A.− HIST. ANC. et MÉDIÉV. Lieu considéré comme inviolable, servant de refuge aux esclaves, débiteurs, criminels qui sont poursuivis. Le droit d'asile, les lieux d'asile : 1. La cité commence par un asile, vetus urbes condentium consilium. Mot profond que la situation de toutes les vieilles villes de l'antiquité et du moyen âge commente éloquemment. La citadelle et l'aristocratie au sommet d'un mont; au-dessous l'asile et le peuple. Tel est l'asile de Romulus entre les deux sommets du Capitole (intermontium).
Michelet, Hist. romaine,t. 1,1831, p. 61.
2. Toute ville au moyen-âge, et, jusqu'à Louis XII, toute ville en France avait ses lieux d'asile. (...) Les palais du roi, les hôtels des princes, les églises surtout avaient droit d'asile. Quelquefois d'une ville tout entière qu'on avait besoin de repeupler on faisait temporairement un lieu de refuge. Louis XI fit Paris asile en 1467.
Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 416.
SYNT. Asile inviolable, asile sacré, asile saint; un champ d'asile; ouvrir un asile à tous les hommes, sans distinction de loi ou de culte (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 64), se jeter, se retirer, se sauver dans un asile, violer un asile; crier : asile! (Hugo, Notre-Dame de Paris, t. 2, 1832, p. 402).
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DR. INTERNAT., mod. ,,Accès, offert à une personne poursuivie, d'un lieu ou d'un territoire où elle ne peut pas être poursuivie : ... Asile des prisonniers de guerre ou des armées en déroute sur le territoire d'un État neutre`` (Cap. 1936). SYNT. Asile diplomatique. ,,Accès offert aux prévenus ou condamnés, d'un hôtel d'ambassade ou de légation jouissant de l'inviolabilité`` (Ibid.). Asile maritime. ,,Tolérance accordée à un navire belligérant de séjourner dans un port neutre au-delà de vingt-quatre heures`` (Conv. La Haye, 18 oct. 1907, ibid). Asile politique. ,,Accès de leur territoire offert par certains États qui ouvrent leurs frontières aux prévenus ou condamnés politiques des pays étrangers et refusent leur extradition`` (Ibid.).
Rem. Cf. aussi des expr. plus anc. passer en Angleterre pour demander asile et protection au roi Henri (Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, 1821-24, p. 391).
B.− P. ext. Lieu où l'on se met ou se sent à l'abri d'un danger, d'un milieu extérieur hostile, pour se soustraire à la fatigue, à la misère, etc. : 3. C'est la dernière fois jusqu'à présent que j'ai vu cette Angleterre, asile de tout ce qui est noble, séjour de bonheur, de sagesse et de liberté, ...
Constant, Le Cahier rouge,1830, p. 85.
4. ... mais au milieu de ces dangers j'occupe un asile sûr, une retraite impénétrable à tous maux, une espèce de serre chaude où le tempérament le plus délicat doit prospérer et fleurir.
M. de Guérin, Correspondance,1838, p. 341.
5. Quand ils rentraient, chacun de son côté, le soir, après avoir été séparés tout le jour, leur petit appartement était pour eux le port, l'asile inviolable, pauvre, glacé, mais pur. Comme ils s'y sentaient loin des pensées corrompues de Paris! ...
R. Rolland, Jean-Christophe,Antoinette,1908, p. 878.
SYNT. Asiles sûrs, asile tranquille; Rome... asile des arts, des lettres et de la civilisation (Chateaubriand, Les Martyrs, 1810, t. 1, p. 233), la France... asile des peuples exilés (Guéhenno, Journal d'une « révolution », 1937, p. 238), l'Inde... asile du serpent (J. Lemaître, Les Contemporains, 1885, p. 12). Compl. d'obj., asile peut ne pas prendre l'article : accorder [à qqn] asile et sûreté (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 83), demander [à qqn] un asile pour la nuit, donner asile [à qqn], donner [à qqn] un asile et du pain (Karr, Sous les tilleuls, 1832, p. 306), être sans ressource et sans asile (Villiers de L'Isle Adam, Contes cruels. Le Désir d'être un homme, 1883, p. 224). Asile s'assimile souvent à la notion de toit, d'habitation.
1. P. anal. Lieu de calme et de repos recherché et senti comme un lieu privilégié, souvent dans la nature : 6. Leonhard se mit à parler. Il disait, les yeux brillants de contentement, combien il était doux d'échapper à la vie, d'avoir trouvé l'asile, où l'on sera pour toujours à l'abri. Christophe, encore meurtri par ses blessures récentes, sentait passionnément ce désir de repos et d'oubli; ...
R. Rolland, Jean-Christophe,L'Adolescent,1905, p. 245.
7. Il arrive, sans s'être aperçu du chemin, sous le pont de Wettstein. En haut, passent des véhicules, des tramways, − des vivants. Un square, en contrebas, s'ouvre comme un asile de silence, de verdure, de fraîcheur.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914,1936, p. 718.
SYNT. Asiles frais (Leconte de Lisle, Poèmes antiques, Glaucé, 1852, p. 26), asiles verts (Chénier, Odes, 1794, p. 223), asile des bois (Vigny, Mémoires inédits, 1863, p. 166); charmant asile de soleil, de silence et de repos (Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point, 1851, p. 415).
2. Spéc., littér. et poét. Le dernier asile, l'asile des morts, signifiant le cimetière ou la tombe : 8. La foule, précédée de la croix, et mêlant ses chants sacrés au murmure lointain des tempêtes, marche vers l'asile des morts. Là, la veuve pleure un époux, la jeune fille un amant, la mère un fils à la mamelle.
Chateaubriand, Essai sur les Révolutions,1797, p. 129.
3. Au fig. (plus usité au xixes.) : 9. Presque toujours le travail fut un asile, un repos et une consolation et, de cette oasis, le poète a cherché un monde différent du sien, presque toujours absolument contraire.
Vigny, Le Journal d'un poète,1853, p. 1311.
10. Il semble qu'au début elle [ma mère] n'ait été pour moi que le refuge naturel, l'asile contre toutes les frayeurs de l'inconnu, contre tous les chagrins noirs qui n'avaient pas de cause définie.
Loti, Le Roman d'un enfant,1890, p. 20.
SYNT. a) [Rare, en parlant d'une pers.] l'asile sacré de la famille (Lamennais, L'Avenir, 1831, p. 246), l'asile inviolable du cœur (Volney, Les Ruines, 1791, p. 327); se ménager un asile contre le désespoir (Restif de La Bretonne, M. Nicolas, 1796, p. 91). b) Synon. de calme, repos : un sentiment d'asile, de paix, de solitude (Sénancour, Rêveries, 1799, p. 59).