleurs... aux plus belles le plus puant fumier!... La saison dure pas si longtemps! Céline,Mort à crédit,1936, p. 278.
En partic. [Le locuteur cherche à prévenir une interprétation envisageable mais qui s'éloigne de ce qu'il veut dire] Eh bien! Grange, qu'est-ce que je fais aujourd'hui? Est-ce que je continue à épierrer le champ aux Sardières? Ou si je vais à Sagne-Rouge semer l'avoine? Il s'en ferait temps... Maintenant, moi je dis ça... ici ou là ça m'est égal, vous n'avez qu'à dire, mais dites-le (Pourrat,Gaspard,1922, p. 129).
[Le dire est seulement suggéré] Je suis encore le monsieur qui doit donner l'autorisation pour que son fils se fasse assassiner. Eh bien! Non, je ne la donne pas. Maintenant, si tu veux te mettre de la Résistance en cachette de nous... (Montherl.,Demain,1949, i, 2, p. 714).
Prononc. et Orth.: [mε ̃tnɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1135 de maintenant «aussitôt» (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction AB, 2619); ca 1165 sempres maintenant «id.» (Benoît de Ste-Maure, Troie, 22345 ds T.-L.); 1165-70 maintenant «aussitôt, dans un moment» (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 260); b) 1176-81 maintenant que «aussitôt que» (Id., Chevalier Lion, éd. M. Roques, 815); 2. a) ca 1200 maintenant «à présent» (1reContinuation de Perceval, I, 178, 6554 ds T.-L.); b) 1538 dès maintenant «à partir de ce moment» (Est., s.v. jam); c) 1572 maintenant que «à présent que» (Amyot, Les Œuvres morales et meslées de Plutarque, Demandes des choses romaines, t. 2, p. 464); 3. 1230 «il n'y a qu'un instant» (Gaidon, 129 ds T.-L.). Du lat. manu tenendo (gérondif de manu tenere, v. maintenir) «pendant que l'on tient quelque chose dans la main», d'où «rapidité du geste ou possibilité» puis «promptitude temporelle» ou, plus vraisemblablement, «proximité locale extrême» puis «proximité temporelle», ces développements sém. aboutissant à la notion d'«aussitôt» (cf. a. fr. manois, demanois, les expr. main à main, mainnemain, de main à main, tout à main, de la main, fr. mod. en un tour de main, qui expriment l'idée de promptitude). Voir J.Blass, Der Ausdruck der zeitlichen Unmittelbarkeit ds Romanica Helvetica, t.68, 1960, pp. 67-69. Fréq. abs. littér.: 30388. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 24622, b) 46686; xxes.: a) 55370, b) 49911. Bbg. Antoine (G.). La Coordination en fr. Paris, 1959, t. 1, p. 679, 687. _ Benveniste (É.). Le Lang. et l'exp. hum. Diogène. 1965, no51, pp.3-13. _ Imbs (P.). L'Empl. des temps verbaux en fr. mod. Paris, 1960, pp.175-177. _ Klum (A.). Verbe et adv. Stockholm, Uppsala, 1961, pp.86-101, 116-117. _ Martin (R.). Temps et aspect. Paris, 1971, pp.256-257. _ Moignet (G.). Systématique de la lang. fr. Paris, 1981, §344-347. _ Nef (F.). Maintenant ... Colloque du Centre d'Analyse Syntaxique de l'Université de Metz. 1978 : La Notion d'Aspect. Metz, 1980, pp.145-166. _ Vet (Co). Temps, aspects et adv. de temps en fr. contemp. Genève, 1980, p.87, 109.

MAINTENIR, verbe

MAINTENIR, verbe
I.
A. − Qqn/qqc. maintient qqn/qqc. + compl. exprimant la position, la situation, l'état de ce que désigne le premier compl.
1. Faire rester quelqu'un, quelque chose dans une position, une situation données.
a) [Le suj. désigne une pers.]
[Le second compl. est un compl. prép.] Maintenir qqn à genoux, qqn/qqc. en équilibre. Il avait vu cette petite fille enjamber tout à coup la balustrade; il s'était élancé, avait pu lui saisir le bras, et, quelque temps, l'avait maintenue au-dessus du vide (Gide, Nouv. Nourr., 1935, p. 268).[Un garde] me maintenait à terre, dans l'ombre, sous la menace de son sabre en forme de croix (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1588):
1.... [un homme d'équipe] remue et dégage, non sans peine, du tas (...) une claie de branchages feuillus, grande comme une porte et qu'on peut tout juste maintenir sur son dos, les mains en l'air et cramponnées sur les bords en se pliant. Barbusse, Feu, 1916, p. 226.
[Avec un attribut de l'obj.] Maintenir qqn/qqc. immobile, plié en deux, debout. [Le comte Artoff] renversa sir Williams sous ses pieds, lui appuya un genou sur la poitrine et le maintint immobile sous lui (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 538).
SYNT. Maintenir à distance, à flot, à terre, à la surface, dans le courant, en l'air, hors du courant, sous l'eau, sur place.
[Lorsque le premier compl. désigne un inanimé, le verbe accepte un compl. à qqn] [François] se dégagea en l'assommant d'un coup à la nuque, et lui maintint la tête hors de l'eau par les cheveux (Queffélec, Recteur, 1944, p. 134).
[Le second compl. est effacé] Maintenir le forcené. Cependant, la jeune fille s'était révoltée − Laisse-moi, entends-tu! Il lui maintenait la tête, il la regardait au fond des yeux (Zola, Germinal, 1885, p. 1173).
b) [Le suj. désigne un inanimé]
[Le second compl. est un compl. prép.] Le cousin Jules serrait à pleine main une tranche de pain bis sur laquelle son pouce maintenait un cube de jambon gras (Malègue, Augustin, t.1, 1933, p.216).La simple pression de sa paume suffisait à maintenir son corps à la surface de l'eau (Bernanos, Mouchette, 1937, p.1345).
[Avec un attribut de l'obj.] Des oreillers la maintenaient à demi assise (Gide, Si le grain, 1924, p. 610):
2. La porte s'entr'ouvrit, une main parut qui la maintenait entrebaîllée, puis une tête, une tête d'homme coiffée d'un chapeau de feutre rond se glissa entre le battant et le mur... Maupass., Contes et nouv., t. 1, Colp., 1890, p. 1171.
[Le second compl. est effacé] Un corset rudement sanglé maintenait sa taille de cuisinière (Balzac, Splend. et mis., 1846, p. 405).
2. Faire en sorte que quelqu'un/quelque chose reste dans un état déterminé.
a) [Le suj. désigne une pers., une collectivité]
[Le second compl. est un compl. prép.] Maintenir son cheval au pas, le pays sous le joug, le peuple dans la misère. La tentative éperdue de l'état-major pour maintenir un homme au bagne par le moyen d'un faux (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 147):
3. Elle aurait mis tous ses efforts à me maintenir dans un métier où, comme elle disait, «je gagnais gros». Mauriac, Noeud vip., 1932, p. 93.
[Avec un attribut de l'obj.] Il fit tous ses efforts pour faire parler les hommes de sa société et maintenir la conversation vivante (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 400).Mère, grand'mère, bisaïeule, veuve depuis longtemps, elle avait maintenu intact l'héritage (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 267).
[Le second compl. est effacé] Synon. de contenir.Des soldats d'infanterie font le cordon, essayant vainement de maintenir la foule (Gyp, Souv. pte fille, 1927, p. 30).
b) [Le suj. désigne un inanimé]
[Le second compl. est un compl. prép.] On parvient à envoyer aux emmurés de l'oxygène qui les maintient encore en vie (Gide, Journal, 1943, p. 164).
[Avec un attribut de l'obj.] Un petit homme maigre abaisse la poignée de fer d'un soufflet, qui maintient rouge du charbon de terre allumé (Goncourt, Journal, 1870, p. 683).On sait qu'une des principales fonctions du foie est de maintenir constante la teneur du sang en glycose (Bergson, Évol. créatr., 1907, p. 123).
SYNT. Maintenir à l'abri, à l'état de, au frais, à la tête de, au pouvoir, dans un état de, dans le droit chemin, dans ses fonctions, en activité, en ébullition, en équilibre, en état, en fonction, en forme, en fusion, en paix, en place, en prison, en quarantaine, en réserve, en service, en vie, sur orbite, sous médicament.
B. − Qqn/qqc. maintient + compl. d'obj. dir. désignant l'état.Faire en sorte qu'un état, une situation durent, ne se modifient pas. Synon. conserver, garder; anton. rompre, interrompre.
1. [Le suj. désigne une pers., une collectivité] [Un vieillard] qui ne maintenait l'équilibre de son corps chancelant qu'en se confiant à un jonc (Nodier, Trilby, 1822, p. 169).Au nom de la patrie (...) on prétendait maintenir l'illégalité, l'injustice, on acclamait l'homme de trahison, on faisait ouvertement l'apologie du faussaire (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 494).Mary-Ann seule maintenait le contact avec le monde (Maurois, Disraëli, 1927, p. 195):
4. Il maintenait ses distances comme un bon fantassin, qui ne doit ni se laisser atteindre par celui qui marche derrière lui, ni marcher lui-même sur le pied de celui qui le devance. Lamart., Tailleur pierre, 1851, p. 501.
Maintenir l'ordre, le calme. Un régiment réfractaire aux ordres de l'assemblée, attiré à Versailles sous prétexte de maintenir le calme (Marat, Pamphlets, On nous endort, 1790, p. 223).La garde de Paris fut laissée au vieux duc de Berri et au roi de Sicile, avec huit cents hommes d'armes, pour maintenir le bon ordre (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 406).
[Le suj. désigne une chose ayant son dynamisme propre] :
5. Ici, des vertes collines de Montreux, pleines de sources, je le vois [le Rhône] remplir le lac (...) Plusieurs lieues durant il garde sa rapidité puissante; il maintient dans cette mer son courant, sa vie de fleuve. Michelet, Journal, 1856, p. 303.
2. [Le suj. désigne un inanimé] Tendre ces peaux sur des cadres de bois destinés à maintenir leur écartement (Verne, Île myst., 1874, p. 138).Une galerie d'entreillage dont la voûte basse maintenait une température de douze degrés propice au départ de la fermentation en vase clos (Hamp, Champagne, 1909, p. 152).
C. − Qqn/qqc. se maintient + compl. prép.
1. Rester dans une position fixe, constante par un effort physique.
a) [Le suj. désigne une pers.] Se maintenir en selle, en équilibre, hors du courant. J'ai enjambé la carlingue et me suis maintenu d'abord sur l'aile. Une fois là, je me suis penché vers l'avant (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 292):
6. ... l'ombre courait alors sur le sol uni, et les cavaliers, poussant leur monture, essayaient de se maintenir dans la nappe fraîche que les vents d'ouest chassaient devant eux. Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 157.
b) [Le suj. désigne une chose ayant sa mobilité, son dynamisme propre] Rester, demeurer. Le vent se maintenait au nord (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 6).Ces yeux de fantôme (...) se maintenaient sur Christine (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 431).
2. Rester, durer dans un état donné.
a) [Le suj. désigne une pers., une collectivité] Pour se maintenir en forme, il se couchait tous les soirs à dix heures (Maurois, Climats, 1928, p. 87).Dès ce moment, je prescris aux corps d'armée de se maintenir sur la défensive (Foch, Mém., t. 1, 1929, p. 161).Pour nous maintenir dans le droit chemin quand le désir, la passion ou l'intérêt nous en détournent, nous devons nécessairement nous donner à nous-mêmes des raisons (Bergson, Deux sources, 1932, p. 15):
7. Dans la complète solitude ou je vécus, je pus chauffer à blanc ma ferveur, et me maintenir dans cet état de transport lyrique hors duquel j'estimais malséant d'écrire. Gide, Si le grain, 1924, p. 522.
[Le compl. prép. est effacé] Non, tu n'as pas trop changé: tu te maintiens bien, toi, tu as de la chance! (Colette, Music-hall, 1913, p. 105).Un peuple qui possède un territoire à lui peut subsister sans religion, mais notre peuple dispersé n'a pour se maintenir que son attachement à sa foi (Tharaud, An prochain, 1924, p. 216).
b) [Le suj. désigne une entité ayant son propre dynamisme] Le temps se maintient au beau fixe.
[Le compl. prép. est effacé] Tenez, dimanche prochain, si le temps se maintient, vous trouveriez certainement du monde (Proust, Swann, 1913, p. 106).L'acte sexuel et la mort réalisent le sacrifice de l'individu au génie de l'espèce. La vie ne se maintient qu'à ce prix (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p.276):
8. Et chacun de ces masques est destiné à créer l'atmosphère, à donner le ton de ce qui suivra. Il apparaît et se maintient sans se modifier pendant qu'elle parle. Puis il tombe, il se détache d'elle. Sartre, Nausée, 1938, p. 183.
[Le suj. désigne un procès] Durer. Et d'abord ils serraient les épaules et le combat se maintint quelque temps (Claudel, Tête d'or, 1890, 2epart., p. 74).
II.
A. − Qqn maintient (sa candidature, son opinion, sa plainte, sa proposition).Ne pas modifier un comportement, une position intellectuelle, en dépit de sollicitations, d'objections, de pressions. L'abbé Weber formula et maintint son refus de recevoir l'ordination (Billy, Introïbo, 1939, p. 114):
9. Là-dessus il repartit, il mit son coeur à nu, ouvrit l'écluse au flot amer de ses rancunes. Il flétrit l'improbité, «l'improbité parfaitement, je maintiens le mot!» des employés amateurs sacrifiant à leur coupable fainéantise la dignité de leurs fonctions, jusqu'à laisser choir dans la déconsidération publique et dans le mépris sarcastique de la foule l'antique prestige des administrations de l'État! Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, 1ertabl., p. 34.
En partic. Se maintenir.Rester candidat dans une élection qui comporte plusieurs tours.
B. − Qqn maintient que.Continuer d'affirmer, malgré des objections, des pressions. Je sais pourtant qu'il y a dans certaines langues, des passés prochains, des futurs prochains, des aoristes, et d'autres tems semblables: mais je maintiens que, bien examinés, ils ne sont et ne peuvent être que des subdivisions des divisions que nous venons d'établir (Destutt de Tr., Idéol. 2, 1803, p. 237):
10. − Ce n'est pas vrai! Elle n'en a pas plus que moi, du poil! La mère souleva la fillette dans ses bras pour procéder à un examen. Clotilde maintint qu'elle avait du poil, mais les jambes étaient parfaitement lisses... Aymé, Jument, 1933, p. 76.
Prononc. et Orth.: [mε ̃tni:ʀ], (il) maintient [mε ̃tjε ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1135 «protéger, soutenir, défendre contre» (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction AB, 213); 1160-74 réfl. «se défendre» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 5053); 2. a) 1160 «observer, conserver dans le même état (une coutume, un usage)» (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 3970); b) réfl. ca 1200 «se porter, être dans un tel ou tel état de santé» (Doon de la Roche, 330 ds T.-L.); 1538 «se conserver» (Est.); c) 1690 «tenir ferme et fixe» (Fur.); 3. a) 1174-76 «tenir pour vrai, croire» (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5026); b) 1309 «affirmer» (doc. ds Gdf. Compl.). Du lat. pop. *manūtenēre «tenir avec la main», composé du lat. class. manu, ablatif de manus «main», et de tenēre «tenir» et qui a été altéré en *manūtenīre (tenir*). Les autres lang. rom. (excepté le roum.) connaissent aussi ce composé (ital. mantenere, esp. a. prov. mantener, port. mantêr), ce qui prouve qu'il remonte à l'époque lat. Fréq. abs. littér. Maintenir: 4076. Maintenant: 214. Fréq. rel. littér. Maintenir: xixes.: a) 4684, b) 3723; xxes.: a) 5350, b) 8121. Maintenant: xixes.: a) 174, b) 325; xxes.: a) 388, b) 353.
DÉR.
Maintenage, subst. masc.,mines. Boisage servant à maintenir les terres. On découpe le front d'avancement [des tailles chassantes] en gradins renversés ou maintenages (Haton de La Goupillière, Exploitation mines, 1905, p. 148). [mε ̃tna:ʒ]. 1reattest. 1905 id.; de maintenir, suff. -age*.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·