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Cour. [En devant un nom sans art.] ♦
Vx. [Dans qq. expr. vieillies ou figée en = sur] Mitre en tête. Casquette en tête (Balzac, Honorine,1843, p. 368).Il entre en scène (Green, Journal,1946, p. 63).Se promener en mer (Gracq, Syrtes,1951, p. 109).Christ né de Marie et mort en croix (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 141).Mettre en chantier (Goldschmidt, Aventure atom.,1962, p. 250):1. Si ma mémoire ne me trompe pas, T'Serstevens a publié (...) un grand article entièrement consacré à Chadenat; il a donc été le premier à parler de ce libraire extraordinaire, dont il a tracé le portrait en pied, à la manière des peintres historiques, drapant le personnage pour en faire le seul connaisseur actuel de la mer des Caraïbes...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 332.
Rem. Dans ces expr., en possède un des sens de la prép. lat. in = sur. In aram « sur l'autel ». C'est sur ce modèle que l'on dit couramment être en selle, en croupe : Il a fait sa promenade en croupe (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 936), en bicyclette, en moto : Je pars la semaine prochaine, en moto (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 202), à côté de être à bicyclette, à moto : En auto, en carriole, à vélo, à motocyclette, à pied (Id., ibid., p. 228) constr. plus littér. bâtie sur le modèle de la loc. à cheval, ,,anciennement en cheval, refaite par contamination de à pied`` (A. Rigaud ds Vie lang., 1967, p. 595). Les loc. formées avec en sont jugées fam. par certains grammairiens (cf. Dupré, 1972, pp. 814-815) à cause du sens attribué à la prép. ,,On ne peut dire : aller en bicyclette... puisque en a le sens de dans`` (M. Rat, Parlez français, Paris, Garnier, 1940, p. 2). De fait, le fonds TLF donne 120 ex. de aller à bicyclette et 34 ex. de en bicyclette, loc. pourtant la plus répandue dans la lang. orale.
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[En exprime un lieu à l'intérieur duquel on se trouve] ... pieux cloître Est mon cœur, et sainte fleur en paradis (Moréas, Sylves,1896, p. 154).Le riz manquait déjà en ville (Camus, Peste,1947, p. 1381).En classe (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 135):2. Ce sont, surtout, ces conditions de l'action dans la métropole qui m'imposèrent, au cours de cette période, de maintenir à Londres le siège du comité national. Pourtant, l'idée me vint souvent de l'établir en territoire français, par exemple à Brazzaville.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 238.
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[Devant les noms propres de pays ou de provinces fém., ou masc. à initiale vocalique ainsi que devant les noms masc. à initiale consonnantique qui désignent des provinces fr.] Tu m'as promis dix fois de rentrer avec moi en France (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 44).En Lorraine et dans le Luxembourg (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 27).À Shippingport en Pennsylvanie (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 95):3. « Le génie de notre époque, constate M. Grenier, souffle en faveur de Kafka... Même en URSS, on ne voit plus comparaître en cour d'assises de personnages dostoievskiens. »
Sarraute, L'Ère du soupçon,1956, p. 9.
Rem. 1. Au xviieet au xviiies., on employait à la, à l' devant le nom de pays fém. lointains à la Floride, à la Chine, à l'Amérique (cf. prép. à, ex. 86-89). 2. L'alternance en/au correspond à une vision différente. Vision étendue pour les pays proches ou connus [en] − vision ponctuelle pour les autres pays [à] − en France/au Canada, au Pérou.
♦ [En oppos. à à, à à la, devant les noms propres fém. des grandes îles proches ou lointaines] Sans doute, les Britanniques allaient-ils tenter de s'accrocher en Crète (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 152).
♦ [En oppos. à dans, devant les noms propres des départements composés de deux termes coordonnés par et] Cette sous-préfecture arbitrairement rejetée en Maine-et-Loire par les conventionnels (H. Bazin, Vipère,1948, p. 225).Cf. également Du temps que j'étais « propriétaire » en Calvados (Gide, Feuillets d'automne, 1949, p. 1087).
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Vx ou provençal [Devant les noms de villes du Midi à initiale vocalique] Le grand jour, en Aps, c'est le lundi, le jour du marché (A. Daudet, N. Roumestan,1881, p. 333).Je dus rejoindre mon père putatif en Athènes (Gide, Thésée,1946, p. 1418).En Alger (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1579):4. Et si vous voulez, je suis prêt à me rendre en Arles et tant pis pour moi si les copains ne comprennent pas qu'on peut se tromper!
Cendrars,Bourlinguer,1948,p. 279.
♦ [Devant des noms propres d'écrivains, d'artistes, lorsqu'on envisage la pers. même et non son œuvre − exprimée par dans*] Ce n'est nullement la drôlerie qui me ravit en Molière, mais bien la langue, admirable entre toutes (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1191).
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[En corrélation avec de; avec une idée de direction] Quand il courait à plat, l'homme tout seul, de sentier en sentier (Jouve, Scène capit.,1935, p. 24).S'avancer d'île en île (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 488).Les singes sautent de branche en branche (Sartre, Mots,1964, p. 206):7. J'ai entendu le faible tremblement de l'air, sorti d'abord d'une simple poitrine, embraser mon peuple de proche en proche à la façon d'un incendie.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944p. 888.
8. Et c'est ainsi que, d'étape en étape, sous le simple effet multipliant des générations, nous en sommes arrivés à la situation présente, de constituer ensemble une masse presque solide de substance hominisée.
Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 266.
a) [L'espace est circonscrit à une pers.] −
[La pers. même] Résidant de cœur en la reine (Saint-Exup., Citad.,1944p. 800).En la personne par exemple du général Giraud (De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 259):9. Jacqueline aimait tout en François, son aspect un peu massif, son courage physique, son sens de l'honneur, ses grandes crises d'enthousiasme chaque fois qu'il entreprenait quelque chose, ses défaillances soudaines à la moindre anicroche qui prouvaient qu'il prenait la vie à cœur; ...
Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 42.
− [Son physique] Notre prédestination n'est point inscrite en notre chair et en notre sang (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 270).Nous avions en main ce bâton qu'on appelle « alpenstock » (Gide, Et nunc manet,1951, p. 1136).
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[Son psychisme] Je savais ce que tu avais en tête (Gracq, Syrtes,1951, p. 341).Un état affectif, enclos en notre âme (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 313).En son for intérieur (Huyghe, Dialog. avec visible,1955p. 314).♦ En partic. [En parlant de Dieu, pour évoquer une union profonde avec lui (cf. infra croire en Dieu)] Le prince Jésus (...) remonta vers le bon Seigneur son père. « Et depuis ce temps-là tous ceux qui meurent en lui vont au ciel (...) » (France, Thaïs,1890, p. 97).
b) P. anal. [L'espace est une chose abstr.] − [Le compl. est un domaine abstr.] En peinture aussi bien qu'en littérature (Gide, Journal,1940, p. 46).En musique (...) les phénomènes périodiques (...) qui constituent le temps dans le temps dont est faite toute forme sonore (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 51).
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[Le compl. est un domaine où s'exercent] ♦ [la spécialisation de qqn ou de qqc.] Artiste peintre ou peintre en bâtiment? (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1647).
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[la capacité, la performance de qqn ou de qqc.] Il doit prouver pour la première fois ma capacité en administration (Chateaubr., Corresp.,t. 2, 1789-1824, p. 379).En Murillo, le musée [du Louvre] est beaucoup plus riche (Gautier, Guide,1872, p. 114).Rem. Il faut observer que tous ces compl., le plus souvent indéterminés, ont gén. une valeur nom. très faible. En introduit un compl. à valeur abstr. p. oppos. au compl. plus concr. introduit par dans. Avec en l'idée d'intériorité s'est amoindrie au profit d'une sorte d'ambiance. C'est pourquoi en est propre à suggérer un état, une situation. Ainsi en l'air s'oppose à dans l'air; en classe à dans la classe comme en prison à dans la prison.