A. − Mouvement ondulatoire de grande amplitude qui agite la surface de la mer en y formant des ondes dont les crêtes s'arrondissent sans déferler. La marée ayant reversé, il n'y avait point de brisans, mais seulement une forte houle (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 174) :1. Et la houle passe, lente, molle, régulière, patiente, exaspérante. C'est comme de grands dos polis et luisants, qui s'enflent, donnent leur coup d'épaule, vous soulèvent et vous laissent retomber.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 291.
SYNT. Houle du large; ondulations, creux, montées de la houle; balancement, rythme de la houle; levées, secousses, mouvements désordonnés de la houle; rumeurs, mélodie monotone de la houle; grands bruits de houle, grondement d'une grosse houle, roulement lointain de la houle; faible, légère houle; grande, grosse, puissante houle; houle plate, lisse et uniforme, longue; houle creuse, haute, puissante, bien enflée, lourde, énorme, menaçante; houle apaisée; houle claire, laiteuse, grise, noire; houle qui se lève, agite, ondule (la surface de) la mer, soulève les flots, gonfle l'océan, se creuse, grossit, s'enfle; houle qui tombe, meurt; tanguer dans la houle, se mettre en travers de la houle; être porté sur une grande houle.
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HYDROGRAPHIE. ,,La houle est produite par un mouvement orbitaire des molécules liquides, décrivant toutes un cercle d'un mouvement uniforme autour d'un centre fixe. Toutes les molécules, dont les centres d'oscillation sont sur une même verticale, occupent simultanément les mêmes positions angulaires sur leurs orbites`` (Villen. 1974). L'état de la mer est dénommé houle ou clapotis, suivant que les trajectoires des molécules liquides sont orbitaires ou rectilignes (Quinette de Rochemont, Trav. mar., t. 1, 1900, p. 78).♦
Hauteur (totale) de la houle. ,,Distance verticale qui sépare le creux de la crête de la vague`` (Villen. 1974). Longueur de la houle. ,,Distance qui sépare deux crêtes successives`` (Villen. 1974). Synon. longueur d'onde.Période de la houle. ,,Temps écoulé entre le passage de deux crêtes successives`` (Villen. 1974). Houle de fond. Forte houle provoquée par un phénomène sous-marin (cf. Nouv. Lar. ill.-Lar. encyclop. et Quillet 1965). Synon. houle profonde.La mer était belle avec une grosse houle de fond qui nous faisait rouler (Cendrars, Du monde entier au cœur du monde, Feuilles de route, 1924, p. 177).Houle d'ouragan. ,,Forte houle produite par le passage d'un cyclone et dont l'effet peut se faire sentir jusqu'à 700 ou 800 km de distance. (Appelée improprement marée d'ouragan)`` (Gruss 1952). Houle qui marque. Houle qui ,,commence à paraître`` (Bonn.-Paris 1859). Rem. 1. ,,On ne doit pas employer le mot « houle » s'agissant de la mer qui déferle sur les plages mais « mer », ou « lames » ou « rouleaux »`` (Le Clère 1960). On rencontre de tels emplois dans la lang. littér. Une longue houle aux vagues cataractantes battait bruyamment une grève plus vierge qu'un atoll océanien (Gracq, Beau tén., 1945, p. 177). 2. On relève par ailleurs, un emploi poétique de houle au sing. collectif pour désigner « le mouvement de la mer, le flot ». La terre prolongeait en bas, immense et sombre, Les continents battus par la houle des mers (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1872, p. 295). 3. La docum. littér. fournit par ailleurs des emplois abusifs du mot houle à propos des mouvements de la marée. L'éloquence du révérend père se gonflait et roulait à travers la nef comme roule dans une grotte sonore la houle épaisse des marées (Gide, Caves, 1914, p. 705).
− [Par amplification poétique ou par abus, le mot houle s'emploie pour signifier le mouvement d'une mer de tempête agitée par des lames qui déferlent en écumant] Lame de houle. La houle s'enfle, court, se dresse comme un mur Et déferle (Heredia, Trophées,1893, p. 144).
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Littér., p. méton., au plur. Les houles. Les ondes, les vagues plus ou moins marquées, qui ne déferlent ni n'écument, imprimées par ce mouvement ondulatoire à la surface de la mer. L'immense mer sommeille. Elle hausse et balance Ses houles où le ciel met d'éclatants îlots (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1884, p. 72).Rem. Par amplification poétique ou par abus, le mot houle s'emploie au plur. pour désigner des lames qui déferlent en écumant en haute mer ou viennent se briser sur les plages, ou encore pour désigner les effets du mouvement des marées (cf. supra). Houles des hautes mers, qui blanchissez le sable (Id., Poèmes barb., 1855, p. 89).
♦ Rare, au sing. Onde, vague. On dégueulait sans manières, au petit bonheur... (...) La mer gonflait à mesure... À chaque houle, à la remontée, un bon rendu... À la descente au moins douze bien plus opulents, plus compacts (Céline, Mort à crédit,1936, p. 146).
B. − P. ext., littér. [Le mot houle sert à désigner le mouvement ondulatoire agitant des surfaces liquides autres que celle de la mer] Malgré sa houle, sa palpitation, le lac, lui, paraissait inerte, maléfique (Genevoix, E. Charlebois,1944, p. 53).− P. exagér. Le vin chaud bouillait sur un feu de braise, soulevant sur sa houle empourprée des bouées de citron et des épaves de cannelle (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 70).
− P. méton., au plur. Comme se fondent les unes dans les autres les houles légères sur un fleuve paisible (Montherl., Olymp.,1924, p. 255).
D. − Au fig. ou p. métaph., littér. [Au plan subjectif, à propos de mouvements intérieurs du cœur, du corps ou de l'esprit, provoquant une agitation ressentie comme une sorte de houle intérieure] 1. [À propos de sentiments ou de sensations] Houle de joie, de gaieté; houle de l'enthousiasme, de l'orgueil; houle de rage, de fureur; houle de regrets, de chagrin, de détresse, de sanglots. Sourire quand la rage lui montait à la gorge en une houle lourde et dure! (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 20) :7. ... à présent il était mon seul espoir. Ses mains arrachèrent ma combinaison, elles caressaient mon ventre, et je m'abandonnai à la houle noire du désir; emportée, ballottée, submergée, soulevée, précipitée...
Beauvoir, Mandarins,1954, p. 73.
♦ P. méton., au plur. À présent pourquoi ces houles d'angoisse qui me submergent? (Montherl., Olymp.,1924, p. 273).
2. [À propos de l'activité intellectuelle] Dans cette houle de réflexions sur son âme, sur Paris, sur l'Eucharistie, sur la musique, sur Chartres, Durtal finissait par s'abasourdir (Huysmans, Cathédr.,1898, p. 223) :8. ... tes deux dernières courtes lettres m'ont fait plaisir. Elles ont un souffle qui m'a gonflé, je crois, car je suis dans le même état lyrique que toi. J'y ai vu que tu étais emportée dans l'art et que tu roulais dans la houle intellectuelle, ballottée à tous les grands vents apolloniques.
Flaub., Corresp.,1853, p. 102.
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P. méton., au plur. Un grand esprit en marche a ses rumeurs, ses houles, Ses chocs, et fait frémir profondément les foules, Et remue en passant le monde autour de lui (Hugo, Légende, t. 6, 1883, p. 177) :9. ... C'est la fraîcheur courant aux crêtes du langage, l'écume encore aux lèvres du poème,
Et l'homme encore de toutes parts pressé d'idées nouvelles, qui cède au soulèvement des grandes houles de l'esprit...
Saint-John-Perse, Exil,1942, p. 259.