a) Au(-)delà, loc. adv. ♦
[Lieu] Plus loin : 1. ... il aperçoit une maison d'assez belle apparence, et, à travers une grille de fer attenante à la maison, des jardins magnifiques. Au delà, c'est une ligne d'horizon formée par les collines de la Bourgogne, et qui semble faite à souhait pour le plaisir des yeux.
Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 4.
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[Temps] Et nous restions alors à causer ensemble jusqu'à minuit et au delà (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 797):2. Vous comptez pour trop le temps qui vous est donné ici-bas; voyez au delà, portez vos regards sur l'éternité, et tous vos troubles s'apaiseront.
Lamennais, Lettres inédites... à la baronne Cottu,1819, p. 61.
♦ Au fig. Plus loin, plus avant. On ne sauroit aller au-delà [du Faust de Goethe] en fait de hardiesse de pensée, et le souvenir qui reste de cet écrit tient toujours un peu du vertige (Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 71).L'amour l'avait enivrée d'abord, et elle n'avait songé à rien au delà (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 1).
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Plus, davantage, mieux. Nos gros vaisseaux de guerre, armés de cent canons et au-delà (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 277).[Le] monsieur qui a fait l'impossible et au delà pour être agréable à tout le monde (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 3etabl., 3, p. 113):3. [gobseck.] − Vous devriez presque me donner quinze pour cent de mes cent cinquante mille francs.
− Soit, mais pas plus, dis-je avec la fermeté d'un homme qui ne voulait plus rien accorder au delà.
Balzac, Gobseck,1830, p. 404.
− Par au(-)delà, loc. adv., vx, rare, pop. ou région. Synon. de au delà.Bénédiction. Depuis cette marge de sable à ce qui s'étend par au delà! (Claudel, Ville,1893, I, p. 317).
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Par au(-)delà de, loc. prép. Synon. de au(-) delà de :4. Et plus haute que n'est la force et la justice,
Par au-delà du vrai, du faux, de l'équité,
Plus loin que l'innocence ou que le vice,
Luit la beauté.
Verhaeren, Les Villes tentaculaires,1895, p. 203.
b) Au (-)delà de, loc. prép. Plus loin que, de l'autre côté de, en dépassant (un point de repère, un lieu précis). Au(-)delà des mers, de la frontière. Anton. en deçà de.−
[Lieu] ♦
[En étendue] Allongeant sa lèvre inférieure au delà de la lèvre supérieure, elle fit une petite moue (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 77).En face, au delà des toits, le grand ciel pur s'étendait, avec le soleil rouge se couchant (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 9):5. Vous savez que notre famille est originaire d'au-delà des monts, et ce sont les guerres civiles qui nous ont obligés à passer de ce côté-ci.
Mérimée, Colomba,1840, p. 63.
P. métaph. Au(-)delà de la tombe. Après la mort terrestre : 6. On s'exerçait ainsi à aimer dès ce monde ceux qu'on devait aimer dans l'autre : on comptait retrouver au delà de la tombe les saints protecteurs du berceau, les douces amies de l'enfance, les fidèles patrons de l'existence tout entière; ...
Montalembert, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. C.
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[En hauteur] Nous n'avions pas fait baisser le thermomètre au delà de 37 degrés 5 dans l'espoir qu'il n'aurait pas ainsi à remonter (Proust, Guermantes 1,1920, p. 299):7. Au delà des sphères célestes, où se poursuivent les révolutions des astres; au delà du neuvième ciel, qui enveloppe tous les autres dans son immense tourbillon, se trouve le ciel empyrée, pure lumière, lumière intellectuelle pleine d'amour, amour du bien véritable, source de toute joie, joie qui surpasse toute douceur.
Ozanam, Essai sur la philos. de Dante,1838, p. 185.
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[Temps] La conversation s'était prolongée au delà de onze heures (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 927).Les maisons ne remontent guère au-delà du commencement du dix-septième siècle (Gautier, Tra los montes,1843, p. 36):8. J'ai décidé ce matin de ne pas prolonger l'expérience au-delà des douze mois qui vont suivre. Au 25 novembre prochain, je mettrai ces feuilles au feu, je tâcherai de les oublier.
Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1035.
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Au fig. Plus loin que. Cf. dépasser, surpasser, outrepasser et les préf.
trans-, tré-, ultra-.Et si nous allons plus loin, si nous pénétrons au-delà des faits extérieurs, dans la nature même des choses (Guizot, Hist. civilisation,1828, p. 10).L'enfant avait une intelligence si vive, qu'il allait toujours au-delà des questions des professeurs (Zola, E. Rougon,1876, p. 204):9. Ils [le père et le fils] se comprenaient tous les deux très profondément, très au delà des mots. Ils travaillaient ensemble, le soir, pendant les deux heures délicieuses logées entre cinq et sept, pour eux seuls.
Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 58.
♦ En partic. [Pour exprimer de façon hyperbolique un superl. abs.] Au(-)delà de toute expression, de toute attente, de tout ce qu'on peut imaginer, de tout, de toute mesure, de nos désirs, de nos espérances, du possible. Synon. parfaitement, au plus haut point, par-dessus tout, très, au-dessus de.
α) [Après un adj.] Le cabinet de la reine est beau dans tous les détails au-delà de tout ce qu'on peut imaginer (Staël, Lettres jeun.,1786, p. 144).Notre situation était affreuse; nos peines au-delà de toute expression (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 39).Quoique le duc de Richemont fût (...) maladroit au-delà du possible (A. France, J. d'Arc,t. 2, 1908, p. 407).
β) [Après un verbe] Le jeu réussit au delà de toute espérance (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1237):10. J'aime et j'admire au delà de toute expression les personnes qui, par leur esprit d'à-propos (...) ont raison de la bêtise des choses et de la méchanceté des hommes.
Courteline, Un Client sérieux,L'Ami des lois, 1905, p. 201.
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En dehors de, à l'écart de (limites). Il [M. de Charlus] était raseur comme un savant qui ne voit rien au delà de sa spécialité (Proust, Prisonn.,1922, p. 305).Dieu est au delà de toute limitation, il est donc au delà de toute dénomination, si haute soit-elle (Gilson, Esprit philos. médiév.,1931, p. 59):11. Mais si l'homme doit jeter ainsi ses actes au delà du temps et de l'espace, hors du fini et hors de lui, ce n'est pourtant pas inconsistance de désir ni appétit de malade qui, toujours affamé, ne pourrait supporter rien de solide. Car cette inquiétude persévérante n'est bonne que dans la mesure où elle stimule l'activité présente...
Blondel, L'Action,1893, p. 386.