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FORME, subst. fém.

FORME, subst. fém.
[Voir tableau ci-contre]
I.− Ensemble de traits caractéristiques qui permettent à une réalité concrète ou abstraite d'être reconnue :
1. ... l'organisme vivant n'acquiert pas toujours du premier coup la forme particulière qui caractérise l'espèce. Dans bien des cas, le développement comporte de singuliers détours, et l'individu doit traverser, avant de parvenir à l'état adulte, une série de stades transitoires qui, pour ainsi dire, superposent plusieurs êtres dans la durée. J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 46.
A.−
1.
a) Qualité d'un objet, résultant de son organisation interne, de sa structure, concrétisée par les lignes et les surfaces qui le délimitent, susceptible d'être appréhendée par la vue et le toucher, et permettant de le distinguer des autres objets indépendamment de sa nature et de sa couleur. L'on entrevoyait la forme pure, fière et hardie de sa jambe emprisonnée dans un bas de coton rouge à coins gris et bleus (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 25).Pour copier la nature (...) il faut apprendre à la voir!... Tous les corps ayant trois dimensions (...) ont une forme. Il en est toutefois qui, pour le regard, peuvent être considérés comme n'ayant aucune profondeur : ceux-là n'ont que des contours (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 533).Une baguette court le long des arêtes et souligne la forme générale du meuble (Viaux, Meuble Fr.,1962, p. 93).V. épouser ex. 3 :
2. La forme des objets n'en est pas le contour géométrique : elle a un certain rapport avec leur nature propre et parle à tous nos sens en même temps qu'à la vue. La forme d'un pli dans un tissu de lin ou de coton nous fait voir la souplesse ou la sécheresse de la fibre, la froideur ou la tiédeur du tissu. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 265.
Forme + adj.
[L'adj. exprime une qualité] Les appuis de la chaire [de Saint-Marc de Venise] (...) supportent six colonnettes (...) que surmontent des chapiteaux d'une forme tout orientale : ils ont l'aspect de turbans (Lenoir, Archit. monast.,1852, p. 339).Au banc des ministres (...) était le leader Whig, Lord John Russell, tout petit dans sa redingote noire de forme surannée (Maurois, Disraëli,1927, p. 114).
SYNT. Forme carrée, circulaire, conique, cylindrique, quadrangulaire, rectangulaire, sphérique, triangulaire; forme concave, convexe; forme allongée, arrondie, élancée, évasée, globuleuse, lamellaire, lenticulaire, linéaire, oblongue; forme irrégulière, régulière; forme banale, bizarre, classique, compliquée, délicate, élégante, étrange; forme chinoise, égyptienne, française; forme byzantine, gothique, latine, romane; forme appropriée, déterminée, étudiée, quelconque, spéciale, voulue.
[L'adj. exprime une relation] Ces deux sels, que l'on peut obtenir en cristaux d'une grande beauté, ont la même forme cristalline, avec les mêmes faces et les mêmes angles (Pasteur, Annales de chim. et de phys., t. 24, 1848, p. 450).Les formes architecturales qu'affectèrent les édifices monastiques se ressentirent (...) du voisinage des monuments païens (Lenoir, Archit. monast.,1852p. 91).Cet amusement consiste à construire certaines figures, de forme géométrique, au moyen de petits morceaux de bois provenant tous de la décomposition d'un carré (D'Allemagne, Récr. et passe-temps,1904, p. 158).La forme humaine était divinisée dans le sens rigoureux de la beauté physique [dans l'art grec] (Faure, Espr. formes,1927, p. 255).
Spéc. Synon. de format :
3. Cette libération civile et politique (...) que je vous ai entendu souhaiter avec l'ardeur des vrais repentirs, la voici, dit le prêtre en tirant de sa ceinture un papier de forme administrative. Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 43.
Forme + subst. en appos.Fauteuil de forme Directoire (Loti, Rom. enf.,1890, p. 37).
Forme en + subst. indiquant la nature de la forme.Nous pouvions, grâce à la forme en équerre de notre front, infliger à l'ennemi un sérieux échec par une offensive sur et au sud de la Somme (Foch, Mém.,t. 2, 1929, p. 47).Un melon crevé, posé très en avant, et une barbe en tous sens à laquelle un timide essai avait voulu donner une forme en pointe (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 250).
Verbe + forme.Conserver, garder, reprendre sa forme; changer de forme. Des traverses (...) sur lesquelles glissent des tasseaux (...) dont la face supérieure est taillée en biseau de façon à épouser la forme des carènes (Bourde, Trav. publ.,1929, p. 291).Ces paravents de bois souple qui peuvent prendre la forme qu'on veut (Cocteau, Enf. terr.,1929, 2epart, p. 131):
4. ... partout, c'est la fonction qui détermine la forme. Le château fort est une église retournée, nu au dehors pour la résistance, couvert de fresques, de tapis, meublé de bois sculpté, de fer forgé au dedans pour la joie de l'œil et le repos... Faure, Hist. art,1912, p. 283.
En forme
α) Loc. adj. (Objet) en forme. (Objet) auquel on a donné une forme déterminée pour un usage particulier. Madame Gide a fait confectionner de grandes housses en forme, dont on couvre les bibliothèques du palier, le matin, pendant l'heure du ménage... (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1385).
Spéc. Jupe, robe en forme. Jupe, robe qui suit la ligne du corps jusqu'aux hanches et va en s'évasant vers le bas. Jupes courtes, larges, onduleuses, aux larges plis creux, en forme ou froncées (L'Œuvre,17 févr. 1941).Subst. un en forme. Coupe dans le biais du tissu. Ampleur [des robes] donnée par des fronces, des en forme, accentuée encore parfois par un volant, un gros nœud à longs pas rattrapant un retroussis (L'Œuvre,16 avr. 1941).
β) Loc. adv. (Mouler, modeler qqc.) en forme. Dans la forme voulue. Création d'industries basées sur l'utilisation des bois moulés en forme (Industr. fr. bois,1955, p. 36).
Spéc., PALÉOGR. Lettre de forme. Lettre minuscule, soignée, utilisée pour la copie des textes sacrés :
5. Les premiers caractères métalliques de Gutenberg et de ses successeurs ont imité les écritures manuelles qui étaient employées à l'époque par les copistes pour transcrire les textes sacrés (lettre de forme, en France), ainsi que les actes royaux et les documents juridiques (lettre de somme, devenue cursive, puis bâtarde), écritures que les hommes de la Renaissance ont appelées gothiques pour montrer qu'ils les jugeaient barbares. Encyclop. univ.,t. 8, 1972, p. 768.
Loc. fig. N'avoir ni forme, ni couleur. Ne présenter aucun trait caractéristique, ne pas sortir de l'ordinaire :
6. L'Anglais de la rue ressemble maintenant au Français moyen, au Russe, à l'Espagnol. Il n'a plus ni forme ni couleur, il est devenu neutre, comme un insecte, infime parcelle de l'univers futur où n'habiteront plus que les légions d'insectes. Morand, Londres,1933, p. 114.
b) Spéc. [En parlant d'un être vivant]
α) [Gén. en parlant d'une femme] Forme du corps, silhouette. « Si vous la voyiez dormir! Elle a glissé de côté, la joue sur la main. » Ses doigts modelaient dans l'air la forme gracieuse de l'enfant assoupie (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 657).Ma cousine Éva, de Bayonne, Basquaise pure, comptait dix-neuf ans. D'une forme joliment ronde, la joue rose (...). Elle possédait ce caractère épanoui qu'ont les petites filles sans dot (Jammes, Robinsons,1925, p. 173).
Poét. Je m'élançai vers lui [l'Esprit] (...) Ô terre! ô colère! c'était mon visage, c'était toute ma forme idéalisée et grandie (Nerval, Aurélia,1855, p. 287).Vénus! j'adore en toi l'immuable beauté Qui s'incarne à jamais en ta forme complète (Régnier, Prem. poèmes,Lendemains, 1885, p. 30).Daphné, ton âme est pure et ta forme est divine (France, Poésies,Noces, 1876, p. 219).
Loc. Bien en forme (vieilli). Bien en chair. Je fus invité (...) à la noce de mon cousin (...). On m'avait accouplé, pour la circonstance, avec une demoiselle Dumoulin (...) jeune personne blonde (...) bien en forme, hardie et verbeuse (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Ma femme, 1882, p. 668).
Au plur. Contours, ligne générale du corps. J'aperçus deux magnifiques juments arabes de première race, et d'une rare perfection de formes (Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 232).Pradier avait un talent moins robuste [que David d'Angers] et s'occupa surtout de rechercher la grâce dans les formes féminines (Ménard, Hist. B.-A.,1882, p. 379).Cette grande fille aux doux yeux noirs, au rire calme, aux formes cambrées où il fallait (Aymé, Jument,1933, p. 81).
P. méton. Les rondeurs féminines. Tandis qu'il s'appliquait à se gratter la couenne (...) Léonie se comprimait les formes dans une armature ad hoc, non qu'elle fut obèse déjà, mais enfin ça venait, ça venait (Queneau, Pierrot,1942, p. 32).L'Elmire elle-même du Rideau de Paris (...) manquait un peu de formes. Il faut dans ce rôle une femme avec de vrais appas (Léautaud, Théâtre M. Boissard,t. 2, 1943, p. 331):
7. ... la vieille Madame de Morlaine (...) poussait en cris perçants ses mots d'esprit, vive, éperdue, agitant ses formes monstrueuses comme une nageuse entourée de vessies... France, Lys rouge,1894, p. 12.
SYNT. Formes athlétiques, charnues, décharnées, délicates, déliées, fines, frêles, graciles, grassouillettes, massives, pleines, rondes, trapues; formes attrayantes, charmantes, gracieuses, idéales, parfaites, superbes, voluptueuses; beauté, élégance, maturité, pureté des formes; montrer, faire voir ses formes.
β) Au fig. [Au sing.] Condition physique ou intellectuelle. Forme magnifique, parfaite; baisse de forme; être au mieux de sa forme, dans la plénitude de sa forme; tenir la grande forme. Lui, Raymond Pasquier, se trouvait dans une forme excellente et (...) pour la souplesse des tissus et l'agilité des neurones, il s'estimait comparable à un homme de quarante ans (Duhamel, Cécile,1938, p. 45):
8. « Pauvre Henri! murmura-t-elle. − Pauvre? Pourquoi? − Il traverse une crise difficile; et j'ai peur qu'avant d'en sortir il n'ait beaucoup à souffrir. − Quelle crise? Il a l'air en pleine forme et ses derniers articles sont parmi les meilleurs qu'il ait jamais écrits... » Beauvoir, Mandarins,1954, p. 176.
Avec valeur méliorative. Forme = bonne forme. Être en forme, hors de forme; se mettre, se tenir en forme; avoir, garder la forme. Savez-vous que vous êtes ravissante? Vous êtes dans une forme! (Bernstein, Secret,1913, II, 6, p. 20).Il [le Prince] se trouvait à court de forme, il s'essoufflait vite (Arnoux, Gentilsh. ceinture,1928, p. 196).Tu vas être fatigué si tu ne dors pas. Tu ne seras pas en forme pour plancher (Abellio, Pacifiques,1946, p. 180).Mais ce soir, non plus, je ne me sens pas en forme. J'ai même du mal à tourner mes phrases. Je parle moins bien, il me semble, et mon discours est moins sûr (Camus, Chute,1956, p. 1495).
2. P. anal.
a) [En parlant d'une œuvre littér. ou mus., ou de l'un de leurs éléments] Structure, plan, agencement.
α) LITT. La forme d'un vers. Spinoza a donné à son livre une forme symétrique (...) et (...) pour qui embrasse l'ensemble, il y a dans cette ordonnance extérieure, dans ce rythme une incontestable beauté (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 75).Il prépare un drame moderne, de forme antique et observant les « trois unités »... (Gide, Journal,1895, p. 62):
9. ... il [Copeau] traitait d'« aberration » l'emploi, pour le roman, de la forme dialoguée. Il n'aimait que les œuvres compactes (...) « (...) où l'on s'enfonce comme au cœur d'une forêt dans une prose dense et serrée, sans alinéas... » Martin du G., Souv. autobiogr. et littér.,1955, p. LXXI.
Poèmes à forme fixe. Poème dont la composition obéit à des règles rigoureuses :
10. La seconde « idée » de M. de Banville, ç'a été de ressusciter les anciens petits poèmes à forme fixe, le triolet, le rondeau (déjà repris par Musset), le rondel, la ballade, le dizain marotique, même la double ballade, la villanelle, le virelai et le chant royal. Lemaitre, Contemp.,1885, p. 16.
β) MUS. La forme d'une période, d'une phrase musicale; la forme musicale d'une partition. Il hésite sur la forme qu'il donnera au début du premier mouvement (Prod'homme, Symph. Beethoven,1921, p. 390).L'Introït, avec son psaume et son Da capo, (...) rappelle la forme ternaire du menuet (Potiron, Mus. église,1945, p. 55).
Spéc. Forme fugue, forme lied, forme sonate. Son finale [du quatuor NoV, op. 18 de Beethoven] est établi dans la « forme sonate » habituelle aux premiers allegros (Marliave, Quat. Beethoven,1925, p. 41).V. exposition ex. 9 :
11. Beethoven a utilisé, avec génie, la forme fugue, pour exprimer, par le retour, l'une après l'autre, des parties, les forces qui remontent, le sang qui rentre. Rolland, Beethoven,t. 2, 1937, p. 460.
b) CHIM., vieilli. Forme moléculaire. Manière dont sont agencés les atomes dans une molécule; structure d'une molécule :
12. Si on considère la composition d'un corps organique, ce n'est ni l'oxygène, ni l'hydrogène, ni l'azote, ni la proportion même de ces éléments, mais leur arrangement, c'est-à-dire la forme moléculaire. C. Bernard, Notes,1860, p. 84.
3. Au fig. Modalité, manière, état dans lequel se manifeste une réalité concrète ou abstraite :
13. La beauté que cherche le mystique est plus riche encore et plus indéfinissable que celle de l'artiste. Elle ne revêt aucune forme. Elle n'est exprimable dans aucun langage. Elle se cache dans les choses du monde visible. Carrel, L'Homme,1935, p. 159.
a) [En parlant d'une réalité concr.] La forme larvaire d'un insecte. Il [le glucose] est (...) la forme circulante des hydrates de carbone dans la plante (Plantefol, Bot. et biol. végét.,t. 1, 1931, p. 372).La harpe moderne est une forme évoluée de l'ancienne harpe égyptienne (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 228).V. animalité ex. 1 :
14. Le milord arrêta dans la partie de la rue comprise entre la rue de Bellechasse et la rue de Bourgogne, à la porte d'une grande maison nouvellement bâtie sur une portion de la cour d'un vieil hôtel à jardin. On avait respecté l'hôtel, qui demeurait dans sa forme primitive au fond de la cour diminuée de moitié. Balzac, Cous. Bette,1847, p. 2.
Sous (la, une) forme + adj.Certaines substances protéiques ont été obtenues sous la forme cristalline (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 20).V. colloïdal, ale, aux, ex. de Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 232 :
15. Une corde de bois, qui pèse près de deux milliers, ne donne qu'un boisseau de cendre qui ne pèse pas vingt livres. Tout ce qui s'en est évaporé n'était presque que de l'air et de l'eau qui y étaient combinés sous une forme solide. Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 165.
Sous forme de + subst.Le tout est complété par une médication spéciale, administrée sous forme de pilules et de vin fortifiant (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 40).Le carbone, sous forme de graphite très pur, peut servir de modérateur pour permettre la réalisation d'une réaction en chaîne dans l'uranium naturel (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 33).
b) [En parlant d'une réalité abstr.] J'ai pu constater à nouveau à quel point la vie de l'action sous quelque forme qu'elle se présente me fait horreur (Du Bos, Journal,1922, p. 55).Cette forme définitive et « orthodoxe » de la synagogue que représente le pharisianisme (L'Univers écon. et soc.,1960, p. 6406):
16. C'est vous qui êtes la souveraine; vous viendrez à moi si vous voulez. J'aime et j'attends. Vous êtes la forme vivante de la bénédiction. Hugo, Travaill. mer,1866, p. 413.
Forme + adj.La condition générale du signe (...) est de noter sous une forme arrêtée un aspect fixe de la réalité (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 328).Il [le documentaliste] saura présenter les renseignements sous une forme précise et concise, dans le cadre de la classification adoptée et qu'il « possède » à fond (Bernaténé, Comment concevoir docum.,1964, p. 16):
17. ... il n'est peut-être pas un seul trait des êtres vivants qui leur appartienne absolument en propre, et que l'on ne puisse retrouver sous une forme atténuée, rudimentaire, dans le monde inorganique. J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 12.
SYNT. Forme abstraite, achevée, acquise, actuelle, concrète, dégénérée, discutable, dramatique, élémentaire, étriquée, moderne, particulière, rationnelle, rudimentaire, scientifique, simplifiée, symbolique, systématique, tangible, théorique, variable; forme collective, individuelle; forme cosmique, psychique, psychologique, sociale.
En partic.
α) [En parlant d'un régime pol.] La maladie, la mort, la pauvreté, les peines de l'âme, sont éternelles et tourmenteront l'humanité sous tous les régimes; la forme, démocratique ou monarchique, n'y fait rien (Delacroix, Journal,1847, p. 189).La revision [de la Constitution] de 1884 (...) décida qu'aucune proposition tendant à modifier la forme républicaine de gouvernement ne pouvait être déposée (Lidderdale, Parlement fr.,1954, p. 35):
18. ... je serais parti de là pour opérer, du Midi au Nord, sous les couleurs républicaines (j'étais alors Premier Consul), la régénération européenne, que plus tard j'ai été sur le point d'opérer du Nord au Midi, sous les formes monarchiques. Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 393.
β) LING. Aspect sous lequel se présente un mot ou un énoncé. Forme canonique d'un mot. La ressemblance d'un nombre considérable de mots, l'analogie plus frappante encore des formes grammaticales, attestent que l'ancien idiôme du Latium se lie au sanscrit (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 26).La langue exprime ce double et indivisible rapport à soi et à l'objet d'une visée par des verbes transitifs de forme pronominale (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 57):
19. Je ne me servais guère de la voiture et ne conduisais jamais le cheval. Pourtant, je disais « le nôtre », parce que, depuis l'enfance, mère ne nous apprenait guère les pronoms et les adjectifs que dans cette forme plurielle. Duhamel, Terre promise,1934, p. 133.
P. méton. ,,Unité linguistique (morphème ou construction) identifiée par ses traits formels`` (Ling. 1972).
γ) MÉD. Forme clinique d'une maladie ou, absol., forme. Aspect, modalité définie par un ensemble de signes cliniques. Forme aiguë, atténuée, bénigne, fruste, grave. Depuis la veille, il y avait dans la ville deux cas d'une nouvelle forme de l'épidémie (Camus, Peste,1947, p. 1318).
Forme + subst.Une forme d'action, d'activité, d'art, de civilisation, de conscience, de création, de croyance, d'égoïsme, d'énergie, d'esprit, d'existence, d'expression, de grandeur, de jugement, de justice, de société, de travail, de vie. Cette forme d'intelligence si rare, qui consiste moins à comprendre qu'à pénétrer les choses par un mouvement de sympathie (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 42).
Verbe + forme.La souffrance changeait de forme : elle diminuait d'acuité, mais augmentait de volume (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 505).La jalousie avait pris une forme lente et sournoise. Comme la faim. Elle était là sans y être. Elle ne faisait pas très mal. Elle détruisait (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 464).
Loc. Sans autre forme de procès (de procédure, etc.). Sans qu'il soit nécessaire d'intervenir davantage, sans plus de manières. Sans aucune autre forme de procédure, le tribunal prononcera (Code civil,1804, art. 356, p. 66).L'abbé tassait le tabac de son pouce, lorsque la cloche du portillon, au fond du jardin retentit et bientôt sans autre forme de protocole (...) le docteur Coutel entra (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 272):
20. Je déteste l'artisterie Qui se moque de la Patrie Et du grand vieux nom de Français, Et j'abomine l'Anarchie Voulant (...) Tous peuples frères (...) Sans autre forme de procès. Verlaine, Œuvres compl.,t. 3, Invect., 1896, p. 302.
c) Spéc., MATH.
α) ALG. CLASS. Forme n-aire de degré r = polynôme homogène de degré r par rapport à n variables (d'apr. Encyclop. univ., t. 13, 1968, p. 850). Forme binaire*, ternaire, quaternaire.
β) ALG. MOD. ,,Une forme est une application d'un espace vectoriel E dans le corps K de ses scalaires (c'est généralement R ou C). On confond généralement la forme, qui est donc un cas particulier d'opérateur ou de fonction, avec la valeur numérique qu'elle prend quand on l'applique à un vecteur donné`` (War. 1966). Forme linéaire. Elles [les formes différentielles extérieures] sont aux formes multilinéaires alternées ce que les tenseurs covariants sont aux formes multilinéaires quelconques (Bourbaki, Hist. math.1960, p. 89).La notion de forme bilinéaire symétrique associée à une forme quadratique est le cas le plus élémentaire du processus de « polarisation », un des outils fondamentaux de la théorie des invariants (Bourbaki, Hist. math.1960p. 143).
d) P. ext.
α) Manière d'exprimer quelque chose, formulation, tournure. (Vieilli) formes brèves, concises, tranchantes; formes proverbiales. Comme il n'a osé dire qu'une très petite partie de la vérité, et encore en employant des formes dubitatives et obscures, il est resté fort ennuyeux (Stendhal, Abbesse Castro,1839, p. 144).L'affectation illusoire des formes spéciales et du protocole habituel du langage scientifique (Comte, Philos. posit.,t. 4, 1839-42, p. 213).On n'insistera jamais assez sur ce qu'il y a d'artificiel dans la forme mathématique d'une loi physique (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 219):
21. ... les poëtes et les moralistes à formes éloquentes ont agi en moi plus que les métaphysiciens et les philosophes profonds pour y conserver la foi religieuse. Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 310.
β) Vieilli. Manière de procéder. Palma-Cayet s'écrie : « (...) Les vrais Français ont toujours eu en mépris cette forme d'élire les rois qui les rend maîtres et valets tout ensemble » (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 632).
Par forme de + subst. (vieilli).En utilisant le procédé de. Nous montâmes en voiture à sept heures du matin avec M. de N, en indiquant au cocher, par forme de périphrase, le village de Gentilly pour terme de notre voyage (Jouy, Hermite,t. 3, 1813, p. 295).[R.], lié avec tous les escrocs de la Capitale, me donna par forme de conversation, les renseignements les plus complets (Vidocq, Mém.,t. 2, 1828-29, p. 283):
22. ... ils [les géomètres] concluent du général au particulier (...) lorsqu'ils traitent tout d'abord le cas général, pour en déduire le cas singulier, par forme de corollaire... Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 379.
B.− P. ext. Apparence, aspect, traits caractéristiques de quelque chose. Le clocher d'ardoise de Braine-l'Alleud qui a la forme d'un vase renversé (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 365):
23. Le Gouvernement (...) rédigerait les statuts. Cette rédaction, délibérée et votée par la représentation nationale, aurait forme et puissance de loi. L. Blanc, Organ. trav.,1845, p. 86.
En partic. Forme humaine. Ils voyaient les morts sortir du tombeau sous forme humaine, et la terre renaissait pour devenir le paradis (P. Leroux, Humanité,t. 1, 1840, p. 300):
24. « ... mon cœur se soulève contre tout ce qui a forme [it. ds le texte] humaine quand je pense au mépris et à l'hostilité que moi, votre bienfaiteur et ardent ami, ai reçu de vous et de tout le genre humain. » Maurois, Ariel,1923, p. 195.
Au fig. Ensemble des attributs spirituels de l'être humain. Il s'agit donc, comme Platon voulait, d'être premièrement juste à l'égard de soi-même, et de respecter en soi la forme humaine (Alain, Propos,1914, p. 177).
Verbe + la/sa forme de.Affecter, avoir, garder, revêtir la forme de. Nous exprimons la durée en étendue, et la succession prend pour nous la forme d'une ligne continue ou d'une chaîne, dont les parties se touchent sans se pénétrer (Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 85).Le chaton [des bagues égyptiennes], alors, affectait souvent vers l'extérieur la forme d'un scarabée, animal considéré par les Égyptiens comme porte-bonheur (L'Hist. et ses méth.,1961, p. 396):
25. Mosché étendit la main, et le serpent d'Aharon se précipita vers les vingt-quatre reptiles. La lutte ne fut pas longue; il eut bientôt englouti les affreuses bêtes, créations réelles ou apparentes de sages d'Égypte; puis il reprit sa forme de bâton. Gautier, Rom. momie,1858, p. 325.
En forme de + subst.
Loc. à valeur adj. Dont l'aspect, la structure rappelle celui (celle) de (quelque chose).
[En parlant d'une réalité concr.] Une harpe en forme de lyre (Staël, Corinne,t. 3, 1807, p. 414).La girouette en forme d'oiseau qui surmonte le toit (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 167):
26. ... toujours le même avec ses sourcils en accent circonflexe, sa moustache dégoulinante, ses hanches, sa silhouette en forme d' œuf, sa drôlerie touchante et ingénue, comme le Charlie Chaplin du Cirque. Blanche, Modèles,1928, p. 244.
[En parlant des manifestations de l'activité intellectuelle ou artistique] Ce mémoire, en forme d'argumentation, était raide et peu adroit (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 79).Un prélude en forme de récitatif (Prod'homme, Symph. Beethoven,1921, p. 398).
Loc. à valeur adv., vieilli
Sous la forme de. Commencé à rédiger quelques notes qui seront fondues dans le texte ou qui resteront en notes après que j'aurai rassemblé en forme de notes tous mes matériaux, de manière à juger de l'ensemble de mon ouvrage (Constant, Journaux,1805, p. 224).Pour le lecteur inquiet, pour le bourgeois timoré (...) nous répéterons en forme d'axiome : « La bohême, c'est le stage de la vie artistique; c'est la préface de l'Académie, de l'Hôtel-Dieu ou de la morgue » (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 6).
En guise de. Le philosophe continue sans l'écouter, lui jetant en forme de péroraison : « Voyons, vous devriez faire quelque chose sur ici » (Goncourt, Journal,1880, p. 62):
27. L'homme qui lui touchait le bras gauche, lui voyant l'air tout effaré, lui dit en forme d'excuse : − Mais j'ai appelé Monsieur trois fois, sans qu'il répondît; Monsieur a-t-il quelque chose à déclarer à la douane? Stendhal, Chartreuse,1839, p. 185.
Sous (la) forme de + subst.Avec l'aspect, la structure de (quelque chose).
[Appliqué à une réalité concr.] Les pins étaient entremêlés de lièges, arbres que je m'étais toujours représentés sous la forme de bouchons (Gautier, Tra los montes,1843, p. 14).Les bénitiers placés à l'entrée de l'édifice [Saint Pierre de Rome] sont deux coquilles de marbre jaune antique (...) supportées par des anges sous forme d'enfants ailés (Ménard, Hist. B.-A.,1882, p. 155).
[Appliqué à une réalité abstr.] Il voulait que leurs sentiments fussent tout de suite établis sous la forme durable et paisible d'une intimité ancienne (Chardonne, Épithal.,1921, p. 175).L'esprit de Dieu descendit sur les eaux sous la forme d'une colombe (Claudel, Chr. Colomb,1929, 1repart., p. 1142).Les pensées qui me viennent se glissent dans l'œuvre, soit en s'incorporant à ce que j'écris, soit sous forme de note à utiliser dans les chapitres futurs (Martin du G., Souv. autobiogr. et littér.,1948, p. cxxx).
C.− Spécialement
1.
a) [La (les) forme(s) envisagée(s) sur le plan esthétique et indépendamment de l'objet qui en est le support] Beauté, harmonie, ordonnance des formes; rapport des formes; choix des formes; langage des formes, univers des formes. Les connaisseurs remarquent (...) que l'artiste [Michel-Ange] possède un certain nombre de formes et s'en sert de parti pris (Taine, Philos. art,t. 1, 1865, p. 17).La sensibilité formelle est la faculté de percevoir la signification émotionnelle des formes prises en elles-mêmes (Barlet, Lejay, Art de demain,1897, p. 25).L'immense sollicitation des formes, des mouvements, des couleurs, éveille en l'homme primitif une curiosité anxieuse (Faure, Espr. formes,1927, p. 243).Des lignes d'une grande noblesse et d'une plastique élégante, inspirée par la beauté des formes classiques (Stravinsky, Chron. vie,1931, p. 120):
28. Nous pensons des formes, elles deviennent vivantes sur le papier ou sur la toile sans avoir aucun rapport avec les formes de la vie. Être sensible à la vérité de ces formes, c'est comprendre l'art. Comprendre la vie est une toute autre affaire. Cocteau, Crit. indir.,1932, p. 120.
b) Au sing.
α) B.-A. La forme plastique, ou absol. et gén. la forme. Châtier, schématiser, styliser la forme. Chacun des anciens maîtres a son royaume, son apanage (...) Raphaël a la forme, Rubens (...) la couleur (...), Michel-Ange l'imagination du dessin (Baudel., Curios. esthét.,1867, p. 81).La peinture s'oppose à la sculpture (...) traduisant la forme uniquement par le contour sur un plan, la couleur, le clair et l'obscur (Alain, Beaux-arts,1920, p. 241):
29. L'Orient rougit longtemps avant que la couleur et la forme fussent éveillées dans le paysage. Enfin la forme sortit la première du chaos. Les contours des plans avancés se détachèrent, puis tous les autres successivement jusqu'aux plus lointains... Sand, Lélia,1839, p. 497.
En partic.
[La forme en tant que symbole de l'ordre, de la beauté] De plus en plus, je me sens attiré par la forme, par l'architecture, par la réflexion, par tout ce que me donne Bach (Green, Journal,1950-54, p. 130).
[La forme p. oppos. :]
[à d'autres éléments de l'art] Les peintres de la lumière avivent le reflet qu'éteignaient les peintres de la forme pure (Hourticq, Hist. Art, Fr.,1914, p. 429).
[à la valeur expressive de l'œuvre] Les peuples latins ont un goût très vif (...) pour la régularité logique, la symétrie extérieure, la belle ordonnance, bref, pour la forme (Taine, Philos. art,t. 1, 1865, p. 240):
30. ... cette opposition entre l'art qui met l'accent sur la force émotive et celui qui le place sur la forme plastique. Opposition, en effet, car la force émotive s'obtient souvent par une vigueur de moyens qui ne peut que perturber la quiétude hédoniste où s'accomplit la réussite formelle... Huygue, Dialog. avec visible,1955, p. 393.
β) P. anal., LITT., MUS. Aspect esthétique, style d'une œuvre. C'est un genre [le roman stendhalien] qui ne compte qu'avec les actes et les idées, qui dédaigne le décor, qui se moque de l'harmonie et des équilibres de la forme (Valéry, Variété II,1929, p. 125).Qui ne prise en Debussy que la forme n'est pas beaucoup plus digne de goûter ce qu'enveloppe cette apparence enchanteresse (Suarès, Debussy,1936, p. 9).C'est (...) incarné dans César, Cicéron, Catulle, Lucrèce, Virgile, Horace, le parfait équilibre entre le souci de la forme et l'intérêt du fond (Benda, Fr. byz.,1945, p. 165):
31. Un des préceptes que Leconte de Lisle aimait le plus à formuler (...) c'est qu'il n'y a pas à distinguer le fond de la forme et que bien écrire n'est pas une chose distincte de bien penser. Barrès, Cahiers,t. 1, 1897-98, p. 166.
P. méton. La forme d'un auteur. Son style. Mozart est supérieur à tous par sa forme achevée (Delacroix, Journal,1853, p. 25).Docile, Maupassant piochait sa forme, suivant le rite de l'Éducation sentimentale, essayant lui aussi sa phrase au « gueuloir », l'infortuné, balançait le verbe et l'épithète (L. Daudet, Idées esthét.,1939, p. 184):
32. Il « pense » Nuit et jour (...) (...) il s'en va ruminant Quelque chose de beau, de vaste, d'étonnant (...) Mais pressé de produire, il cherche encore sa forme (...). Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 476.
2. [La forme p. oppos. à la matière] :
33. J'étais la beauté! J'étais la forme! Je tressaillais sur le monde engourdi, et la matière, se séchant à mon regard, s'affermissait de soi-même en contours précis. L'artiste plein d'angoisse m'invoquait dans son travail, le jeune homme dans son désir, et les femmes dans le rêve de leur maternité. Flaub., Tentation,1856, p. 640.
Loc. Donner, prendre forme; mettre en forme.
a)
α) [En parlant d'une réalité concr.] Il faut un architecte pour la choisir [la pierre], l'extraire, lui donner forme, la faire entrer dans une construction, lui conférer son rôle et son sens (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 247).La feuille de métal, peu à peu creusée par le marteau, prend forme comme la pâte blanche sur le tour du potier; c'est la phase de l'emboutissage (Grandjean, Orfèvr. XIXes.,1962, p. 39).
β) [En parlant d'une manifestation de l'activité intellectuelle ou artistique] Une œuvre qui prend forme. L'un [un essai], dont j'ai déjà les matériaux, mais que je ne comptais pas mettre en forme avant quelque temps (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 94).
γ) [En parlant d'une réalité abstr.] Dans le déséquilibre de son cœur, une pensée prenait forme, se chargeait lentement de ces interrogations et suspicions qui foisonnent autour d'un amour (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 83).Les actes spontanés par lesquels l'homme a mis en forme sa vie (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 400).
b) Spéc. [La forme en tant que symbole de l'existence véritable, de la signification] Admirable dialogue de l'homme de génie et de la foule! La foule lui prête la grande matière; l'homme de génie l'exprime, et en lui donnant la forme la fait être (Renan, Avenir sc.,1890, p. 196).L'idée, l'âme, est le principe qui donne forme et vie à toute créature; mais toute la formation de l'individu échappe à sa propre conscience (Béguin, Âme romant.,1939, p. 132).Pour les philosophes grecs, (...) sauver le monde, c'est donner une forme, créer de l'existant arraché au néant (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 75):
34. Je vois les autres femmes danser dans le vide, l'étreindre, lui prendre la main, elles bavardent avec le vide, sur lui se pâment; mais le seul homme qui soit forme et chair et sang est dans mes bras. Giraudoux, Lucrèce,1944, I, 8, p. 64.
PHILOSOPHIE
α) PHILOS. ARISTOTÉLICIENNE et SCOLASTIQUE. Cause première et principe d'unité d'un être. La matière est la substance en virtualité; et la forme, la substance en actualité (A. Franck, Dict. des Sc. philos.,Paris, Hachette, 1885 [1843], p. 555).L'âme, selon Aristote, est l'acte ou la forme du corps organisé, qui a la vie en puissance. La relation de l'âme au corps est donc un cas particulier de la relation plus générale de la forme à la matière (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 181).V. acte ex. 2 :
35. Le livre Z de la Métaphysique distingue les trois sortes de substances : la matière, le composé de matière et de forme et enfin la substance formelle et c'est celle qu'il met (...) au premier rang. C'est (...) la forme qui est la substance de chaque chose, parce qu'elle est la cause première de l'être de chaque chose. O. Hamelin, Le Système d'Aristote,Paris, Alcan, 1920, p. 404.
Forme substantielle et forme occasionnelle. On la nomme [l'âme] forme substantielle, parce que, seule, elle fait que l'homme soit, et que sa seule retraite fait perdre à ce merveilleux composé son existence et son nom (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 129):
36. ... ce qui confère l'être substantiel à la matière n'est rien d'autre que la forme substantielle. Les formes accidentelles, en effet, confèrent à la chose qu'elles revêtent un être simplement relatif et accidentel; elles en font un être blanc ou coloré, mais ce ne sont pas elles qui en font un être. E. Gilson, Le Thomisme,Paris, Vrin, 1927 [1920], p. 189.
β) PHILOS. KANTIENNE. [Dans la théorie de la connaissance] Ce qui vient du sujet connaissant (formes à priori de la sensibilité, catégories de l'entendement, idées de la raison). Kant appelle matière le composé de toutes les différentes circonstances externes et variables qui entrent dans un phénomène, et il appelle forme le jugement interne dont le caractère est l'invariabilité (Cousin, Hist. philos. mod.,t. 1, 1847, p. 325):
37. ... Kant entendra par matière le contenu de la sensation, et par forme ce qui ordonne cette matière, ce qui lui donne une forme. Il en résulte que la matière est nécessairement a posteriori, mais que la forme doit être a priori, c'est-à-dire être fournie par l'esprit lui-même. Mais ce n'est pas seulement dans la faculté de penser, l'entendement, qu'il faut chercher des formes; c'est aussi dans la sensibilité ou faculté de sentir. G. Pascal, La Pensée de Kant,Paris, Bordas, 1966, [1950], pp. 46-47.
Formes a priori de la sensibilité. Appelle-t-il [Kant] l'espace et le temps les formes de la sensibilité parce que les idées d'espace et de temps sont les conditions logiques de la connaissance sensible? (Cousin, Philos. Kant,1857, p. 306).L'espace est (...) une forme a priori de l'intuition sensible; c'est ainsi que se concilient et sa nature idéale et sa valeur objective (L. Weber, Vers le positivisme absolu par l'idéalisme,Paris, Alcan, 1903, p. 69).
− Dans le domaine de la morale.Ce qui vient du sujet agissant, l'intention :
38. L'impératif catégorique représente une action comme nécessaire objectivement, sans rapport quelconque à une condition ou à une autre fin, comme bonne en soi. Il a trait, non pas à la matière de l'action et aux conséquences qui y sont liées, mais à la forme de l'action et à l'intention dont elle dérive, quel qu'en soit le résultat effectif ou éventuel. V. Delbos, La Philos. pratique de Kant,Paris, Alcan, 1926 [1905], p. 351, 352, 353, 354.
THÉOL. Forme d'un sacrement. Paroles sacramentelles qui confèrent leur signification aux gestes rituels :
39. Les discussions sur la matière et la forme des sacrements prêtent aux mêmes observations. L'obstination à trouver en toute chose la matière et la forme date de l'introduction de l'aristotélisme en théologie au xiiiesiècle. Renan, Souv. enf.,1883, p. 284.
3. [La forme en tant que revêtement extérieur du fond, du contenu, de l'ensemble] En fait de sentiments et d'idées, de même qu'en matière juridique, la forme emporte ordinairement le fond (Proudhon, Révol. soc.,1852, p. 199):
40. En résumé, Pythagore est incontestablement le père, pour notre Occident, de l'idée de perpétuité de l'être, de persistance et d'éternité de la vie, et en même temps de l'idée de mutabilité de la forme, ou de changement dans les manifestations de la vie. P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 414.
Spéc. [Ce revêtement en tant qu'il est soumis à une norme]
a) LOG. CLASS. Nature du rapport qui existe entre les termes d'un raisonnement, d'une proposition, indépendamment de la matière ou du contenu des termes du raisonnement, de la proposition. Forme correcte. La validité d'un raisonnement se détermine en considérant ce qu'on appelle la forme de ce raisonnement (d'où le nom de logique formelle), non ce qu'on appelle sa matière (J. Dopp, Notions de Logique Formelle,Paris, Nauwelaerts, 1965, p. 12):
41. La logique formelle étudie les formes [it. ds le texte] de raisonnement en quelque sorte dans l'abstrait. Elle ne traite pas directement des raisonnements concrets tels qu'ils se présentent dans la pensée ou sont exprimés dans le langage familier. Un raisonnement concret ne peut être apprécié du point de vue de sa validité logique qu'après qu'il aura été « mis en forme ». J. Dopp, Notions de Logique Formelle,Paris, Nauwelaerts, 1965p. 14.
Raisonnement en forme. Synon. syllogisme (cf. Foulq. 1971).
b) Dans le domaine du dr.Conditions dans lesquelles doit fonctionner l'appareil judiciaire; aspect extérieur à donner à un acte juridique, et, p. méton., règles qui les régissent. D. Esteban. − C'est la forme? Le notaire. − Oui, c'est le protocole voulu par la loi. D. Esteban − Observez la forme le plus exactement que vous pourrez (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 208).Sur tel point, le conflit aboutira (...) à l'action révolutionnaire; sur tel autre, il gardera sa forme légale et s'éteindra dans l'immobilité (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 111):
42. − Et le procès? ... dit le général... − Vous le gagnerez à la Cour de Cassation, par la procédure. Selon moi, les Gravelot ont raison, mais il ne suffit pas d'être fondé en Droit et en Fait, il faut s'être mis en règle par la Forme, et ils ont négligé la Forme qui toujours emporte le Fond. Balzac, Paysans,1844, p. 143.
Défaut, vice de forme. L'arrêt de renvoi par-devant la Cour d'Assises peut, en cas d'erreur ou pour défaut de forme, être déféré par les accusés à la Cour de cassation (Balzac, Splend. et mis.,1846, p. 359).Annulant les motifs de leur premier jugement pour vice de forme dans la procédure, ils le renouvelèrent le 11 mai 1836, absolument dans les mêmes termes (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 391).
Au plur. Mon frère Médéric me lira un jour le Code, pour que je revienne te pendre dans les formes (Zola, Contes Ninon,1864, p. 322).Nous, qu'on accuse d'outrager l'armée, que demandons-nous sinon que Dreyfus soit déféré, dans les formes de la loi, à ses juges naturels? (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 453).Antoinette, tant attendue, vint enfin s'asseoir en robe noire dans le fauteuil fatal, au milieu d'un tel concert de haine que seule la certitude de l'issue qu'aurait le jugement en fit respecter les formes (France, Dieux ont soif,1912, p. 197):
43. À l'inamovibilité des juges, et à la sainteté des jurés, il faut réunir encore le maintien constant et scrupuleux des formes judiciaires. Par une étrange pétition de principe, l'on a sans cesse, durant la Révolution, déclaré convaincus d'avance les hommes qu'on allait juger. Les formes sont une sauvegarde... Constant, Princ. pol.,1815, p. 158.
SYNT. Formes civiles, judiciaires, légales; formes de la justice, de la légalité, de la procédure; observer les formes prescrites; être assujetti aux formes requises; rédiger un acte dans les formes.
Locutions
α) En forme, en bonne forme, en due forme, en bonne et due forme
[Avec valeur adj.] Conforme aux dispositions légales, aux règles en vigueur. Son mari n'a rien à craindre en France, parce qu'il n'était pas émigré, et qu'il y a fait deux voyages avec un passeport en bonne forme (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1764).Un laissez-passer en due forme (Camus, État de siège,1948, 1repart., p. 223):
44. Claudin, du Moniteur, nous raconte qu'on a été tellement pressé pour la promulgation de la loi sur la conversion des rentes, que la promulgation dans le Moniteur n'a pas été faite selon le mode légal. La promulgation n'est pas en forme. Goncourt, Journal,1862, p. 1019.
[Avec valeur adv.] Conformément aux dispositions légales, aux règles en vigueur. Contrat rédigé en bonne et due forme (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 432).
P. ext. Dans toutes les règles de l'art. Celles-ci [nos forces de l'intérieur], bien avant les débarquements, ne livrent plus seulement des escarmouches mais se risquent à des engagements en bonne et due forme (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 277).
β) De forme (vieilli). Selon la règle :
45. ... pour conclusion et en ne tenant compte que pour mémoire des indifférents qui forment la majorité, au dire des Musulmans eux-mêmes, s'il y a un quart des Persans que l'on puisse considérer comme professant de forme l'islamisme, c'est beaucoup. Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1856, p. 250.
c) LING. [P. oppos. au sens] Les formes signifiantes et les idées signifiées (Langage,1968, p. 455).
d) Dans le domaine du comportement
Au sing., vieilli. Manière dont une personne se comporte. Le comte, qui n'était pas fort délicat dans le cœur, l'était pourtant assez dans la forme (Sand, Valentine,1832, p. 268).
Au plur.
α) Manières propres au comportement d'une personne. Formes cérémonieuses, gracieuses, timides. Les gens du peuple ont des formes assez grossières, surtout quand on veut heurter leur manière d'être habituelle (Staël, Allemagne,t. 1, 1810, p. 44).C'était un garçon de bonne tournure, très-soigné de tenue, de formes séduisantes et polies, avec je ne sais quel dandysme invétéré dans les gestes, les paroles et l'accent (Fromentin, Dominique,1863, p. 35).Bunant cachait sous des formes froides une ardeur passionnée (Estaunié, Sil. camp.,1925, p. 55):
46. ... les traditions de famille (...) leur avaient donné le poli, l'élégance simple, le naturel et les manières des plus hautes races. C'était la plus exquise aristocratie de formes, de sentiments et de langage, dans la simplicité des habitudes champêtres. Lamart., Nouv. Confid.,1851, p. 116.
β) Manières polies, courtoises, en usage dans la bonne société et, p. méton., règles du savoir-vivre qui les régissent. Formes mondaines, sociales; observer les formes de la civilité. Le gouverneur, en arrivant de la sorte, manquait aux formes de la bienséance la plus commune (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 480).Après avoir mis ses gants, il [Daguenet] lui demanda [à Nana], avec les formes strictes, la main de mademoiselle Estelle de Beuville (Zola, Nana,1880, p. 1363):
47. ... ma grand'mère, dédaigneuse des formes mondaines et ne s'occupant que de ma santé, leur avait adressé la demande, humiliante pour moi, de m'agréer comme compagnon de promenade. Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 674.
Garder, prendre des formes; y mettre des/les formes. Se conformer aux règles du savoir-vivre; user de ménagement. Une crise commerciale (...) ruina complètement Châtelus et Treilhard, et changea du tout au tout les projets de mariage du jeune théologien. On mit des formes à la rupture; mais elle eut lieu (A. Daudet, Évangéliste,1883, p. 82).Qu'est-ce que je vous disais? Soyez délicat. Prenez des formes. Ingéniez-vous à les mettre en confiance avant de leur porter le coup fatal (Anouilh, Répét.,1950, IV, p. 107):
48. Je crus que le cynisme m'aiderait à sortir de ce mauvais pas (...). Bien sûr, je gardais quelques formes (...). Mais ce sont les formes, justement qui rendent cruelles les disputes de cette sorte, où le plus fort s'offre ce dernier luxe de n'être pas grossier, et de couvrir son insolence de quelques fleurs qui ne lui coûtent rien. Mauriac, Du côté Proust,1947, p. 100.
Locutions
(Accomplir qqc.) pour la forme. Uniquement pour se conformer à la règle établie, pour sauver les apparences. L'heure du dîner étant venue, les époux se mirent à table; mais ce ne fut que pour la forme (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 344).[Freydet :] (...) j'ai dédicacé un de mes exemplaires à l'aimable Picheral, un autre, pour la forme, au pauvre M. Loisillon, le secrétaire perpétuel (A. Daudet, Immortel,1888, p. 59).Poil de Carotte. − (...) Je boude quelquefois, j'en conviens, pour la forme, mais il arrive aussi, je t'assure, que je rage énergiquement de tout mon cœur (Renard, Poil Carotte,1894, p. 281).
(Un acte) de pure forme. Destiné à sauver les apparences. Christine. − Vite, Lothar. Le Cardinal offre à Hans une abjuration de pure forme. C'est le seul moyen de le sauver. Lothar. − Et Hans accepte de gaieté de cœur cet acte ignoble? (Cocteau, Bacchus,1952, III, 6, p. 195):
49. ... c'était une consultation de pure forme, le comité finissait toujours par se ranger à l'avis de Dubreuilh; « Que de temps perdu! » pensait Henri en écoutant le brouhaha des voix passionnées. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 145.
II.− P. méton.
A.−
1.
a) Réalité concrète ou abstraite dotée d'une forme (supra I), d'une organisation, d'une structure déterminée et susceptible de fonctionner de façon autonome. Les créatures imaginaires, comme les formes vivantes sont à la fois les produits et les indices de leur milieu (Taine, Philos. art,t. 2, 1865, p. 2).L'attraction de la mère [la guenon] pour une forme caractéristique constituée par un objet petit et couvert de fourrure (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 6).Les formes peuvent se ressembler plus ou moins et se répartir en espèces. Une horloge ressemble plus à une autre horloge qu'à une montre. Cela dérive immédiatement de la composition des formes et des éléments communs que deux formes peuvent posséder (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 34):
50. L'œuvre d'art répond bien à cette définition qu'Édouard Claparède donne de la forme : « Une unité autonome, manifestant une solidarité interne et ayant des lois propres ». Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 389.
En partic.
α) BIOL. Synon. de espèce (v. arboricole ex. 1).Peu à peu l'ensemble des formes animées qui s'y était concentré [dans les Vosges] disparaît, cède à l'intrusion de formes nouvelles (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p. 193).Chez les formes vivipares, tout le développement embryonnaire s'accomplit dans l'organisme maternel (Caullery, Embryol.,1942, p. 24).Une forme animale (...) n'apparaît jamais seule; mais elle se dessine au sein d'un verticille de formes voisines, parmi lesquelles elle prend corps, comme à tâtons (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 204):
51. Cet œil rougi d'avoir trop longtemps interrogé l'impondérable (...) a su distinguer, sous les miroitements et les bouillonnements des formes végétales, la trace mélodieuse des grands rythmes cosmiques. Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 133.
β) LITT., MUS. Synon. genre.Je me mets à la lecture de Saadi. Les paraboles, leur sens obscur. Comprendre les civilisations, pour comprendre une parole. Je regrette parfois ces formes littéraires (Barrès, Cahiers,t. 2, 1898-99, p. 110).C'est ce fond de terroir qui a fait la saveur et la popularité immense des grands classiques. Ils sont partis des formes musicales les plus simples, du Lied, du Singspiel (Rolland, J.-Chr.,Amies, 1910, p. 1139):
52. Encore que ces formes musicales [appartenant à la catégorie de musique dite « légère »] n'excluent pas nécessairement la qualité et accusent souvent une science certaine, il résulte néanmoins de la grande diffusion qu'elles comportent que leurs auteurs sont amenés à se placer sur un plan plus particulièrement utilitaire qu'esthétique. Arts et litt.,1936, p. 8005.
b) Spéc., PHILOS. Ensemble ou entité dotés de propriétés résultant non de la somme de celles de ses constituants, mais des relations existant entre ceux-ci. Synon. structure.La subordination des éléments au tout est susceptible de degrés. Il y a des formes fortes et des formes faibles (P. Guillaume, La Psychol. de la forme,Paris, Flammarion, 1937, p. 32).Il [mon désir] s'adresse non à une somme d'éléments physiologiques, mais à une forme totale; mieux : à une forme en situation (Sartre, Être et Néant,1943, p. 454):
53. Formés des mêmes éléments, combinés selon des lois uniformes, les composés constituent une forme nouvelle, toute différente de la somme de leurs parties, et dont aucune formule ne peut prédire la physionomie. L'eau est de l'eau et rien autre chose, ce n'est pas de l'oxygène ni de l'hydrogène. Blondel, Action,1893, p. 70.
Théorie de la forme. Synon. de gestaltisme :
54. En Allemagne, Friedrich Vischer, avec son Formalisme esthétique, Max Dessoir, avec sa Morphologie du Beau, préparaient les voies à la Gestaltheorie [sic], la Théorie de la Forme, qui s'épanouit vers 1915. En France, Étienne Souriau allait définir l'esthétique « une science de la forme », cependant que Paul Guillaume développait la Psychologie de la Forme. Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 424.
Bonne forme. Forme la plus stable, la plus géométriquement symétrique, la plus prégnante; celle qui s'impose la première à l'esprit et à la perception :
55. ... Dans le conflit des formes possibles, le groupement ou la disjonction se fait dans le sens de la réalisation d'une forme privilégiée. Les formes privilégiées sont régulières, simples, symétriques. La forme qui est perçue est la meilleure possible (loi de la bonne forme). P. Guillaume, La Psychol. de la forme,Paris, Flammarion, 1937, p. 57.
2. Être (ou objet) aperçu de manière imprécise; silhouette. Brusquement, dans le sentier qu'envahissait la nuit, une grande forme passa. C'était la bête (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Loup, 1882, p. 1245).Un soir qu'ils étaient ainsi, − pendant que sa mère parlait, il vit s'ouvrir la porte de la mercerie voisine. Une forme féminine sortit silencieusement, et s'assit dans la rue (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 275).Elle était sur une chaise, tout près de la fenêtre, forme indistincte, la tête penchée, les mains nouées sur les genoux (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 164):
56. Il se décida à ouvrir. Ce fut comme au cinéma; la pluie entra en trombe, derrière elle une forme humaine surgit du noir et s'arrêta sur le seuil de la porte. Triolet, Prem. accroc,1945, p. 250.
SYNT. Forme accroupie, agenouillée, chancelante, claudicante, immobile, ratatinée, recroquevillée, rigide; une forme qui passe.
B.− Spécialement
1. Objet de forme ou de structure déterminée.
a) AMEUBL. (Moy. Âge et Renaissance).
α) ,,Banc garni d'étoffe et rembourré`` (Ac. 1798-1878).
β) Stalle dans un chœur d'église. Le plan de l'abbaye de Saint-Gall (...) contient deux oratoires contigus, destinés à l'infirmerie et à la maison des novices : (...) on y a figuré (...) le chœur fermé par un septum et continuant les formes (Lenoir, Archit. monast.,t. 2, 1856, p. 3).
b) MÉD. VÉTÉR. Exostose qui se développe sur les phalanges du cheval. Il [le cheval] a commencé par avoir la gourme (...) après ça il a eu des formes (...) et puis, une seime (Gyp, Le Cœur d'Ariane,1895, p. 119).
2. Contenant destiné à un contenu particulier.
a) MAR. Forme de radoub. Synon. de bassin de radoub, cale sèche.Les formes de radoub sont des bassins fixes qui peuvent être mis et maintenus à sec, après que des navires y ont été introduits (Quinette de Rochemont, Trav. mar.,t. 1, 1900, p. 531).
b) CHASSE. Gîte du lièvre. Ce serait trop bête qu'il fût dissimulé (...) jouant (...) au sanglier baugé, au lièvre « en forme » (...) il adore (...) ce frisson du danger (...) qui vous cherche, finit par s'éloigner et pousser le soupir soulagé de la bête sauvée (Vialar, Fins dern.,1953, p. 29).
3. Outil, moule, matrice destinée à donner sa forme à un objet. Forme à sucre, à fromage.
a) CHAPELLERIE. Moule plein en bois ou en sparterie sur lequel on façonne les chapeaux et, p. méton., partie du chapeau que l'on moule sur la forme. Il est en crêpe blanc [le chapeau]. Sur la passe, et remontant un peu vers la forme, se trouve placée une voilette de tulle (J. femmes,1847, p. 381).Un chapeau mou (...) la forme entourée d'une tresse de galon, un chapeau se tenait parmi les autres (Queneau, Exerc. style,1947, p. 37).
En partic.
Chapeau à forme basse, bas de forme (cf. Obs. modes,nov. 1821, p. 100).Melon. Chapeau rond et bas de forme (L. Rigaud, Dict. du jargon parisien,1878, p. 220).
Chapeau à grande forme. Lord Rochester (...) chapeau de tête-ronde à grande forme (Hugo, Cromw.,1827, p. 59).
Chapeau de haute forme (v. chapeau ex. 4), haut-de-forme*.
b) CHAUSSURE. Pièce de bois, de matière plastique ou de métal, à la forme du pied, utilisée à la fabrication des chaussures. Le comptoir où s'entassaient les cuirs taillés et les formes de bois (France, Mannequin,1897, p. 131).Une douzaine d'ouvriers fabriquent des formes et des embauchoirs pour chaussures (Léautaud, Journal littér.,3, 1910-21, p. 55).
c) BÂT., PONTS ET CHAUSSÉES. ,,Couche épaisse de sable sur laquelle on établit le pavé des ponts, des routes, etc.`` (Forest. 1946). Couche de béton, mâchefer, sable, gravillon, réalisée sur le sol et dont la face supérieure, horizontale ou de forme donnée est destinée à recevoir un carrelage ou un dallage (d'apr. Barb.-Cad.1971).
d) IMPR. Composition typographique imposée, serrée dans un châssis, prête à être mise sous presse et correspondant à ce qui sera imprimé sur un des côtés d'une feuille de papier (cf. Comte-Pern. 1963; Brun 1968). Il faut deux formes pour composer une feuille (Ac.).
P. méton.
Le châssis. Les pages [du journal] ainsi disposées dans l'ordre voulu, sont entourées d'un châssis formé de quatre barres de fer et qu'on appelle forme. Ces formes pleines de texte pèsent environ quatre-vingts kilos chacune (Rival, Journ.,1931, p. 25).
,,Chaque moitié d'une feuille dont les pages sont disposées pour l'impression`` (Lar. encyclop.). Une forme est la moitié d'une feuille. Dans l'in-8o, une forme est composée de huit pages; dans l'in-12o, de douze, etc. (Momoro, Impr.,1793, p. 177).
P. ext. ,,Cliché, plaque ou cylindre servant à l'impression`` (Comte-Pern. 1963). Forme imprimante circulaire (cf. Encyclop. univ.,t. 8, 1972, p. 769).
e) PAPET. Châssis de bois à garniture métallique utilisé pour la fabrication du papier à la main (cf. Maire, Manuel biblioth., 1896, p. 337).
Papier à la forme. Papier fabriqué à la main (cf. Comte-Pern. 1963). Les papiers à la forme, c'est-à-dire non ébarbés (Valotaire, Typogr.,1930, p. 27).
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀm̥]. Enq. : /foʀm/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. 1119 « aspect visible de quelque chose, apparence extérieure » (Ph. de Thaon, Comput, 1521 ds T.-L.); 2. 1155 « apparence extérieure donnant à un être sa spécificité » (Wace, Vie de Saint Nicolas, éd. E. Ronsjö, 669); ca 1165-70 en forme de (B. de Sainte-Maure, Troie, éd. L. Constans, 12356). B. Technol. 1. fin xies. « pièce ayant la forme du pied et servant à la fabrication des chaussures » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D.S. Blondheim, t. 1, p. 72, no514a); 2. ca 1200 « banquette » (Chanson d'Antioche, II, 50 ds T.-L.); 3. ca 1330 « gîte du lièvre » (N. Bozon, Contes moralisés, 43 ds T.-L.); 4. 1386 mar. « bassin » (Das Seerecht von Oléron, éd. H. Zeller, Mainz 1906, p. 27); 5. 1549 terme d'impr. (Plantin, Corresp., II, 51); 6. 1636 forme de chapeau (Monet). C. En parlant de notions abstr. 1. 1270 terme de philos. (P. de Peckam, Lumiere as Lais, ms. Cambridge, S. John's College F 30, fo4b ds Gdf. Compl., s.v. formel); 2. 1280 « manière de procéder » (Clef d'Amour, 2627 ds T.-L.); 3. xives. « manière dont on s'exprime » (Pamphile et Galatée, éd. J. de Morawski, 29); 4. 1585 sans autre forme et figure de procès (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, p. 180). D. 1862 « condition physique » ici en parlant d'un cheval (Le Sport, 11 juin, 1eds Quem. DDL t. 18). Empr. au lat. forma. Fréq. abs. littér. : 22 964. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 35 361, b) 21 505; xxes. : a) 27 268, b) 39 569. Bbg. Becker (K.). Sportanglizismen im modernen Französisch. Meisenheim, 1970, p. 26, 30, 304, 326. − Bondy (L.). Déf. d'abord, nomenclature ensuite. Fr. mod. 1960, t. 28, pp. 125-141. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 323. − Janneau (G.). Formes et banquettes. Vie Lang. 1973, pp. 454-456. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 199, 413. − Lévy (R.). Contribution à la lexicogr. fr... Syracuse, 1960, pp. 359-362. − Malmberg (B.). Langue-forme-valeur. Semiotica. 1976, t. 18, pp. 195-200. − Valeton (D.). Lexicol. Paris, 1973, passim.West (C. B.). Flaubert and Baudelaire... Mod. Lang. R. 1960, t. 55, pp. 417-418.

FORMER, verbe trans.

FORMER, verbe trans.
A.− Créer, faire exister en donnant une forme particulière.
1. [Le suj. désigne Dieu ou un dieu] Oses-tu penser que la divinité qui te forma à son image, nous entraîne vers le vice par tout ce que la félicité a de plus doux? (Cottin, Cl. d'Albe,1799, p. 166).Ceux-ci [les dieux] sont pour former le fœtus, pour le retourner, pour l'extraire, pour veiller à la cuisine, pour faire crier les gonds de la porte (Flaub., Tentation,1849, p. 474).
2. [Le suj. désigne la nature ou un élément naturel] La nature est parvenue à former les animaux tels que nous les voyons actuellement (Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 268).La matière minérale ne peut pas former la matière végétale. Il y aurait donc une création spéciale (C. Bernard, Notes,1860, p. 125):
1. ... toute l'opération de la nature pour former ses créations directes, consiste à organiser en tissu cellulaire les petites masses de matière gélatineuse ou mucilagineuse qu'elle trouve à sa disposition et dans des circonstances favorables... Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809p. 373.
2. Il semble qu'il y ait quelque chose de créateur dans les rayons du soleil, qui en est le mobile. Ils forment d'abord les diamants et l'or pur dans les matrices des minéraux... Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 280.
3. [Le suj. désigne un être vivant]
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose concr. ou abstr.] Produire, faire. Plante qui forme une fleur. Il avait entrelacé les branchages des mélèzes, de manière à former un abri impénétrable à la neige (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 408).De même que Paris, les villes de Senlis et de Marseille furent divisées, mais en deux parts seulement (...). Des autres villes, on forma trois lots (Thierry, Récits mérov.,t. 1, 1840, p. 345).Madame, ce que vous faites est imprudent, montez! On commence à nous regarder, vous allez former un attroupement (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Rendez-vous, 1889, p. 1115).Ces contraintes [les séries stationnaires] réduisent sérieusement le nombre des messages que l'on pourrait former en utilisant librement les lettres de l'alphabet (Cullmann, Denis-Papin, Kaufmann, Calcul informationnel,1960, p. 50).
DR. Former opposition. Faire opposition. Former tierce opposition. Les religieuses des Champs, bien que sans espoir de réussir, mais jusqu'au bout fidèles à leurs habitudes de légalité, formèrent opposition à l'exécution des arrêts (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 545):
3. Tu peux former opposition, expliqua le brigadier. Le jugement a été prononcé par défaut... − Et si je forme opposition, comme vous dites? − En ce cas, mon garçon, il faudra que tu te présentes à une prochaine audience. Genevoix, Raboliot,1925, p. 113.
Emploi pronom. réfl. indir. Chaque ville proclama son indépendance, et se forma un gouvernement (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 706).
Se former des besoins. Se créer des besoins. Misérables et inquiets, ils sont sans cesse contraints de fuir et de se cacher. Dans cette situation, ces animaux ne se forment plus de nouveaux besoins (Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809p. 356).
Emploi pronom. passif. Recevoir son existence et sa forme, être formé. Des millions d'êtres se forment sur la croûte terrestre, y grouillent un instant, puis se décomposent et disparaissent, laissant la place à d'autres millions (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 988).Madeleine confirma mes soupçons : les bébés se forment dans les entrailles de leur mère (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 86).
En partic. Former un établissement. Le fonder, le créer. Nul ne peut former ni diriger un asile d'aliénés sans l'autorisation du préfet (Baradat, Organ. préfect.,1907, p. 269).Les évêques pouvaient former dans leur diocèse des écoles secondaires sous leur seule responsabilité (Encyclop. éduc., 1960, p. 22).
Emploi pronom. passif. Ouvrir des communications aux établissements qui se formaient alors dans la vallée (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 41).Là se centralisent les renseignements, se forment les entrepôts, se nouent les relations (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 258).
Spéc. [Le compl. d'obj. dir. désigne des sons] Émettre, produire. Des crapauds interrompus dans leur sommeil, passent la tête hors de l'eau et forment une étrange musique (Flaub., Corresp.,1853, p. 289).Les chercheurs de second ordre y [en mathématiques] ont un rôle plus mince qu'ailleurs, le rôle d'une caisse de résonance pour un son qu'ils ne contribuent pas à former (Gds cour. pensée math., 1948, p. 318).Je ne peux pas concevoir qu'une bouche humaine puisse former des sons plus admirables (Green, Journal,1948, p. 146).
Emploi pronom. passif. Il regardait sans les comprendre ces mots dans leurs petites colonnes étroites et c'était en vain que sur ses lèvres se formaient les sons graves de cet anglais archaïque (Green, Moïra,1950, p. 18).
b) [Le compl. d'obj. dir. désigne un ensemble] Réaliser, faire exister quelque chose en arrangeant des éléments. Former des collections. Élever des fleurs, former des herbiers, faire nicher des serins, on appelle cela des plaisirs innocents (Stendhal, Amour,1822, p. 206).Gare à ces dames bas-bleu (...) qui donnent des thés, bâclent des bouquins, et dont les filles composent des poèmes, forment un album d'autographes! (Blanche, Modèles,1928, p. 176).Il allait à l'exercice, tous les matins, avec sa section de mitrailleuses, il faisait, dès l'arrivée, former les faisceaux (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 89):
4. En marchant le long du quai, les deux hommes étaient arrivés au bout de la salle couverte, à l'endroit où, sur la droite, se trouvait une remise, dans laquelle stationnaient les wagons de roulement, ceux, qui arrivés la veille, servaient à former les trains du lendemain. Zola, Bête hum.,1890, p. 54.
Emploi pronom. passif. En bas, dans la galerie du fond, se formaient les trains que les chevaux roulaient jusqu'au puits (Zola, Germinal,1885, p. 1168).
Emploi pronom. réfl. indir. En rassemblant mes livres de classes à Meudon, lorsque j'eus repris mes études, j'eus l'envie de me former une petite bibliothèque (Delécluze, Journal,1825, p. 207).
Spéc. [Le compl. d'obj. dir. désigne un groupe d'hommes réunis dans un but déterminé] Instituer, établir en donnant une organisation à; organiser, constituer. Former un ministère; former une association, une équipe, une ligue. Si deux négociants forment une société de commerce, tant que la société dure, les pertes et les profits sont communs (Proudhon, Propriété?1840, p. 304).Le cri : « Aux armes, citoyens! Formez vos bataillons! » arrivait, par bouffées, avec une netteté vibrante (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 251).Je ne vous ai pas caché dans quel esprit j'acceptais la responsabilité de former et de diriger le gouvernement (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 644).Le conseil municipal peut former, au cours de chaque session, des commissions chargées d'étudier les questions soumises au conseil (Fonteneau, Conseil munic.,1965, p. 114).
Emploi pronom. Se former en + subst.S'organiser en. Se former en comité, en contrat d'union, en société. Je n'aurais pas voulu que ces représentants eussent eu en outre des pouvoirs pour se former ensuite en assemblée ordinaire (Sieyès, Tiers état,1789, p. 76).Le 28 mai, l'Assemblée se forma en séances permanentes (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 374).
Impers. Il y a environ trente ans qu'il se forma à Londres une compagnie de savants anglais qui entreprit d'aller chercher, dans diverses parties du monde des lumières sur toutes les sciences, afin d'éclairer les hommes et de les rendre plus heureux (Bern. de St-P., Chaum. ind.,1791, p. 65).L'opposition s'organisait et parlait de refuser l'impôt en cas de violation de la charte. Il se forma une association publique pour résister au pouvoir (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 576).
c) [Le compl. d'obj. dir. désigne une opération intellectuelle] Concevoir intellectuellement, imaginer. Je n'ose faire de projets, ni même former de désirs. À quoi servent de vaines pensées d'un avenir qui n'est pas à nous? (Lamennais, Lettres Cottu,1820, p. 91).Je pris congé de l'aimable enfant, en lui exprimant le vœu que je formais de la voir se rétablir promptement (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 289).Je me souviens aussi des heures passées à former et reformer mes projets d'avenir (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 161).Nous nous trompons (...) quand nous croyons pouvoir encore former des pensées lorsque le corps ne travaille plus (Alain, Propos,1925, p. 650):
5. Son goût de la controverse avait disparu comme par enchantement, avec les derniers scrupules de sa conscience. Il formait le projet de s'en tenir désormais à son rôle d'historien, d'utiliser ses fiches. Bernanos, Imposture,1927, p. 445.
SYNT. Former un concept, un dessein, un jugement, un pronostic, un souhait; former une idée, une image, la résolution de; former des conjectures, des hypothèses.
Former un/son jugement sur qqn, qqc. Fixer son jugement. Former son jugement sur les hommes et sur les choses d'après ses propres observations (Marat, Pamphlets,Dénonc. Necker, 1790, p. 76).Au nom de cette volonté de liberté, impliquée par la liberté elle-même, je puis former des jugements sur ceux qui visent à se cacher la totale gratuité de leur existence, et sa totale liberté (Sartre, Existent.,1946, p. 84).
Emploi pronom. passif. Des intrigues qui s'élaborent, des plans qui se forment, des trames qui s'ourdissent! (Balzac, Gobseck,1830, p. 429).
Se former dans.Prendre naissance dans. J'ai montré le vrai mécanisme par lequel les idées et les pensées se forment dans l'organe de l'intelligence (Lamarck, Philos. zool.,t. 2, 1809, p. 408).Ces idées se formèrent dans mon esprit en moins d'une seconde (France, Bonnard,1881, p. 305).
Emploi pronom. réfl. indir. Se former une idée de, une opinion sur qqc. Se faire une idée, une opinion par soi-même et pour soi-même. D'après une lettre aussi différente de celle qu'on pouvait attendre, comment se former une opinion sur ce qui se passe là-bas? (Green, Journal,1942, p. 245):
6. ... Car il en dit des choses si contradictoires qu'il me serait aussi difficile de m'en former une notion distincte sur ce qu'il en dit, que de comprendre une montagne sans vallée. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 249.
d) [Le compl. d'obj. dir. désigne un lien moral] Établir, nouer des liens. Former une alliance. Il emploiera tous les moyens honnêtes pour former des liaisons avec les naturels du pays (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 51).Je suivis les leçons de ce maître habile, et je ne tardai pas à former des liaisons avec les compagnons de mes études (Chateaubr., Martyrs,t. 1, 1810, p. 219):
7. Il faut que dans le bonheur nous formions des liens bien doux et bien forts de confiance et d'attachement pour que leur rupture nous cause le déchirement si précieux qui s'appelle le malheur. Proust, Temps retr.,1922, p. 907.
Emploi pronom. passif. Vous parlez, et vos alliances se forment, et vous assurez à vos générations tous les droits et tous les honneurs qu'elles peuvent attendre (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 45).
Impers. Je l'ai assurée que le mois de janvier ne se passerait pas, sans qu'il se formât une alliance qui serait notre bonheur à tous (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1901).
4. [Le suj. désigne une chose] Produire.
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Son infusion aqueuse [l'angusture] est d'un brun clair, et forme un précipité jaune-citron lorsqu'on y ajoute du carbonate de potasse en solution (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 1, 1821, p. 85).Une place méridionale avec des platanes tout autour, qu'on ne taillait pas, et qui formaient de l'ombrage jusqu'à toucher les maisons (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 33).
[Sans art.] Il parla aussi du gyroscope dont il faudrait changer de place la prise d'air : la neige l'obturait : « Ça forme verglas, voyez-vous » (Saint-Exup., Vol nuit,1931, p. 90).
Emploi pronom. passif. Apparaître, se créer. Tout semble prouver que le système nerveux et le système sanguin se forment d'abord, et au même moment (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 2, 1808, p. 283).Pencroff voyait bien l'étroite sympathie qui se formait entre ces deux êtres, mais il n'en était point jaloux (Verne, Île myst.,1874, p. 175).Comment la terre s'est-elle formée? (Flammarion, Astron. pop.,1880, p. 91).
Impers. Il se forme un ensemble d'habitudes dont s'est visiblement imprégnée la psychologie du paysan de France (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p. 16).Il se forme à la surface du vase des cristallisations que l'on peut enlever en introduisant des feuilles de papier gris sur le haut de la liqueur (Metzger, Genèse sc. cristaux,1918, p. 160).
b) [Le compl. d'obj. dir. désigne un être vivant] Donner naissance à un type d'être. La radio et la télévision ont formé un nouveau public souvent réduit à un unique spectateur (Hist. spect.,1965, p. 12).La chasse à courre avait formé un type de cheval et de cavalier (Jeux et sp.,1968, p. 1606).
B.− Donner une forme, façonner.
1.
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Fabriquer, donner à quelque chose une certaine forme. Ces moineaux, disait Phidias, sont pareils aux gens d'Olympie qui redoutent la foudre en airain ciselé que je formai pour leur monarque; ils fuient devant des apparences (Maurras, Chemin Paradis,1894, p. 41).L'Indienne Mono ou Yokuts commence par prendre une motte d'argile dont elle forme une boule de consistance égale (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 151).
Former en + subst.Les habitants du Yucatan méridional par exemple, façonnent directement les petits pots et forment les plus grands en spirale (Lowie, Anthropol. cult.,1936p. 151).
b) Spécialement
α) [Le compl. d'obj. dir. désigne un mot, des lettres, etc.] Donner une forme (correcte) à. Victor distinguait ses lettres, mais n'arrivait pas à former les syllabes (Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 153).Ma mère m'avait appris assez vite à former passablement mes lettres (France, Pt Pierre,1918, p. 38).
En partic. [Le compl. d'obj. dir. désigne une phrase] Construire. Je voudrais ne chercher point même à former mes phrases. Commencer sans plan préconçu (Gide, Journal,1928, p. 894).Emploi pronom. passif :
8. À la surface [de ma pensée] se formaient les phrases banales et correctes par lesquelles je maintenais dans l'esprit de l'amiral l'impression que j'étais un être calme... Maurois, Climats,1928, p. 103.
P. anal. Former un numéro de téléphone. Le composer. Est-il possible qu'il n'y ait personne? Essayons un peu à la maison. (Il forme un numéro, on entend le signal d'appel, personne ne répond) (Camus, Cas intéress.,1955, 2etemps, 8etabl., p. 687).
Marquer par une désinence la valeur grammaticale d'un mot. Former le pluriel, le singulier :
9. On avait d'ailleurs (...) un nouvel exemple de cette manière de former les féminins, car Françoise ajoutait : « Mais sûr et certain que c'est à la Duchesse qu'est le château de Guermantes. Et c'est elle dans le pays qu'est Madame la Mairesse. » Proust, Guermantes 1,1920, p. 24.
β) [Le compl. d'obj. dir. désigne un mouvement] Effectuer, exécuter. Elles couraient sur le sable avec des ondulations et des sinuosités comme pour former des figures de danse (France, Pt Pierre,1918, p. 96).Des tambourins résonnent, des clarinettes nasillent, et les danseurs, garçons et filles, se précipitent pour former les figures (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 324):
10. Le jour même de la fin du monde, les Français mettront cet événement en vaudevilles, et danseront sur les ruines de la terre aussi long-tems qu'il s'en trouvera un morceau assez grand pour y former une contredanse. Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 256.
2. Au fig.
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Faire acquérir à quelqu'un un niveau intellectuel, culturel, etc. en développant certaines connaissances, habitudes, manières, qualités; éduquer, façonner. Former des athlètes, des cadres, des instituteurs, des missionnaires. On semblait n'avoir voulu faire que des théologiens ou des prédicateurs : nous aspirons à former des hommes éclairés (Organ. instr. publ.,1792, p. 471).Dans ces nouvelles institutions qui rassemblent des jeunes, on se préoccupe aussi de former des cadres (Cacérès, Hist. éduc. pop.,1964, p. 84):
11. Comme je m'étonnais du concours de ce peuple attentif, ces savants, ces professeurs qui parcourent le pays pour l'enseigner, ou qui le forment dans les fermes-écoles, furent unanimes à m'affirmer qu'un retour vers la terre s'annonçait (...) comme ces signes mêmes qui font prévoir le renouveau. Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 50.
Former qqn à qqc.Le patricien seul peut former à cette escrime le docile et tremblant plébéien (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 131).Lui-même en causait avec le fils de son ancien chambellan, le jeune Tascher, qu'il a eu dans son bureau pour le former à la diplomatie et qui est maintenant attaché en Allemagne (Goncourt, Journal,1863, p. 1344).
Absol. Tu connais trop ma rare prudence pour penser que j'y eusse seulement prononcé le nom de la reine. Cela forme d'être la femme d'un ambassadeur (Staël, Lettres jeun.,1787, p. 173).
Emploi pronom. réfl. Le prince Dakkar devint (...) un homme d'état qui se forma au milieu des cours européennes (Verne, Île myst.,1874, p. 567):
12. Personne, depuis la mort du grand-père, ni à la maison, ni au dehors, n'avait eu la pensée de l'aider à s'instruire, à se conduire dans la vie, à devenir un homme. Il souffrait de son ignorance et de sa grossièreté de manières. Il suait sang et eau pour se former tout seul... Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p. 185.
Proverbe. Les voyages forment la jeunesse :
13. ... ton visage annonce, ce me semble, de plus hautes pensées que lorsque tu es partie. On a raison de dire que les voyages forment la jeunesse : ta figure a pris un certain caractère qui en impose... Balzac, Annette,t. 2, 1824, p. 104.
b) [Le compl. d'obj. dir. désigne une qualité, une faculté] Éduquer, développer certaines facultés. Former l'intelligence, la personnalité, le style, la volonté; former les consciences. Mmede B elle-même s'occupait de mes lectures. Elle guidait mon esprit, formait mon jugement (Duras, Ourika,1824, p. 35).Ma grand'mère avait un esprit de discernement plus éclairé et d'une grande élévation naturelle. Elle voulait former mon goût et portait sa critique judicieuse sur tous les objets qui me frappaient (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 293):
14. L'État, suivant les économistes, n'a pas uniquement à commander à la Nation, mais à la façonner d'une certaine manière; c'est à lui de former l'esprit des citoyens suivant un certain modèle qu'il s'est proposé à l'avance... Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 259.
15. Ce qui vous perd, − lui disais-je, − c'est que vous vous acceptez telle que vous êtes, comme si nous recevions notre caractère tout fait. Mais on peut former son caractère, on peut le refaire... Maurois, Climats,1928, p. 73.
Former qqc. à qqc.Je sais bien qu'avec de la résolution et de l'effort je parviendrais à former mon intelligence à la logique austère, à un certain maniement régulier de mes facultés, à l'entretien suivi des vérités utiles (M. de Guérin, Journal,1835, p. 231).
Former qqc. sur qqc.Nous formons d'abord notre vue sur notre toucher, ensuite sur notre marcher (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 282).
Emploi pronom. passif. Je passai deux ans ainsi, dans un cinquième étage de la rue d'Angivilliers avec une belle vue sur la colonnade du Louvre, et lisant La Bruyère, Montaigne et J.-J. Rousseau dont bientôt l'emphase m'offensa. Là se forma mon caractère (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 20).
Emploi pronom. réfl. indir. [Le pron. réfl. indir. remplace l'adj. poss.] Cette cantatrice a besoin d'étudier, non seulement pour se former le goût, mais pour diriger artistement les éclats de sa voix forte (Delécluze, Journal,1827, p. 441).Il a fait les Beaux-Arts pour se former le style (Renard, Journal,1890, p. 72).
C.− Prendre, avoir la forme de, l'apparence de.
1. [Le suj. désigne une chose] Former une chaîne; former un bourrelet, un tapis. Le menton est maigre, mais un peu trop long. La figure forme un ovale et l'on ne peut, il me semble, y blâmer que la bouche (Stendhal, Lamiel,1842, p. 98).C'est une solide et épaisse porte de chêne constituée de telle sorte qu'elle forme un bloc inséparable (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 56):
16. On raconte que les membres des États-Généraux arrivant à la salle des Menus-Plaisirs pour leur première réunion, le 5 mai 1789, constatèrent que les bancs préparés pour eux avaient été disposés afin de former une demi-ellipse, ou un demi-cercle allongé. Lidderdale, Parlement fr.,1954, p. 137.
[Sans art.] Une corde formant crochet (Gautier, Rom. momie,1858, p. 242).Les plumes forment carapace sur laquelle le petit plomb glisse (Gide, Retour Tchad,1928, p. 912).La calvitie naissante qui formait tonsure (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 455).
Emploi pronom. passif. Se former en + subst.De blanches et fines vapeurs (...) se formaient en menaçantes nuées qui s'amoncelaient tumultueusement autour des cimes (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 394).
2. [Le suj. désigne un être vivant] Prendre une certaine disposition. Former un cordon. Au début d'une récréation, une vingtaine d'élèves formèrent le cercle autour de lui (Arland, Ordre,1929, p. 387).
[Sans art.] Une bande d'enfants m'escorte et, sur la lande où je m'assieds, forment cercle autour de moi (Gide, Journal,1904, p. 142).
Être formé en.Être disposé en. Il faisait une belle nuit d'été, et nous étions formés en cavalcade (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 370).En arrière des lorgnettes et des télescopes éclate la bruyance d'enfants de quatorze ans, formés en compagnies et portant comme drapeaux des planchettes (Goncourt, Journal,1870, p. 614).
Emploi pronom. passif. Autour d'elle, un cercle se forma de personnages élégants qui hochaient la tête, souriaient, et secouaient par des pichenettes leurs jabots (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 394).Un cortège se forma et grossit chemin faisant (France, Pt Pierre,1918, p. 185).Devant les lourds battants vitrés du magasin, un attroupement se formait (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 24).
En partic. Achever de prendre sa forme définitive, de se développer. Dès qu'un enfant a atteint l'âge de puberté, sa taille commence à se former; ses traits prennent du caractère, sa voix mue et se renforce (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 292).
ART MILIT. Loc. Former le carré, les rangs. Chaque régiment formait le carré, l'arme au pied (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 99).Les lanciers ne doivent pas former les rangs; ç'a aurait l'air prévenu (Stendhal, L. Leuwen,t. 1, 1836, p. 39).
Former qqc. en + subst.Former des bataillons en colonnes. Une campagne du maréchal Masséna, où il avait formé son bataillon en carré contre je ne sais quelle cavalerie (Vigny, Serv. grand. milit.,1835, p. 59).Les unités mobilisées sont formées en régiments (J. O., Loi sur organ. gén. armée, 1927, p. 7269).
Emploi pronom. passif. Dans le Tyrol, des corps opposés à chacun des nôtres se formaient sur la ligne du Lavisio (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 543).Quand j'arrivai, le régiment se formait dans la cour où on ne me laissa pas rester (Proust, Guermantes 1,1920, p. 138).V. clair II C 2 a, ex. de De Vogüé.
Se former en + subst.Se disposer en. Se former en colonnes d'attaque, en ligne, en peloton. En plaine, nous espérions prendre notre revanche, mais mes drôles − excusez, lieutenant, − ces braves gens s'étaient formés en carré, et il n'y avait pas moyen de les rompre (Mérimée, Colomba,1840, p. 14).
P. anal. Les oiseaux commencent à se former en pointe pour fendre le vent (Quinet, Ahasvérus,1833, 1rejournée, p. 72).Les mouettes se formaient en troupes (Queffélec, Recteur,1944, p. 51).
D.− Constituer.
1. Être l'élément essentiel, principal d'une chose.
a) [Le suj. désigne un être vivant] Elle alla droit au groupe dont son mari formait le centre (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 152).Il se mit en tête des soldats et ramena le détachement à la caserne. Moi, je formais l'arrière-garde (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 18).
b) [Le suj. désigne une chose concr. ou abstr.] Son inexpiable muflerie formait le fond de la grande conversation (Céline, Voyage,1932, p. 181).La route formait la seule saignée dans la montagne (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 56).Le couple stimulus-réponse, qui forme la base du comportement, exprime seulement un ajustement mécanique (Hist. de la sc.,1957, p. 1672).Le principe de la rémunération à la part repose sur l'attribution à chaque marin d'une « part » du poisson pêché, dont le prix de vente formera son salaire (Boyer, Pêches mar.,1967, p. 19).
Former un tout. Être un ensemble d'unités liées. Mon ouvrage forme un tout complet (Destutt de Tr., Idéol. 3,1805, p. 425).L'étoffe de l'univers correspond à une seule figure : elle forme structurellement un tout (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 40).
2. Entrer dans la composition d'une chose en tant qu'élément constitutif.
a) [Le suj. désigne des êtres vivants] Plusieurs autres personnes (...) forment ma petite réunion du dimanche matin (Delécluze, Journal,1827, p. 435).Ces villageois formaient un groupe distinct, qui épiait les gens de la ville (Arland, Ordre,1929, p. 13).Les joueurs de l'un et de l'autre camp, forment ensemble un seul et même système (L'Univers écon. et soc.,1960, p. 6210):
17. Les personnages de Balzac ne sont pas des consciences pures enroulées sur les méditations intérieures. Ils forment un seul monde et un seul destin, avec les objets qui les entourent. Mounier, Traité caract.,1946, p. 300.
[Sans art.] Cette nécessité qui porta les hommes à se rassembler et à former groupe sur certaines places, pour y poursuivre obstinément les mêmes routines (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 43).Se rattachaient à ces institutions les nombreux hommes de loi − notaires, procureurs, huissiers − (...) et aussi les avocats qui, comme eux, formaient corps (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 54).
b) [Le suj. désigne des choses concr. ou abstr.] Elle [la chambre] avait un aspect de gaieté qui parut rayonnant au prisonnier : un poêle, un lit, une chaise, une table en formaient le somptueux ameublement (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 647).Le troisième projectile, lancé, cette fois, sur les dunes qui formaient la côte supérieure de la baie de l'Union, frappa le sable (Verne, Île myst.,1874, p. 467).Je vais cacher les premières pages de mon journal entre les deux planches qui forment le fond de l'armoire (Duhamel, Journ. Salav.,1927, p. 28):
18. ... les murs d'enceinte de cette partie de la ville, pittoresquement bâtis de débris de murs antiques, et surmontés de jardins, de kiosques et de maisonnettes de bois peintes en rouge, formaient le premier plan du tableau... Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 340.
[Sans art.] :
19. ... l'image d'un monde constitué où je ne serais avec mon corps qu'un objet parmi d'autres et l'idée d'une conscience constituante absolue ne forment antithèse qu'en apparence... Merleau-Ponty, Pénoménol. perception,1945, p. 51.
Emploi pronom. passif. La plus grande partie des habitations ne se formait que de ballots montés les uns sur les autres (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 313).
REM. 1.
Formage, subst. masc.Action de donner une forme déterminée à une matière, à un objet. Le plus ancien procédé de formage du bois est le cintrage (Campredon, Bois,1948, p. 135).
2.
Formeur, subst. masc.a) Celui qui forme ou qui donne une forme. Tôlier formeur en carrosserie (Encyclop. éduc.,1960, p. 165).b) [Correspond à former A 3 b] Ces poètes, alors formeurs de groupes (Verlaine, Œuvres compl.,t. 5, Vingt-sept biogr. (A. Silvestre), 1896, p. 315).c) [Correspond à former B] Au « formeur » de champions, François Descamps (Paris-Sport,10 nov. 1933, p. 1 ds Grubb, Fr. sports neologisms, 1937, p. 40).
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀme], (il) forme [fɔ ʀm̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. 1remoitié xiies. « donner l'existence et la forme, en parlant de Dieu » (Psautier de Cambridge, éd. F. Michel, 138, 6); 2. 1172-74 « formuler » (G. de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5131); 3. 1604 « concevoir » (Montchrestien, David, p. 317 ds IGLF : A un dessein formé mon ame est arrestee); 4. 1647 « engendrer » (Corneille, Héraclius, I, 5). B. 1. Ca 1135 « donner une forme particulière, façonner » (Couronnement de Louis, 721 ds T.-L.); 2. 1580 « façonner un être intellectuellement » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, 1. I, 26, p. 202). C. 1. 1563 « prendre la forme de » (B. Palissy, Recepte éd. J. S. Paris, 1930, p. 100); 2. 1656-57 « composer, constituer » (Pascal, Prov., I, IV, p. 132, éd. Brunschvicg, Boutroux et Gazier). D. Pronom. 1. 1580 « se créer, apparaître » (B. Palissy, Disc. admir., p. 266 ds IGLF); 2. id. « prendre une forme » (Id., ibid., p. 440 : ainsi les matières métalliques et lapidaires se forment comme un harnois); 3. 1688 « s'instruire » (Bossuet, Hist., I, 8, ds Littré : son fils se formait sous un si grand capitaine). Empr. au lat. formare. Fréq. abs. littér. : 11 570. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 25 051, b) 11 487; xxes. : a) 11 527, b) 14 741. Bbg. Jung (M. R.). Poetria. Vox rom. 1971, t. 30, p. 46, 54.

FORMÉ, ÉE, part. passé et adj.

FORMÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.− Part. passé de former*.
II.− Emploi adj. [En parlant d'une pers., spéc. de sexe fém.] Qui a atteint la maturité physiologique (spécialement en parlant d'une jeune fille qui a ses règles); pubère nubile. Cette Vénus, de Lucas Cranach, est mince, fluette, les seins peu développés, les hanches étroites, comme une jeune fille qui n'est pas formée encore (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 121).Ce n'était plus une enfant, ce n'était pas encore une femme; elle était grasse et formée, tout en gardant un air de gamine précoce, poussée vite, presque mûre (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Pte Roque, 1885, p. 1039).Mais la grande curiosité du docteur était Lucie, alors âgée de douze ans (...). Formée de très bonne heure (...) elle en avait fait une maladie, révoltée de terreur et de répugnance (Zola, Fécondité,1899, p. 412):
... il paraissait prodigieusement développé pour son âge, pas très grand, trapu, entièrement formé à douze ans, déjà poilu, ainsi qu'une bête précoce. Les yeux hardis, dévorants, la bouche sensuelle, étaient d'un homme. Zola, Argent,1891, p. 161.
Fréq. abs. littér. : 4 344. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 10 380, b) 3 953; xxes. : a) 4 092, b) 5 037. Bbg. Duch. Beauté. 1960, pp. 155-156.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·