1. Au sing. : 12. Le comte de Blois s'employa encore, et, par menaces et par exhortations, il parvint à sauver Valenciennes. Si l'on fût entré à Gand, comme on l'eût pu faire au premier moment, lorsque la victoire de Roosebeke y avait jeté l'alarme et le trouble, la guerre eût été finie; mais les pillages de l'armée française, et le peu d'obéissance qu'on y trouvait, furent cause que les Gantois eurent le temps de se remettre.
P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-1824, p. 268.
13. Nous aurons apparemment été saisis d'une frayeur subite de la république; l'ombre sanglante de la Convention nous sera apparue; nous nous serons vu proscrit de nouveau, et dans notre terreur panique, nous aurons cru devoir sonner l'alarme.
F.-R. de Chateaubriand, Polémique,1818-1827, p. 490.
14. Une effroyable panique s'était déclarée dans un bataillon de zouaves composé de recrues, le reste des troupes venait d'être emporté, au milieu d'une débandade telle, que ce galop de déroute ne s'arrêta que derrière les remparts, dans Paris, où l'alarme fut immense.
É. Zola, La Débâcle,1892, p. 568.
15. Ai-je parlé à une seule âme vraiment chrétienne? Je n'ose le croire. Ah! que ne puis-je crier en vous! sonner l'alarme au fond de vos cœurs charnels! vous donner l'inquiétude salutaire, la sainte peur de trouver votre Rédempteur parmi vos victimes?
L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 284.
16. Pour le patriotisme, il faut une patrie. Et il n'y a point de patrie sans justice. Il n'y a pas de patrie sans droit. Ceux-là seuls aujourd'hui sont des patriotes clairvoyants qui jettent le cri d'alarme, et montrent la France elle-même menacée par le privilège d'infaillibilité galonnée qui hier nous a perdus, qui demain nous conduirait aux abîmes.
G. Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 140.
17. De son regard impétueux, vigilant, éperdu, [il] avait l'air, avec une impassibilité militaire ou une foi surnaturelle − allégorie de l'alarme, incarnation de l'attente, commémoration du branle-bas − d'épier, ange ou vigie, d'une tour de donjon ou de cathédrale, l'apparition de l'ennemi ou l'heure du jugement.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Du côté de chez Swann, 1913, pp. 325-326.
18. Cependant la confusion s'aggravait dans le pays. Les Anglais et les Navarrais dévastent les campagnes. Des bandes armées, les grandes compagnies, se livraient au brigandage. Paris, qui s'entourait en hâte de murs, s'emplissait de réfugiés qui répandaient l'alarme et la fièvre.
J. Bainville, Histoire de France,t. 1, 1924, p. 98.
19. Jusqu'ici, nous ne possédions que des indices d'attaque. La première alarme fut donnée par des déserteurs qui, les 6 et 7 février, signalèrent des concentrations de troupes importantes sur la rive gauche de la Meuse et dans la région de Damvillers.
J. Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 204.
20. Je me dirigeai vers Saintes afin d'y prendre le contact des troupes du colonel Adeline. La Saintonge, sous les drapeaux de la libération qui paraissaient partout aux fenêtres, vivait en état d'alarme. Car les Allemands occupaient, d'une part Royan et l'île d'Oléron, d'autre part La Rochelle et Ré.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 16.
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Proverbe. L'alarme est au camp. Expression traduisant une grande inquiétude ou un grand trouble collectif : 21. ... vous verrez la droite bâiller, le ministère se moucher, le centre aller à ses affaires. Mais que Foy, dans ce moment de verve applaudi de toute la France, prélude une espèce d'apostrophe, sans autrement, peut-être, y penser, on dresse l'oreille aussitôt, l'alarme est au camp, les muets parlent, tout s'émeut; et, s'il eût continué sur ce ton (mais il aima mieux rendre hommage aux classes élevées), s'il eût pu soutenir ce style, la scène changeait; M. Pasquier, surpris comme un fondeur de cloches, eût remis ses lois dans sa poche; et moi, petit propriétaire, ici je taillerais ma vigne, sans crainte des honnêtes gens. Ô puissance de l'apostrophe!
P.-L. Courier, Pamphlets politiques,Lettres au rédacteur du « Censeur », 1819-1820, p. 41.
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(Être) en alarme. (Être) dans un état d'inquiétude et sur le qui-vive : 22. Mmede Villeparisis entendit ces derniers mots. Elle en parut contrariée. S'il ne s'était agi d'une chose qui ne pouvait intéresser un sentiment de cette nature, il m'eût paru que ce qui semblait en alarme à ce moment-là chez Mmede Villeparisis, c'était la pudeur. Mais cette hypothèse ne se présenta même pas à mon esprit.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 283.
23. Il n'aimerait jamais plus comme il avait aimé; il se prêtait, mais ne se donnait pas, susceptible et toujours en alarme, surveillant tout son moi comme un garde-chasse aux aguets. On n'entreprendrait plus rien sur lui, on n'entrerait plus dans son âme.
J. Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 44.
2. P. ext., le plus souvent au plur. Vive inquiétude : 24. ... ma plume est libre encore, et tant que vous serez au timon des affaires, elle vous poursuivra sans relâche : sans cesse elle dévoilera vos malversations, sans cesse elle éventera vos projets funestes, sans cesse elle publiera vos attentats; pour vous ôter le temps de machiner contre la patrie, elle vous arrachera au repos, elle rassemblera autour de votre chevet les noirs soucis, les chagrins, les craintes, les transes, les alarmes, jusqu'à ce que laissant tomber de vos mains les chaînes que vous nous préparez, vous cherchiez vous-même votre salut dans la fuite.
Marat, Les Pamphlets,Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, pp. 195-196.
25. Dans Manon Lescaut et Des Grieux, le libertinage est peint de ses couleurs; l'amour et la bonté du naturel l'excusent, mais ils ne le déguisent pas : dans Julie et Saint-Preux il a si bien le ton, le langage, la contenance de la vertu, qu'on le prendrait presque pour elle. Tout ce que la faiblesse peut avoir de grâce et de décence dans ses faux pas et dans ses chûtes, les premières alarmes de la pudeur, ses timides délicatesses, ses imprudences, ses oublis, ses refus attrayants, ses résistances inutiles; tout cela, dis-je, est nuancé avec un artifice qui enchante au lieu d'épouvanter.
J.-F. Marmontel, Essai sur les romans,1799, p. 330.
26. Ma mère ne vivait pas tant elle était dominée par l'imagination qui lui peignait tout en noir et en terrible : elle craignait tout, redoutait tout, souffrait de tout, se blessait à tout, se faisait des monstres de tous. Elle ne vivait que d'allarmes et de frayeurs, et son imagination, ingénieuse à la tourmenter, multipliait sans cesse autour d'elle toutes les tortures de la crainte, et souvent du désespoir. J'ai malheureusement hérité de cette terrible imagination de ma mère et j'ai subi ses désastreuses conséquences.
Ch.-J. de Chênedollé, Extraits du Journal,1833, p. 155.
27. ... ne vous y trompez pas, le scrupule n'est pas l'alarme d'une conscience délicate, qui porte à craindre et à éviter avec sollicitude le péché, mais la vaine appréhension mal fondée et pleine d'angoisse qui, avec un art diabolique, cherche et arrive à voir le péché là où il n'est pas.
E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, p. 200.
28. L'histoire démontre (...) que le mouvement, la guerre, les alarmes sont le vrai milieu où l'humanité se développe, que le génie ne végète puissamment que sous l'orage, et que toutes les grandes créations de la pensée sont apparues dans des situations troublées.
E. Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 419.
29. Forcément dans ces heures où las de se battre contre des phrases, il jetait sa plume, il regardait devant lui et ne voyait dans l'avenir que des sujets d'amertumes et d'alarmes; alors il cherchait des consolations, des apaisements, et il en était bien réduit à se dire que la religion est la seule qui sache encore panser, avec les plus veloutés des onguents, les plus impatientes des plaies;...
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, pp. 21-22.
30. L'homme est ainsi (...) pétri de rêves et de visions, tissé dans une étrange étoffe, invisible, changeante, captieuse. L'étoffe de la peur (...)! Et nous peuplons ainsi de fantômes le chemin où nous marchons. De craintes en alarmes, de peurs en angoisses, nous avançons alors vers le mystère définitif. Mais ces fantômes ne méritent pas qu'on s'y arrête. Les vrais malheurs de l'homme sont autrement sérieux, ...
A. Camus, Un Cas intéressant,adapté de D. Buzzati, 1955, pp. 620-621.