A.− [Le suj. désigne une pers.] 1. Mettre une chose dans un lieu déterminé, dans un lieu sûr pour qu'elle y soit conservée un temps plus ou moins long en vue d'un usage éventuel; remettre à une instance compétente. Le grand magasin devenu arsenal, dans lequel on a déposé la grosse artillerie (Crèvecœur, Voyage,t. 1, 1801, p. 260).Des caisses d'épargne pour les domestiques économes qui viennent y déposer incontinent tout ce qu'ils ont volé à leurs maîtres (Flaub., Corresp.,1842, p. 99):3. − J'ai l'honneur, dit-il [un monsieur blond] d'une voix chantante, de déposer un rapport sur le projet de loi portant ouverture au ministère d'état, sur l'exercice 1856, d'un crédit de quatre cent mille francs, (...). Et il faisait mine d'aller déposer le rapport, d'un pas ralenti, lorsque tous les députés, avec un ensemble parfait, crièrent :
− La lecture! la lecture!
Zola, Son Excellence E. Rougon,1876, p. 25.
SYNT. Déposer une somme d'argent, à la banque, chez un notaire, entre les mains de qqn; déposer une motion, une proposition.
2. En partic., loc. Déposer un cautionnement. Verser une garantie à titre de caution. Le cautionnement qu'il lui fallait déposer pour entrer en fonction (Dumas fils, Dame Cam.,1848, p. 171).Déposer son bilan. Se déclarer en cessation de paiement. Ils n'ont pas déposé leur bilan (...) la Banque de France les a renfloués (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 236).Déposer un brevet, un label, une marque, un modèle. Le/la soumettre aux formalités du dépôt légal pour en obtenir la propriété et le/la soustraire aux contrefaçons. Les premiers temps, il [mon père] déposait lui-même ses brevets (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 95).Déposer un ouvrage. Le soumettre aux formalités du dépôt légal. La Nationale, où sont déposés tous les livres publiés en France (Bourget, Actes suivent,1926, p. 65).
3. Au fig. Je déposerai dans ton sein le secret de ma vie (Genlis, Chev. Cygne,t. 1, 1795, p. 48).Les histoires de Plutarque déposent pour la vie des germes dans bien des esprits (Barrès, Cahiers,t. 11, 1914-18, p. 34).Les virtualités latentes que Dieu a déposées dans la matière en la créant (Gilson, Esprit philos. médiév.,t. 1, 1931, p. 141).Rem. On rencontre ds la docum. déposé, ée en emploi adj. a) Qui a été confié en dépôt. Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée (Code civil, 1804, art. 1937, p. 349). b) Comm. Qui a fait l'objet d'une formalité de dépôt. Brevet, label, modèle, ouvrage déposé. Un parfum étiqueté, marque déposée (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 120).
B.− P. anal. [Le suj. désigne un liquide] Abandonner au fond d'un contenant des matières solides en suspension. Déposer un sédiment; laisser déposer. Les sels que les vins déposent, quand ils se dépouillent (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 184):4. ... l'eau volatilisée par une chaleur ardente avait déposé tout le sel qu'elle contenait en suspension, et le lac ne formait plus qu'un immense miroir resplendissant.
Verne, Les Enfants du Capitaine Grant,t. 1, 1868, p. 162.
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P. ext. : 5. Rien ne bougeait plus nulle part sous une cendre impalpable qui était la lumière de la lune, et on la voyait flotter mollement dans les airs ou être déposée en mince couche sur les choses, partout où elle avait trouvé à s'accrocher.
Ramuz, Derborence,1934, p. 21.
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Emploi abs. Presque tous les vins déposent en bouteilles (Audot, Cuisin. campagne et ville,1896, pp. 555-556).♦ P. métaph. Vide un bon coup ton cœur où l'amour a déposé (Renard, Journal,1893, p. 168).
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Emploi pronom. Le sel se dépose; se déposer lentement. Un brou de noix qui s'est déposé dans les plis de sa paume (Barbusse, Feu,1916, p. 220).♦
P. métaph. Toute une cuvée de vie séculaire, au fond de laquelle s'est déposé un âcre résidu d'ennui (Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 1002).Rem. On rencontre ds la docum., vieilli, déposition, subst. fém. Accumulation de matières solides. Synon. usuel dépôt. L'accumulation de nouvelles couches osseuses et la déposition successive de l'émail (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 119).