1. [En parlant des manifestations de l'activité intellectuelle] Ce raisonnement (...) ne manquait pas de justesse! (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 470).M. Benjamin Crémieux a publié (...) sur le roman psychologique français (...) quelques pages qui sont une merveille de clarté, de justesse (Léautaud, Théâtre M. Boissard,1943, p. 354):1. L'étonnant est de ressentir parfois l'impression de justesse et de consistance dans les constructions humaines − faites de l'agglomération d'objets apparemment irréductibles − comme si celui qui les a disposés leur eût connu de secrètes affinités.
Valéry, Variété [I], 1924, p. 248.
SYNT. Justesse d'un adage, d'un argument, d'un axiome, d'une comparaison, d'une critique, d'un diagnostic, d'une définition, d'une doctrine, d'une explication, d'une hypothèse, d'une idée, d'un jugement, d'une objection, d'une observation, d'un principe, d'un pronostic, d'une remarque; justesse d'une expression, d'un mot, d'un terme; justesse de notation, de style, de ton, de touche; absence, manque de justesse.
a) Justesse + adj.−
[L'adj. exprime une qualité] Grande, incontestable, profonde justesse; justesse absolue, aiguë, exquise, extrême, frappante, parfaite, relative, rigoureuse : 2. ... il y a chez Keats ce miracle que, surpassant toujours la justesse stricte − tel par exemple que le canon du grand art verbal français le pose, (...) toujours il rencontre ce que l'on pourrait appeler la justesse idéale. (...) chez lui le plus ne devient (...) jamais un trop...
Du Bos, Journal,1923, p. 236.
− [L'adj. exprime une relation] Justesse intellectuelle, psychologique. [Carrière] fait sortir la poésie de la vérité, l'éloquence de la justesse expressive (Séailles, E. Carrière,1911, p. 77).
b) Verbe + justesse.Contester, nier, prouver, reconnaître la justesse de qqc; convenir, être convaincu de la justesse de qqc. Cf. aussi
infra D 1 :
3. ... si la philosophie hégélienne de l'histoire refuse de garantir la vérité (...) du dogme de la providence, elle s'engage à en démontrer la justesse...
Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 192.
2. [En parlant des manifestations de l'affectivité, du comportement dans la vie ou sur la scène] Justesse de déclamation, de diction; justesse d'une inflexion de la voix. La vivacité, la force et la justesse des élans vers le but indiqué, sont les éléments qui (...) forment (...) le taux intrinsèque de l'homme, et déterminent sa valeur (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 161).Elle ne leur concédait qu'une amabilité fournie par un sens mondain d'une justesse ancestrale et parfaitement fondue à sa substance (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 64):4. On aurait cru vraiment que la justice couchait avec moi tous les soirs. Je suis sûr que vous auriez admiré l'exactitude de mon ton, la justesse de mon émotion, la persuasion et la chaleur, l'indignation maîtrisée de mes plaidoiries.
Camus, Chute,1956, p. 1482.
3. BEAUX-ARTS. Conformité à la nature, à une norme esthétique, à un modèle. Justesse du trait, de l'effet, de la perspective, des plans, des valeurs. Un coloriste proprement dit est un peintre qui sait conserver aux couleurs de sa gamme (...) leur principe, leur propriété, leur résonnance et leur justesse (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p. 310).Barye l'emporte sur Delacroix par la science anatomique et la justesse des attitudes (L. Réau, Art romant.,1930, p. 138):5. ... une longue façade plate, sans autres ornements que l'ordonnance des lignes, la justesse des proportions, et le fronton central, dont le triangle clair se découpe sur le haut toit d'ardoises.
Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1384.