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ALERTE1, adj.

ALERTE1, adj.
A.− Vieilli, très rare
1. ,,Qui est vigilant, et qui se tient sur ses gardes`` (Ac. 1835). ,,On ne le surprendra pas aisément, il est toujours alerte.`` (Ac. 1835) :
1. ... point de procès, dites-vous; détrompez-vous. Vous aurez procès, et si vous n'êtes pas très alerte et très adroit (qualités que vous avez, vous, mais qui manquent aux Belges, témoin Tarride), vous aurez saisie de l'édition peut-être entière. V. Hugo, Correspondance,1853, p. 154.
Rem. Également attesté ds Besch. 1845, Littré, Ac. 1878, DG, Ac. t. 1 1932, Rob. et Quillet 1965.
2. ,,(...) Habile à voir et prompt à saisir ce qui peut lui être utile, avantageux`` (Ac. 1835). ,,Un homme plus alerte que lui avait obtenu la place. Il est alerte à saisir les occasions de gagner de l'argent. Il est fort alerte pour tout ce qui convient à ses intérêts.`` (Ac. 1835).
Rem. Attesté d'autre part ds Besch. 1845 (,,se prend un peu en mauvaise part``), Ac. 1878 et Quillet 1965.
B.− Cour. Éveillé, vif, agile.
1. [En parlant d'une pers., de ses manifestations physiques] :
2. Teresa était, au contraire, vive, alerte et gaie, mais coquette à l'excès; ... A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 435.
2. P. anal. [En parlant de son esprit, de ses manifestations ou de ses produits] :
3. Dire que j'ai trouvé, pour mener à bien le sort de cette pièce, un appui auquel on peut se fier toujours, un dévouement patient et infatigable, une aide fraternelle et le secours d'une pensée vive, alerte, ingénieuse, féconde, toujours en éveil, n'est-ce pas dénoncer déjà mon cher ami Régnier, dont ce qu'on nomme désintéressement est la nature même? T. de Banville, Gringoire,préf., 1866, p. III.
4. Ce qui ébaudit et déconcerte, c'est cette furieuse touffeur de femme tiède et d'essences débouchées qui jaillit de ces aquarelles si alertes et si libres; tout cela bouge et fume, l'on entend les propos qui s'échangent, le craquement étouffé des bottes sur les tapis, l'on reconnaît ces gens pour les avoir vus, partout où la gomme s'assemble, et ils sont saisis avec une telle justesse de posture qu'on n'imagine pas qu'ils puissent se tenir autrement au moment où l'artiste nous les présente. J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 271.
5. Il a publié il y a deux ans − il est d'ailleurs beaucoup plus âgé que vous, naturellement, − un ouvrage relatif au sentiment de l'infini sur la rive occidentale du lac Victoria-Nyanza et cette année un opuscule moins important, mais conduit d'une plume alerte, parfois même acérée, sur le fusil à répétition dans l'armée bulgare, qui l'ont mis tout à fait hors de pair. M. Proust, À la recherche du temps perdu,À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 453.
Étymol. ET HIST. − a) xvies. alerte « vigilant, qui se tient sur ses gardes » (Arion, Nouvelle Fabrique, 113 ds Quem. t. 1 1959 : Un laquais... viste, subit, accort, esmeu, alerte, esveillé, fretillant et le mieux allant du pied que feust d'icy illec); b) p. ext. 1688-96 « prompt à agir » (La Bruyère, Grands, 13 : Quand je vois ... auprès des grands ... de ces hommes alertes, empressés). Dér. de la loc. adv. fr. à l'herte, alerte2* étymol. 2. L'emploi adj. du mot n'est pas attesté en ital.
BBG. − Bar. 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Lacr. 1963. − Laf. Suppl. 1878. − Lav. Diffic. 1846. − Noter-Léc. 1912. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de L'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 344. − Sar. 1920, p. 38.

ALERTE2, subst. fém. et interj.

ALERTE2, subst. fém. et interj.
I.− Substantif
A.− Signal, généralement sonore, ou appel avertissant d'un danger imminent et engageant à prendre les dispositions nécessaires pour l'éviter. Synon. alarme :
1. À leur approche, trahie au cliquetis de leurs sabres, des chiens de garde mis en défiance donnèrent bruyamment l'alerte. G. Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, p. 121.
Rem. Syntagmes sonnerie d'alerte (plus usuel sonnerie d'alarme), cri d'-, à la première -, en cas d'-, fausse -, donner l'- (donner l'alarme, alerter).
En partic.
1. [En cas de maladie, de sinistre] Appel à l'aide, doublé d'une demande d'intervention et d'assistance immédiates, adressé à la personne ou à l'organisme compétents (médecin, pompiers ...) :
2. Du temps où elle était en bois, New-York a conservé la phobie de l'incendie. Partout des escaliers de sûreté, des panneaux ignifugés, des dégagements, des sorties de secours; à chaque pas un poste d'alarme et des bouches à eau, grosses comme des canons de siège; les pompiers arrivent sur les lieux du sinistre quarante secondes après l'alerte. Aussitôt qu'on entend la plainte déchirante de leur sirène, suivie du glas de la cloche, tout s'interrompt et les pompes, aussi belles que le feu lui-même, passent, rapides comme la flamme. P. Morand, New-York,1930, pp. 214-215.
2. [En cas de guerre]
a) Signal prévenant une force militaire d'une attaque ennemie, lui imposant de prendre les mesures de sécurité voulues et de se tenir prête à intervenir :
3. Debout à la première alerte, j'avais conduit plus d'une fois ma compagnie à l'émeute, et commandé même des bivouacs dans l'intérêt de l'ordre public. L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 220.
4. ... les compagnies, les bataillons et les escadrons se reformèrent et l'on attendit sous les armes. Cela prit bien deux heures de temps. Ce qui nous étonnait le plus, c'était de ne pas voir revenir l'arrière-garde. On regardait, on écoutait; les sentinelles avaient la consigne de donner l'alerte au premier mouvement. Les officiers délibéraient autour d'un feu de bivouac, en avant du village. Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 204.
Rem. Besch. 1845 donne les précisions suiv. ,,Alerte de sentinelle ou de poste. Alerte de service qui a lieu quand il survient dans le voisinage du poste quelque événement inattendu, et annoncée par les mots : à la garde ou aux armes, suivant les circonstances. Alerte du bon Dieu ou du Saint-Sacrement. Sorte d'alerte de poste. Alerte de prise d'armes. V. alerte de poste. Alerte de tumulte ou de bruit. Sorte d'alerte de poste que la sentinelle transmet aux hommes du poste par le cri à la garde. Alerte d'incendie ou de feu. Alerte de poste que la sentinelle transmet par le cri au feu. Alerte de service. Alerte pour les soldats casernés. Les havresacs, dans ce cas, doivent toujours être fermés. La garnison est alors tenue en alerte. Alerte de caporal chef de poste. Alerte de service qui concerne le caporal de consigne, s'il y a plusieurs caporaux de garde au poste. Elle est donnée par les mots, hors de garde.``
b) Signal avertissant la population d'une attaque ennemie (bombardement aérien, approche de blindés...) et l'invitant à prendre les dispositions de défense passive prévues :
5. Au second étage, parmi les sonneries des ambulances qui parcouraient la ville et le bruit incessant des camions, des miliciens, en service commandé, tentaient d'entraîner de force des vieillards, réfugiés sous leurs lits contre le bombardement, à demi fous, et qui ne voulaient pas lâcher les pieds de fer. Soudain, écho menaçant des ambulances, les sirènes d'alerte parcoururent la rue à toute vitesse : lâchant les lits, les vieillards coururent vers la porte de l'escalier qui menait à la cave, leur couverture sur le dos... A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 728.
Rem. Syntagmes signal d'alerte, système d'-, alerte aérienne, − aux gaz, − aux blindés.
P. ext. [La not. de danger s'atténue jusqu'à disparaître] Signal indiquant que survient un phénomène dont il y a lieu de s'inquiéter :
6. La journée, malgré son grand soleil, fut terrible encore. Il y eut deux alertes, deux appels de clairon, qui firent courir Jean devant le hangar, où les distributions étaient censées avoir lieu. Mais, les deux fois, il ne reçut que des coups de coude, dans la bousculade. Les Prussiens, si remarquablement organisés, continuaient à montrer une incurie brutale à l'égard de l'armée vaincue. É. Zola, La Débâcle,1892, pp. 455-456.
7. « ... C'est là que couche le surveillant. Vous voyez : il place son lit bien au milieu, à égale distance des parois; il voit tout, entend tout, et ne risque rien. D'ailleurs, il a sa sonnerie d'alerte dont les fils passent sous le plancher. » R. Martin du Gard, Les Thibault,Le Pénitencier, 1922, p. 685.
B.− État de défense face à un danger, à une situation critique; durée de cet état :
8. Pendant l'alerte, protégés dans leurs réduits, les locataires échangeaient des politesses guillerettes. Certaines dames en peignoir, dernières venues, se pressaient avec élégance et mesure vers cette voûte odorante dont le boucher et la bouchère leur faisaient les honneurs... L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 105.
En alerte. Sur ses gardes, sur le qui-vive, sur la défensive, prêt ou occupé à parer au danger :
9. ... il leur semblait, à le voir, si sourd, si muet, avec ses yeux troubles, qu'il devait méditer quelque farouche sournoiserie, un guet-apens, où il les tiendrait en sa puissance. Aussi, pendant le premier mois, ne se virent-ils qu'avec mille précautions, toujours en alerte. É. Zola, La Bête humaine,1890, p. 187.
10. Il faut concevoir d'abord ce troupeau de muscles, différents de forme et de puissance, et attachés sur une carcasse articulée. Chaque muscle est comme un animal qui, dans l'état de repos et d'énergie accumulée, se met en alerte, c'est-à-dire se contracte, pour les moindres causes, et toujours de la même façon, passant de la forme fuselée à la forme arrondie, comme le fait autant qu'il le peut tout vivant en péril. Alain, Système des beaux-arts,1920, pp. 25-26.
11. Tirez quatre mille coups de canons par nuit sur un secteur de deux kilomètres, simplement pour tenir l'ennemi en alerte; un coup de canon coûte quatre-vingts francs; faites le compte. Alain, Propos,1921, p. 272.
12. ... avant de dormir soi-même, il faut faire dormir ses pensées. Mais cela ne va pas bien, car vouloir endormir une pensée, c'est penser; et penser c'est s'éveiller. Toute pensée nous met en alerte; et cela est naturel dans un univers qui n'a rien promis. Alain, Propos,1927, p. 747.
État d'alerte. État d'une troupe ou d'une population prêtes à prendre les dispositions prévues en cas d'alerte. P. ext. [En parlant d'un individu] :
13. Les hommes soumis à la revue d'appel avaient vite remarqué qu'on n'y voyait pas Alain. Échappant aux vexations, aux humiliations, à la crainte perpétuelle d'une déportation, que causait aux hommes l'autorité allemande, Alain en était jalousé. On ne recherchait pas si cette tranquillité n'était pas compensée par d'incessantes transes, un état d'alerte qui durait depuis le mois d'octobre. M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 50.
C.− Menace précise et soudaine d'une situation critique et alarmante; émotion, inquiétude ressenties en présence de cette menace :
14. ... on entendit retentir une violente fusillade. Valerio mit brusquement la main sur la bride du cheval de sa femme et l'arrêta court. Le Shemsiyèh, par un mouvement qui lui fit honneur, tira son sabre et se jeta devant Lucie pour la couvrir de son corps; le poète mit l'épée à la main, en invoquant saint Georges et Redjèb se coucha par terre en criant qu'il était mort. L'alerte fut vive; il y avait de quoi. Mais aussitôt on entendit de toutes parts, sur les deux flancs des montagnes : − N'ayez pas peur! On n'en veut pas à vous! Allez-vous-en! On ne tire pas sur vous! Et la fusillade fut suspendue un instant... J.-A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques,La Vie de voyage, 1876, p. 329.
15. ... en se quittant, ils s'embrassèrent, très bons amis, si bien qu'à partir de ce jour, elle le prit pour confident et conseil, tâchant de le voir à la moindre alerte, ne risquant rien sans son approbation. É. Zola, La Terre,1887, p. 311.
16. ... avant-hier, notre Véronique retombait malade, nous donnant à craindre la même fièvre qui faillit la tuer en février, en ce terrible février où le genre humain parut nous abandonner. Je me hâte d'ajouter que c'était une fausse alerte et que la chère petite va déjà beaucoup mieux. Je ne parle pas de quelques autres tourments dont le récit emplirait environ quatre-vingts pages d'un texte serré. L. Bloy, Journal,1895, p. 188.
17. ... l'aube se levait, quand l'automobile que nous avions frétée à Berlin et qui avait l'autorisation de traverser les lignes révolutionnaires, le citoyen Siegfried von Kleist étant invité à faire partie du nouveau Sénat, nous déposa dans Munich. Des agents vêtus de l'ancien uniforme nous poursuivirent dès notre entrée et nous donnèrent une alerte, mais ils en voulaient à nos phares encore allumés et il fallut leur payer contre reçu vingt-quatre marks... J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 239.
18. Dans les masses françaises, surtout dans les masses rurales, l'accusation portée contre le gouvernement conservateur d'être un danger pour la paix produisit un effet immense. Le parti républicain, conduit par Gambetta, délaissa sa tradition belliqueuse, comme Thiers, dès 1871, le lui avait conseillé. Ce fut contre les conservateurs qu'il retourna l'accusation d'être le parti de la guerre. Et pourtant l'alerte de 1875 sera suivie de bien d'autres alertes, depuis l'affaire Schnaebelé jusqu'à 1914. On ne tardera pas à voir que l'Allemagne en veut à la France elle-même, et non à ses gouvernements, de même qu'elle avait montré en 1870 que ce n'était pas l'empire qu'elle attaquait. J. Bainville, Histoire de France,t. 2, 1924, pp. 234-235.
19. − « Je te le répète : il n'y aura pas de guerre!... Seulement, l'alerte sera peut-être chaude, et j'espère que, cette fois, les peuples auront compris l'avertissement... Nous recauserons de tout ça, un jour, si tu veux... Maintenant, je te laisse... Au revoir. » R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 309.
20. Dès mon retour, une assez grave alerte m'a mis au lit avec d'inquiétantes oscillations de température. Un nouveau traitement, des soins énergiques, semblent avoir encore une fois enrayé la progression du mal. R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 909.
P. ext. [En parlant surtout d'un individu] État d'appréhension d'un danger réel ou imaginaire :
21. Et ce même besoin profond de ne point être rassurés, sur les autres, sur eux-mêmes, tant qu'ils n'éprouvent pas ce bon sentiment d'infécondité. Ce désarroi perpétuel, cette anxiété, cette mortelle inquiétude, cette alerte perpétuelle, cette constante épouvante qu'il n'y ait, qu'il ne vienne quelque part de la fécondité, qu'il ne se fasse, qu'il ne vienne, qu'il ne se fonde, qu'il ne naisse quelque vie, quelque race, quelque œuvre. Ch. Péguy, L'Argent,1913, p. 1111.
[Les not. de menace et d'inquiétude peuvent s'estomper ou même disparaître totalement] État d'éveil, de tension :
22. Ce prêtre s'était évidemment tracé un plan; Durtal ne le pénétrait pas encore en son entier, mais il devait constater que ce régime de temporisation et que cette alerte de pensées toujours ramenées vers Dieu par des visites quotidiennes dans les églises, agissaient à la longue sur lui et lui malaxaient peu à peu l'âme. J.-K. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 136.
23. Et lui qui à Paris, quand une femme de la nuit l'accostait, répondait par une insolence, la plus blessante qui lui vînt aux lèvres, il développe ici pour la première fois son génie familier et peloteur. Il va, les yeux clignotants par l'alerte de son esprit, le visage radieux d'impureté, souple et fureteur comme une petite hyène. H. de Montherlant, Les Bestiaires,1926, pp. 442-443.
PSYCHOL. ,,État de l'organisme animal où s'exprime une anticipation, une attente de la situation à venir. L'état d'alerte accompagne presque toujours l'annonce ou l'émission d'une consigne, d'un pré-stimulus.`` (Piéron 1963) :
24. La vie de l'anxieux est une perpétuelle et douloureuse alerte. Enfant, il est la proie des peurs nocturnes; timide, craintif, impressionnable à l'excès, il redoute la solitude comme il redoute la société. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 233.
II.− Interj. Sert à avertir d'un danger imminent, appelle à se tenir sur ses gardes, prêt à intervenir :
25. « ... − Gavache! s'écria le brigand, est-ce pour un pet de ta mule que j'arme cette carabine? Alerte! Alerte! une trompette! Voici les dragons jaunes. » A. Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 174.
Prononc. − 1. Forme phon. : [alε ʀt]. 2. Dér. : alertement, alerter.
Étymol. ET HIST. − 1. 1552 loc. adv., estre a l'herte « être sur ses gardes, sur le qui vive » (Rabelais, Le Quart Livre, éd. Robert Marichal, chap. XVIII, p. 103 : le pilot, consyderant les voltigemens du peneau sus la pouppe, et prevoiant un tyrannicque grain et fortunal nouveau, commenda tous estre à l'herte); 2. xviiies. emploi subst., « appel à la vigilance; inquiétude subite » (Buffon, Souris ds Littré : La souris ne sort de son trou que pour chercher à vivre; elle ne s'en écarte guère, y rentre à la première alerte...). 1 empr. à l'ital. all'erta « sur ses gardes » (Kohlm. 1901, p. 28; Sar. 1920, p. 38; Wind 1928, p. 124) de erta « côte, hauteur » fém. de erto « escarpé » part. passé de ergere « dresser » lui-même du lat. erigere « id. » : l'ital. all'erta signifiait à l'orig. « sur la hauteur ». La loc. adv. ital. est attestée dep. le xives. d'apr. DEI et seulement dep. 1541 ds Tomm.-Bell. 1929, (Francesco Berni, Orlando Innamorato, 2, 2, 2). L'emploi subst. 2 s'est développé seulement en fr. à partir de la loc. adv., il n'est pas attesté en ital.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 377. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 184, b) 452; xxes. : a) 614, b) 838.
BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bruant 1901. − Dem. 1802. − Dup. 1961. − Fichier (Le) français de Berne. Déf. Lang. fr. 1967, no40, p. 41. − Lacr. 1963. − Noter-Léc. 1912. − Piéron 1963. − Pope 1961 [1952], § 57. − Prév. 1755.

ALERTER, verbe trans.

ALERTER, verbe trans.
A.− Emploi trans.
1. [Le compl. désigne une pers. ou un coll.] Alerter qqn. L'avertir d'un danger, d'une situation critique ou, p. ext., d'un phénomène anormal, d'une difficulté quelconque, pour que soient éventuellement prises des mesures de vigilance, d'aide ou d'intervention :
1. Et, le jour même où il revenait, pantelant, à Paris, c'était pour trouver la maison bouleversée : son frère, parti depuis la veille; son père déchaîné, têtu, ayant alerté la police, vociférant : « Il est allé se tuer! », sans qu'on pût tirer de lui autre chose. Le drame de famille s'était greffé à vif sur le drame d'amour. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Sorellina, 1928, p. 1166.
2. Quand vous aurez fini aux Bois Bourrus, pourquoi ne passeriez-vous pas la nuit au Mort-Homme? Vous trouverez bien un P. C. de brigade où vous abriter. J'aimerais assez que vous soyez là-bas cette nuit. S'il arrivait quoi que ce soit, vous m'alerteriez aussitôt, en me donnant votre impression. S'il n'arrive rien, rentrez demain matin. J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,Verdun, 1938, p. 256.
3. La bataille était perdue. Jean-Jacques prétendit en appeler au public. Il s'enferma dans son galetas, développa son projet, en fit tout un livre dont il paya seul le privilège et qu'il donna à l'éditeur à « moitié-profit ». En même temps il alertait tout ce qu'il pouvait connaître à Paris. J. Guéhenno, Jean-Jacques,t. 1, En marge des « confessions », 1948, p. 162.
4. Sur le plan intérieur américain, les techniciens entreprirent durant les derniers mois de l'année 1945 un énorme effort pour alerter le public et lui exposer le problème atomique et ses dangers. B. Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 62.
MILIT. Donner l'ordre à une formation militaire de se tenir prête à intervenir :
5. Dans la soirée du 8 mai, toutes les divisions de cavalerie disponibles étaient alertées et tenues prêtes à se porter dans la zone de la 10earmée. J. Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 76.
Au fig. :
6. Elle feint de ramener distraitement son écharpe sur sa poitrine, mais Philippe sait très bien que ce geste est un geste de défense, que la diligente petite cervelle vient d'alerter chaque nerf, chaque fibre de ce corps délicat, qu'elle est désormais tout entière sur ses gardes. G. Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1442.
2. Faire pressentir un danger, une menace, une situation anormale :
7. Fakhr Ed-Dîn, le généralissime égyptien, sortait du bain et se faisait teindre la barbe au henné quand les cris des fuyards l'alertèrent. Sans avoir le temps de revêtir son armure, il sauta sur un cheval et courut aux nouvelles. Des templiers arrivaient en trombe. Un coup de lance lui perça le flanc et il roula, mort, tandis que la chevauchée franque s'éloignait en direction de Mansoura. R. Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 356.
En partic. Alerter (un ennemi, un adversaire) :
8. Le maquis de la forêt voisine ne serait mobilisé que pour faire la couverture et resterait sur la rive gauche. Deux fusils-mitrailleurs seraient suffisants pour protéger le retour des barques. − Inutile de mobiliser de gros contingents, ce qui reviendrait à alerter l'ennemi qui dispose certainement de mouchards dans la région. Il suffit que la traversée de la Saône soit assurée aller et retour. R. Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 129.
P. ext. Alerter qqn (sur qqc., contre qqn). Le mettre en garde contre quelque chose ou quelqu'un :
9. L'idée d'une sexualité infantile est une idée récente. La mémoire n'en garde aucun souvenir, du moins pour les six ou huit premières années. Nous en rejetons même l'idée avec une certaine violence, ce qui pourrait attester un refoulement persistant. Les fantaisies de goût peu sûr et de science incertaine qui ont pu se mêler ici aux faits assurés n'empêchent que la réalité n'en soit définitivement établie. Saint Augustin avait raison quand il nous alertait sur la présence latente, dans le « cher petit ange », de tous les instincts de la nature. Le cher petit ange, au surplus, n'en devient pas un monstre, mais un puer duplex au psychisme déjà délicat, qu'il faut garder de certaines menaces. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 141.
10. − C'est bien mon avis, dit Preston; et c'est celui auquel le State Department va certainement se ranger. Il sourit : « C'est pourquoi il me paraît inopportun d'alerter contre nous l'opinion française. » S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 126.
3. [La not. de danger s'estompant au point de disparaître totalement] Prévenir, informer :
11. − Docteur Jamar? Ici, Mansuy... oui... oui, je comprends... le Parquet sera ici vers onze heures... je crois qu'il vaut mieux ne pas vous déranger avant que je vous alerte, car ces messieurs peuvent fort bien arriver en retard... je vous téléphonerai et vous en aurez pour un instant à les rejoindre en auto... G. Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 98.
Rem. L'idée de signal donné précipitamment subsiste avec celle de la nécessité d'une intervention rapide.
Au fig. :
12. Le désert, c'est moi. Je ne forme plus de salive, mais je ne forme plus, non plus, les images douces vers lesquelles j'aurais pu gémir. Le soleil a séché en moi la source des larmes. Et cependant, qu'ai-je aperçu? Un souffle d'espoir a passé sur moi comme une risée sur la mer. Quel est le signe qui vient d'alerter mon instinct avant de frapper ma conscience? Rien n'a changé, et cependant tout a changé. Cette nappe de sable, ces tertres et ces légères plaques de verdure ne composent plus un paysage, mais une scène. Une scène vide encore, mais toute préparée. Je regarde Prévot. Il est frappé du même étonnement que moi, mais il ne comprend pas non plus ce qu'il éprouve. Je vous jure qu'il va se passer quelque chose... je vous jure que le désert s'est animé. A. de Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 240.
B.− Emploi pronom., rare
1. Emploi pronom. réciproque. [En parlant de sentinelles] S'alerter l'une l'autre. Se maintenir mutuellement en alerte :
13. La dissidence ajoutait au désert. Les nuits de Cap Juby, de quart d'heure en quart d'heure, étaient coupées comme par le gong d'une horloge : les sentinelles, de proche en proche, s'alertaient l'une l'autre par un grand cri réglementaire. Le fort espagnol de Cap Juby, perdu en dissidence, se gardait ainsi contre des menaces qui ne montraient point leur visage. Et nous, les passagers de ce vaisseau aveugle, nous écoutions l'appel s'enfler de proche en proche, et décrire sur nous des orbes d'oiseaux de mer. A. de Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939p. 187.
2. Emploi pronom. réfl., fig. Se mettre en mouvement à la suite d'une alerte :
14. Je n'étais qu'un moyen de le faire vivre, il était ma raison d'être, il m'avait délivré de moi. Qu'est-ce que je vais faire à présent? Surtout ne pas bouger, ne pas bouger... Ah! ce mouvement d'épaules, je n'ai pas pu le retenir... La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein. − Ce n'est rien : la chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe. J.-P. Sartre, La Nausée,1938, p. 128.
Prononc. : [alε ʀte], j'alerte [ʒalε ʀt]. Enq. : /ale2 ʀt/. Conjug. parler.
Étymol. ET HIST. − 1836 (Stendhal, Lucien Leuwen, chap. 45, p. 362 : Je ne croyais pas le parti républicain si alerté); 1922 (J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin, p. 234 : À la tombée de la nuit, nous nous attaquions aux écrevisses et vous m'alertiez à chaque bruit, car vous aviez la terreur des gardes). Dér. de alerte* étymol. III subst.; dés. -er.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 53.
BBG. − Caput 1969.

ALERTÉ, ÉE, part. passé et adj.

ALERTÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.− Part. passé de alerter*. [En liaison avec l'auxil. être]
Être alerté
Être en état d'alerte :
1. Le nouveau poste était un ancien hôtel de briques rouges, à un étage; deux sentinelles, une de chaque côté de la porte, baïonnette au canon. Tchen savait que la police spéciale était alertée depuis trois jours, et ses hommes brisés par ce guet perpétuel. A. Malraux, La Condition humaine,1933, p. 246.
2. − « Je n'ai pas seulement rencontré des Français », poursuivit Jacques. « J'ai vu aussi des Belges, des Allemands, des Russes... Les milieux révolutionnaires sont alertés, partout. On a compris que la menace est grave. Partout, on se groupe, on cherche un programme d'ensemble. La résistance s'organise, prend corps. (...) » R. Martin du Gard, Les Thibault.L'Été 1914, 1936, p. 236.
Être mis en éveil :
3. Il somnole... Mais c'est alors que souvent il est alerté et tenu malgré lui en éveil : il ne sait quoi se passe au plus secret de sa chair... Ce peut n'être presque rien, − si peu de chose, en vérité, qu'il ne sait en décrire les symptômes au docteur. Même pas une vraie souffrance : simplement « il sent son cœur », il ne perd jamais conscience de ces battements trop forts, irréguliers; ... F. Mauriac, Journal1, 1934, p. 64.
4. J'avais vécu longtemps dans l'illusion d'un accord général, alors que, de toutes parts, les jugements, les flèches et les railleries fondaient sur moi, distrait et souriant. Du jour où je fus alerté, la lucidité me vint, je reçus toutes les blessures en même temps et je perdis mes forces d'un seul coup. A. Camus, La Chute,1956, p. 1514.
Être prévenu :
5. Ce n'était pas tout à fait cela que Léon attendait : il attendait qu'on lui donnât un rendez-vous. Mais enfin le médecin était « alerté »... Sa lettre était « très amicale »... H. de Montherlant, Les Célibataires,1934, pp. 813-814.
II.− Adjectif
A.− Averti d'un danger, d'une situation critique.
MILIT. [S'applique à une formation milit.] En état d'alerte, prêt à intervenir :
6. Cependant, alertée sur ses terrains, la Royal Air Force était prête. Dans le peuple, beaucoup, désireux de sortir d'une tension presque insupportable, en venaient à souhaiter tout haut que l'ennemi risquât l'attaque. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Appel, 1954, p. 88.
Par métaph. :
7. L'électricité alertée part de l'une ou de l'autre extrémité, dévore la distance, traversant le poste de raccordement de deux réseaux à Pessac, près Bordeaux, et renforce ici le courant affaibli, ou le rétablit là, interrompu. On dirait qu'on lui fait signe... J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 1, 1925, p. 196.
Nuit perpétuellement alertée. Nuit passée en continuel état d'alerte :
8. Journal du Capitaine Delvert (2-5 juin). Vendredi 2 juin. − Nuit d'angoisse perpétuellement alertée. Nous n'avons pas été ravitaillés hier. La soif surtout est pénible. Les biscuits sont recherchés... etc. Le bombardement ininterrompu, l'incendie dans le voisinage du dépôt de grenades, les assauts quotidiens, le manque de vivres, le manque d'eau, le manque de sommeil, ... H. Bordeaux, Les Derniers jours du fort de Vaux,1916, pp. 181-182.
P. anal. [S'applique à un groupe soc. en situation de conflit] :
9. Nous prendrons en main, nous autres socialistes, les intérêts de la veuve et des malheureux orphelins. La classe ouvrière de Sérianne, restera alertée, et veillera à ce que la municipalité fasse entièrement son devoir... L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 175.
B.− Alarmé par la menace précise d'un danger et, p. ext., d'une difficulté quelconque :
10. Il n'y avait plus à en douter; trois quarts d'heure avaient suffi pour que Haynes repérât l'avarie, pour alerter les navires en mer et les postes côtiers, pour décider de la manœuvre à exécuter, pour donner les ordres à Grayson, pour amorcer l'ouvrage et pour calmer les passagers alertés. Pour du travail, c'était du bon travail! É. Peisson, Parti de Liverpool,1932, p. 205.
C.− [La not. de danger s'atténuant jusqu'à disparaître totalement]
1. [S'applique à une pers., à son esprit, à ses forces...]
a) Mis en éveil, rendu attentif :
11. MmeThéo, alertée par téléphone, leur a découvert un logement fort agréable où ils emménagèrent aussitôt. A. Gide, Journal,1940, p. 22.
12. Mais d'autres, alertés par l'interprétation d'Ungaretti, pourront renverser la situation. Dans un tel renversement d'une fable endormie en ses traditions, il y a comme un rajeunissement de la fonction fabulatrice. G. Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 128.
b) Tendu dans l'attente d'un événement, même heureux, de caractère exceptionnel :
13. Toutes mes forces alertées dans l'attente de l'instant merveilleux. J. Bousquet, Traduit du silence,1935-1936, p. 58.
14. Quand je reviens par la pensée à ces journées si apparemment vides, c'est en vain que je cherche une trace, une piqûre visible de cet aiguillon qui me maintenait si singulièrement alerté. Il ne se passait rien. C'était une tension légère et fiévreuse, l'injonction d'une insensible et pourtant perpétuelle mise en garde, comme lorsqu'on se sent pris dans le champ d'une lunette d'approche − l'imperceptible démangeaison entre les épaules qu'on ressent parfois à travailler, assis à sa table, le dos à une porte ouverte sur les couloirs d'une maison vide. J. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 39.
2. Prévenu, informé, mis au courant :
15. Quand l'état de la maison exigeait quelque réparation, Jérôme, alerté, frappait dans ses mains et rassemblait les enfants mâles. Tout le monde aussitôt devenait, dans la tribu, maçon, forgeron ou couvreur. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 129.
Rem. Dans cette acception subsiste la not. de changement de situation, d'attente ou d'intervention.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 104.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·