1. D'une manière douce, délicate, agréable aux sens. a) Domaine du goût.Tout ça [le mariage de Daniel] pour en venir là, au fauteuil d'osier, au goût doucement pourri du marc dans sa bouche (Sartre, Sursis,1945, p. 107).
b) Domaine de l'odorat.Pour plancher, j'ai l'herbe fine, fleurie d'une minuscule variété d'iris : c'est un beau tapis violet doucement odorant (Loti, Au Maroc,1889, p. 19).Le voyageur solitaire ne perçut d'abord des ténèbres qu'une odeur plus violente et plus âcre, parfois doucement miellée, de la forêt endormie (Bernanos, Nuit,1928, p. 18).
c) Domaine de la
vue
α) [En parlant d'une couleur] La femme dans des tons doucement roses, violets et blancs (Goncourt, Journal,1860, p. 818):1. Coucher de soleil : L'œil se caressait « à le regarder, c'était une couleur si douce, si suave! C'était un mélange de lumière, d'opale et d'azur, tout cela mêlé et fondu si doucement que cela formait une nuance d'un charme inexprimable » : ce devait être là comme le disait si bien Mmede Caud, la couleur de l'Olimpe.
Chênedollé, Journal,1817, p. 87.
β) [En parlant d'une forme] :
2. Mon berceau ne fut qu'un sourire, et mon père et ma mère et les montagnes. Et, sans doute, parce que je fus ainsi enveloppé de ces lignes doucement incurvées qui font les lèvres joyeuses pareilles aux Pyrénées ensoleillées, tout au long de ma vie ce qui m'a le plus impressionné dans les physionomies, c'est le sourire.
Jammes, Mémoires,1922, p. 147.
− En partic. [En parlant d'un élément du relief] Le pays, doucement vallonné, semble un parc de la campagne anglaise (Gide, Retour Tchad,1928, p. 950).
d) Domaine du toucher.D'une main machinale, Laure (...) lui caressait doucement les cheveux (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 408).
e) Domaine de l'ouïe.Chanter, parler doucement. On frappa doucement à la porte (Genlis, Chev. Cygne,t. 1, 1795, p. 179).On me dit : « Il [M. Lavisse] n'est pas méchant. C'est un bon homme. » On ajoute doucement : « C'est un faible » (Péguy, Argent,1913, p. 1268).Songez à son application [du tourneur] (...) à marteler sa cloche ou sa cuve de bronze, tout ce qui est doucement et mélodieusement sonore (Faure, Espr. formes,1927, p. 67).
2. P. ext. a) Avec des mouvements doux, sans brusquerie ni à coups. Ce cheval galope fort doucement (Ac. 1798); voiture qui part doucement (Rob.1955).
b) D'une façon discrète, légère. Et les branches étaient doucement frémissantes (Rostand, Musardises,1890, p. 55).Par-dessus le mur, les lilas aux rameaux touffus balançaient doucement, imperceptiblement, les grappes desséchées de leurs fleurs (Carco, Voix basse,1938, p. 40):3. Je n'ai pas de conseil à vous donner, ma petite Lucie, disait MmeTroussereau; mais avec votre façon de ranger votre armoire, je me demande comment vous pouvez vous y retrouver. Maman blêmissait doucement car elle avait, juste, toutes sortes d'idées héréditaires sur la façon de ranger les armoires.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 113.
3. De façon progressive. (Quasi-)synon. lentement.Je fais tout doucement ma petite maison, Et j'amasse en été pour l'arrière-saison (Collin d'Harl., Vieux célib.,1792, II, 2, p. 33).Mon cœur, ardent et lourd, est cette poire Qui mûrit doucement sa pelure au soleil (Noailles, Cœur innombr.,1901, p. 18).Elle commence tout doucement à s'accoutumer à Disraëli et les traite, lui et sa femme, avec bonté (Maurois, Disraëli,1927, p. 218).− Domaine culin. et techn.[En parlant d'un aliment] Cuire* doucement. Au fond du chaudron de fer, un paleron de jeune porc frais gratinait doucement avec un morceau d'échinée (Guèvremont, Survenant,1945, p. 102).
4. Fam. (Aller) (tout) doucement. Médiocrement, assez mal, couçi-couça. Les affaires vont doucement : 4. ... nous vivons, dit-il, tout doucement. J'ai bien de petits agrémens, je prends tout le bois qu'il me faut dans la forêt; j'ai une bonne basse-cour, mon potager me donne des légumes en quantité, et comme le maître du château ne vient jamais dans sa terre, le père Schmitt est regardé comme le seigneur; il n'y a que l'argent qui manque un peu pour payer exactement le prix de la ferme; ce diable d'argent, ...
Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1643.