1. [En parlant d'une pers. ou de son caractère, de son comportement] a) [Quant aux biens matériels ou moraux] L'âpreté au gain : 6. Quelle âpreté les hommes mettent dans leurs intérêts du moment! Comme leurs prétentions leur paraissent importantes! Comme leur amour-propre s'agite! Comme ils attachent du prix à cette vie si passagère et si tôt oubliée! La conversation de ces hommes m'a suggéré d'autres réflexions encore sur l'arrogance de la propriété; mais je n'ai pas la force de les écrire; ...
Constant, Journaux intimes,1805, p. 217.
7. ... elle [Françoise] ne resterait pas plus longtemps dans cette clinique, c'en était fini de ce détachement paisible; elle avait retrouvé toute son âpreté au bonheur.
S. de Beauvoir, L'Invitée,1943, p. 218.
Rem. L'expr. âpreté au gain (cf. Ponson du Terrail, Rocambole, t. 2, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 213), moins figée que l'expr. adj. corresp. âpre au gain, peut s'employer avec certaines var. âpreté de gain ou du gain (cf. Huysmans, À rebours, 1884, p. 286), pour le gain (cf. Delécluze, Journal, 1825, p. 80).
b) [Envers soi-même ou autrui] :
8. ... elle avait restreint la dépense de l'intérieur, resserré sa maison, sa vie, celle de son enfant, avec la plus extrême parcimonie d'une avarice maniaque, et qui, venant d'elle, surprenait Honorine, ne pouvant y trouver d'autre explication qu'un caprice de malade et ne sachant ce que devenait l'argent de Madame. Cette âpreté, cette dureté impitoyable contre elle-même et les autres ne faisait que croître.
E. et J. de Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 283.
2. [En parlant d'une manière d'agir, de sentir ou de s'exprimer] L'âpreté d'un parti-pris; l'âpreté du ton : 9. ... elle [l'œuvre de Jean de Meung] a beau n'être, du point de vue de l'art, que fatras et pot pourri, elle n'en est pas moins le produit d'une verve agile, qui surprend non seulement par la vigueur d'un style énergique jusqu'à l'âpreté, roulant avec impétuosité sur un fond rocailleux des formules dures comme des blocs, mais aussi, quand on tient compte des temps, par la hardiesse inattendue des idées.
Faral, La Vie quotidienne au temps de st Louis,1942, p. 245.
PARAD. 1. (Quasi-) synon. acharnement, âcreté, acrimonie, agressivité, ardeur, austérité, brutalité, cruauté, crudité, cupidité, énergie, fanatisme, férocité, fureur, injure, intransigeance, méchanceté, opiniâtreté, persévérance, persistance, rigueur, sauvagerie, ténacité, véhémence, voracité. 2. Anton. amabilité, aménité, apaisement, bienveillance, bonhomie, calme, charme, civilité, clémence, cordialité, courtoisie, désintéressement, douceur, fadeur, gentillesse, grâce, langueur, mollesse, sérénité, tendresse.
Rem. 1. Âpreté s'emploie rarement à la forme plur. − qui tend à lui redonner une valeur concr. : il désigne alors moins une qualité que la manifestation extérieure de cette qualité; ainsi, au sens propre, il devient synon. de aspérité (cf. les âpretés de ces ravins [Hugo, La Légende des siècles, Le Petit roi de Galice, t. 1, 1859, p. 282]) et au sens fig., il peut désigner des manifestations de violence (cf. Barrès, Mes cahiers, t. 3, 1904, p. 232 : ,,que je m'explique certaines âpretés. Mon rire devant les duretés de la vie. On m'accuse de cruauté``). 2. On rencontre dans la docum. le néol. âpreur, subst. fém., synon. de âpreté (cf. Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 341) : ,,[une] fumée (...) dont l'âpreur vous raclait la gorge ...``). − Âpreur a pu s'employer aussi à propos d'un fruit (cf. J. Humbert, Nouv. gloss. genevois, 1852, p. 22).