1. Puissance (cachée) qui est censée orienter à son gré le cours des événements dans un sens favorable ou défavorable. Synon. fortune :6. ... j'ai vu, depuis vingt ans, le monde par son envers, dans ses caves, et j'ai reconnu qu'il y a dans la marche des choses une force que vous nommez la providence, que j'appelais le hasard, que mes compagnons appellent la chance.
Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 642.
− [Le caractère favorable ou défavorable est précisé par un adj. qualificatif] Bonne, mauvaise chance; souhaiter bonne chance à qqn. Quelle bonne chance vous amène? Seigneur Hérode, dit l'hôtelier (Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 183).C'est la mauvaise chance qui me poursuit encore; le Guignon, chanté par Mallarmé (Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 16).
− Emploi exclam. Bonne chance! Mille amitiés, bonne chance, bon succès (Balzac, Correspondance,1832, p. 173).
2. [La chance est considérée comme une force favorable] Faveur accordée par le sort, condition d'une personne favorisée par le sort. a) [La chance est présentée comme une allégorie] − Cour. [P. réf. aux dés qui changent de face (cf. supra I) ou à la roue de la Fortune*, qui en tournant, présente en bas ce qui était d'abord en haut] La chance tourne (contre lui). La bonne chance l'abandonne. La chance a tourné, j'ai été pris (Barrès, Un Homme libre,1889, p. 226).
−
[P. allégorie et personnification (cf. la Fortune personnifiée)] Littér. La chance ne lui sourit pas (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 55).♦ [P. réf. à la représentation fam. de la Fortune-chance, qu'il faut savoir prendre au passage] Dans un geste terrible de cow-boy, (...) attraper la chance d'un seul coup (Cocteau, Poèmes,1916-23, p. 234).
b) [La chance est considérée comme une faveur ou un ensemble de conditions favorables attachées à une pers.] Issue heureuse d'une situation, bonheur inespéré accordé par le sort. Synon. fam. veine.Je suis un homme plein de chance! (Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 353).Qu'avez-vous fait au bon Dieu pour mériter pareille chance? (Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 63).Je n'ai pas seulement de ligne de chance dans la main (Bernanos, La Joie,1929, p. 617).− P. antiphrase. Issue défavorable, malchance. Dans l'expr. fam. : voilà bien ma chance! (cf. Verne, Les Enfants du capitaine Grant, t. 1, 1868, p. 66). Voilà une fois de plus ma malchance habituelle.
− Iron. Je ressemble à ma mère. « Si la chance des chances, c'est d'avoir pas de chance, qu'elle me disait, je suis servie! » (Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1253).
3. Locutions a) Par chance. Par bonheur.
b) Cour. Avoir de la chance, n'avoir pas de chance. Avoir la chance de + inf.Communément l'envieux se dit que l'autre a de la chance et que lui-même n'en a point (Alain, Propos,1935, p. 1288).Aurai-je la chance de vous trouver à Paris vers le milieu d'août? (Flaubert, Correspondance,1867, p. 118).
c) C'est une chance que. Une chance qu'il a l'air bon papa (Colette, Claudine à l'école,1900, p. 220).
d) Conter sa chance. Maheu (...) lui contait sa chance, une truite superbe pêchée et vendue trois francs (Zola, Germinal,1885, p. 1335).
e) Porter chance (rare). Porter bonheur.
f) Un coup de chance, un coup de génie, un de ces hasards prodigieux (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, p. 203).
g) Pop., fam., p. antiphrase. Une chance de cocu (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 56).Une chance exceptionnelle.
h) Fam. [En s'adressant à qqn] Au petit bonheur la chance. Si par un bonheur, qui à vrai dire, n'est que peu certain, le sort est favorable... Au petit bonheur la chance, on aviserait (Giono, Un de Baumugnes,1929, p. 91).