1. Consentir à, s'abaisser à, avoir la bonté de, bien vouloir accomplir une action qui ne va pas de soi. Daigner accepter, dire, donner, écouter, expliquer, répondre. ♦ [Avec une nuance d'admiration ou de reconnaissance] Il était bouleversé qu'elle daignât se faire chair entre ses bras (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 80).
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[Avec une idée de condescendance, jugée déplacée] :
2. Et c'est quand il fut calmé, un peu maté, et marchant auprès d'elle, qu'elle daigna ouvrir la bouche et que sortit sa voix de contralto plus émouvante que le bruit d'un torrent dans un tunnel.
Jouve, La Scène capitale,1935, p. 44.
♦ [Avec le sourire] Daigne, chère, écouter les choses que tu dis (Valéry,
Œuvres,Mélange, Paris, Gallimard, 1959 [1939], p. 323).
− P. anal. [Le suj. désigne une chose personnifiée] Si les arbres qu'on a plantés au bord du Tage ont daigné pousser (Mérimée, Lettres à la comtesse de Montijo, t. 1, 1870, p. 92).Le soleil daignait entrer dans la cuisine (Estaunié, Les Choses voient,1913, p. 92).
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Emploi abs., rare. [P. ell. du compl. déjà exprimé dans le cont.] Ne sais-tu pas que tu seras ma femme le jour où tu daigneras? (Toulet, Le Mariage de Don Quichotte,1902, p. 184):3. Voilà Fantasio, bourgeois de Munich (...) Il se fait bouffon de cour, la fille du roi découvre ses mérites, (...) et finalement donne à Fantasio une clef plus intime que celle des chambellans. Elle lui fait même promettre de s'en servir, car il laisse douter qu'il daigne; mais enfin il promet.
L. Veuillot, Les Odeurs de Paris,1866, p. 233.
Rem. Il se peut qu'il y ait, dans cet emploi, une réminiscence de la célèbre devise des Rohan : « Roi ne puis, prince, ne daigne, Rohan suis » (cf. Littré).
2. En partic. [En tournure négative, souvent avec une idée de réprobation] Ne pas se prêter à, se refuser à une chose normalement due, ne pas prendre la peine de (par indifférence, fierté, mépris). Mais il ne daignait rien voir ni rien entendre, il poursuivit sa marche monotone et féroce (A. France, L'Anneau d'améthyste,1899, p. 386).Ce vieillard qui m'aborda, sans daigner prendre garde aux deux Allemands qui m'encadraient (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 321).−
[Même nuance de réprobation, en dehors de la tournure négative, dans une prop. temporelle d'antériorité] Ser (...) et F... exigent que chaque question leur soit répétée trois fois avant qu'elles daignent répondre (P. Janet, Les Obsessions et la psychasthénie,1903, p. 119).Rem. On rencontre ds la docum. a) Qq. attest. d'un emploi pronom. à valeur subjective. Je ne puis donc que te recommander respectueusement à Madame la Comtesse, afin qu'elle se daigne ne pas te pousser au désespoir par trop de rigueur (J. de Maistre, Corresp., t. 1, 1786-1805, p. 228). b) Qq. attest. d'un emploi littér. de daigner, construit avec une prop. complétive. La Bonté (...) daigna que les bêtes domestiques parussent le propre de ceux qui élèvent (G. Kahn, Le Conte de l'or et du silence, 1898, p. 307).