1. [En parlant d'une pers., en partic. d'un enfant envisagé du point de vue de son aptitude physiol. à s'exprimer] Articuler d'une manière confuse et hésitante : 1. Rougon, étourdi, suffoqué, ne pouvant croire à ce triomphe brusque, balbutiait comme un enfant.
Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 291.
2. Le reniement de Pierre, le reniement de Pierre. Vous n'avez que ça à dire, le reniement de Pierre. Balbutiant, bafouillant presque. De colère. On allègue ça, ce reniement, on dit ça pour masquer, pour cacher, pour excuser nos propres reniements.
Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc,1910, p. 136.
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P. compar. : 3. Comme l'enfance, elles [les nations] vagissent, balbutient, grossissent, grandissent.
Baudelaire, Curiosités esthétiques,1867, p. 150.
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P. méton. [En parlant d'un organe intervenant dans l'articulation (langue, lèvres, bouche) ou de son produit (son, voix)] :
4. Si je chante les Dieux, ou les héros, soudain
Ma langue balbutie et se travaille en vain;
Si je chante l'amour, ma chanson d'elle-même
S'écoule de ma bouche et vole à ce que j'aime.
Chénier, Bucoliques,L'Amour, 1794, p. 28.
5. Il [Walter] était devenu, en quelques jours, un des maîtres du monde, un de ces financiers omnipotents, plus forts que des rois, qui font courber les têtes, balbutier les bouches et sortir tout ce qu'il y a de bassesse (...) au fond du cœur humain.
Maupassant, Bel-Ami,1885, p. 327.
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P. anal. [En parlant de choses concr. ou abstr. émettant certains sons ou bruits] :
6. Les appels du timbre se précipitaient. Il y en avait de modestes, qui balbutiaient avec le tremblement d'un premier aveu...
Zola, Nana,1880, p. 1142.
7. ... une sorte de mélodie cacochyme cracha, toussa, balbutia, ne réussit pas à prendre son vol, à décoller de la ferraille, culbuta, râla, se tut.
A. Arnoux, Suite variée,1925, p. 84.
2. P. métaph. ou au fig. [En parlant d'une pers. envisagée du point de vue de son activité intellectuelle, de la création littér. ou artistique] S'exprimer confusément, avec peine; commencer à s'exprimer, être novice (en quelque chose), n'en être qu'à ses débuts : 8. Pour le génie et l'âme, Giotto ressemblait à Raphaël; (...) mais la langue n'était pas faite, et il a balbutié, tandis que l'autre a parlé.
Taine, Philos. de l'art,t. 2, 1865, p. 337.
9. Jamais je ne me suis senti plus jeune et plus heureux que le mois dernier − au point que même je ne savais rien en écrire. Je n'eusse pu que balbutier...
Gide, Journal,1917, p. 632.
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P. ext. : 10. Un homme doit pratiquer cette science [l'élégance] avec l'aisance qu'il met à parler sa langue maternelle. Il est dangereux de balbutier dans le monde élégant.
Balzac,
Œuvres diverses,t. 2, 1850, p. 177.
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P. méton. [En parlant de la lang., de l'âme, de l'esprit...] :
11. ... D'où venait donc cette langue [grecque] qui semble naître comme Minerve, et dont la première production [l'Iliade] est un chef-d'œuvre désespérant, sans qu'il ait jamais été possible de prouver qu'elle ait balbutié?
J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg,t. 1, 1821, p. 131.
12. Je ne sais si vous pourrez lire et comprendre tout ce barbouillage. Les phrases courent à la débandade sur mon papier, et, quand on est en souci, la main tremble pour écrire et l'âme balbutie pour parler. Je veux écrire pourtant, d'une façon bien nette et bien appuyée, que je vous aime et vous embrasse...
M. de Guérin, Correspondance,1833, p. 109.
13. ... à la première aube du moyen âge, l'esprit naïf et qui balbutiait à peine a dû s'encombrer des restes de l'antiquité classique (...) de l'épineuse théologie byzantine...
Taine, Philos. de l'art,t. 2, 1865, p. 154.