1. a) [Avec l'apparence de qqc. qui pèse un grand poids] Une rivière coulait à droite et roulait lourdement des eaux bourbeuses entre des berges souillées de limon (Fromentin,Dominique,1863, p. 61).Je reprends conscience de la vie au milieu du tapage d'un hôtel quelconque, portes qui battent (...), malles que l'on traîne lourdement dans des corridors encombrés (Loti,Jérusalem,1895, p. 184).La voiture vira lourdement sur la piste de latérite, maintenant boueuse (Camus,Exil et Roy.,1957, p. 1655):2. J'arrivai contre la maison (...). Dedans on entendait un bruit de pas, comme de quelqu'un qui marche lourdement de long en large...
Bosco, Mas Théot.,1945, p. 76.
b) [Sous/avec l'effet apparent de qqc. qui pèse un grand poids] S'appuyer lourdement sur qqc. Elle est venue cahin-caha en écrasant lourdement l'herbe (Giono,Colline,1929, p. 185).Tous au bar! cria Luc; il posa lourdement sa main sur l'épaule d'Henri: «C'était bien?» (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 99):3. La salle était assez grande, sombre, lourdement abritée du jour par d'énormes tentures bleues étouffantes, qui masquaient la fenêtre.
Van der Meersch,Invas. 14,1935, p. 153.
− P. ext. [Sous/avec l'effet apparent de qqc. dont le mouvement lent s'accompagne de sons graves] Nous nous mouvons, lourdement cahotés, sur d'énormes dalles dénivelées et brisées (Loti,Fleurs ennui,1882, p. 37).Une grande horloge, dans une gaine d'ébène incrustée de cuivre, battait lourdement l'heure (Zola,Rome,1896, p. 399).Un pas pesant gravissait mes sept étages. On frappa lourdement à ma porte (Cendrars,Bourlinguer,1948, p. 201).
2. [Avec peu d'aisance, avec gaucherie et/ou lenteur] Synon. gauchement; anton. agilement, prestement.S'esquiver, se lever lourdement. Il restait là une demi-heure, penché au-dessus de la fosse, suivant du regard les ours qui se dandinaient lourdement (Zola,Th. Raquin,1867, p. 19).Plus tard, le président du Conseil monta lourdement les degrés du Panthéon entre deux haies de mineurs (Nizan,Conspir.,1938, p. 43):4. Il se lève, époussette la jument avec une branche (...) et s'aidant du talus, se hisse lourdement en selle.
Martin du G.,Devenir,1909, p. 178.
3. [Avec un verbe ou un prédicat exprimant un déplacement aérien plus ou moins horizontal] D'une manière qui est ou qui paraît retenue vers le bas. Des corneilles énormes (...) s'envolaient lourdement à leur approche (Rolland,J.-Chr.,Aube, 1904, p. 18).Des pigeons bleus volent lourdement d'un pignon à l'autre (Guéhenno,Journal ``Révol.``, 1938, p. 136):5. ... lasse de suivre un demi-songe à travers une fumée qui se déplaçait lourdement, par bancs horizontaux, autour des abat-jour brûlés par le gaz...
Colette,Apprent.,1936, p. 76.
4. [Avec un verbe ou un prédicat exprimant un mouvement vers le bas non totalement contrôlé ou une chute involontaire] D'une manière non retenue et avec tout son poids. Synon. pesamment.S'asseoir lourdement. La vache s'était recouchée, lourdement (Maupass.,Contes et nouv.,t. 2, Vagabond, 1887, p. 671).D'autres, tombés lourdement en paquet, ne bougeaient plus (Dorgelès,Croix de bois,1919, p. 48):6. En remontant sur un trottoir, les armatures ferrées de ses chaussures encore une fois glissèrent sur le granit, et lourdement, il s'abattit...
Maupass.,Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 290.
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P. ext. [Avec un verbe ou un prédicat exprimant un état non contrôlé ou le passage à un tel état] Avec un total abandon, d'une manière à laquelle on ne peut s'opposer. Synon. profondément; anton. légèrement.Elle se recouchait presque pleurante et rageuse, s'endormait lourdement, dans son dépit saignant, étendue à plat ventre et la face vers le mur (Péladan,Vice supr.,1884, p. 20).Des ouvriers sans travail, dormaient lourdement au grand soleil (Zola,Rome,1896, p. 244).♦ P. anal. L'auto filait, sans bruit. Mais, par ce torride après-midi de dimanche, ce quartier était si désert, si lourdement assoupi, que le crissement soyeux des roues sur l'asphalte sec (...) prenaient le caractère d'une indiscrétion, d'une inconvenance (Martin du G.,Thib.,Été 14, 1936, p. 106).
− Au fig. Le vieux, les yeux au mur, ne tourna pas la tête. Et le silence retomba, lourdement (Zola,Germinal,1885, p. 1559).Alors, ce ne serait pas aimer... La phrase tomba lourdement: on en sentait chaque syllabe chargée de souffrances acceptées ou subies (Estaunié,Ascension M. Baslèvre,1919, p. 110).