1. [Le suj. désigne une pers. ou un ensemble de pers.] Dédaigner son adversaire, ses proches; dédaigner les honneurs, les compliments, l'argent. Synon. mépriser; anton. estimer, respecter, vénérer.Si les générations actuelles dédaignent les générations vieillies, elles perdent les frais de leur mépris en ce qui me touche (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 580).Je ne suis point du tout de ceux qui dédaignent un peu ces premières fables de La Fontaine (Gide, Journal,1943, p. 243):1. L'évêque était d'autre carrure. Non seulement il dédaignait l'opinion qu'on pouvait avoir de lui, (...) mais il bravait délibérément l'opinion.
Billy, Introïbo,1939, p. 56.
− Emploi factitif. La connaissance du voilier te doit faire chérir et non dédaigner tes planches et tes clous (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 908).
− En partic., dans le lang. de l'amour. − Vous n'avez pas changé, vous êtes toujours charmante! − Oh! reprit-elle [Emma] amèrement, ce sont de tristes charmes, mon ami, puisque vous les avez dédaignés (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 164).Violante était éprise, elle fut dédaignée (Proust, Plais. et jours,1896, p. 57).
− Emploi abs. (p. ell. d'un compl. facile à suppléer), rare. Est-ce que je ne suis pas (...) haï, déchiré (...) Je dédaigne (...) Le dédain protège et écrase (Hugo, Choses vues,1885, p. 72).
2. Littéraire a) [Le suj. désigne une abstraction personnifiée] Les petites passions se firent entendre, la vanité fut seule écoutée, l'opulence dédaigna la médiocrité (Marat, Pamphlets, Appel Nation, 1790, p. 160).Mes rêves palpitants, prêts à prendre leur vol, Tournoyaient dans les airs et dédaignaient le sol (Gautier, Poés.,1872, p. 257):2. Or, cet enchantement [du théâtre], personne au monde n'en exploite mieux les ressources que Christian Bérard, lorsqu'il oppose au réalisme et aux stylisations, ce sens de la vérité en soi, d'une vérité qui dédaigne la réalité, méthode inimitable n'ayant d'autre objectif que de mettre dans le mille à chaque coup.
Cocteau, La Machine infernale,1934, p. 138.
b) Dédaigner jusqu'à, dédaigner même. La longue figure d'un contemplateur qui dédaigne jusqu'aux méditations (Barrès, Barbares,1888, p. 74).Il me faut bien vous en informer, puisque vous ne me faites pas l'honneur de vous en apercevoir : vous dédaignez jusqu'à mon indifférence (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1380).
c) P. litote, constr. négative. Ne pas dédaigner. Aimer assez, beaucoup. Au cas où votre famille ne se chargerait pas de l'établissement de Calyste, la fortune de mademoiselle de Pen-Hoël n'est pas à dédaigner (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 49).Je ne dédaigne pas totalement ce petit jeu (H. Bazin, Vipère,1948, p. 146).
d) Emploi pronom. réfl. ou réciproque. Il y a des sociétés qui se dédaignent et ne se voient point entre elles (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 353).− Dans un cont. de spiritualité.J'ai compris que Dieu est si grand qu'il faut nous dédaigner devant lui en riant (Jammes, Angélus,1898, p. 128).Répondez-moi! Dois-je me dédaigner? Parlez-moi franchement : que suis-je? (Rostand, Aiglon,1900, II, p. 80).