1. [L'obj. désigne une chose] a) Détourner un fleuve, un chemin. Changer son tracé initial. Synon. dériver, dévier.Bruges osa vouloir détourner la Lys et l'empêcher de couler vers Gand (Michelet, Journal,1840, p. 336):1. Les forêts servent d'abord de remparts contre les vents dont elles détournent quelquefois le cours.
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 81.
− Emploi pronom. à sens passif. Un violent cours d'eau qui, rencontrant un obstacle infranchissable, renonce à son cours direct et se détourne (Renan, Souv. enfance,1883, p. 36).
b) P. anal. Détourner un avion. Contraindre le pilote d'un avion de ligne à changer la destination de son appareil : 2. ... un avion venant de Zurich, transportant cent quarante-trois passagers, était à son tour détourné au-dessus de la France. Il devait atterrir par la suite en Jordanie.
Le Monde,8 sept. 1970, ds Gilb. 1971.
c) Détourner qqc. sur/contre qqn ou qqc.Le diriger vers un autre objectif. Tallien (...) détourna le poignard contre l'accusateur même (Chateaubr., Essai Révol.,t. 2, 1797, p. 102).− Par brachylogie. Détourner un coup. Empêcher un coup d'atteindre son but. Un de ces sauvages allait m'enfiler avec sa lance, Renard le voit, pousse son cheval entre nous deux pour détourner le coup (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 248).
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Au fig. Diriger quelque chose vers un autre centre d'intérêt. Détourner l'attention, la conversation, les soupçons. Hâtez-vous de détourner les effets de la colère céleste, en punissant les ennemis des dieux (Chateaubr., Martyrs,t. 2, 1810, p. 146).Aussi je détournais la conversation par discrétion. Par scrupule aussi (Proust, Swann,1913, p. 144):3. Imaginez que Larsan, qui a, lors de ses trois tentatives, tout mis en train pour détourner les soupçons sur M. Darzac, ait fixé, justement, ces trois fois-là, des rendez-vous à M. Darzac dans un endroit compromettant...
G. Leroux, Le Mystère de la chambre jaune,1907, p. 148.
d) Au fig., péj. Détourner un texte, le sens d'un texte, d'un mot, etc. Lui donner une signification qui s'écarte du sens véritable. Les mots s'usent par la circulation, les acceptions se détournent, les traces de l'étymologie se perdent et la langue se dénature (Cournot, Fondem. connaiss.,1851, p. 436).
2. [L'obj. désigne une pers.] a) Détourner qqn (de sa route). Écarter, éloigner quelqu'un de sa route directe. Il est près de midi, n'est-ce pas? Si on ne me l'a pas détourné en route, ton frère doit être à moins d'une lieue d'ici (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 205).−
Emploi pronom. réfl. Faire un détour. Au crépuscule, je me détournai de la route pour demander asile chez des paysans (Tœpffer, Nouv. genev.,1839, p. 125):4. ... je passerai certainement par Vittoria; mais il n'est pas impossible que je me détourne pour aller à Pampelune, et, à cause de vous, je crois que je ferais volontiers ce détour.
Mérimée, Carmen,1847, p. 28.
b) Au fig., souvent péj. Détourner qqn d'une occupation, d'un travail, d'un projet, d'une pensée, etc. Le faire renoncer à poursuivre une tâche entreprise, l'éloigner de ses préoccupations. Synon. éloigner, distraire, dissuader.Ainsi, sans en parler, elle détournait l'idée d'un mariage (Michelet, Journal,1849-60, p. 590).Et l'activité joyeuse de la place Clichy, à midi, ne me détourne pas d'un souvenir agaçant, tout frais, tout vif (Colette, Vagab.,1910, p. 153):5. ... le trop vif intérêt que je prends aux événements qui se préparent, et en particulier à la situation de la Russie, me détourne l'esprit des préoccupations littéraires.
Gide, Journal,1932, p. 1100.
− Emploi pronom. Se détourner de son devoir, de son travail, de qqn. Si occupé et si absorbé que je sois, je me détournerais un moment de mon travail, s'il y avait là un devoir à remplir (Hugo, Corresp.,1862, p. 369).Ces Gaulois (...) n'admettent pas le temple (...); ils se détournent des idoles (Barrès, Cahiers,t. 5, 1906-07, p. 273).