1. [En parlant de la situation d'une pers. ou d'une collectivité] Emploi gén. abs. Situation de quelqu'un qui manque des choses matérielles les plus nécessaires à la vie, comme la nourriture, l'argent. Synon. gêne, pauvreté, misère; anton. aisance, richesse, opulence.Vivre, mourir dans l'indigence; tomber dans une cruelle indigence; être réduit à l'indigence; être à l'abri de l'indigence. Ils mouroient faute du nécessaire, et d'autres s'empressoient de les remplacer, car l'indigence étoit devenue si profonde dans ce pays que les familles entières se vendoient pour un morceau de pain (Lamennais, Paroles croyant,1834, p. 117).Elle était de cette espèce malingre qui reste longtemps en retard, puis pousse vite et tout à coup. C'est l'indigence qui fait ces tristes plantes humaines (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 888):1. ... la cuisinière seule resta, fit son marché en tablier sale, deux sous de beurre et un litre de haricots secs, la Comtesse fut aperçue sur le trottoir en robe crottée, ayant aux pieds des bottines qui prenaient l'eau. C'était l'indigence du soir au lendemain...
Zola, Argent,1891, p. 395.
♦ Certificat d'indigence. V. certificat A 1.Elle tient serré fort dans sa main son certificat d'indigence sur papier jaune (Claudel, Poés. div.,1952, p. 833).
♦ Indigence + compl. précisant de quelle catégorie de personnes il s'agit.Les talents divers qu'il avait exercés pendant son émigration, pour se soustraire à l'indigence de l'exilé (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p. 94).
♦ Rare, emploi plur. Les réduits où se concentraient les tristes indigences de mes compagnons d'infortune (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 368).Ceux qui ne recevaient rien mangeaient de leur côté, unissant leurs indigences pour se payer un litre (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 261).
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P. méton. Les indigents. Vêtir, nourrir l'indigence; honorer, respecter l'indigence; asile pour l'indigence. Mettre l'instruction à la portée de l'indigence (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 348):2. L'indigence qui s'abandonne avec nonchalance et découragement mérite de la pitié; celle qui lutte contre son dénûment, qui lave ses haillons, qui assainit et purifie sa pauvre demeure, mérite du respect et de l'amitié.
Sand, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 190.
♦ Rare, emploi plur. On voit l'hiver, à Londres (...) des groupes d'êtres (...) mouillés, affamés, glacés (...). C'est sur ces indigences-là que le budget prélève les cinquante mille francs donnés au bourreau Rootes (Hugo, Actes et par., 2, 1875, p. 129).
2. [En parlant de l'état de qqc.] Indigence + (éventuellement) compl. précisant de quelle chose il s'agit.Dénuement, pauvreté (de quelque chose) qui dénote généralement l'indigence de quelqu'un. L'indigence d'un logis. Il jugeait probablement que l'indigence de son vêtement ne devait pas me donner une grande idée de sa fortune (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 118).Ses vêtements, où se mêlaient la recherche et l'indigence, dégouttaient d'une neige fondante (Toulet, Mar. Don Quichotte,1902, p. 68).L'exiguïté, le dénuement, l'odeur de ce lieu, créaient un malaise (...). Émile Lecouvreur ne s'étonnait pas de cette indigence. Durant la guerre n'en avait-il pas vu d'autres (Dabit, Hôtel,1929, p. 12).−
P. ext. Dépouillement, dénuement, vide de quelque chose. Quelques fermes (...) animaient seules ce (...) paysage dont l'indigence pittoresque eût paru complète sans la beauté complète qui lui venait du climat de l'heure et de la saison (Fromentin, Dominique,1863, p. 8).♦ P. métaph. N'eût été l'indigence momentanée de son propre cœur, Élie Laurence eût moins continûment pensé à Mmede Velde durant la semaine qui suivit sa rencontre avec Gérard (Bourget, 2eamour,1884, p. 157).Mais il n'a rien écrit; il parlait, il avait beaucoup d'idées, et ne pouvait se réduire à cette extrême indigence que le style exige (Chardonne, Romanesques,1937, p. 11).