BOBINE, subst. fém.
A.− TEXT. et MERCERIE. Cylindre de bois, de métal, de matière plastique, muni de rebords, sur lequel on enroule du fil, de la laine ou toute autre matière souple (film, ruban, papier, etc.); p. méton., matière enroulée sur la bobine. Une bobine de fil : 1. Schoultz, à demi-courbé, ses grandes jambes pliées, tenait sa petite rousse sous les bras, et tournait, tournait, tournait sans interruption avec une régularité merveilleuse, comme une bobine dans son dévidoir; ...
Erckmann-Chatrian, L'Ami Fritz,1864, p. 195.
2. Et la petite Anna ne se lassait pas de regarder la mécanique bruissante [du rouet], la bobine surtout garnie de crochets de fer, qui tournait dans une vibration d'air lumineux et chantant, comme un gros hanneton qui aurait battu des ailes.
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 67.
3. On creusait à travers la plaine une tranchée, pour enfouir un câble de force électrique que les Allemands voulaient dissimuler. (...) au fur et à mesure que le sillon s'avançait, deux hommes déroulaient une grande bobine, couchaient le câble et l'enfouissaient.
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 361.
SYNT. Bobine de rouet; de la soie en bobine; charger une bobine (Ac. 1835-1932); dévider sur une bobine de la soie, du coton, du fil de fer, de cuivre, d'or ou d'argent; acheter une bobine de fil.
−
P. métaph. [Surtout au xixes. et souvent dans l'expr. dévider la bobine de] 1. [En parlant de la pensée, de son expression, comparée à un fil] Dévider sa bobine de gracieusetés (Huysmans, Marthe,1876, p. 41):4. Amusé par le banquier, qui se complut à dévider la bobine des pensées de ce pauvre homme, et qui s'entendait à interroger un négociant comme le juge Popinot à faire causer un criminel, César raconta ses entreprises : ...
Balzac, César Birotteau,1837, p. 274.
2. [En parlant de la suite des jours, de la vie, p. allus. au fil des Parques dans la myth gr.] La bobine de tes jours (Amiel, Journal intime,1866, p. 474).
−
Arg. et pop. Figure ridicule, expression de la physionomie. Faire une drôle de bobine, avoir une sale bobine : 5. Malheureusement, une « gaffe » était bien loin de paraître à Bloch chose à éviter. Il se tordit de rire : « Tous mes compliments, j'aurais dû le deviner, il a un excellent chic, et une impayable bobine de gaga de la plus haute lignée.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 777.
♦
Arg. Rester en bobine. [En parlant d'une pers.] Rester seul; [En parlant d'une chose] Être en gage. Mettre en bobine (des objets). Mettre en gage. Rem. 1. Synon. bobinasse. Tête (A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1905, p. 422). 2. Bobine peut encore signifier a) Montre (cf. bobineau); b) Jeu de hasard. Taper la bobine (A. Simonin, Le Pt Simonin ill., 1957, p. 52; cf. bobinette).
B.− [P. anal. de forme] 1. ÉLECTR. (automob., radio, télécomm.). ,,Ensemble formé d'un certain nombre de spires de fil électrique isolé, enroulées sur une carcasse isolante creuse`` (Siz. 1968) : 6. L'arbre [de la turbine] transmet mouvement et force à l'alternateur, où ils engendrent le fluide. On sait que le fluide est produit par la rotation d'une bobine, d'un enroulement de fils magnétiques et par sa lutte dans le champ magnétique d'un aimant.
Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 190.
7. Il retrouva un vieil écouteur téléphonique. Il se fabriqua une bobine avec une boîte de carton cylindrique et un fil de cuivre qu'il vernit lui-même. (...). Toutes ces pièces, à part la bobine et la galène, qu'il cachait soigneusement, pouvaient être trouvées par l'ennemi.
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 63.
♦ Bobine d'allumage. ,,Petite bobine d'induction utilisée pour l'allumage du carburant dans un moteur à explosion`` (Siz. 1968).
♦
Bobine d'induction ou de Ruhmkorf. ,,Solénoïde à deux enroulements : le primaire en gros fil, où passe un courant continu périodiquement interrompu par un trembleur; le secondaire, en fil fin à de très nombreuses spires où se produit le courant induit par les variations de champ dues aux coupures du courant primaire`` (Sc. 1962); (
cf. Céline,
Mort à crédit, 1936, p. 509) :
8. Et la plus grosse bobine d'induction du monde est aussi la plus trompeuse; car je vois bien la plus longue étincelle du monde des laboratoires; mais comment cette bobine a été faite, fondue, forgée, cuite et recuite à partir des minéraux terreux, voilà ce que je ne vois point.
Alain, Propos,1933, p. 1122.
♦ Bobine de résistance, de dérivation (Lar. 20e).
♦
Bobine de self, bobine toroïdale (
cf. A. Leclerc,
Manuel de télégraphie et téléphonie, 1924, p. 230, 265).
Rem. Le sens B 1 est noté dans les dict. gén. à partir de Littré et d'Ac. 1878 comme sens de physique.
2. FIL. ,,Nom par lequel on désigne le boudin que vient de faire la boudineuse et qui s'enroule autour d'un cylindre de bois ayant des rebords en tôle à ses extrémités. On l'appelle aussi rouleau`` (Nouv. Lar. ill., Lar. 20e).
3. MÉTALL. ,,Il se dit d'un tambour cylindrique sur lequel s'enroule le fil de fer ou d'acier après son passage dans la filière`` (Ac. 1932). Synon. chapeau.Bobine de tirerie (Lar. 20e). Rem. Attesté par Lar. 20e-Rob.
4. MINES. ,,Nom donné dans les mines, au tambour d'enroulement des câbles, plats ou ronds, des grands appareils d'extraction`` (Lar. 20e). Les bobines tournaient, déroulaient des câbles (Zola, Germinal,1885, p. 1582).
5. PAPET. ,,Rouleau de papier pour les impressions sur rotatives`` (Comte-Pern. 1963).
6. PÊCHE. ,,L'une des parties les plus importantes du moulinet en général et du modèle dit « à tambour fixe » en particulier`` (Pollet 1970). La bobine doit assurer un dévidage parfait du fil et diminuer les risques de vrillage (Pollet1970).
7. PHOT. et CIN. ,,Rouleau de pellicule vierge ou impressionnée`` (Giraud 1956); cf. Queneau, Loin de Rueil, 1944, p. 230.
8. TECHNOL. Mandrin bobine. ,,Mandrin de tour à pointes qui reçoit la corde lorsqu'on ne peut la poser sur l'objet que l'on tourne`` (Lar. 19e).
Prononc. : [bɔbin]
Étymol. ET HIST. − 1. 1410 technol. (R. des stés sav., t. 6, 1867, p. 469); spéc. 1865 électr. (Littré-Robin Suppl.); 1896 « rouleau de pellicule » (Catal. Pathé dans Giraud); 2. a) 1829 arg. « figure, visage » (Béranger, Chansons, t. 1, p. 179); b) 1846 (L'Intérieur des prisons, p. 240 : Bobine. − Figure risible).
1 prob. dér. du rad. onomatopéique bob- exprimant le mouvement des lèvres (FEW t. 1, s.v. bob-; v. aussi Guir. Étymol., p. 82), donc ce qui est enflé, cylindrique. L'hyp. d'une orig. déverbale de bobiner*, dér. dimin. de l'a. fr. baubeter « bégayer, bredouiller » [xives. dans Gdf.], lui-même dér. de baube « bègue » [1256, ibid.], du lat. balbus (balbutier*), le bruit de cette parole embarrassée étant assimilé à celui de la bobine du tisserand, est moins satisfaisante du point de vue sém. 2 plutôt p. ext. de 1 en raison de la forme sphérique de cet objet que par dér. du m. fr. bobe « moue, grimace » fin xives. (E. Desch. dans Gdf.) issu de la même racine onomatopéique bob- (J. Renson, Les Dénominations du visage en fr. et dans les autres lang. rom., Paris, 1962, t. 2, p. 448).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 125.
DÉR. Bobinet, subst. masc.Petite bobine; matière enroulée sur celle-ci. Voilà du galon d'argent pour broder votre habit (...); prenez la bobine, le bobinet est à discrétion (Balzac,
Œuvres diverses, t. 1, 1850, p. 122).Attesté dans Littré.− Seule transcr. dans Littré : bo-bi-nè. − 1reattest. 1850 id.,; dér. de bobine technol., suff. -et*.
BBG. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 84. − Sain. Lang. par. 1920, p. 374. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 427. − Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 26.