1. [Le subst. est, gén., au plur.] Grande quantité de personnes ou de choses : 1. Beaucoup de gens ressemblent pour le courage, à ces avares qui gémissent à chaque petite somme qu'ils sont forcés de dépenser, et qui sont capables d'en donner une très-grosse sans en être affectés.
Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1941.
2. Lors du débarquement de l'Empereur, beaucoup de bruits avaient couru dans le pays sur cette auberge des Trois-Dauphins.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 78.
3. On ne saurait oublier que le Jardin des Plantes de Paris a (...) des souvenirs de science, de dévouement, de passion qui en font autre chose qu'un square organisé militairement et privé de charme, comme sont beaucoup d'établissements étrangers.
Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 117.
− Le subst. peut être au sing. lorsqu'il a une valeur collective. Beaucoup de monde l'entouroit (Nodier, Jean-François les bas-bleus,1844, p. 16).
− L'accord du verbe (sauf dans le cas du coll.) se fait gén. au plur. Cependant Grev. 1964, § 807 a) rem. 2. cite un ex. où le verbe est au sing. : Beaucoup de cierges valait mieux (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 245 dans Grev. 1964, § 807).
2. [Le subst. est au sing.] Partie importante de quelque chose que l'on considère comme un tout (comme le sont, par exemple, une qualité physique, intellectuelle, un sentiment, une valeur morale ou des facteurs extérieurs : pluie, vent, temps, etc.) : 4. C'est bien de la témérité de ta part, Pierre, d'avoir cru, à ton âge, pouvoir faire seul, sans conseils, ce qui exige beaucoup d'expérience et de réflexion.
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 306.
5. Il m'a fallu beaucoup de temps et de vagabondages pour arriver à établir un tracé commode et aussi fourni que possible.
T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 11.
6. Je lui devais donc mes premières élégances et mes premières amours et lui en avais beaucoup de reconnaissance.
F. Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 19.
3. [Le subst. est remplacé par un pron.] (
Supra 1 et 2).
[Le subst. est remplacé par le pron. indéf. autres.] Lire tous ces vers et beaucoup d'autres encore (Green, Moïra,1950, p. 49).[Le subst. est remplacé par le pron. indéf. en antéposé mis pour un subst. au plur.] Des palais et des ruines, j'en ai retrouvé beaucoup (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 3,1848, p. 418)ou mis pour un subst. au sing. (type :
du talent, il en a beaucoup).
[Le subst. est remplacé par le pron. rel. dont.] Un réseau (...) de règles et de contraintes, dont beaucoup nous sont insensibles! (Valéry, Variété 3,1936, p. 226).[Except., le subst. peut être remplacé par un pron. pers. (avoir1* ex. 51) où beaucoup d'elle signifie beaucoup de choses d'elle.] Rem. 1. Le subst. est introd. à l'aide de la prép. de. Toutefois ,,si ce nom est déterminé par un compl. ou par une prop. rel. ou, plus gén., si l'on exprime vraiment l'idée partitive, il demande du, de la, de l', des`` (Grev. 1964, § 329) :
exe=7. Mais, du seul fait qu'elle existait, (...) elle attira vers son orbite, sans les y enfermer, beaucoup des écrivains que lisait un public moins rare.
Maurras, L'Avenir de l'Intelligence, 1905, p. 46.
exe=8. Je conçus en même temps qu'il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, [des comme lui mis pour des gens comme lui].
Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 18.
Certains subst. peuvent être précédés non seulement de l'art. mais aussi d'un adj. dém. ou poss. La physionomie de beaucoup de ces femmes (Voyage de La Pérouse, t. 2, 1797, p. 83). Beaucoup de nos généraux (Joffre, Mémoires, t. 1, 1931, p. 38) ou remplacés par des pron. dém. (beaucoup de celles-là) ou poss. beaucoup des nôtres (Huysmans, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 148). La présence de l'art., du dém. ou du poss. a permis le remplacement de la prép. de par la prép. entre : beaucoup entre ces hommes (A. France, L'Île des pingouins, 1908, p. 56).
Rem. 2. Les pron. pers. ne peuvent être introd. directement par de mais par d'entre : beaucoup d'entre nous (H. Poincaré, La Valeur de la sc., 1905, p. 173) par parmi synon. de d'entre : beaucoup parmi eux (Maritain, Humanisme intégral, 1936, p. 46).
Rem. 3. Pas beaucoup de. Rarement employé. Synon. de peu. Pas beaucoup de jours auparavant (P. Bourget, Le Disciple, 1889, p. 80), ce que nous lisons, avec pas beaucoup de plaisir (Claudel, Visages radieux, 1947, p. 765).
Rem. 4. Un adj. en rapport avec beaucoup suivi d'un subst. s'accorde gén. avec ce subst. mais il peut se mettre au masc. sing., tout se passant comme si l'adj. s'accordait avec beaucoup :
exe=9. Beaucoup de sagesse serait bien surprenant de sa part.
Mart. Comment parle 1927, p. 324 dans Grev. 1964, § 376 N.B. 2.
Rem. 5. Le subst., toujours déterminé, peut précéder beaucoup. Vous avez (...) de l'esprit beaucoup (Tocqueville, Correspondance [avec Gobineau], 1843, p. 43), beaucoup équivaut alors à un renchérissement, à une précision donnée après coup, ce tour est comparable à ceux où beaucoup est introd. à l'aide de et ou de mais. Elle avait des canons et beaucoup (Sue, Atar Gull, 1831, p. 8); il y a des âmes (et beaucoup) religieusement ardentes (Barbey d'Aurevilly, Memorandum pour l'A... B..., 1864, p. 442); ça en avait [de l'importance] (...), et beaucoup (Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir, 1893, p. 181); n'avoir pas une seule femme, mais beaucoup (Proust, Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 352).