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EN1, prép.

EN1, prép.
I.− [Fonctionnement syntaxique]
A.− [Terme complété]
1. [Un verbe ou un déverbal] Croire en Dieu; la croyance en Dieu. Trop d'ampleur et de mise en œuvre (Mounier, Traité caract.,1946, p. 635).Elles ne croient plus en Dieu (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1009).
En partic. [Avec un verbe construisant un attribut de l'obj.] Traiter qqn en ami; le traiter en ami. Ils vous traiteront en satellite (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 175).
2. [Un subst. ou un pron. qui le représente] Un fauteuil en rotin.
3. [Un adj.] Riche en blé. Pauvre en ressources (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 54).
B.− [Terme complément]
1. [Un subst. ou un pron. qui le représente] Une chaise en hêtre; croire en Dieu; croire en lui.
2. [Un adj. (de couleur) pris adverbialement] Peindre en rouge; dessiner en grand. Peintes en blanc (H. Bazin, Vipère,1948, p. 141).
3. [Un adv.] En dessous. L'œil en dessous (Colette, Entrave,1913, p. 122).
4. [Un cardinal] En 1900. En 1726 (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 74).
5. [Un gérondif] En forgeant. Lambert hochait la tête en souriant (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 270).
C.− [Constr. du compl.]
1. [En introduit le plus souvent un mot non déterminé] En forêt; en blanc; en 1921; en dessous; en forgeant.
2. [En peut introduire un mot déterminé dans des tours lexicalisés]
a) Cour. [Par un art. indéf.] En des jours meilleurs. En un autre sens (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 141).
b) Cour. [Par un adj. dém., poss., indéf.] En chaque être; en ce jour anniversaire. En cette occasion (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 94).
c) Rare. [Par l'art. déf. le, la, les]
[Avec les verbes ou les loc. exprimant la croyance, la transformation, l'identification] Croire en la vertu; la tragédie se transforme en l'opéra; le mariage consiste en la fusion de deux âmes. Si tu crois en le paysage (Saint-Exupéry., Citad.,1944, p. 852).La foi en l'immortalité (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 297).
[Dans des tours lexicalisés] En l'air; en l'église; péril en la demeure. En l'honneur de la sainte trinité (Montherl., Port-Royal,1954p. 1013).
[Dans des tours littér. ou arch.] En la sébile; en le creux d'une combe; en les localités. Car l'arbre est beau en le domaine (Saint-Exupéry., Citad.,1944p. 709).
Rem. Une servitude gramm. fait que, théoriquement, en ne peut pas s'employer devant les formes de l'art. déf. : le, la, les. En a. fr., l'art. masc. le − primitivement lo − se combinait par enclise avec la prép. en pour donner les formes el, en, ou, puis au par confusion avec la forme née de la combinaison de la prép. à et de l'art. masc. (cf. à, t. 1, p. 22; cf. aussi la forme arch. ès < en + les). Adrian Peake, bachelier ès arts (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 135). Ainsi l'oppos. en/au représente en fr. mod. l'oppos. entre un nom sans art. et un nom déterminé par un art. En enfer, en paradis, au paradis; en été, au printemps; croire en Dieu, croire au Dieu de Jésus-Christ, croire au diable.
II.− [Analyse sém.]
A.− [En introduit un compl. circ.]
1. [Un compl. circ. de lieu]
Cour. [En devant un nom sans art.]
Vx. [Dans qq. expr. vieillies ou figée en = sur] Mitre en tête. Casquette en tête (Balzac, Honorine,1843, p. 368).Il entre en scène (Green, Journal,1946, p. 63).Se promener en mer (Gracq, Syrtes,1951, p. 109).Christ né de Marie et mort en croix (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 141).Mettre en chantier (Goldschmidt, Aventure atom.,1962, p. 250):
1. Si ma mémoire ne me trompe pas, T'Serstevens a publié (...) un grand article entièrement consacré à Chadenat; il a donc été le premier à parler de ce libraire extraordinaire, dont il a tracé le portrait en pied, à la manière des peintres historiques, drapant le personnage pour en faire le seul connaisseur actuel de la mer des Caraïbes... Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 332.
Rem. Dans ces expr., en possède un des sens de la prép. lat. in = sur. In aram « sur l'autel ». C'est sur ce modèle que l'on dit couramment être en selle, en croupe : Il a fait sa promenade en croupe (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 936), en bicyclette, en moto : Je pars la semaine prochaine, en moto (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 202), à côté de être à bicyclette, à moto : En auto, en carriole, à vélo, à motocyclette, à pied (Id., ibid., p. 228) constr. plus littér. bâtie sur le modèle de la loc. à cheval, ,,anciennement en cheval, refaite par contamination de à pied`` (A. Rigaud ds Vie lang., 1967, p. 595). Les loc. formées avec en sont jugées fam. par certains grammairiens (cf. Dupré, 1972, pp. 814-815) à cause du sens attribué à la prép. ,,On ne peut dire : aller en bicyclette... puisque en a le sens de dans`` (M. Rat, Parlez français, Paris, Garnier, 1940, p. 2). De fait, le fonds TLF donne 120 ex. de aller à bicyclette et 34 ex. de en bicyclette, loc. pourtant la plus répandue dans la lang. orale.
[En exprime un lieu à l'intérieur duquel on se trouve] ... pieux cloître Est mon cœur, et sainte fleur en paradis (Moréas, Sylves,1896, p. 154).Le riz manquait déjà en ville (Camus, Peste,1947, p. 1381).En classe (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 135):
2. Ce sont, surtout, ces conditions de l'action dans la métropole qui m'imposèrent, au cours de cette période, de maintenir à Londres le siège du comité national. Pourtant, l'idée me vint souvent de l'établir en territoire français, par exemple à Brazzaville. De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 238.
[Devant les noms propres de pays ou de provinces fém., ou masc. à initiale vocalique ainsi que devant les noms masc. à initiale consonnantique qui désignent des provinces fr.] Tu m'as promis dix fois de rentrer avec moi en France (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 44).En Lorraine et dans le Luxembourg (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 27).À Shippingport en Pennsylvanie (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 95):
3. « Le génie de notre époque, constate M. Grenier, souffle en faveur de Kafka... Même en URSS, on ne voit plus comparaître en cour d'assises de personnages dostoievskiens. » Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 9.
Rem. 1. Au xviieet au xviiies., on employait à la, à l' devant le nom de pays fém. lointains à la Floride, à la Chine, à l'Amérique (cf. prép. à, ex. 86-89). 2. L'alternance en/au correspond à une vision différente. Vision étendue pour les pays proches ou connus [en] − vision ponctuelle pour les autres pays [à] − en France/au Canada, au Pérou.
[En oppos. à à, à à la, devant les noms propres fém. des grandes îles proches ou lointaines] Sans doute, les Britanniques allaient-ils tenter de s'accrocher en Crète (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 152).
[En oppos. à dans, devant les noms propres des départements composés de deux termes coordonnés par et] Cette sous-préfecture arbitrairement rejetée en Maine-et-Loire par les conventionnels (H. Bazin, Vipère,1948, p. 225).Cf. également Du temps que j'étais « propriétaire » en Calvados (Gide, Feuillets d'automne, 1949, p. 1087).
Vx ou provençal [Devant les noms de villes du Midi à initiale vocalique] Le grand jour, en Aps, c'est le lundi, le jour du marché (A. Daudet, N. Roumestan,1881, p. 333).Je dus rejoindre mon père putatif en Athènes (Gide, Thésée,1946, p. 1418).En Alger (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1579):
4. Et si vous voulez, je suis prêt à me rendre en Arles et tant pis pour moi si les copains ne comprennent pas qu'on peut se tromper! Cendrars,Bourlinguer,1948,p. 279.
[Devant des noms propres d'écrivains, d'artistes, lorsqu'on envisage la pers. même et non son œuvre − exprimée par dans*] Ce n'est nullement la drôlerie qui me ravit en Molière, mais bien la langue, admirable entre toutes (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1191).
Littér. [En devant un adj. poss. ou dém.] Et te plonge en mes vers d'où tu ne peux filer (Genet, Poèmes,1948, p. 41).Qui pourrait m'aider en ce monde? (Camus, Possédés,1959, 2epart., 6etabl., p. 1010).
[En devant un art. indéf.] Ce vers est grand. Mais où le mieux sentir qu'en un coin? (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 131).
Rare. [En devant un art. déf.]
[Dans des constr. à caractère locutionnel] En la bonne ville blanche d'Angers (H. Bazin, Vipère,1948p. 110).Ayant assisté en l'église Saint-Michel à l'office célébré par le cardinal Liénart (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 18):
5. Henri sourit : « c'est toi qui vois partout des arrière-pensées politiques; je disais ça en l'air... » Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 468.
[Dans des emplois arch.] Des clous en le navire (Saint-Exup., Citad.,1944p. 977).Comme il advient de même en les hommes (Gide, Thésée,1946, p. 1431).En le cœur adorable du seigneur (Bernanos, Dial, Carm.,1948, 4etabl., 1, p. 1652).Vivre en la coquille peut servir de germe à un tel rêve (Bachelard, Poét. espace,1957p. 120):
6. J'ai d'abord contemplé le triangle. Puis j'ai cherché, en le triangle, les obligations qui régissent les lignes. Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 959.
[En corrélation avec de; avec une idée de direction] Quand il courait à plat, l'homme tout seul, de sentier en sentier (Jouve, Scène capit.,1935, p. 24).S'avancer d'île en île (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 488).Les singes sautent de branche en branche (Sartre, Mots,1964, p. 206):
7. J'ai entendu le faible tremblement de l'air, sorti d'abord d'une simple poitrine, embraser mon peuple de proche en proche à la façon d'un incendie. Saint-Exupéry, Citadelle,1944p. 888.
8. Et c'est ainsi que, d'étape en étape, sous le simple effet multipliant des générations, nous en sommes arrivés à la situation présente, de constituer ensemble une masse presque solide de substance hominisée. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 266.
a) [L'espace est circonscrit à une pers.]
[La pers. même] Résidant de cœur en la reine (Saint-Exup., Citad.,1944p. 800).En la personne par exemple du général Giraud (De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 259):
9. Jacqueline aimait tout en François, son aspect un peu massif, son courage physique, son sens de l'honneur, ses grandes crises d'enthousiasme chaque fois qu'il entreprenait quelque chose, ses défaillances soudaines à la moindre anicroche qui prouvaient qu'il prenait la vie à cœur; ... Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 42.
[Son physique] Notre prédestination n'est point inscrite en notre chair et en notre sang (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 270).Nous avions en main ce bâton qu'on appelle « alpenstock » (Gide, Et nunc manet,1951, p. 1136).
[Son psychisme] Je savais ce que tu avais en tête (Gracq, Syrtes,1951, p. 341).Un état affectif, enclos en notre âme (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 313).En son for intérieur (Huyghe, Dialog. avec visible,1955p. 314).
En partic. [En parlant de Dieu, pour évoquer une union profonde avec lui (cf. infra croire en Dieu)] Le prince Jésus (...) remonta vers le bon Seigneur son père. « Et depuis ce temps-là tous ceux qui meurent en lui vont au ciel (...) » (France, Thaïs,1890, p. 97).
b) P. anal. [L'espace est une chose abstr.]
[Le compl. est un domaine abstr.] En peinture aussi bien qu'en littérature (Gide, Journal,1940, p. 46).En musique (...) les phénomènes périodiques (...) qui constituent le temps dans le temps dont est faite toute forme sonore (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 51).
[Le compl. est un domaine où s'exercent]
[la spécialisation de qqn ou de qqc.] Artiste peintre ou peintre en bâtiment? (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1647).
[la capacité, la performance de qqn ou de qqc.] Il doit prouver pour la première fois ma capacité en administration (Chateaubr., Corresp.,t. 2, 1789-1824, p. 379).En Murillo, le musée [du Louvre] est beaucoup plus riche (Gautier, Guide,1872, p. 114).
Rem. Il faut observer que tous ces compl., le plus souvent indéterminés, ont gén. une valeur nom. très faible. En introduit un compl. à valeur abstr. p. oppos. au compl. plus concr. introduit par dans. Avec en l'idée d'intériorité s'est amoindrie au profit d'une sorte d'ambiance. C'est pourquoi en est propre à suggérer un état, une situation. Ainsi en l'air s'oppose à dans l'air; en classe à dans la classe comme en prison à dans la prison.
2. [En introduit un compl. circonst. de temps]
a) [Sans idée de direction]
[Le compl. exprime le temps nécessaire à l'accomplissement de l'action]
En + adj. numéral cardinal.La cérémonie à l'église fut expédiée en un quart d'heure (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948p. 191).En trois bonds, le dessinateur effrayé avait gagné la porte (Green, Moïra,1950, p. 78).Je lus en deux étés les sept volumes de la bibliothèque de grand-père (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 134):
10. Mais il [Jonas] se réjouissait aussi d'apprendre, en un soir, tant de choses qui ne pouvaient manquer de lui être profitables, quoique de manière invisible, dans son art. Camus, Exil et Roy.,1957p. 1635.
En + adj. indéf.En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. En quelques semaines (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 908).En moins de deux (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 275).En peu de temps (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 557).
En + art. déf. ou indéf.[Dans des tours figés] En un rien de temps il s'élève (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 1115).Plusieurs centaines de sous-officiers nous abandonnèrent en l'espace de quinze jours (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 287):
11. ... feu, peste, tempête, tremblement de terre, déchaînements de forces morales obscures, entraînent en un instant, sans égards, ce que nous avions péniblement construit et orné avec toute notre intelligence et notre cœur. Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 172.
[Le compl. exprime le moment où une action se situe ou s'accomplit]
Littér. ou dans des loc. figées. En + déterminatif
En + adj. dém.Le monde était riche, en ce temps-là (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 494).En ces minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies (De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 308).
En + adj. poss.Elle venait aux nouvelles et m'apportait en même temps un exemplaire de son roman paru en mai et que je n'avais pas reçu en son temps (Abellio, Pacifiques,1946, p. 326).
En + art. indéf.En des temps pareils, est-il une autre sécurité que la mienne? (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 5etabl., 8, p. 1701):
12. Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je respire l'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux. Baudelaire, Les Fleurs du Mal,1857-61, p. 40.
En + art. déf.En l'année, en l'an de grâce...
Courant
En + millésime.Ouvrez de remarquables brochures publiées aux États-Unis en 1950 et en 1956 (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 408).
En + nom de mois.En juin et juillet, il avait fait le tour des villages des environs (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 176).
En + nom de saison (sauf printemps).Il y a sûrement beaucoup à faire ici en été (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 989).
Rem. 1. L'oppos. en été/au printemps est souvent justifiée par la présence de l'art. déf. devant printemps, considéré comme un nom commun primum tempus « le premier temps », à la différence des autres saisons, traitées comme des noms propres (cf. à, t. 1, p. 22). Il faut remarquer cependant que cette oppos. peut se définir aussi par celle qui oppose les subst. fém. et masc. à initiale vocalique aux subst. masc. à initiale consonnantique. 2. On rencontre également à l'automne : Au printemps et à l'automne (Green, Moïra, p. 238 ds Grev. 1969 § 933); plus rarement à l'été, à l'hiver : Nous étions à l'hiver (Musset, Conf. IV, 6, ibid.). Dans une plaine que recouvrent à l'été des moissons (E. Herriot, Dans la forêt normande, p. 170, ibid.).
b) [En corrélation avec de]
[Avec une idée de progression] De jour en jour. Il aurait d'année en année à changer de langage (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 752).De temps en temps, il envoyait à ma sœur un pneumatique (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 328):
13. ... l'histoire et la vie nous enseignent qu'il y a des revenus dominants et des revenus dominés et qu'ils ne restent pas les mêmes d'âge en âge. Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 27.
[Pour reporter à une date future] D'aujourd'hui, de demain en huit, en quinze. Dans huit, quinze jours à compter d'aujourd'hui, de demain.
B.− [En introduit un compl. circ. de manière]
1. [Le compl. évoque un état, une situation]
a) [En parlant d'une pers.]
[Sa situation] L'imagination italienne comprend mieux l'homme que la nature; elle comprend mieux l'homme en société que l'homme barbare (Taine, Philos. art.,t. 1, 1865, p. 120).Six semaines avant mon entrée en religion (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 2etabl., 6, p. 1592).On m'a appris que vous vous trouviez ici, mais en vacances (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 115).Comme un homme en péril de mort à qui le nom de sa mère monte aux lèvres (Gracq, Syrtes,1951, p. 191):
14. C'est un S.T.O., ou je ne sais quoi, en fuite, en fuite, en perm', en convalo, je ne sais pas trop, mais qui arrive tout droit d'Allemagne, et qu'est-ce qu'il ne raconte pas des bombardements! Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 273.
Au fig. Être en veine, en chance :
15. Mon cher papa (...) Je n'ai presque point de dépenses à faire (...) une paire de bottes 36 fr., une paire de pistolets 48 (...). Si tu es en argent j'y ajouterais une vingtaine de volumes... Stendhal, Corresp.,t. 1, 1800-42, p. 59.
[Son état physique] L'impératrice était avant-hier en beauté, santé et animation (Mérimée, Lettres ctesse de Montijo,1870, p. 25).
En partic. [Son habillement] Dame de quarante ans en lunettes à côté de son mari (Taine, Notes Anglet.,1872, p. 6).Il était en bras de chemise (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 135):
16. Quand nous marchions en rangs serrés et noirs, l'été, sous le soleil de Grenoble, et que nous croisions des filles en robes légères, je ne détournais pas, moi, les yeux, je les méprisais, j'attendais qu'elles m'offensent et elles riaient parfois. Camus, L'Exil et le Royaume,1957, p. 1578.
[Son état moral] Être en liesse, en joie :
17. − Vous êtes triste? − Non, dis-je, pas triste. Je suis en colère. − En colère? Vous avez une manière bien calme d'être en colère. − Ne vous y fiez pas. Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 445.
b) [En parlant d'une chose] La grande voûte peinte en bleu de nuit (Green, Moïra,1950, p. 48).
2. [Le compl. évoque un comportement et marque la façon dont qqn s'est comporté dans une action donnée ou dont on a traité qqn] Ils se regardent en chiens de faïence (Prévert, Paroles,1946, p. 128).Dites franchement... en camarade. Combien? (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 97).Comme il parle en maître! (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 77):
18. − Et puis, j'en ai assez d'être traité en accusé, continua Lulu. Qu'est-ce que vous me reprochez? De m'être amusé? Quand je vous regarde tous, j'estime que j'ai rudement bien fait. Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 198.
3. [Le compl. évoque une forme, un aspect] De la ferraille en tas (Cendrars, Bourlinguer,1948p. 305).Du chocolat en poudre (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 98).Il neige sur les mots en ski (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 215).Nous sortions en bande (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 297):
19. L'auto, un fort cabriolet huit cylindres, couleur havane, laminait sous ses larges pneus les flaques de boue, en jaillissements sales. Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 7.
20. Pendant qu'Elena, armée du cure-dent, les [les escargots] chatouillait consciencieusement sous le ventre, je tendais des ficelles en l'air, d'une branchette à l'autre, en ligne droite, en diagonale, en zigzag, en rond, en étoile, ... Cendrars, Bourlinguer,1948p. 217.
21. La fable s'empara de lui; les colporteurs vendaient son portrait. On le vit en tabatière, en presse-papier. On le peignit au fond des plats et des assiettes. Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 339.
4. [En corrélation avec de; pour évoquer le changement d'une situation dans une autre] De Charybde en Scylla, de mal en pis. Nous devrons, de crise en crise, porter notre effort tantôt sur un point, tantôt sur un autre (Mounier, Traité caract.,1946, p. 721).
Rem. Il faut remarquer que, comme à propos des circ. de lieu, tous ces compl. tendent vers une forme figée et que, parfois, il n'est guère possible de distinguer les compl. circ. des loc. (cf. infra). Dans le même sens, il faut observer que tous ces compl. supportent mal un adj. épithète, exceptés des adj. banals, gén. anticipés en totale confiance; en grande hâte; en bonne santé.
5. [En introduit un compl. circ. de matière] J'ai les intérieurs en duvet de canard (Aymé, Cléramb.,1950, p. 168):
22. En fonte, en terre, en grès, en porcelaine, en aluminium, en étain, que de marmites, de poêles, de pot-au-feu, de fait-tout, de cassolettes, de soupières, de plats, de timbales, de passoires, de hachoirs, de moulins, de moules, de mortiers! Beauvoir, Mém. j. fille,1958p. 77.
Rem. 1. En marque plus précisément la matière que de. Seul de peut s'employer dans un sens fig. un homme de fer, des chevaux de bois. On dit néanmoins un tigre en papier, un garçon en or : Ah! oui, ce qu'il était gentil, hein? et doux et pas fier. Un garçon en or, ce petit saint François (Aymé, op. cit., p. 199); mais dans ces expr. fig., la matière fictive prend un aspect réel. 2. En, introduisant un compl. de matière, traduit toujours une « intériorisation » : une table faite avec du bois devient une table en bois de la même manière qu',,un livre qu'on jette dans le feu ne tarde pas à être en feu`` (Guillaume, Le Problème de l'article et sa solution dans la langue française, Paris, Nizet, 1919, p. 188).
C.− [En introduit une forme en -ant pour former un gérondif fonctionnant comme un compl. circ.]
[de moyen] C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
[de temps] Écoute, dit Dubreuilh, tout en le soignant, essaie donc de le cuisiner (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 561).
[de manière] :
23. Malheureux les conscrits Devant le stand de tir Visant le cœur du monde Visant leur propre cœur Visant le cœur du monde En éclatant de rire. Prévert, Paroles,1946p. 223.
Rem. 1. La présence de en (surtout de tout en, cf. supra Beauvoir, loc. cit.) rend plus étroit le lien des deux actions en soulignant nettement leur concomitance. 2. En ne se répète pas devant le gérondif si le second développe seulement le premier. En traversant la ville et passant devant nos postes (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 193).
D.− [En construit avec un verbe trans. indir. ou un subst. dér.]
1. [Avec des verbes, des loc. verbales ou des subst. du type : croire, espérer, avoir confiance, avec foi; en introduit un compl.]
[Devant un pron. pers.] Dans une imagination qui croit et ne croit pas en elle-même (M. de Guérin, Journal,1834, p. 209).
[Devant un nom propre] J'ai foi en Dieu qui m'a fait ma part (Claudel, Annonce,1948, III, 2, p. 190):
24. ... « Nous tous, ici-bas, croyons en Adolf Hitler, notre Führer... et (nous confessons) que le national-socialisme est la seule foi qui mène notre peuple au salut. » Camus, L'Homme révolté,1951, p. 227.
Rem. Croire admet les constr. croire à et croire en. Cependant, traditionnellement, on oppose, partic. dans le domaine relig., croire à qui implique une adhésion intellectuelle à croire en qui signifie une union totale et profonde (cf. supra vivre en Jésus-Christ). ,,Espérer en, croire en impliquent une sorte de don total de la personne que croire à est loin d'impliquer, ni penser à, songer à`` (Gougenheim, Grammaire et psychologie, Paris, P.U.F., 1950, p. 182; cf. aussi Ch. Bally, En été, au printemps; croire en Dieu, croire au Diable ds Festschrift für Ernst Tappolet, Basel, Benno Schawabe, 1935, pp. 9-15).
2. [Avec des verbes de changement, de transformation; en introduit un attribut du suj. (ou de l'obj.) construit indirectement pour exprimer le nouvel état de la pers. ou de la chose transformée]
a) En + subst. indéterminéLa représentation crispée sur soi se transforme en spectacle (Mounier, Traité caract.,1946p. 386).Un atome coupé en morceaux ne fait plus le même atome (Schaeffer, Mus. concr.,1952, p. 48).Chaque pierre éclatant en poussière sous le pied (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1610).Stépha se déguisait en barmaid (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 292):
25. À ce moment une forte détonation se fait entendre, les vitres volent en éclats, les montants de la fenêtre sont arrachés. Sartre, Les Mains sales,1948, 4etabl., 4, p. 159.
b) En + pron. pers.Tel qu'en lui-même enfin l'éternité l'a changé (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 14).
c) En + subst. déterminé
[Par un déterminé autre qu'un art. déf.] Le jeu ou la danse et je change ton acte en un autre (Saint-Exup., Cited.,1944, p. 844):
26. Nous marchâmes longtemps dans Paris, navrées de voir le héros de notre jeunesse se métamorphoser en un bourgeois calculateur. Beauvoir, Mém. j. fille,1958p. 345.
Rare. [Par un art. déf.] :
27. ... il suffit d'agiter un brin le kaléidoscope pour voir le séducteur Johannès ou l'incomparable tailleur du banquet se donner bientôt l'illusion de la crainte et du tremblement et se transformer peu à peu en la poétique figure du vieil Abraham... J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 306.
E.− [En formateur de loc.]
1. Loc. adv. et prépositives
a) En + adv.
Loc de lieu. En deçà (de), en dessous (de), en dedans (de), en dehors (de), en travers (de). Sous ce ciel par en-dessous (Abellio, Pacifiques,1946, p. 18).
Loc. de manière. En trop, en plus (de).
Loc. adv. de liaison. En outre. Le médecin légiste, qui dirigeait en outre un service à l'hôpital municipal (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 98).
b) En + subst.
Loc. de lieu. En face, en bas, en haut. La maison d'en face (Gide, Journal,1941, p. 101).Tout vient d'en-haut! (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 119).
Loc. de manière. En foule, en cachette. Il monte en tapinois l'escalier (Gide, Faux-monn.,1925, p. 950).Pierres en vrac (Saint-Exup., Cited.,1944p. 781).
Loc. adv. de liaison. En fait, en effet, en conséquence, en réalité, en revanche. En quelque sorte (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 46).Ce grotesque quelqu'un en l'occurrence le personnage ci-dessus décrit? (Queneau, Exerc. style,1947, p. 176).En somme une finalité interne (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 55).Mais Tigre me doit une jeune fille maintenant, en échange (Anouilh, Répét.,1950, IV, p. 104).Ce n'était pas par hasard qu'il avait en fait si spectaculairement échoué (Beauvoir, Mém. j. fille,1958p. 347).
c) En + adj.
Loc. de lieu. En long, en large. On me l'a expliqué en long et en large à la maison (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 19).
Loc. de manière. En gros, en général, en douce, en clair, en vain, en bref. On devrait tâcher de le descendre en douce (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 947).Agir en secret (Camus, Dév. croix,1953, 1rejournée, p. 543).
Loc. adv. de liaison. En particulier, en définitive.
2. Loc. conj. En ce que, en attendant que, en cas que, en sorte que. En sorte qu'au loin elles se touchaient (Green, Moïra,1950, p. 24).Tu ne t'appelles Mi qu'en tant que je suis Fa! (Claudel, Poésies div.,1952, p. 893).Faire en sorte que l'ennemi soit, complètement, irrémédiablement, battu (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 712).
3. Loc. verbales. Consister en, croire en, espérer en, traiter en.
4. Mots composés. En-tête, en-cas, boute-en-train, monte-en-l'air, croc-en-jambe. Après que nous eûmes pris un léger en-cas (Gide, Thésée,1946, p. 1430).Il arrosait la pelouse et un arc-en-ciel dansait dans le jet d'eau (Beauvoir, Mandarins,1954p. 525).
En partic.
[Dans les grades] Général-en-chef. Le commandement en chef britannique (De Gaulle, Mém. guerre,1956p. 62).
[Dans les noms de lieu] À Grez-en-Bouère (H. BazinVipère,1948, p. 225).Devant Port-en-Bessin (De Gaulle, Mém. guerre,1956p. 276).
Rem. Certaines de ces expr. se sont lexicalisées cf. embonpoint, endroit, entrain...
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃]. Conserve sa nasalité même quand il se lie devant voyelle, ex. : en effet [ɑ ̃nefε]. La perte de la nasalité [anefε] est prov. notamment mérid. Ds Ac. 1694-1932. Homon. an. Étymol. et Hist. A. Introduisant un compl. de propos 842 (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p. 2 : in aiudha et in cadhuna cosa). B. Prép. de lieu 1. Fin du ixes. indique le lieu où l'on est, où l'on va (Séquence de Sainte Eulalie, 6 et 19, ibid., p. 3 : en ciel; enl fou); 2. fin du xes. « sur » (Passion de Clermont, 8 et 45, ibid., p. 4 : en son cab.; en la cruz); 3. fin du xes. indique un état, une situation morale (ibid., 33 et 36 : en huna fet; en caritad); 4. a) ca 1100 fig. se fier en qqn (Roland, éd. J. Bédier, 586); b) ca 1170 (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 118 [I Rois 3, 28] : la sapience nostre Seignur fud en li). C. Prép. de temps 1. a) 842 indique un mouvement dans le temps (Serments de Strasbourg, loc. cit. : d'ist di in avant); b) ca 1100 indique la durée (Roland, 851 : en. III. jurz); 2. fin du xes. indique un moment (Vie de Saint Léger, éd. J. Linskill, 80 : in eps cel di). D. Prép. de manière 1. fin du ixes. indique la forme, l'état (Séquence de Sainte Eulalie, 25, loc. cit. : in figure de colomb); 2. ca 1100 composition, répartition (Roland, 1205 : en dous meitiez); 3. ca 1100 introduisant une sorte d'attribut de l'objet (ibid., 3950 : en ostage); 4. ca 1100 introduisant un gérondif (ibid., 2522 : en estant); 5. ca 1170 indiquant un changement d'état (Chr. de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 4191 : Si retorne lor joie en ire); 6. 1521 matière (Inv. de Phil. de Bourgogne ds Gay, s.v. terre, t. 2, p. 395b : quatorze têtes en terre cuite). Du lat. class. in, qui connut dès le b. lat. les sens et emplois du français. Bbg. Acher (J.). Du Prétendu emploi pléonastique de la particule en ds Philomena. Z. rom. Philol. 1909, t. 33, pp. 587-589. − Brøndal (V.). L'Originalité des prép. du fr. mod. In : [Mél. Bally (C.)]. Genève, 1939, pp. 337-346. − Couture (B.). L'Emploi de en et de ds les loc. de spécialisation. Meta. 1972, t. 17, no4, pp. 233-237. − Danell (K.-J.). Le Groupe subst. + prép. + subst. en fr. contemp. Stockholm, 1974. − Dauzat (A.). En mon nom et au sien. In : [Mél. Bruneau (C.)]. Paris-Genève, 1954, pp. 1-9; En skis et non à skis; en ou à bicyclette. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 307-308; 1946, t. 14, p. 246. − Fahlin (C.). Ét. sur l'emploi des prép. en, à, dans au sens local. Upsal-Leipzig, 1942. − Gougenheim (G.). La Prép. en devant certains compl. de matière ds la lang. au 16es. In : [Mél. Cohen (M.)] La Haye-Paris, 1970, pp. 157-161. − Olivier (R.). Zum Gebrauch der Präposition en in aller, passer, monter usw. en bicyclette. Arch. St. n. Spr. 1928, t. 153, pp. 104-110. − Seelbach (D.). Präpositionalphrasen mit de und à ds Quellen der verbundenen Pronomen en und y. (Diss. Frankfurt 1970). − Spang-Hanssen (E.). Les Prép. incolores du fr. mod. Copenhagen, 1963.

EN2, pron. atone de la 3epers.

EN2, pron. atone de la 3epers.
I.− [L'antécédent est explicite et de nature nom.]
A.− [L'antécédent est un subst., un adv. ou un pron.]
1. [L'antécédent est représenté sans être à son tour déterminé]
a) [En corresp. aux emplois de la prép. de en tant que morph. introducteur de compl. (ou à un de ses équivalents : à, sur)]
[Dans des constr. où en a valeur de compl. circ. il exprime] :
[L'éloignement d'un lieu pour représenter un groupe nom. en fonction de compl. circ. : de là, de cet endroit, de + nom de lieu] La Femme? − J'en sors La mort Dans l'âme (Laforgue, Poésies,1887, p. 153):
1. Les maisons du bourg sont vétustes; mais il en sort, tout à coup, nombre de filles et de garçons rieurs. De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 289.
[Employé avec certains verbes à la forme pronom., en partic. aller, avec un antécédent souvent tiré implicitement du contexte (cf. infra II B)] Les policiers s'en retournèrent bredouilles, furieux de cette expédition manquée (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 330).Le type ne répond pas, la femme crie : « Allez-vous en, sale type, sale froussard» (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 198).
[Sans idée nette de point de départ] Cf. aller ex. 60.
[L'origine, la source] Les effets cumulatifs de K Wicksell et les variantes qu'on en a tirées (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 257):
2. La sagesse de Dieu n'aime point à faire des présents inutiles; vous êtes, en faveur des vertus que vous en avez reçues, condamnée à en faire un exercice continuel. Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 212.
[L'éloignement dans le temps (à mesure qu'on s'éloigne ou que l'on se rapproche de cette date s'en éloigner, en sortir)] Elle n'eût pas recherché cette union (...) mais chaque jour l'en rapprochait (Barrès, Jardin Bérén.,1891, p. 161).
[La cause (à la suite de, à cause de)] Ainsi celui-là qui anéantit son ennemi. Et il vivait de lui. Donc il en meurt (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 773).N'empêche que quand il m'a causé d'amour, j'ai eu comme un coup de langueur dans le poitrail. Encore maintenant, j'en suis toute chose (Aymé, Cléramb.,1950, III, 7, p. 168).
[Le moyen] Le bon homme s'approcha d'elle et, ouvrant son vaste parapluie rouge, lui demanda la permission de l'en abriter (France, Dieux ont soif,1912, p. 292).Ces jeunes gens bien intentionnés qui s'inquiétaient hier de refaire la France, qu'en feront-ils avec les misérables débris qui vont en rester? (Gide, Journal,1940, p. 29):
3. Et celui-là s'égare à rechercher parmi les pierres ce qui n'est point de leur essence, alors qu'il pourrait en user pour en bâtir sa basilique, sa joie n'étant point à tirer d'une pierre parmi d'autres pierres mais d'un certain cérémonial des pierres, une fois la cathédrale bâtie. Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 953.
[Le propos] C'est une affaire majeure pour notre commerce. Je vous en ai écrit par le dernier courrier (Chateaubr., Congr. Vérone,t. 2, 1838, p. 102).Cette fameuse tour de Mélusine, que nos auteurs ont rendue si célèbre par les fables qu'ils en ont racontées (Durry, Nerval,1956, p. 170).
Rem. En correspond parfois dans ce cas à la prép. sur.
[Dans des constr. où en a valeur de compl. de nom marquant la possession, l'appartenance] Ma mère était à moi, personne ne m'en contestait la tranquille possession (Sartre, Mots,1964, p. 17):
4. Le couloir était froid et nu, la salle d'attente, qu'on ne fit qu'entrevoir, banale. Du moins les sièges n'en étaient-ils pas élimés, comme chez la plupart des médecins, et n'y voyait-on pas aux murs les aquarelles habituelles. Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 121.
Rem. 1. En est gén. préféré au poss. pour représenter un inanimé. Toutefois, la règle est précaire. ,,Les portes des wagons de métro ont cette pancarte : Ne pas gêner leur fermeture`` (Gramm. Lar. 1964, § 382). 2. En est gén. employé aux dépens du poss. lorsqu'il complète : a) Le suj. d'un verbe passif. La propulsion nucléaire (...) sera (...) utilisable (...) pour les grands avions, et l'étude en a été faite, puis abandonnée (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 271). b) Le suj. d'un verbe intrans. J'ai malheureusement oublié le détail de cette épopée paternelle. Le sujet n'en changera jamais (Bosco, Un oubli..., p. 280 ds J. Pinchon, Les Pronoms adverbiaux en et y, Genève, Droz, 1972, p. 157). c) Le suj. d'une prop. attributive. Voici un petit travail sur les antinomies de la pensée et de l'action que je vous offre, quoique la matière en soit misérable (Barrès, Renan, 1888, p. 175). d) Le compl. d'obj. dir. d'une forme trans. Un corps, c'est si juste, c'est même étriqué, on a envie d'en faire craquer les coutures (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 497). 3. En revanche, lorsque en détermine le suj. d'un verbe trans. c'est gén. la forme possessive qui est privilégiée : ,,Le soleil se leva : ses rayons caressèrent la cime de la montagne`` (Grev. 1969, § 429, rem). En est impossible lorsque le subst. déterminé est construit indirectement : a) Le subst. est compl. de nom. ,,Je revoyais (...) l'antique château (...), la rivière qui baignait le pied de ses murailles`` (B. Constant, Adolphe, VII, ibid.). b) Le subst. est compl. circ.. ,,Si cette pièce était un tableau, comme on s'extasierait sur sa matière`` (Gide, Journal, 1939-42, p. 132, ibid.).
[Dans des constr. où en a valeur de compl. déterminatif]
[D'un nom en constr. dir.] Il prit des mains d'Anne un verre de Martini et en but une gorgée (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 553).J'étais étourdie par toutes ces nouveautés qu'il me révélait, et j'avais un peu l'impression qu'il en était lui-même l'auteur (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 201).Le poids relativement léger de ce petit moteur en compense le coût élevé (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 272).
[D'un adj.] :
5. Quel grand écrivain du xviiiesiècle n'avait pas eu une meute de libellistes à ses trousses? Mais il savait en rire. Jean-Jacques en était incapable. Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 199.
[D'un part. employé comme adj.] Ils n'ont à me prêter que leur propre indigence, ils en sont prodigieusement satisfaits (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 19).
Rem. Accord de la forme adj. du verbe. Lorsque en est compl. d'obj. d'un part. passé conjugué avec avoir et qu'il le précède, le part. passé est gén. invar. On justifie l'invariabilité en disant que ,,en est un neutre partitif signifiant « de cela, une partie de cela » et qu'il est (...) complément déterminatif du nom partie (ou quantité) sous entendu`` (Grev. 1969, § 795). L'usage toutefois est indécis et en relation avec un adv. de quantité (beaucoup, combien, tant), le part. passé peut s'accorder. Combien j'en [d'hommes] ai déjà passés! combien j'en puis encore atteindre! pourquoi mon égal irait-il plus loin que moi? (Guéhenno, Jean-Jacques, 1952, p. 32). Mais, là encore, la règle est imprécise et précaire. J'en ai tant vu des rois! (Hugo, Feuilles automne, III, ds Grev. 1969, § 795). Il faut noter enfin que l'arrêté du J.O. du 9 févr. 1977 admet l'un et l'autre accord.
[D'un adv. de quantité] Elle avait inscrit en épigraphe deux phrases de Nietzsche (pourquoi deux? Les femmes en mettent toujours trop) (Abellio, Pacifiques,1946, p. 326):
6. sevrais. − Et puis, c'est vrai, si j'étais ton frère, j'en ferais moins pour toi. soubrier. − Oui, tu en fais beaucoup pour moi! − Est-ce que tu mourrais pour moi? Tiens, si je me noyais... Montherlant, La Ville dont le prince est un enfant,1951, II, 4, p. 896.
[Dans des constr. où en a valeur de compl. d'un verbe]
[Obj. indir.] Les garçons, tu t'en moquais (Audiberti, Quoat,1946, 1ertabl., p. 42).La piste sur laquelle les défenseurs espéraient voir débarquer des renforts, c'est l'ennemi qui s'en empare (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 283).
[Dans certaines constr., en a valeur de compl. secondaire] Cf. supra ex. 2 et Perroux, loc. cit.; ex. 3 et Gide, Journal, 1940, p. 29.
b) [En corresp. à l'art. partitif de le, du...] Michel, tu en veux de cette bonne andouillette? (Giono, Regain,1930, p. 10).On voyait cette année-là dans les vitrines d'absurdes jupons longs et soyeux : j'en achetai (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 509):
7. − Monsieur est servi, murmure-t-elle avec une touchante simplicité. − Je n'aime pas le chien, répond mon père, j'en ai mangé en Chine et je trouve cela mauvais. Prévert, Paroles,1946, p. 43.
Rem. Il arrive que en ne reprenne pas l'antécédent dans la même extension. a) Passage de la plus grande extension à la plus petite. J'étais un homme sans honneur. Et, tout d'un coup, j'en ai eu un (Becket ds J. Pinchon, Les Pronoms adverbiaux en et y, Genève, Droz, 1972, p. 63). b) Passage de la plus petite extension à la plus grande. Je laisse ma viole à mon Seigneur. Il sait déjà presque en jouer (Anouilh, Becket ds ibid.). Je suis le tout s'il en fut [un] (Laforgue, Moral. légend., 1887, p. 193).
2. [L'antécédent est repris avec une détermination propre qui ne figure pas dans l'antécédent; en corresp. à l'art. indéf.]
a) [Le déterm. est un quantificateur qui précise une partie par rapport au tout que l'antécédent est supposé représenter]
[un numéral indéf.]
En ... un autre. « Je ne peux pas vous aimer... j'en aime une autre... » (Meilhac, Halévy, Grande duch. Gérolstein,1867, II, 7, p. 255).
En ... d'autres. Il ne copie jamais ses compositions, tandis qu'il y en a d'autres, et des plus cotés... (Montherl., Ville dont prince.1951, I, 3, p. 870).Physiquement, si je n'ai plus tout à fait les mêmes atouts qu'autrefois, je sais que j'en ai d'autres (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 494).
En ... un pareil. Vous voyez ce que peut l'attachement d'un être dévoué. Qui de vous ne serait touché d'en rencontrer un pareil en une circonstance que je suis loin de souhaiter pour vous? (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 34).
En ... plusieurs, peu, beaucoup... Je n'y ai guère trouvé de phrases qui n'aient au moins une demi-page de longueur et il y en a beaucoup qui couvrent une page et demie (Green, Journal,1946, p. 66).
[un numéral à valeur précise] En voilà deux, tout de même, deux curés que je vois mourir ici (Bernanos, Crime,1935, p. 729).Sur ces treize millions, il y en a dix que j'ai perdu dans le coup des Sonchelles (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 200):
8. Il y a un long silence, pendant lequel l'Archevêque compulse des papiers qui lui ont été passés par le Grand Vicaire. Il finit par en signer un. Il en donne d'autres au Lieutenant civil. Montherlant, Port-Royal,1954, p. 1023.
b) [La détermination est de nature qualificative avec valeur d'épithète; en est gén. suivi de de]
[avec un adj.] Vous avez vu les principales personnalités locales... Il y en a de pittoresques... Le docteur Bellamy les surclasse de beaucoup... (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 31):
9. Il n'y a pas chez lui d'affaissement intellectuel, mais, selon la formule de Dugas, « confiscation de l'esprit au profit d'un sentiment fixe ». Il en est de savants, il en est de ministres. Entre le monde rigoureux du logicien et le symbolisme plastique du poète ou du mythomane, son univers de pensée se présente comme un symbolisme idéologique, tenant du premier sa rigidité formelle, du second son aptitude à rendre, sous le symbole, autre chose que ce qu'on y a d'abord placé. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 551.
[avec une loc. subst.] Je la range dans le placard, ma chanson, et je la retrouve quand j'en ai envie. J'en ai de toutes sortes, vous savez, et je leur laisse pas le temps de se rouiller (Aymé, Cléramb.,1950, I, 7, p. 54).
3. [La détermination est une prop. relative avec ou sans antécédent pronom. indéf.; les emplois sont très fréquents]
a) [Dans les tournures impersonnelles exprimant l'existence] Il y en a qui ont la vocation d'être valet de chambre (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 170).Il en est qui sont poussés au point de ne pas comprendre ce qu'ils font (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 101).
b) [Avec les présentatifs voici, voilà] Qu'on ne me parle pas de Jean Racine. En voilà un dont je ne suis pas fière! (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1030).
Rem. 1. Note sur la nature de l'antécédent de en. On a coutume de dire que le fr. mod. réserve les pron. pers. lui, elle(s), eux pour représenter des pers. et restreint l'emploi de en à la représentation des choses. En plus des ex. cités précédemment (cf. ex. 2), en s'emploie pour des pers. avec des verbes exprimant un sentiment, une sensation : Se plaindre de; avoir pitié de; être en peine de; s'éprendre de; raffoler de; être amoureux de, être fou de; être jaloux de (cf. Meilhac, Halévy, loc. cit.); avec des verbes exprimant un mouvement : s'approcher de, être près de; s'éloigner de; être loin de (cf. Latouche, L'Héritier, loc. cit.); ainsi qu'avec d'autres verbes : parler de; dire de; obtenir de; recevoir de, tirer de, s'occuper de, faire de. Au XIIIe, Jean Sans Terre enlèvera, pour en faire sa femme, Isabelle de Lusignan (Michelet, Chemins Europe, 1874, p. 187). 2. Note sur qq. valeurs styl. de en. a) Valeur d'insistance. Dans une constr. segmentée, en peut reprendre un antécédent postposé pour le détacher. L'antécédent est antéposé : Je passe deux séances sur le bruit des tampons. Finalement, j'en ai d'assez bons (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 20); l'antécédent est postposé : Vous en avez bien eu, là-bas, des négresses (Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 240). C'est comme le boulanger, il en a, du pain (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 83). b) Valeurs pléonastiques, fam. En peut être employé avec le poss. Peut-être hésitez-vous à en demander son prix (Combat ds J. Pinchon, Les Pronoms adverbiaux en et y, Genève, Droz, 1972, p. 310). En peut être employé en liaison avec dont. Tu ne te serviras point de tous les mots, dont il en est de rares et de baroques qui tirent à eux toute l'attention (P. Valéry, Remerc. à l'Ac. fr., éd. Pléiade, t. 1, p. 741 ds Grev. 1969, § 560).
B.− [L'antécédent est une prop. reprise après nominalisation implicite]
1. [La prop. à reprendre est une prop. autonome] :
10. Aussi c'est dans ce temps où tout marche au cercueil, Que la religion prend un habit de deuil; Elle en est plus auguste, et sa grandeur divine Croît encore à l'aspect de ce monde en ruine. Fontanes, Œuvres,Le Jour des Morts dans une Campagne, 1821, p. 35.
2. [En figure dans une prop. intercalée dans la prop. qu'il est censé reprendre] Un soir, t'en souvient-il? nous voguions en silence (Lamart., Méd.,1820, p. 135).
C.− [Place du pron. en]
1. [En se place avant le verbe (avant l'auxil. à un temps composé)] On en voyait arriver au loin par les sables de la plage (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 42).
2. [Après un impér. positif, en suit le verbe] Pour trouver l'essence d'une philosophie du monde, cherchez-en l'adjectif (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 136).
Rem. Parce que en se réduit à un seul son vocalique et qu'il appartient, comme les pron. pers., au groupe verbal, il influe sur la désinence et sur la liaison du verbe à l'impér. − Charges-en Raoul, si ça te chante, lui dis-je (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 403).
3. [En relation avec un pron. régime de la 1reou de la 2epers., en se place après ce pron. pers. qui s'élide] Donne m'en, va-t'en. Va-t-en. C'est un ordre (Abellio, Pacifiques,1946,p. 305).
Rem. La forme tonique du pron. pers. est parfois conservée avec un z intercalé (fam.). Donne-moi-z-en!
II.− [Dans des loc. figées ou fam., en a un antécédent implicite]
A.− [L'antécédent est un subst. tiré de situations (très) fam. ou marquées par la pudeur]
1. [Employé seul]
a) En avoir
(de l'argent). Être riche
(de la virilité). Être brave. T'y fie pas, i' n'est pas épais, mais il est mâle : il en a (Bruant, Dict. fr.-arg.,1901, p. 74; avoir II, F, 3)
En avoir dans l'aile (un coup). Être ivre.
b) En baver (des ronds de chapeau).
Être très étonné (cf. baver I B 1).
S'épuiser sur un travail pénible. Il faut qu'ils en bavent; ils n'en baveront jamais assez (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 205).
c) En découdre. Se battre :
11. ... quelle que fût la hâte d'en découdre qui animait Leclerc et ses troupes, leur débouché n'eut lieu que le 12 décembre, en raison d'un arrêt dans l'avance de la VIIIearmée à hauteur d'El-Agheila. De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 62.
d) En être
En être (de la classe libérée dans l'année). En être, [de la Classe], voir venir la fin de la guerre : Ha! on n'en est pas!, se dit à toute distribution de nouveautés d'habillement et d'équipement (...) : Un qui voudrait bien en être (Esn.Poilu1919, p. 319).
En être (des pédérastes). Car tôt ou tard il faut en être [à Biribi] (Bruant, Dict. fr.-arg.,1901, p. 354).
En être (d'un complot, d'une chose que l'on tient à tenir secrète). Marcel, bas à Marthe. Il en était (Delavigne, Louis XI,1832, III, 2, p. 93).
e) S'en donner (du plaisir). Nous nous en donnions à cœur joie (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 41).
f) En pincer (de la guitare). Être amoureux :
12. danse-la-nuit.− (...) − La vérité toute pure est que notre charmante Strombô... volpilla. − ... en pince... voix en haut en bas et de tous les côtés passant de l'aigu au grave. − Pince pince pince pince pince. le poëte, éperdu. − ... le prépo. − ... et presque sanglotant! le poëte. − ... pour moi? Claudel, La Lune à la recherche d'elle-même,1949, p. 1286.
2. En + verbe + un(e)
a) En casser une (graine, croûte). Manger.
b) En griller une (cigarette). Fumer.
c) En faire une (partie). Jouer. Allons, dit M. le préfet (...), en prenant une queue au ratelier, allons! Peloux, nous en faisons une? M. le préfet (...) était d'une jolie force au billard (France, Orme,1797, p. 312).
d) En écluser un, s'en jeter un (verre). Boire.
e) N'en pas rater une (sottise, gaffe). Tu ne m'en épargnes pas une (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1436).
3. En + verbe + adj. au plur.
a) En avoir de bonnes (histoires). Vous en avez de bonnes, vous, proteste vivement Balimont, retrouvant soudain son énergie (Abellio, Pacifiques,1946, p. 241).J'étais sûre qu'elle m'en aurait raconté de belles (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 207).
b) En entendre de belles, de raides. Korzakow avait le buste couvert de tatouages, c'est dire que nous en entendîmes de raides (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 75).
c) En voir de dures (des épreuves). J'espère, pour votre commun profit, que vous lui en ferez voir de dures (Abellio, Pacifiques,1946p. 51).
d) En voir de toutes les couleurs. En voilà un qui en a fait de toutes les couleurs (Labiche, Célimare,1863, I, 1, p. 5).C'est bizarre que vous ayez le vertige! dis-je. Vous en avez tant vu, de toutes les couleurs : je vous aurais cru plus aguerri! (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 428).
4. En + verbe + subst. déterminé.
a) En connaître un rayon.
b) En boucher un coin, une surface. ,,Interloquer`` (Carabelli, [Lang. fam.]).
B.− [L'antécédent représente une prop. antécédente, ou une idée parfois vague tirée du cont.] .
1. En = de cela.
a) [Dans des loc. fam. ou arg.] Mais toi les nuances tu t'en balances et puis dans le fond ce que je t'en dis... (Prévert, Paroles,1946, p. 160).Voilà quinze jours que je marche, j'en ai plein le cul, je veux me reposer (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 202).
b) En avoir le cœur net. Mon fils est un monstre et me prévenant contre une infirme appelée à jouer un grand rôle dans mon existence. Je veux en avoir le cœur net (Camus, Possédés,1959, 1repart., 4etabl., p. 976).
c) S'en tirer, s'en sortir. Mais non, soi, on ne meurt pas. Les vieux s'en tirent toujours; ce sont les fils qui paient pour eux (Montherl., Demain,1949, III, p. 743).Ils furent l'un devant l'autre également embarrassés et s'en tirèrent tous deux par la pieuse comédie des larmes (Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 204).
d) En revenir, ne pas en revenir (au fig.) (Ne pas) s'étonner. Faut monter la garde, c'est tout. Oh! vous en reviendrez. Ce n'est pas spectaculaire (Sartre, Mains sales,1948, 3etabl., 2, p. 80).
2. En = sur cela (qui a été dit ou va l'être).
a) En appeler à. J'en appelai à l'unité et à la fraternité « pour guérir la France blessée. » (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 274).
b) En croire qqn. Et si vous voulez m'en croire... (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 911).
c) [En relation avec un adv. de quantité] En savoir long, en apprendre davantage. Combien de journaux de captivité pourraient en dire autant? (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 115).Elle fit un mouvement pour se lever, comme si elle avait craint d'en entendre davantage (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 81).
13. ... les légendes locales en savaient long sur les conciliabules qu'avaient abrités ces coupoles mauresques et ces hautes voûtes noires aux suintements de cave... Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 198.
d) [En relation avec un adv. de lieu] En arriver là, en revenir là. Mais sur un signe de Rieux, on en resta là (Camus, Peste,1947, p. 1242).
Rem. 1. Le pron. en s'observe sous une forme non liée avec des verbes de mouvement (princ. aller) dans des formes périphrastiques. a) S'en aller + inf. pour traduire une idée de but. Les bras de la brouette qui le porte (...) où je m'en vais buter (Gide, Voy. Andorre, 1910, p. 312). Tu t'en iras voir les bûcherons et tu les trouveras abattant des arbres (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 764). Garric et Guéhenno s'en allèrent boire ensemble un verre dans un bistrot voisin (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 327). b) S'en aller + part. prés. pour traduire le déroulement de l'action. Un couplet qu'on s'en va chantant (Musset ds Gramm. Lar. 20e1950, p. 333). 2. Dans plusieurs cas, en s'est soudé au verbe, devenant ainsi élément formateur (cf. en-2.). Cette tendance s'observe aujourd'hui dans la lang. où l'on peut noter la forme il s'est en allé. L'âme s'est en allée (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 126). Mon ami s'est en allé sur sa barque et la distance entre moi et lui ne cesse de s'élargir (Claudel, Poés. div., 1952, p. 887). 3. On rencontre ds la docum. la loc. subst. néologique un(e) en-allé(e). a) Au fém. Action de s'en aller (cf. allée ex. 3). − En partic. [Dans le domaine psychol. ou relig., p. réf. à la croyance selon laquelle l'âme se sépare du corps pendant le sommeil et à la mort] α) [En parlant du sommeil] Cette en-allée de soi-même que donne le lit (Goncourt, Journal, 1872, p. 998). β) [En parlant de la mort] Une en-allée de l'existence (Id., ibid., p. 668). b) Au masc. [En parlant des disparus] Armes, vibrez! mains admirables, prenez-les, Mains scélérates à défaut des admirables! Prenez-les donc et faites signe aux En-allés Dans les fables plus incertaines que les sables (Verlaine, Poèmes divers, 1896, p. 264).GÉNÉRALITÉS1.En tant que pronom, en se construit avec un antécédent de nature substantive, qu'il s'agisse d'un subst. proprement dit ou d'un pronom qui le représente, ou d'un subst. inclus dans une loc. adv., ou enfin d'une prop. reprise en tant qu'entité globale après nominalisation implicite par en.2.Quelle que soit sa forme, l'antécédent relève normalement de l'inanimé ou de l'animé non hum. (animaux); plus rarement en peut représenter un subst. désignant un animé hum.3.Dans certains cas, en nombre limité, l'antécédent est sous-entendu (implicite) et se dégage de la situation en vertu de l'usage. Dans d'autres cas, il est réduit à l'emploi d'élément formateur modifiant le sens du verbe avec lequel il est construit; on présentera cet emploi en entrée distincte.4.À l'intérieur de la prop. où il est placé, en remplit auprès des termes de cette prop. toutes les fonctions assumées par de, soit dans ses emplois de prép., soit dans ses emplois d'art. indéf. ou partitif. Lorsqu'il représente un antécédent subst. proprement dit, il peut être lui-même déterminé dans certaines limites.5.Enfin, en tant que pronom atone, il pose des problèmes de place dans la phrase.
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃]. Comme en1se lie sans perdre sa nasalité quand il est préposé à un mot commençant par une voyelle. Ex. J'en ai [ʒ ɑ ̃nε]. Dans le midi [ʒanε]. Il n'y a pas liaison lorsque en suit un impér. et précède un mot commençant par une voyelle. Ex. Donne m'en un [dɔnmɑ ̃ œ ̃]. Donne m'en aussi [dɔnmɑ ̃osi]. Il n'y a pas de liaison quand en est postposé. Ex. Cet enfant en abuse [sεtɑ ̃fɑ ̃ ɑ ̃naby:z]. Cependant lorsque en est postposé à un mot finissant par s, z il semble que dans le lang. soutenu on puisse entendre aujourd'hui la liaison [z]. Ex. Donnez-en [dɔnezɑ ̃]. Ce qui est encore rejeté par Littré. Cette liaison est évitée dans le cas d'allitération abusive du type : Les ans en sont la cause (La Fontaine). Ds Ac. 1694-1932. Homon. an. Étymol. et Hist. A. 1. 842 pron. équivalent à de cela (exprimant un rapport de cause, de manière, de provenance, d'agent, d'objet) (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p. 2 : si io returnar non l'int pois); 2. ca 1100 partitif (Roland, éd. J. Bédier, 69 : Des plus feluns dis en ad apelez). B. Fin du xes. adv. de lieu (Passion de Clermont-Ferrand, éd. d'Arco Silvio Avalle, 325). Du lat. class. inde « de ce lieu; de tel fait; de qqc., de qqn ». Ces derniers sens sont attestés dès Plaute, mais deviennent fréquents surtout en b. lat. et lat. médiév. (v. J. Pinchon, Les pron. adv. en et y, pp. 11-14).
STAT. − En1 et 2. Fréq. abs. littér. : 798 415. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 176 198, b) 1 135 542; xxes. : a) 1 081 159, b) 1 133 281.
BBG. − Kaminska (a). La Valeur des pron. pers. en et y ds Aucassin et Nicolette. R. Ling. rom. 1965, t. 29, pp. 98-104. − Ohlander (U.). Det franska pronominaladverbet en i partitiv användning. Moderna Språk. 1946, t. 40, pp. 266-280. − Pinchon (J.). Hist. d'une norme. Emploi des pron. lui, eux, elle(s), en, y. Lang. fr. 1972, no16, pp. 74-87. − Ruwet (N.). Note sur la synt. du pron. en et d'autres sujets apparentés. Lang. fr. 1970, no6, pp. 70-83.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·