B.− Endroit où sont enterrés ou simplement entassés à découvert, pêle-mêle, sans sépulture, de nombreux cadavres humains, parfois animaux : 3. Cette plaine, qui m'avait alors donné l'impression d'être toute de niveau et qui, en réalité, se penche, est un extraordinaire charnier. Les cadavres y foisonnent. C'est comme un cimetière dont on aurait enlevé le dessus. Des bandes le parcourent, identifiant les morts de la veille et de la nuit, retournant les restes, les reconnaissant à quelque détail, malgré leurs figures.
Barbusse, Le Feu,1916, p. 289.
4. Les premiers morts avaient bénéficié de la même pompe que leurs camarades des autres pays, mais au quinzième les autorités du camp jugèrent prudent d'arrêter les frais. Les trente ou quarante qui suivirent n'eurent plus droit au cercueil, mais à une simple enveloppe de paillasse en papier; et quand le chiffre des décès dépassa la cinquantaine, le colonel conclut définitivement que les Russes ne méritaient pas tant d'égards, et les fit jeter dans les fosses nus comme des chiens. Est-il même expédient de parler de fosses? Le mot de charnier serait plus exact. Empilés sur trois épaisseurs dans des trous larges de deux mètres et longs de quinze, à la profondeur dérisoire d'un mètre cinquante, les Russes étaient bien enterrés avec une plaque d'identité au cou, comme le règlement l'exige, mais cette plaque était en carton, ...
Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 175.
− P. métaph. Foyer de corruption morale. Idées révolutionnaires (...) qui redeviennent à la mode et (...) qui nous feraient rétrograder jusqu'au charnier fangeux des Hébert, des Chaumette, des Marat, et que tout homme de cœur et d'intelligence doit combattre (Balzac, Correspondance,1831, p. 518).
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P. ext., péj. 1. Toute l'étendue terrestre où s'accumulent les morts des générations successives. Cette nécessité de la mort engraissant le monde, cette lutte pour la vie qui faisait pousser les êtres sur le charnier de l'éternelle destruction (Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 747).Fai[re] retour au charnier commun où les vies confuses s'élaborent (É. Faure, Hist. de l'art,1912, p. 249).♦
P. anal. Endroit où s'entassent de nombreuses personnes plus ou moins assimilées à des moribonds : 5. Beaucoup n'avaient pas de porte, laissaient entrevoir des trous noirs de cave, d'où sortait une haleine nauséabonde de misère. Des familles de huit à dix personnes s'entassaient dans ces charniers, sans même avoir un lit souvent, les hommes, les femmes, les enfants en tas, se pourrissant les uns les autres, ...
Zola, L'Argent,1891, p. 159.
♦ P. méton., rare. Corps étalé en état de décomposition. La morte (...) un charnier, un tas d'humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin (Zola, Nana,1880, p. 1485).L'âme (...) hors du monde, loin de son charnier, loin de son corps (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 54).
2. P. anal. Lieu où s'amoncellent de nombreuses choses en voie de dégradation. ♦ [En parlant de choses concr.] Un charnier de céréales, l'endroit où la chair du grain a subi les préparations humaines qui transportent ses fins vers la reproduction de l'homme (Giono, L'Eau vive,1943, p. 140).
♦ [En parlant de choses abstr.] Mémoires, correspondances, autobiographies, tous documents d'humanité, − le charnier de la vérité (E. et J. de Goncourt, Journal,1867, p. 322).L'Asie, immense charnier de gloires, de religions et de méthodes, une poussière d'os pilés (Morand, La Route des Indes,1936, p. 133).