1. [En fonction de suj.] a) [Suj. prédicatif; forme d'insistance, ou pour s'opposer à un autre pron. pers.; parfois séparé du verbe par une virgule ou par un membre de phrase, à la différence du pron. atone il(s)1, elle(s); non commutable avec moi ou toi, ces pron. ne pouvant être qu'apposés à un suj.] À l'asile, on les plaisantait, on disait à Pérez : « C'est votre fiancée ». Lui riait (Camus, Étranger,1942, p. 1132):7. Les passans qui me voyaient auraient pu dire : Voilà un fidèle croyant. Mais eux priaient, et moi j'écoutais; eux adoraient, et moi je cherchais à adorer...
Quinet, All. et Ital.,1836, p. 196.
− [Parfois séparé du verbe] Eux, nous étonnaient par leurs principes dégénérés; et nous, nous les étonnions par nos idées et nos mœurs nouvelles (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 112).Il la boudait (...). Elle pourtant, à chaque minute, (...) semblait l'inviter à être aimable (Zola, Germinal,1885, p. 1180).
− Lui + rel.Lui qui aimait faire l'homme d'importance, s'oubliait (Pourrat, Gaspard,1925, p. 12).
−
Lui renforcé par aussi, au moins, du moins, non plus, seul, ou par un adj. numéral cardinal, ou par tous.Eux deux, elles toutes. Napoléon : (...) Je demande mes maréchaux (...). Santini : Ils ont pris la route de Paris (...). Caulaincourt : Vous le voyez, sire; eux aussi vous abandonnent (Dumas père, Napoléon,1831, iv, tabl. 14, 2, p. 99).♦ Lui-même (non réfl.; v. aussi même).Marguerite : je ne reverrai jamais mon fils! et qui peut en répondre, madame? La marquise : Lui-même ignorera qui il est (Dumas père, Jones,1838, V 2, p. 195).Et que veux-tu savoir, quand lui-même ne sait rien encore? (Claudel, Père humil.,1920, i, 1, p. 485).
b) [Suj. coordonné à un subst. ou un pron.] Eux et moi serons contents (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1878, p. 242).Pas une minute, ni eux, ni personne, ne soupçonnèrent l'épouvantable vérité (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 147).−
[ou suj. d'une prop. comparative ell.] Frère sombre et pensif des arbres frissonnants, Tu laisses choir tes ans ainsi qu'eux leur feuillage (Hugo, Contempl.,t. 2, 1856, p. 129):8. Et moi aussi, je suis comme eux. Mais quoi! La mort n'est rien pour les hommes comme moi. C'est un événement qui leur donne raison.
Camus, Peste,1947, p. 1316.
c) [Suj. d'une prop. ell.] La soirée était chaude, et des papillons venus du jardin tournoyaient autour des bougies. Eux aussi! répliqua ironiquement le petit bossu (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 49):9. Quelles tourtes, ces examinateurs! L'esprit le plus obtus aurait compris que, par ce temps écrasant, nous composerions en français plus lucidement le matin. Eux, non.
Colette, Cl. école,1900, p. 199.
d) [Suj. d'un inf. de narration] Et lui de renchérir, de répliquer, de conclure. Et lui de cornemuser et nous tous de trépigner comme des fous (Sand, Maîtres sonneurs,1853, p. 96).Eux, alors, de lâcher leur fardeau (...) et puis de s'enfuir à toutes jambes (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 46).
e) [Suj. d'une prop. part. abs., ell. du verbe être] La jeune fille qu'il a conduite à cette ferme, il y a six semaines, lui déguisé en ouvrier (Sue, Myst. Paris,t. 2, 1842-43, p. 280).Cependant, lui parti, M. Baslèvre n'aurait pu agir autrement (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 18).Je ne parviens pas à résister à dire, à formuler, eux absents, ce fond de ma pensée (Du Bos, Journal,1926, p. 31):10. En vain Rachel, puis Théophile Gautier ou Victor Hugo ont-ils tenté de rendre à l'enclos déserté une vogue éphémère : eux partis, un abandon définitif s'est appesanti sur ce lieu plein d'histoire.
Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919p. 3.
2. [Dans les autres fonctions, toujours en cont. prédicatif] a) [En tournure ell., dans des phrases interr., exclam., le pron. formant à lui seul la question ou la réponse] Vous l'avez joint au téléphone? − Lui-même (? en personne). Oh! lui alors! Encore lui! Toujours lui! Impossible... Dites-lui que je ne pense recevoir aucun journaliste... Non, même pas lui! (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 473).− En partic. [Phrases exclam. à valeur affective] Cette grossesse l'exaspérait. Lui qui prenait tant de précautions! (Zola, Terre,1887, p. 242).− Mais tous semblaient ravis? − Oh! Eux!... (Malraux, Conquér.,1928, p. 19).
b) [En coordination avec un subst. ou un pron.] J'embrasse ton mari, et toi, et lui, et toi encore (Hugo, Corresp.,1843, p. 607).Vous lui donnez un emploi chez vous (...) en vertu d'un traité qui n'engage ni lui ni vous pour un temps déterminé (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 436).
c) [En tournure compar.] Je vous confie la lettre ci-jointe écrite à Dubochet, prenez-en connaissance car elle vous regarde ainsi que lui (Balzac, Corresp.,1844, p. 664).
d) [Après le présentatif c'est ou il y a ou dans la tournure c'est... qui/que] C'est bien elle. Toutes lui ressemblaient, − ce n'était jamais elle (Musset, Namouna,1832, p. 433).Ils jouaient l'indifférence, ce n'étaient pas eux (Zola, Page amour,1878, p. 1041).On a sonné! On vient! C'est eux! (Giraudoux, Lucrèce,1944, ii, 4, p. 129).♦ [P. allus. littér. à Montaigne (Essais, i, 27, De l'amitié)] Inutile de chercher d'autres raisons que celle-ci : « Parce que c'était eux, parce que c'était moi... » (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 253).
−
C'est lui qui/que/dont, etc. Ce n'étaient pas eux qui fuyaient les détails, mais les détails qui les fuyaient (Baudel., Salon,1846, p. 150).Les idées nouvelles ne peuvent être vaincues que par elles-mêmes, ou plutôt ce sont elles qui vainquent leurs adversaires (Renan, Avenir sc.,1890, p. 521).C'est bien lui surtout que je suis venu voir (Gide, Journal,1905, p. 151):11. Était-ce lui qui avait discrètement renvoyé Marika? N'était-ce pas elle plutôt qui s'était enfuie, effrayée par l'aspect du pays, ou doutant de mes promesses, ou craignant la colère des personnes dont je dépendais?
Larbaud, Barnabooth,1913, p. 185.
♦ En partic. [En phrase exclam.] C'est lui qui sera content! C'est lui, oui, qui a de la chance! (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 79).
− [Après le tour présentatif il y a servant de mise en relief] Oh! mon Dieu, s'il n'y avait pas Vous! Il s'entendit murmurer à voix presque haute : « S'il y a Lui, il est bien caché » (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 315).
− Emploi subst. Dira-t-on que pour Dieu ces adhérences se rompent? Mais il est facile de voir que Dieu ainsi défini n'est en rien pour moi et que je ne suis en rien pour lui. Rien si ce n'est un lui qui ne pourra jamais devenir un toi (G. Marcel, Journal,1918, p. 137).
e) [Après le tour restrictif ne... que] Je n'ai trouvé que lui qui m'ait parlé sentiment d'une manière attachante et vraie (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1630).Et je n'ai plus trouvé de grand dans l'univers que lui et son auteur (Delacroix, Journal,1822, p. 19).Il n'y avait plus qu'eux sur la terre (Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 293).
f) [En fonction d'appos.]
α) [au suj., ce dernier étant un subst., un pron., ou un pron. atone de la même pers. et du même genre : lui, il..., elle, elle..., eux, ils..., elles, elles...; le pron. tonique est parfois séparé du verbe par une virgule ou par un membre de phrase] Et ceux qui ont perdu la vie, n'ont-ils rien perdu, eux? (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 311).Vous sauvez la vie aux gens, et après vous les oubliez! Oh! c'est mal! eux ils se souviennent de vous! (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 562):12. Pour un blessé que nous soignons par hasard, pour un enfant à qui nous donnons à manger, la guerre infatigable en fait par centaines, elle, et tous les jours, des blessés, des malades et des abandonnés.
Péguy, Myst. charité,1910, p. 20.
− [Accompagné d'un compl. circ. de constr. dir.] Nous passâmes encore un pont, lui, son sac de jouets sur l'épaule, moi, un fragile carton aux doigts (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 254).
−
En partic. ♦ [Dans les prop. part. (lui + part. prés. ou part. passé)] Et nous allions tous deux, lui pensant, moi rêvant (Hugo, Feuilles automne,1831, p. 775).Ils couraient par la plaine vide et rase, lui ballonné dans sa blouse, elle échevelée, son bonnet au poing, tous les deux répétant les mêmes mots, grondant comme des bêtes traquées (Zola, Terre,1887, p. 449).
♦ [Dans une énumération, pour expliciter un pron. pers. sing. ou plur.] Il est certain qu'elle me déplaît, elle, sa foulure et son bouillon (Musset, Il ne faut jurer,1840, ii, 1, p. 126).Nous étions restés orphelins, moi à cinq ans, lui à dix-huit (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 633).Il périt tout entier, lui et sa vile carcasse! (Claudel, Choéphores,1920, p. 924).
♦
Fam. [Après un autre suj. en appos. et le renforçant] Les Japonais, eux, ils ne demandent pas tant de choses (Goncourt, Journal,1876, p. 1151).Rem. On relève a) une forme pop. eusses : Eusses, ils ne connaissent rien (France, Crainquebille, 1905, tabl. 1, 3); b) une forme pop. ou région. (Canada) eux autres : Et eux autres maintenant, (...) ils disent que nous sommes morts (Claudel, Agamemnon, 1896, p. 882). Ce sont des dames riches qui apportent des jouets aux petits garçons malades, ou d'autres enfants, qui en ont plus qu'ils en veulent, eux autres (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 277).
β) [au compl. d'obj. dir. (souvent pour reprendre un pron. pers. atone)] Vous verrez le directeur général lui-même. Mais eux ça les tentait pas l'aventure (Céline, Voyage,1932, p. 232):13. Les aquarelles de Cézanne constituent un chapitre à part, et pour lequel mes connaissances actuelles sont encore trop déficientes. Je les admire, elles, sans réserve...
Du Bos, Journal,1928, p. 134.
−
En partic. ♦ [En coordination (souvent pour dédoubler un pron. pers. atone au sing. ou au plur.)] Je les considérais avec surprise, eux, leurs armes et leur accoutrement (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 229).On les accuserait tous deux, lui d'un manque de franchise, elle de l'oubli de ses devoirs (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 103).Je sais qu'il déteste le bruit, qu'il désire qu'on ne le mette, ni lui, ni les siens, en scène (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. xiv).
♦ Lui qui. Pourquoi l'avaient-ils crucifié, lui qui chérissait les enfants (...)? (Flaub., Cœur simple,1877, p. 26).
♦
Vx. Lui + adj. numéral ordinal. Quel beau rôle Que celui d'un nigaud qui gémit et qui piaule, Et qui de vers connus dans un livre-glaçon, Nous donne, lui centième, une contrefaçon! (Pommier, Crâneries,1842, p. 161).On le ramassa sous les balles, lui troisième, à l'assaut d'un village (P. Margueritte, Simple histoire,p. 297 ds Le Bidois 1967, t. 1, § 288):14. Zeus ayant rempli son cœur de l'art divin
L'établit, lui quatrième en ce siège par ordre chronologique,
Prophète du dieu son père, Loxias, tel qu'encore il est aujourd'hui même.
Claudel, Euménides,1920, i, p. 950.
g) [En fonction d'attribut prédicatif] Tout ce qui n'est pas lui; je ne voudrais pas être lui (= je ne voudrais pas être à sa place). Dans sa création le poëte tressaille; il est elle, elle est lui (Hugo, Contempl.,t. 1, 1856, p. 74):15. Bouvard et Pécuchet m'emplissent à un tel point que je suis devenu eux! Leur bêtise est mienne et j'en crève.
Flaub., Corresp.,1875, p. 237.
h) Fam. [En fonction de thème, ne renforçant ni le suj. ni le compl. d'obj. et signifiant, dans des tours ell., « pour lui, quant à lui »] Lui, très troublé; elle... ses lèvres tremblaient un peu (Rolland, J.-Chr.,Nouv. journée, 1912, p. 1437).Chacun ses monstres, eux c'était l'Amérique leur bête noire (Céline, Voyage,1932, p. 233):16. Et lui aussi, le vieux Peuch, il a tout son menu sur son gilet. Mais, lui, ce n'est pas de l'œuf. Il n'en mange plus, à cause du foie. C'est de la sauce béchamel ou quelque autre saleté de cette espèce.
Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 21.
i) [Avec valeur d'oppos.] Racine s'est trouvé là : autant valait, je crois, pour modèle choisir lui qu'un autre (Dumas père, Charles VII,1831, préf., p. 230).Rem. Pour éviter soit une équivoque, soit un sens trop concr., on emploie après le verbe le pron. compl. d'obj. dir. tonique et on laisse devant le verbe le pron. atone de la 1reou de la 2epers. compl. d'obj. indir. ou d'attribution. Cette lettre m'apporte, lui tel que je l'ai connu; elle me rappelle lui en ce moment. ,,Ces cas sont (...) assez rares et leur correction sera contestée par beaucoup`` (Sandf. t. 1 1965, § 43).