AORISTE, subst. masc.
LING. Temps de la conjugaison grecque correspondant approximativement au passé simple et au passé antérieur français : 1. § 181. La théorie stoïcienne des temps, à laquelle l'aoriste doit son nom, a justement mis en lumière ce qu'il y a de négatif dans l'aoriste, surtout si on l'oppose au présent. Les stoïciens distinguaient deux types de temps − déterminés (...) et indéterminés (...). Ils considéraient comme « déterminés » le « duratif » (...) − c.-à-d. le présent et l'imparfait − ainsi que l'« achevé » (...) − c.-à-d. le parfait et le plus-que-parfait; au contraire sont « indéterminés » l'aoriste et le futur. L'aoriste est effectivement ce qui est dépouillé des valeurs subjectives de durée ou d'achèvement qu'expriment présent et parfait, et il est mis sur le même plan que le futur qui, on le sait, est dépourvu d'aspect.
J. Humbert, Syntaxe gr.,Paris, Klincksieck, 1945, p. 120.
SYNT. Aoriste ingressif ou initial (qui exprime l'action à son début); aoriste effectif, final, résultatif (qui exprime l'action à son terme); aoriste gnomique (qui sert à l'énoncé de caractère général).
− [En fr.], p. ext., auj. inus. Le passé simple (cf. Ac. 1835, Littré, Ac. 1878, DG; Besch. 1845, Lar. 19eet Nouv. Lar. ill. enregistrent également ce sens mais en attribuant l'usage aux ,,anciens grammairiens français``).
−
P. plaisant. : 2. Au lieu de ces plats défunts dont la succulence ne peut être révoquée en doute, mais qui ne sauraient nous sustenter, récitez-nous les plats du jour, car l'aoriste est principalement fâcheux en cuisine, et la faim aime à table l'indicatif présent. Foin du passé! c'est le désespoir et le jeûne; le futur, au moins, permet à l'estomac des rêveries agréables. Par pitié, ne racontez plus ces gastronomies anciennes à de pauvres diables affamés et recrus comme des chiens de chasse.
Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 61.
DÉR. Aoristique, adj.,ling. Relatif à l'aoriste. Aspect aoristique. ,,Aspect (dit aussi perfectif) d'une action envisagée à son point d'aboutissement, qui correspond à l'emploi grec de l'aoriste dit final.`` (Mar. Lex. 1951). 1reattest. 1951 supra; suff. -ique*. Attesté ds Lar. encyclop.
PRONONC. − 1. Forme phon. : [aɔ
ʀist] ou [ɔ
ʀist]. Grég. 1923 et Barbeau-Rodhe 1930 transcrivent : [aɔ
ʀist] ou [ɔ
ʀist]. Warn. 1968 note [a-ɔ-ʀis(-)t(ə)] et précise que l'on prononce parfois [ɔ-ʀis(-)]. Fouché Prononc. 1959, p. 38, rem. 1 : ,,L'a se prononce ou non dans aoriste et Aoste; cependant [aɔ] semble plus fréquent dans le premier cas, et [ɔ] dans le second.`` 2. Hist. − Fér. 1768, Besch. 1845, Littré et DG donnent la prononc. [aɔ
ʀist]. Littré fait à ce suj. la rem suiv. : ,,L'Académie dit qu'on prononce oriste [cf. Ac. 1798 à Ac. t. 1 1932]; cette prononciation n'est pas en usage et, dans les collèges, on dit a-o-riste.`` Cf. aussi Land. 1834 : ,,L'Encyclopédie voudrait qu'on prononçât a-o-riste, en conservant l'a priv. dont la suppression fait un contresens`` (cf. aussi Gattel 1841). Au contraire, Fér. Crit. t. 1 1787 transcrit [ɔ
ʀist] en précisant : ,,et non pas Aoriste, comme il est marqué dans le Dict. Gramm``. Fél. 1851 et Poit. 1860 adoptent également la prononc. [oʀist]. Nod. 1844 enfin donne les 2 possibilités de prononc. : ɔ-ris-te ou a-o-ris-te.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1548 (Sebillet, Art Poétique, I, 9 ds Hug. : Sachant ce prétérit parfait, tu ne pourras faillir en le Aoriste, qui est un prétérit indéfiny).
Empr. au lat. aoristos (Macrobe, Gramm., 621, 5 ds TLL s.v., 205, 18, aoriston ... praetereo, quod latinitas nescit), empr. au gr. ο
̔
α
̓
ο
́
ρ
ι
σ
τ
ο
ς s.e. χ
ρ
ο
́
ν
ο
ς, Denys de Thrace, 638, 24 ds Bailly.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 7.
BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bouillet 1859. − Dem. 1802. − Gramm. t. 1 1789. − Humbert (J.). Synt. gr. Paris, 1945. − Mar. Lex. 1933 (et s.v. aoristique). − Mar. Lex. 1961 [1951] (et s.v. aoristique). − Rheims 1969. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. Rem. lexicogr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 348. − Springh. 1962 (et s.v. aoristique).