1. Arch. et littér. [Dont marque la provenance, l'éloignement, l'extraction] Synon. de où.a) Au sens physique. [Dont marque le point de départ d'un mouvement] Le perdreau, (...) traînant encore l'œuf dont il vient de sortir (Cabanis, Rapp. phys. mor., t. 2, 1808, p. 321).Des trottoirs dont il fallait descendre chaque fois qu'on croisait un passant (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 7):10. ... le Carrefour, propriété de famille aux environs de Pont-l'Évêque, dont il ne bougeait plus, où il se ferait plaisir de me recevoir et de mettre à ma disposition ses papiers, sa bibliothèque et son érudition...
Gide, Isabelle,1911, p. 603.
Rem. 1. Dont ne peut avoir pour antécédent un adv. de lieu. 2. Cet emploi arch. que les grammairiens condamnent est assez répandu chez les aut. mod. avec les verbes qui demandent la prép. de (cf. Grev., § 562).
b) Au fig. −
[L'antécédent désigne un point de départ réel] Il dit que le procès est une faute, une impasse dont ils ne pourront sortir (Goncourt, Journal,1883, p. 226):11. ... puis, tournant le front vers la vitre, il se réfugia dans un silence somnolent, dont il sembla bientôt ne plus vouloir, ne plus pouvoir sortir.
Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1268.
−
[L'antécédent désigne un point de départ fig. pour marquer un mouvement logique, une conséquence] Les questionnaires oraux, dont elle part, donnent habituellement, il est vrai, des résultats assez décevants (Mounier, Traité caract.,1946, p. 26):12. Ainsi la passion retourne contre la raison dont elle est issue les forces que la raison avait libérées dans l'homme.
Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 214.
− [Cas intermédiaires entre l'éloignement et l'éloignement fig.] Il rêvait d'un combat héroïque, d'une longue tuerie dont il sortirait parfait et pur (Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 34).
c) Spéc. [Pour marquer l'origine familiale ou sociale, la descendance, l'extraction; l'antécédent est du type animé (être issu, descendre de)] Sem en eut cinq : chacun eut au moins une épouse, dont il eut maint enfant (Collin d'Harl., Vieux célib.,1792, III, 2, p. 67).Le peuple dont tu sors (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 738):13. Quel miracle − pas d'autre mot − que l'apparition de cet enfant à l'instant précis où les deux lignées dont il sort, Fontanin et Thibault, allaient s'éteindre sans avoir rien donné qui vaille!
Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 920.
2. [Dont marque la cause (avec les verbes demandant la prép. de au sens causal)] a) [L'antécédent est un subst. ou un pron.] Il ne trouvait rien là dont il eût honte et gêne (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 324):14. À l'âge de neuf ans, il [Nodier] s'avisa de faire une déclaration d'amour à une femme de Besançon... Il lui avait donné rendez-vous dans un lieu écarté. Elle vint et lui donna le fouet, dont il pensa crever de rage et de honte.
Mérimée, Lettres à la comtesse de Montijo,1870, p. 93.
b) [L'antécédent est toute une prop., plus rarement une phrase : (ce) dont en appos. (cf. infra)] . Vieilli, rare. Ellipse de ce. Je n'ai vu mademoiselle Molica qu'une fois, je suis trop grand pour aller chez elle, dont bien me fâche (Stendhal, Corresp.,t. 3, 1800-42, p. 272).Sa femme Giuseppa lui avait donné d'abord trois filles (dont il enrageait) et enfin un fils (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 5).
3. [Dont marque d'autres circonstances verbales] a) [Compl. d'agent d'un verbe à la voix passive] Synon. duquel..., par lequel, par qui (dont insiste davantage sur la nature du rapport)− [L'antécédent est un être animé] Quoi cependant de plus digne d'envie, que le sort d'un homme uni à la femme qu'il aime, et dont il est aimé! (Crèvecœur, Voyage,t. 2, 1801, p. 370).L'un aime sans oser le dire à celui dont il ne se croit pas aimé (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 166).
− [L'antécédent est un inanimé] Mandel me parla sur un ton de gravité et de résolution dont je fus impressionné (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 58).On est déconcerté par ces détails sans importance dont ils paraissent avoir été surtout frappés, qu'ils semblent avoir surtout retenus (Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 128).
b) [Compl. circ. de moyen, d'instrument; l'antécédent désigne un inanimé] Synon. par lequel, avec lequel.Son jeune disciple lui apporte la flûte dont il avoit coutume de jouer (Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 135).Un rasoir dans la [main] droite dont il s'est coupé le cou (Mérimée, Lettres à M. Panizzi,1870, p. 135):15. ... Madame Gide a fait confectionner de grandes housses en forme, dont on couvre les bibliothèques du palier, le matin, pendant l'heure du ménage...
Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1385.
− En partic. [Moyen de subsistance] D'où venait le goût si particulier des petits pois dont ils déjeunèrent (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 330).
c) [Compl. circ. de manière; l'antécédent est un subst. désignant la manière] (À, de) la façon, la manière dont... du train dont il va (Nouv. Lar. ill.). Synon. par lequel, avec lequel.Du train dont va le monde (cf. Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1227).Presque du ton dont il eût dit : « Allez réviser votre cours de tactique » (Abellio, Pacifiques,1946, p. 131):16. ... j'invitai les deux diplomates à faire savoir de ma part, respectivement à MM. Roosevelt et Churchill, que, s'ils devaient un jour modifier leur position, j'attendais d'eux qu'ils nous en avertissent avec la même diligence dont j'usais à leur égard.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 72.
Rem. 1. On rencontre ds la docum. un sens vieilli de dont = dans laquelle. Vous ne sauriez croire la joie dont je suis (Chateaubr., Corresp., t. 2, 1789-1824, p. 204). 2. De la façon dont, du train dont vont les choses n'est pas une constr. pléonastique. De la façon dont vont les choses, elle pourrait bien avoir parlé pour rien (Camus, Peste, 1947, p. 1446).
d) [Compl. circ. de matière, et, p. ext., dont marque le point de départ d'une transformation (de = à partir de)] Le caoutchouc dont sont faits les ballons et les balles qui figurent les mamelles (Apoll., Tirésias,1918, p. 867).Cet homme était de la pâte dont sont faits les prophètes (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 305):17. ... la matière dont il était fait ne semblait pas de la chair humaine, mais bien quelque substance éthérée, quelque paraffine translucide et nacrée, quelque pulpe immatérielle; on eût dit une chair d'hostie.
Gide, Journal,1949, p. 336.
− P. ext. [Point de départ d'une transformation] Tel insecte dont elle fera sa nourriture (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 312).Celle dont il entend faire une vicomtesse de Clérambard (Aymé, Cléramb.,1950, p. 159).
e) [Compl. circ. de propos] Synon. au sujet duquel, à propos duquel (de qui, de quoi).Cet homme, en particulier, dont il est question maintenant, ne sent, pour ainsi dire, que lorsqu'il se meut (Cabanis, Rapp. phys. mor.,t. 1, 1808, p. 395).J'avais alors ma fillette malade dont je ne savais plus rien (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 119).Cet art dont vous avez si bien écrit (Montherl., Malatesta,1946, I, 7, p. 451):18. J'emploie constamment les mots de matière et de forme. On peut se demander ce dont il s'agit exactement.
Schaeffer, À la recherche d'une mus. concr.,1952, p. 50.
Rem. 1. Dans bien des cas, on peut aussi considérer ce compl. comme un compl. d'obj. indir. (obj. second) d'un verbe trans. à double constr. d'obj. C'est ce dont je vous plains. Je n'ai fait aucune chose dont vous ayez lieu de vous plaindre (Claudel, Raviss. Scapin, 1952, p. 1327). Blum considérait sous la seule optique socialiste le grand problème national dont je l'avais entretenu (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 260). 2. Ce dont peut introduire une subordonnée interr. indir. Synon. de quoi. Sais-tu ce dont je parle? (Camus, Justes, 1950, IV, p. 361). Savez-vous ce dont j'ai rêvé (Id., Chute, 1956, p. 1543).