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AIR1, subst. masc.

AIR1, subst. masc.
I.− Fluide gazeux, invisible, inodore, pesant, compressible et élastique, qui entoure le globe terrestre et dont la masse forme l'atmosphère; un des quatre éléments de la physique ancienne.
A.− Gén. au sing. L'air en tant que milieu naturel.
1. L'air en tant qu'il est respiré :
1. ... j'ai respiré ces airs tièdes et énergiques des vagues et des glaciers; rien n'a pu me rendre cette jeunesse flétrie dans mon cœur, bien que sur ma figure elle trompe encore quelquefois mes propres yeux. A. de Lamartine, Raphaël,1849, p. 174.
2. L'air agit chimiquement sur le contenu de la graine et le rend propre à servir de nourriture première à la plante. Toute graine enfouie trop profondément est privée du contact de l'air, elle pourrit et ne germe pas. Les graines doivent être assez recouvertes pour être maintenues humides, et assez peu pour rester sous l'influence de l'air. Gressent, Traité complet de la création des parcs et des jardins,1891, p. 694.
3. Ces cellules se laissent traverser par l'oxygène de l'air, et par l'acide carbonique du sang veineux (...) L'air atmosphérique, avant de les atteindre, traverse le nez, l'arrière-gorge, le larynx, la trachée, et les bronches où il s'humidifie et se débarrasse des poussières et des microbes qu'il transporte avec lui. Mais cette protection naturelle est devenue insuffisante depuis que l'air des villes a été pollué par les poussières du charbon, les vapeurs d'essence, et les bactéries libérées par la foule des êtres humains. A. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 78.
Rem. Syntagmes fréq. un air automnal, brumeux, chaud, débilitant, empesté, ensoleillé, frais, froid, glacé, humide, impur, insalubre, irrespirable, limpide, lumineux, malsain, marécageux, marin, maritime, moite, nauséabond, pestilentiel, pluvieux, pollué, printanier, pur, rafraîchi, raréfié, sain, salin, salubre, vicié, vif, vivifiant, volcanique... (L'adj. est toujours postposé sauf dans qq. syntagmes comme bon air, grand air, mauvais air); l'air de la campagne, des champs, des cimes, de cristal, du jour, du matin, de la mer, des montagnes, de la nuit, du soir...; la douceur, la griserie, l'inclémence, la langueur, la limpidité, la moiteur, la pureté, la salubrité de l'air ...; l'action, l'altération, la décomposition, l'exhalaison, l'expiration, l'insufflation, l'ionisation, la pesanteur, la pression, la respiration de l'air ...; aspirer, exhaler, expirer, expulser, insuffler de l'air, manquer d'air, renouveler l'air ...; le volume d'air; l'air se dilate, se réchauffe...
Locutions
a) Le bon air. L'air pur et sain :
4. − Il ne faudra pas travailler aujourd'hui, chéri... Nous prendrons un jour de vacance, au bon air... Ça te remettra... Veux-tu? R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 115.
P. oppos. Air confiné. ,,L'air des enceintes dans lesquelles séjournent des êtres vivants, et qui se trouve par conséquent plus ou moins vicié.`` (Littré).
b) Prendre, aspirer un(e) bol(ée) d'air, faire une cure d'air. Aller dans un lieu où l'air a une valeur curative :
5. Malgré la gêne monétaire où vivait le ménage, MmeMéridier trouva le moyen de fournir à la petite Jacqueline la cure d'air à la montagne dont elle avait besoin. J. Malègue, Augustin ou le Maître est là,t. 1, 1933, p. 193.
c) Littér. D'air. Léger, transparent. L'air en tant que transparent et interprété comme symbole de l'inconsistance, voire de l'inexistence d'une chose :
6. Ce que vous me dites des toilettes modernes me réjouit. Je me prépare à voir nos belles dames habillées d'air. Ainsi s'habillait une princesse de Kandahar, à qui son père reprochait d'être trop décolletée. P. Mérimée, Lettres à Madame de Beaulaincourt,1870, p. 42.
7. Il [un homme] m'a si peu sentie, si peu devinée, que j'ai eu l'impression d'être (...) le fantôme d'air qu'il allait traverser. Colette, L'Entrave,1913, p. 2.
2. L'air en tant qu'il circule et se meut autour des hommes et des choses (air a un sens voisin de vent) :
8. ... il se croyait à la campagne; et un rhume de cerveau lui apporta, comme un « coup d'air » pris dans un wagon où la glace ferme mal, l'impression délicieuse qu'il avait vu du pays; ... M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Côté de Guermantes 1, 1920, pp. 9-10.
9. La brume monte peu à peu au flanc des pâturages, jusqu'à ce que la lente oscillation de l'air la repousse à mi-côte. G. Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1471.
Rem. Syntagmes fréq. appel, bouffée, chasse, coup, courant, déplacement, filet, onde, retour, ride, souffle, vague, vibration d'air...; caresse, morsure, mouvement, roulis, tremblement de l'air...
Locutions
a) MAR. Air de vent (cf. aire* de vent).
b) Se mettre entre deux airs. Se mettre dans un courant d'air :
10. − Mon cher maréchal! cria-t-elle en l'accompagnant au perron, levez les glaces, ne vous mettez pas entre deux airs, faites cela pour moi!... H. de Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 301.
c) Donner de l'air. Aérer absol. : de l'air. S'emploie pour réclamer l'aération d'une pièce, d'un appartement, d'un local quelconque :
11. dona lucrezia, éperdue. − On étouffe ici! De l'air! De l'air! J'ai besoin de respirer un peu! V. Hugo, Lucrèce Borgia,1833, II, part. 1, 3, p. 89.
d) Se donner de l'air :
12. Elle dut écarter le haut de sa robe pour se donner de l'air. H. Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 122.
e) Fam. Le fond de l'air :
13. Il s'indignait ou se gaussait d'expressions comme : « le fond de l'air ». Qu'y faire? L'expression a raison contre lui; elle exprime excellemment ce qu'elle a mission d'exprimer; et, lorsque sa mère lui disait : « Mon enfant, couvre-toi; le fond de l'air est froid », elle entendait par là qu'il ne se fallait point fier à la température des endroits abrités où le soleil avait pu quelque peu tiédir l'air, mais qu'en lieux découverts où, dès qu'un souffle s'élevait, etc... En trente mots je parviens mal à exprimer ce que raconte si simplement cette banale phrase. A. Gide, Journal,1910, p. 311.
f) Vx. Un air de feu. Souffle d'air chaud près du feu :
14. Nous pendant ce temps, nous n'étions pas là, nous étions restés dehors à nous chauffer avec les gens de peu, un petit air de feu ne fait pas mal par ces temps humides et frissonnants du mois de mars. P. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 37.
g) Proverbialement, p. compar. Être libre comme l'air. Être libre d'aller où l'on désire, de faire ce que l'on veut sans entrave, sans rien qui retienne :
15. Mais, en vérité, ce n'est pas là votre situation, vous n'êtes pas prisonnier, par Dieu! Vous êtes libre comme l'air. A. de Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 159.
3. L'air en tant qu'élément extérieur aux habitations.
Loc. fréq.
a) (Exposé) à l'air (p. oppos. à enfermé, recouvert ...) :
16. Elle était dorée comme le blé mûr, fonçant à la nuque, aux reins, aux aisselles, couleur de brique aux bras et aux jambes, si souvent exposés à l'air, couleur de feu sur l'étroit rectangle décolleté par sa tunique de sport et qui avait reçu, comme son nez, un coup de soleil. H. de Montherlant, Le Songe,1922, pp. 43-44.
b) Vivre à l'air. Vivre au sein de la nature :
17. Presque nu, sans sabots, avec un morceau de pain noir, il garde une vache ou des oies, il vit à l'air, il joue. Les travaux agricoles auxquels on l'associe peu à peu, ne font que le fortifier. J. Michelet, Le Peuple,1846, p. 92.
c) À l'air libre (var. dans l'air libre, en air libre). Être, sortir à l'air libre. Être dehors, généralement après avoir été enfermé :
18. Pourtant je suffoquais un peu, habitué que j'étais, je l'ai dit, à ne me sentir bien qu'en air libre, oppressé par l'atmosphère factice de ce lieu. A. Gide, Thésée,1946, p. 1439.
d) Prendre l'air. Sortir hors de chez soi, aller se promener. Se dit aussi de substances qui ont été altérées par le contact avec l'air :
19. Voilà! Je comptais cet été sur un peu d'argent pour prendre l'air. G. Flaubert, Correspondance,1861, p. 456.
e) Le grand air. S'emploie surtout dans les expr. Vivre au grand air, aller au grand air. Vivre dehors, au contact de la nature, là où l'air est supposé pur et vivifiant :
20. Parmi toutes ces figures brunes, hâlées par le grand air et le soleil, sa figure était la plus brune et la plus hâlée; ses vêtements montraient de nombreuses cicatrices; un plan de son gilet de laine déchiré lui retombait sur l'épaule; des mocassins avaient remplacé ses bottes de printemps. L. Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 84.
f) Au plein air, en plein air. Au sein de la nature, hors d'une habitation :
21. Hélas! Le malheureux n'a jamais en d'enfance; Il n'a pas grandi libre et joyeux en plein air, Au murmure des pins, sur le bord de la mer; ... A. Brizeux, Marie,1840, p. 12.
Emploi subst. Le plein-air. Lieu où l'on pratique un sport en plein air :
22. Je ferme les yeux et tout cela reprend vie, ce petit matin percé de bruine, cette solitude, ce silence, cette fille qui n'était plus fraîche courant dans ce plein-air désolé. H. de Montherlant, Les Olympiques,1924, p. 286.
Néol. Sports qui sont pratiqués en plein air. Une séance de plein air.
MUS. Orchestre de plein air, musique de plein air :
23. Nota. La prétention de substituer l'Harmonie à l'orchestre symphonique est loin de notre pensée. (...) Mais qu'il nous soit permis d'affirmer qu'un orchestre de plein air comme celui que nous préconisons peut produire une impression profonde sur un auditoire non prévenu. T. Dureau, Instrumentation et orchestration,1905, p. 7.
PEINT. École de peinture :
24. Depuis le salon des refusés, l'école du plein air s'était élargie, toute une influence croissante se faisait sentir; malheureusement, les efforts s'éparpillaient, les nouvelles recrues se contentaient d'ébauches, d'impressions bâclées en trois coups de pinceau; et l'on attendait l'homme de génie nécessaire, celui qui incarnerait la formule en chefs-d'œuvre. É. Zola, L'Œuvre,1886, p. 213.
B.− L'air en tant qu'espace au-dessus du niveau du sol.
1. En l'air :
25. On ne la fait pas, la guerre aux femmes, aux enfants? Vous ne le savez pas, qu'il en crève de faim et de froid des milliers tous les jours, là-bas? C'est plus loyal, peut-être, que de foutre un paquebot la quille en l'air? M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 320.
Rem. Assoc. les plus fréq. jeter, regarder, sauter, tirer en l'air...
CHORÉGR. Dégagé en l'air.
TOURNAGE. Tour en l'air, tournage en l'air.
2. Lieu où volent les oiseaux et autres volatiles :
26. Des grives que le vent d'est amenait, des oiseaux de passage qui émigraient du nord au sud, traversaient l'air au-dessus du village et s'appelaient constamment, comme des voyageurs de nuit. E. Fromentin, Dominique,1863, p. 10.
27. Et ce fut le soleil : la lumière qui donne tant d'aise au cœur, la belle lumière emplissant la lande, et là-haut les campagnes de l'air où se jouaient deux aigles. H. Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 250.
3. AVIATION
a) Espace aérien. Conquête de l'air, transport par air :
28. Une telle beauté d'héroïsme rayonnait du poète infirme, quand il évoquait les victoires de l'esprit, devancières d'autres victoires, la conquête de l'air, le « dieu volant » qui soulevait les foules et comme l'étoile de Bethléem, les entraînait à sa suite, extasiées, vers quels lointains espaces ou quelles revanches prochaines! R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1492.
Prendre l'air. Décoller :
29. Aucun avion de Vichy n'avait pris l'air jusqu'au milieu de la journée. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Appel, 1954, pp. 105-106.
Par l'air, (par les airs), ou de préférence par air. Par la voie des airs :
30. De telles bombes pourraient cependant se révéler trop lourdes pour le transport par air. B. Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 32.
Trou d'air. Espace où, passagèrement, l'air est moins dense :
31. Un remous ou un trou d'air précipita l'oiseau de toile. Alain, Propos,1931, p. 1035.
Mal de l'air. Malaises (nausées, vomissements, etc.) qui se manifestent chez certains passagers lorsqu'un avion est secoué par des mouvements analogues à ceux qui produisent le mal de mer.
Médecine de l'air. Partie de la médecine qui étudie les problèmes biologiques posés par le vol.
b) P. méton. Ministère de l'air, Armée de l'air, École de l'air, hôtesse de l'air.
Rem. 1. Syntagmes fréq. nappe d'air...; fendre l'air, les airs; flotter, planer, tournoyer, voler, voltiger dans l'air, dans les airs. 2. Le plur. les airs est littér. :
32. Ainsi quand deux esprits, errants au sein des airs, Ont vomi la tempête et soulevé les mers (...), Tranquilles au-dessus et des vents et des flots, Sur leur char nébuleux ils goûtent le repos. P.-M.-F.-L. Baour-Lormian, Ossian,La Bataille de Témora, 1827, p. 168.
33. Le garde sourit, et, semblable à une flèche aiguë décochée d'un arc mogol, notre homme fendit de nouveau les airs en rasant les boutiques. A. de Musset, «Le Temps» en 1830 et 1831, 1831, p. 60.
4. L'air en tant qu'il amortit. Coussin d'air, matelas d'air, boudin d'air :
34. Les salves venaient de loin, étouffées, à cause des murs, du matelas d'air; entre elles et moi, la nuit, il y avait ce petit chahut de cuivre à droite, à gauche, tout autour. Mon vieux, je sentais l'étendue de la prison à l'éloignement du son des sous. A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 624.
C.− Au sing., SC. et TECHN.
1. [Accompagné d'un adj. déterminatif]
a) Vx. Air sert à désigner divers gaz particuliers. Air fixe (gaz carbonique), air inflammable (hydrogène), air méphitique (azote), air vital, air pur ou déphlogistiqué (oxygène).
b) Air sert à désigner l'air obtenu après diverses transformations industrielles.
Air brûlé. Air ayant passé sur les foyers de combustion.
Air comprimé :
35. ... la seule préparation de l'air comprimé destiné à la transmission de force se traduit, dans les conditions ordinaires de l'industrie minière, par une perte initiale d'un tiers de l'énergie motrice... J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 531.
36. Les autobus démarraient plus vite, grimpaient mieux les côtes, fréquentes en cette ville de collines. Les tramways électriques, les derniers tramways à air comprimé ou à vapeur trouvaient devant eux de longs morceaux de voie libre. J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 204.
Air inactif :
37. ... pour cela on y fait le vide, et on laisse ensuite rentrer de l'air inactif séché et filtré. MmeP. Curie, Traité de radioactivité,t. 1, 1910, p. 287.
Air liquide. Liquide bleu pâle obtenu en liquéfiant l'air et contenant principalement de l'oxygène liquide et de l'azote liquide.
Air ozoné ou ozone :
38. La préparation industrielle de l'ozone, ou mieux de l'air ozoné, s'effectue exclusivement par l'action de l'effluve; ... Ch.-A. Wurtz, Dict. de chimie pure et appliquée,2esuppl., t. 3, 1892-1908, p. 439.
Air secondaire :
39. Il est [le jour] chauffé par combustion de gaz de gazogènes dans de l'air secondaire réchauffé à 700odans des appareils Cowper. L. Guillet, Traité de métallurgie générale,1923, p. 14.
Rem. 1. Parfois air est suivi d'un compl. de n. introd. par la prép. de, qui spécifie la fonction industrielle de l'air. Mécan. air d'injection... :
40. ... il faut que l'air de balayage introduit dans le cylindre [du moteur] agisse (...) à la manière d'un piston qui refoule devant lui les gaz... P. Dumanois, Moteurs à combustion interne,1924, p. 230.
Rem. 2. Théâtre, bande d'air :
41. On appelle bande d'air, plafond ou frise ces parties de décor qui réunissent à chaque plan les extrémités supérieures des châssis et qui sont destinées à arrêter les regards du spectateur. G. Moynet, La Machinerie théâtrale,Trucs et décors, 1893, p. 67.
2. [Comme compl. de n.]
a) Air sert à former des syntagmes désignant des engins fonctionnant à l'aide de l'air (prép. à).
MÉD. Dans le fonctionnement d'instruments de chirurgie ou dans les pansements faits aux malades :
42. Gynécologie (...) Pessaire à air de Gariel. Collin, Catalogue d'instruments de chirurgie,1935, p. 295.
MUS. Dans la construction et le fonctionnement d'instruments de musique :
43. ... harmoniums (...) à air refoulé (à la française) ... Catalogue Kasriel (musique), 1936, p. 3.
Rem. 1. Autres syntagmes bateau à air; chambre à air; cloche à air; condensateur à air; écluse à air; insufflateur à air chaud; machine frigorifique à air; manomètre à air; pompe à air; sas à air; thermomètre à air; carabine, émulseur, locomotive, manomètre, moteur, pilon, pistolet, traction à air comprimé... 2. Lorsque air est déterminé par l'art. le, la prép. est normalement par :
44. ... on a (...) dans une partie de l'étuve un chauffage par l'air, et, dans l'autre partie, un chauffage par la fumée. L. Ser, Traité de physique industrielle,t. 2, 1890, p. 433.
b) Air sert à former des syntagmes désignant des appareils ayant pour objet de traiter l'air (prép. de). Aspirateur d'air, chambre d'air, cloche d'air, éjecteur d'air.
II.− Au fig.
A.− [Les différents emplois analysés sous A 1 et A 2 notamment se prêtent à des emplois fig. variés]
1. Air (milieu physique). Climat affectif, moral :
45. Un souffle d'épouvante, un air chargé de deuil Plane autour du croisé qui ne prie et ne chasse, Et qui s'est clos, vivant, dans ce morne cercueil. Ch.-M. Leconte de Lisle, Poèmes tragiques,Le Lévrier de Magnus, 1886, p. 115.
46. Il voyait une saine et libre nature, opprimée, qui se débattait contre ses chaînes, qui aspirait à une vie franche, large, au plein air de l'âme, et puis, qui en avait peur, qui combattait ses instincts, parce qu'ils ne pouvaient s'accorder avec sa destinée et qu'ils la lui rendaient plus douloureuse encore. R. Rolland, Jean-Christophe,Le Buisson ardent, 1911, p. 1406.
47. L'indécis est un anémié psychique qu'il faut sortir au grand air de l'action. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 418.
2. Air (vent qui circule).
LITTÉRATURE :
48. Il y a tant de dialogues que cela ressemble à du théâtre, mais c'est ainsi que le livre s'est présenté à moi. Je ne veux à aucun prix l'alourdir d'explications. La page trop dense m'ennuie. Il faut qu'il y ait de l'air. J. Green, Journal,1949, p. 251.
MUS. [En parlant d'un morceau de mus.] :
49. On pense « harmonies » on oublie « harmoniques » (...) Cet oubli crée dans l'œuvre un manque d'air, un manque de fluidité et de résonances... G. Migot, Lexique de quelques termes utilisés en musique,1935, p. 83.
PEINT. ,,Atmosphère dans laquelle les figures représentées sur un tableau semblent se mouvoir. On dit qu'une toile manque d'air pour indiquer que la figure paraît plaquée sur la toile et qu'elle ne peut donner l'illusion de la réalité.`` (J. Adeline, Lexique des termes d'art, 1884) :
50. Au fond de la scène, par la croisée d'où s'épand le jour, l'œil aperçoit la maison d'en face, les grandes lettres d'or que l'industrie fait ramper sur les balustres des balcons, sur l'appui des fenêtres, dans cette échappée sur la ville. L'air circule, il semble que le lourd roulement des voitures va monter avec le brouhaha des passants battant le pavé, en bas. C'est un coin de l'existence contemporaine, fixé tel que. Le couple s'ennuie, comme cela arrive dans la vie, souvent; une senteur de ménage dans une situation d'argent facile, s'échappe de cet intérieur. M. Caillebotte est le peintre de la bourgeoisie à l'aise, du commerce et de la finance, pourvoyant largement à leurs besoins, sans être pour cela très riches, habitant près de la rue Lafayette ou dans les environs du boulevard Haussmann. J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 111.
B.− Emplois fig. de diverses loc.
1. Battre l'air. ,,Agir inutilement.`` (J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage, 1813, p. 6).
2. Dans l'air (qqc. est dans l'air). [En parlant d'une idée, d'un événement, etc. qu'un gd nombre d'esprits s'attend à voir prendre corps] La révolution était dans l'air (Ac. t. 1 1932); Il y a de l'orage, de la bagarre dans l'air ... :
51. Il y avait dans l'air de cette époque une foule d'idées à l'état nébuleux, de problèmes à l'état d'espérances, de générosités en mouvement qui devaient se condenser plus tard et former ce qu'on appelle aujourd'hui le ciel orageux de la politique moderne. E. Fromentin, Dominique,1863, p. 246.
52. Le jeune homme d'alors, séduit aux enchantements de poètes purs et maudits, hésitant sur le seuil de cette littérature inquiétante dont tout le monde lui enseignait les périls et lui dénonçait les folies, pressentait dans l'air de son temps cette excitante émotion, cette disposition intime que l'on éprouve au concert cependant que l'orchestre s'essaie, et que chaque instrument cherche pour soi-même, et pousse librement sa note. P. Valéry, Variété 4,1938, p. 18.
3. Donner de l'air. Rajeunir :
53. Même un paralysé atteint d'agraphie après une attaque (...) aurait compris que Mmede Cambremer appartenait à une vieille famille où la culture enthousiaste des lettres et des arts avait donné un peu d'air aux traditions aristocratiques. M. Proust, À la recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 945.
Se donner de l'air. Se libérer :
54. [Jean]. − Manassé n'est pas au théâtre? − Il se donne de l'air. Je crois qu'il flirte avec la nouvelle figurante... L. Daudet, Médée,1935, p. 141.
4. En l'air.
a) Être en l'air.
[En parlant d'une armée, d'un régiment ...] (Être) sans appui, sans protection :
55. Toute la soirée, M. de Vineuil avait paru très inquiet (...). Il sentait son régiment en l'air, trop en avant, bien qu'il eût reculé déjà... É. Zola, La Débâcle,1892, p. 203.
Dans la lang. cour. Se sentir en l'air, rester en l'air. (Être) sans résultat :
56. ... c'est qu'aujourd'hui, dans ce soir d'été, convaincu de ses échecs de politique et d'amour, se sentant de toutes parts « en l'air », auprès de sa mère encore il se retrouve tout naturellement... M. Barrès, Leurs figures,1901, p. 299.
P. ext. Inachevé :
57. C'est [le manque d'un dessein suivi] ce qui donne au romantisme son caractère « en l'air », d'inachèvement et de transports (...) pour rien. L. Daudet, Études et milieux littéraires,1927, p. 7.
b) (Parler de qqc.) en l'air, (accuser qqn) en l'air. Sans appui dans la réalité, sans fondement. Paroles, contes, promesses en l'air :
58. Et il ne l'accusait pas en l'air, il donnait des preuves, publiant très haut le souvenir de ses propres entretiens avec Saint-Cyran, toutes ces extravagances, auxquelles il trouvait jadis un sens orthodoxe, ou qu'il se refusait de prendre au sérieux. H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 4, 1920, p. 79.
Subst. + en l'air.Sans solidité :
59. − Isabelle, vous perdez la tête! Comment vous iriez vous enfermer, là-bas, dans cette vieille maison?... C'est une idée en l'air, je l'espère bien! P. Reider, Mademoiselle Vallantin,1862, p. 33.
Tête en l'air. Personne très étourdie.
c) [En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] En émoi, en ébullition :
60. Toute la Suisse fut en l'air. Les messieurs de Berne, de Fribourg, de Soleure, qui se doutaient bien qu'on en voulait à leurs écus, au lieu de renoncer à de vieux privilèges sur d'autres cantons, firent marcher des troupes contre nous. Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 457.
d) Locutions
IMPR. En l'air. ,,Appel du linotypiste pour signaler au mécanicien que la distribution de sa machine est arrêtée.`` (Chautard 1937).
Avoir un pied en l'air. Attendre :
61. Il serait dangereux de laisser trop longuement à tout ce monde-là le pied en l'air. P. Claudel, Le Soulier de satin,1944, II, 1, p. 1043.
Tirer en l'air. ,,Habler, se vanter, mentir avec audace.`` (J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage, 1813, p. 6).
Fam. Jeter, envoyer, ficher, flanquer qqc. en l'air. Le détruire, y renoncer :
62. Ce lettré qui a pris tous ses grades, jette volontiers en l'air son bonnet de docteur... A. France, La Vie littéraire,t. 2, 1890, p. 172.
Pop. Foutre en l'air. Même sens :
63. Je n'ai pas envie que ce bougre de sans-soin aille foutre tout en l'air! P. Claudel, Protée,2eversion, 1927, I, 5, p. 375.
Cracher en l'air pour que cela vous retombe sur le nez. Faire une action qui se retourne contre son auteur.
Arg. Envoyer, flanquer, foutre, mettre en l'air. Cambrioler, tuer :
64. C'que je comprends pas, c'est l'entrée des caracos dans le cirque [dans l'intrigue]! Et pourquoi ils l'ont mis [Riton] en l'air de cette façon [en le torturant]? A. Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 170.
Rem. Mettre en l'air signifie aussi « mettre en désordre ».
Foutre les tripes en l'air. Tuer :
65. Je veux les voir, les roussins!... Je leur fouterai les tripes en l'air... Je veux leur manger le cœur. O. Méténier, La Lutte pour l'amour,Études d'argot, 1891, p. 207.
Metteur en l'air. Assassin.
Monte-en-l'air. Voleur par escalade.
Être en l'air. Être sans argent.
5. Fendre l'air :
66. Fendre l'air, s'enfuir avec vîtesse, disparoître tout-à-coup à la vue. Il fend l'air, se dit aussi par hyperbole d'un homme vaniteux et hautain, qui prend un ton bien au-dessus de sa condition. J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage,1813, p. 6.
6. Mettre à l'air. Faire montre de quelque chose avec ostentation :
67. Césaire, très bavard, très galant, mit toutes ses grâces à l'air pour éblouir la Parisienne. A. Daudet, Sapho,1884, p. 108.
Région. Sous la forme ,,mettre à l'ar [= air], ébruiter, divulguer.`` (Verr.-On. t. 1 1908, p. 45).
7. Prendre l'air du bureau. ,,Ce qui paraît en bien ou en mal des sentiments, des dispositions de ceux à qui l'on a affaire. J'allai prendre l'air du bureau et je m'aperçus qu'il m'était contraire.`` (Ac. t. 1 1932) :
68. Les musiciens sont mieux traités à mon avis. Les deux dernières années de leur pension, ils les passent à Paris... Ils peuvent, comme on dit, prendre l'air du bureau... P. Mérimée, Mélanges historiques et littéraires,1855, p. 339.
8. Vivre de l'air du temps. Être dans la misère, sans argent pour subsister :
69. Il peut tenir à ses richesses, à ses gratifications et d'ailleurs il le faut bien, puisqu'il a de nombreuses charges et qu'un poète ne vit pas de l'air du temps. R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 310.
9. Loc. pop. et arg.
a) Fam. Avoir un courant d'air dans la cervelle. Ne pas savoir ce que l'on dit, ce que l'on fait :
70. Dieu, que je suis sotte! Voulez-vous ne pas pleurer? Comme si ça comptait, ce que je dis! Vous savez bien, enfant battue, que Claudine a un courant d'air dans la cervelle... Colette, Claudine s'en va,1903, p. 51.
b) De l'air! S'emploie pour inviter à partir une personne dont la présence n'est pas souhaitée :
71. Locution usitée pour (...) inviter le contradicteur à disparaître de votre vue (...) Tes salades, j'en ai quine... de l'air! A. Simonin, Le Petit Simonin illustré,Dict. d'usage, 1957, p. 22.
c) Un nom à courants d'air. Un nom long, compliqué et généralement à particule :
72. Il doit s'agir de faits assez graves, car la bonne dame, qui porte un nom à courant d'air, − entre parenthèses, − m'a écrit une lettre angoissée et pleine de réticences. P. Bourget, Nos actes nous suivent,1926, p. 139.
d) Se déguiser, se transformer en courant d'air. S'enfuir se sauver :
73. Si tu lui proposes de tirer les conséquences de ce qu'il dit, il prétend qu'il est d'accord naturellement pour ne pas avoir l'air de se dégonfler, mais dès que tu as le dos tourné, il se transforme en courant d'air : j'en ai fait dix fois l'expérience. J.-P. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, pp. 261-262.
e) Se donner de l'air, jouer la fille de l'air, se pousser de l'air. Se sauver :
74. Il s'agit de se donner de l'air (de se sauver [de Pontanezen, dépôt préalable du bagne de Brest]). Tout est préparé. Raban, Marco Saint-Hilaire, Mémoires d'un forçat, ou Vidocq dévoilé,t. 1, 1828-1829, p. 164.
f) Prendre de l'air. S'en aller, s'esquiver.
g) Mettre de l'air dans l'estomac. Assassiner, tuer.
h) Manquer d'air. Manquer de courage, d'audace ou être déconcerté.
i) Pomper l'air. Ennuyer, importuner.
Rem. Dans la lang. pop. air peut prendre le genre fém., de même que air2et air3:
75. − L'air est malsaine ici, dangéreuse à respirer. M. Genevoix, Raboliot,1925, p. 163.
Prononc. − 1. Forme phon. : [ε:ʀ]. 2. Homon. et homogr. : air2, air3, aire, ère, erre verbe, erre subst., ers, hère, Aire n. propre géogr., R lettre. 3. Dér. et composés : airage, plein-air.
Étymol. ET HIST. − 1. 1119 « fluide gazeux, constituant l'atmosphère » (Ph. de Thaun, Comput. éd. Mall, 2802 ds T.-L. : la terre dedenz pent, L'airs tut entur s'estent); 2. 1275 « air en mouvement, vent » (Adenet Le Roi, Bueves de Commarchis, éd. A. Scheler, 786 ds T.-L. : Nus airs n'i puet venir de quel part que il vente). Du lat. aer, -eris (attesté dep. Ennius, Ann., 454 ds Oxford lat. dict., s.v., 69 a) au sens 1 dep. Pl., As., 99, ibid., 69 b : jubeas... me piscari in aere; au sens 2 ds Lucr., 5, 717, ibid. : cum primum... uiolentior aer puppibus incubuit.
BBG. − Andrieu (J.). L'Eau, la terre, l'air et le feu dans l'œuvre poétique de Lamartine (Thèse princ. Lettres. 1957.). − Bach.-Dez. 1882. − Bader-Th. 1962. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barber. 1969. − Baudr. Chasses 1834. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bernelle (A.). Les Quatre éléments : l'air. Vie Lang. 1959, no85, pp. 171-182. − Bible 1912. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Chautard 1937. − Chesn. 1857. − Daire 1759. − Delc. t. 1 1926. − Divin. 1964, p. 7. − Dub. Dér. 1962, p. 55. − Duval 1959. − Éd. 1913. − Électron. 1963-64. − Esn. 1966. − Fér. 1768. − Fromh.-King 1968. − Galiana Astronaut. 1963. − Galiana Déc. sc. 1968. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 88. − Grand. 1962. − Grimaud (F.). Petit glossaire du jeu de boules. Vie Lang. 1968, no191, p. 110. − Guilb. Aviat. 1965. − Jal 1848. − Lacr. 1963. − Lar. comm. 1930. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Littré-Robin 1865. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1814-20. − Prév. 1755. − Privat-Foc. 1870. − Réau-Rond. 1951. − Sc. 1962. − Soé-Dup. 1906. − Sommer Suppl. 1882. − Spitzer (L.). Essays on historical semantics. New York, 1948, pp. 257-262. − St-Edme t. 1 1824. − Uv.-Chapman 1956. − Will. 1831. − Zastrow (D.). Entstehung und Ausbildung des französischen Vokabulars der Luftfahrt mit Fahrzeugen ,,leichter als Luft`` (Ballon, Luftschiff) von den Anfängen bis 1910. Tübingen, 1963, pp. 171-172; p. 320, 394, 408, 413, 424, 426; pp. 465-466; p. 491, 501, 571.

AIR2, subst. masc.

AIR2, subst. masc.
A.− Apparence, comportement, attitude extérieure d'une personne (maintien, expression des traits ...).
Rem. Ce subst. (hormis les cas d'ell.) ne s'emploie que dans certaines conditions syntaxiques : il est obligatoirement suivi d'un adj., d'un subst. en fonction adjective, d'un compl. déterminatif, d'une prop. relative, ou, plus rarement, précédé d'un poss. ou d'un dém. Il sert à attribuer à une personne une certaine apparence, une manière d'être précisée par l'adj. ou le syntagme équivalent. Il a l'air bête signifie « il est apparemment bête ».
1. Air suivi d'un adj.
a) Un air, l'air, avec l'air, sous l'air ... + adj. :
1. La figure est brune, éveillée, coquette, le nez retroussé, les lèvres roses, le regard noir et droit, l'air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mmed'Humières, par exemple, avec sa bouche rose en cœur si sensuelle et tout humide. G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,Touraine et Bretagne, 1848, p. 183.
2. Non. Sous le faux air virginal Je vois l'être inepte et vénal, Mais c'est le rôle seul que j'aime. Ch. Cros, Le Coffret de Santal,Sonnet, 1873, p. 101.
3. Les hommes et les femmes sont si mauvais, si incorrigibles, que je marche toujours avec un petit air penché. J. Renard, Journal,1905, p. 1000.
b) Avoir, prendre l'air, un air ... + adj. :
4. Il [l'abbé] quitta instantanément son aspect bonhomme, et prit son air sacerdotal... G. de Maupassant, Une Vie,1883, p. 177.
5. − Mahaut n'a pas l'air bien portante. R. Radiguet, Le Bal du comte d'Orgel,1923, p. 163.
6. Ils avaient l'air tout à fait calmes et presque contents. A. Camus, L'Étranger,1942, p. 1163.
Rem. Syntagmes fréq. (avoir) l'air absent, agréable, attentif, fâché, honnête, hypocrite, indifférent, joyeux, maladif, moqueur, naïf, prétentieux, provocant, triste, ...
Loc. Avoir bel air, bon air, grand air. Avoir belle apparence, grande allure :
7. Une Madame de Pontcarré, dévote de bel air, qui s'était venue loger à Port-Royal, avait induit à ces dépenses par un don de vingt-quatre mille livres qui n'avaient servi qu'à payer les fondements. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 332.
8. Osez-vous bien dire que vous aimez autre chose qu'un beau cheval ou un habit bien fait et d'une couleur nouvelle qui vous donne bon air, le matin, en vous promenant au bois de Boulogne, ou le soir, dans votre loge, à l'Opéra, ou dans les coulisses? Stendhal, Lamiel,1842, p. 178.
9. Mais, parmi vos libérateurs, quel était ce jeune homme qui semblait diriger l'attaque, et qui a blessé Vallombreuse? Un comédien, sans doute, quoiqu'il m'ait paru de bien grand air et de hardi courage. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 445.
Rem. ,,Un homme du bel air, les gens du bel air, les gens du grand air, se dit de ceux qui veulent se distinguer des autres par des manières plus recherchées. Il est le plus souvent ironique.`` (Ac. t. 1 1932). Expr. auj. vieillies.
Avoir mauvais air. Avoir une allure inquiétante, une façon de se comporter peu recommandable.
c) Adj. dém. ou poss. + air + adj. :
10. C'est probablement à cet air féroce que les Valenciens doivent la réputation de mauvaises gens qu'ils ont dans les autres provinces d'Espagne. T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1845, p. 372.
11. ... [considérez ... les personnages] ... leur ligne irréprochable, leur air figé, leur expression de foi fixe et profonde... H. Taine, Philosophie de l'art,t. 2, 1865, p. 17.
d) D'un air, de son air + adj. :
12. ... mais il chantait si bien, en levant la tête vers le ciel d'un air désolé, que le froid m'entrait jusque dans les cheveux de l'entendre. Et comme il parlait de patrie, d'amante, de vieux père, je me levai tout pâle, et je sortis pour cacher mon trouble, parce que je pensais à Marguerite. Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, pp. 42-43.
13. Pierrette dit d'un petit air canaille : − J'espérais qu'il y aurait du champagne. R. Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 117.
Rem. 1. Accord au fém. ou au plur. : l'accord se fait en principe au masc. sing. Elle a l'air sot, elles ont l'air sot. Mais les ex. d'accord au fém. ou au plur. ne sont pas rares (cf. ex. 5, 6). Cette rem. vaut également pour B (cf. ex. 60). 2. Dans l'ex. suiv., l'adj. est employé en fonction d'attribut :
14. Néanmoins l'air de Lourdois n'était pas naturel, pensa-t-il, il y a quelque anguille sous roche. H. de Balzac, César Birotteau,1837, p. 230.
2. Air suivi d'un subst. (en fonction adjective) :
15. ... « cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur moi. J'aurai l'air misère comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée. » G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Parure, 1884, p. 456.
16. Elle baissa les paupières avant de répondre, avec un air un peu grande sœur, très fille-du-monde, qui signifiait : « Mais voyons, c'est une question qui ne se pose pas », ... H. de Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1358.
3. Air + compl. déterminatif
a) [Le compl. déterminatif est un subst. abstr.] :
17. Il y en avait de remarquablement belles : elles n'ont point cet air de douceur, de modestie timide et de langueur voluptueuse des femmes arabes de la Syrie; ... A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 12.
18. Il retenait longtemps dans son bureau les clients qui venaient le voir, parlait beaucoup, revenait sur un point déjà examiné comme pour racheter son air de jeunesse et son défaut d'expérience par la grâce d'une conversation aimable et une grande attention à chaque affaire. J. Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 159.
19. L'air de la réussite, quand il est porté d'une certaine manière, rendrait un âne enragé. A. Camus, La Chute,1956, p. 1514.
Rem. Syntagmes fréq. un air d'abattement, d'accablement, d'approbation, d'autorité, de bonté, de bravade, de béatitude, de candeur, de commisération, de compassion, de complaisance, de contentement, de conviction, de convoitise, de dissimulation, de dédain, de désapprobation, de détachement, d'extase, de fatuité, de fierté, de franchise, de fureur, de gaieté, d'humilité, d'impatience, d'incrédulité, d'indifférence, d'innocence, d'inquiétude, d'insouciance, de jovialité, de mécontentement, de moquerie, de mystère, de nonchalance, de négligence, de perfidie, de raillerie, de recueillement, de réprobation, de résignation, de satisfaction, de stupeur, de stupéfaction, de suffisance, de supériorité, de tristesse, ...
Loc. Air de famille, air de parenté, air de ressemblance :
20. Ghéon a pris un air de ressemblance avec le brave curé de Cuverville. A. Gide, Journal,1917, p. 627.
21. Nous nous regardions à la dérobée. Il y avait entre nous, me sembla-t-il, un air de parenté : quelque chose de pauvre, d'inquiet, d'humilié; une certaine défiance réciproque, aussi. G. Duhamel, Confession de Minuit,1920, p. 122.
22. − Entendons-nous : vous ne refuserez pas d'admettre qu'il puisse exister entre des individus plus ou moins liés par le même secret, les mêmes mensonges, une certaine ressemblance − ce que les bonnes gens appellent un air de famille! − L'air de famille, c'est tout, et ce n'est rien, ça échappe aux classifications ordinaires, il faut plus que de l'œil pour le reconnaître, un don ... une faculté. J'ai ainsi une vieille parente un peu folle qui repère jusqu'à des cousinages éloignés. G. Bernanos, Un Crime,1935, p. 845.
Rem. Le mot air peut simplement signifier « ressemblance entre deux personnes », cf. cet ex. : ,,Les enfants ont presque toujours l'air du père ou de la mère.`` (Nouv. Lar. ill.). De même avoir un faux air de qqn, « avoir quelque ressemblance avec lui ». Il a beaucoup de votre air (Ac. t. 1 1932).
b) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. non actualisé] :
23. Elle [la comtesse] ne répondit rien, et demeurait étendue dans sa voiture avec un air de reine irritée. G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, L'Inutile beauté, 1890, p. 1146.
PEINT., SCULPT. Un air de tête. ,,L'attitude d'une tête, la manière dont une tête est dessinée.`` (Ac. 1798-1932) :
24. − Je crois entendre ce que dit en ce moment ma mère, me répondit-elle en prenant l'air de tête qu'Ingres a trouvé pour sa mère de Dieu, cette vierge déjà douloureuse et qui s'apprête à protéger le monde où son fils va périr. H. de Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 307.
c) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. actualisé] :
25. Vraiment on a l'air d'un laquais, et non pas d'un amant. T. de Banville, Les Cariatides,Les Baisers de pierre, 1842, p. 63.
26. J'ai l'air d'un propriétaire d'écurie de courses, d'un cercleux, d'un vieux marcheur, Justin s'était pris à tourner autour de notre ami, l'œil mi-clos, la lèvre inférieure, qu'il avait grosse et fendue, avancée d'un air méditatif. − Mais non, mais non, disait-il. C'est parfait. Tu n'as pas l'air d'un grand-duc. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 26.
Loc. L'air de tous les jours, des mauvais jours :
27. Davis se présenta, prit son air des mauvais jours pour toucher la main que lui tendait l'ingénieur, puis dit à Grayson : − ils grognent là-dedans, mais ils ne démarrent pas. É. Peisson, Parti de Liverpool,1932, p. 76.
d) [Le compl. déterminatif est un nom propre]
28. ... son imagination et sa coquetterie furent intéressées à ce drôle de garçon qui, sans avoir aucun air de Paris, était assez vivant pour s'organiser un jeu si compliqué. M. Barrès, Les Déracinés,1897, p. 110.
e) [Le compl. déterminatif est un dém. antécédent d'une relative] :
29. Mais j'aimais mieux avoir l'air de celui qui sait que de celui qui questionne. M. Proust, À la Recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 1097.
f) [Le compl. déterminatif est un inf.]
De + inf. :
30. Je m'avançais vers elle et, modeste, ingénu : « Vous m'avez accordé cette valse, Madame? » J'avais l'air de prier n'importe quelle femme, Elle me disait : « oui », comme au premier venu. Sully Prudhomme, Les Vaines tendresses,Invitation à la valse, 1875, p. 160.
Locutions
Un air de ne pas y toucher :
31. Pauliet était habile et avec son air de n'y pas toucher il avait l'art de poser les questions. P.-J. Jouve, La Scène capitale,1935, p. 219.
Un faux air de + inf. :
32. Ce secrétaire était un jeune homme d'une trentaine d'années qui, derrière son bureau moisi, se donnait un faux air de sortir des Sciences po : rasoir strict. Col dur et cravate impeccable. R. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 165.
Rem. Avoir l'air + adv. ou loc. adv. mis pour avoir l'air d'être + adv. :
33. Elle cherche ses intonations en dedans, et sa physionomie prend un air « ailleurs »; ... J. Renard, Journal,1897, p. 394.
À + inf. :
34. Et lui présentant à la face une main mutilée, d'un air à épouvanter, il lui jeta le : « ton temps viendra! » de Chenerailles. H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 71.
g) [Compl. déterminatifs divers] :
35. Les invités se regardaient avec un air, comme des gens au chaud dans une maison au bord de la mer un soir de tempête, qui n'aiment pas penser aux tourbillons que fabrique la nuit. P. Nizan, La Conspiration,1938, p. 39.
L'air comme il faut. Attitude très convenable, très correcte :
36. Puis, derrière l'habilleuse, fermant le cortège, venait Satin tâchant d'avoir un air comme il faut et s'ennuyant déjà à crever. É. Zola, Nana,1880, pp. 1201-1202.
Un air à la mode :
37. Charles IV ne nous montre qu'un trait nouveau, le désir de paraître; c'est qu'il avait été élevé à la cour de France, et que les circonstances le forcèrent toute sa vie à vivre parmi les étrangers; or nous avons vu le caractère, l'art lorrains, toujours craintifs de paraître ridicules, prendre l'air à la mode. M. Barrès, Un Homme libre,1889, pp. 115-116.
Un air « sur les dents » :
38. ... et tout, de Magnin, l'intéressait : son absence d'aisance, son apparente distraction, son air « sur les dents », son aspect de contremaître supérieur (il était, en fait, ingénieur de Centrale), l'énergie évidente et ordonnée qui s'agitait sous ses rondes lunettes ahuries. A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 528.
(N'avoir) l'air de rien. ,,Ne pas se faire remarquer : Il n'a l'air de rien, mais il pense à tout.`` (Dub.).
En avoir l'air. Sembler, paraître.
Sans en avoir l'air. Sans le laisser voir, sans le laisser paraître :
39. Je comprenais déjà ce raisonnement, et quand elle parlait de mon avenir avec mon oncle de Beaumont, qui la pressait vivement de céder, j'écoutais de toutes mes oreilles sans en avoir l'air. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 241.
40. Les commerçants d'Edimbourg jugèrent que ce jeune homme à tête de fille était plus dangereux qu'il n'en avait l'air, et lui souhaitant le bonsoir avec respect, redescendirent à toute vitesse. A. Maurois, Ariel ou la Vie de Shelley,1923, p. 75.
4. Air + prop. rel. :
41. − Eh bien! monsieur, lui dit-il enfin avec un soupir et de l'air dont il eût appelé le chirurgien pour l'opération la plus douloureuse, j'accède à votre demande. Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 61.
42. Camille regarda sa mère d'un air où se mêlaient la convoitise et l'inquiétude. P. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 21.
5. Cet air, son air, (de) quel air ... (sans compl. déterminatif) :
43. Il y a du conspirateur, du prisonnier et du faiseur de coups d'état dans sa marche, son regard, son air. E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1863, p. 1219.
44. ... il fallait être bien perspicace, ou averti autant que l'était Fleurissoire, pour découvrir sous la jovialité de son air, une discrète onction cardinalice. A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 800.
45. − Eh bien, et votre mari? Qu'est-ce qu'il devient? Elle changea d'air immédiatement, inclina la tête avec une gravité douloureuse. M. Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 178.
Pop. Avoir de l'air, se donner de l'air :
46. Se donner ou avoir de l'air, avoir un air chagrin. G. Delesalle, Dict. argot-français et français-argot,1896, p. 8.
Région. Donner de l'air à qqn :
47. Ressemblance. Nous disons : Donner de l'air à quelqu'un, pour signifier : Avoir de son air, avoir sa tournure, avoir son allure, lui ressembler à plusieurs égards. Il donne beaucoup d'air à son frère, et encore davantage à son oncle. Expression méridionale. J. Humbert, Nouveau glossaire genevois,1852, p. 13.
Loc. Gagner de l'air. Changer à son profit :
48. − Comme vous êtes changé! Vous avez gagné de l'air. Paris vous fait du bien. G. de Maupassant, Bel Ami,1885, p. 75.
6. Au plur. Airs.
a) Airs + adj. :
49. J'avais beau affecter des airs dégagés, préparer mes entrées avec soin, étudier mes poses, je sentais encore le novice, le conscrit. Pour tromper mon inexpérience, je pris des airs écrasants vis-à-vis des huissiers. L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 338.
50. Les élèves de l'école supérieure de Villeneuve (...) affectent bien encore des airs prudes et dégoûtés en passant près de nous... Colette, Claudine à l'école,1900, p. 228.
Fam. Prendre, avoir des airs penchés. Prendre certaines attitudes dans le but de plaire, de séduire.
Grands airs (souvent en mauvaise part). Attitude hautaine se voulant pleine de distinction :
51. Ces dames alors avaient recours à de grands airs, rappelaient négligemment les noms illustres qu'elles portaient, et demandaient une pension comme un maréchal de France se plaindrait d'un passe-droit. G. de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française,1817, p. 77.
b) Airs + de + subst. abstr. :
52. ... ils ont lié les bras à vos défenseurs séduits par leurs faux airs de fraternité, et ils sont parvenus à vous enchaîner sur l'autel même de la liberté : ... Marat, Les Pamphlets,C'est un beau rêve, gare au réveil, 1790, p. 234.
53. ... mais elle reprenait, comme honteuse, son orgueil de femme décente et ses airs de vertu, ni plus ni moins qu'une Anglaise, et aplatissait toujours son Crevel sous le poids de sa dignité, car Crevel l'avait de prime abord avalée vertueuse. H. de Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 144.
Rem. Syntagmes fréq. airs d'importance, airs de supériorité.
c) Airs + de + subst. concr. :
54. Si tu m'aimes en amant, fuis donc ces airs de mari qui étouffent l'amour et font bien mal à l'amitié. G. de Staël, Lettres de jeunesse,1786, p. 81.
55. M. de Metternich (ambassadeur d'Autriche) affectait les airs d'un homme des anciennes cours modernes. É. Delécluze, Journal,1825, p. 122.
d) Airs + de + inf. :
56. Vous êtes extraordinaire, vous me permettrez de vous le dire, avec vos airs de me mettre à la porte d'une maison qui n'est pas la vôtre; et si je veux bien me rendre à vos ordres, eu égard à votre état d'exaltation, vous ne sauriez moins faire, convenez-en, que de céder à ma prière. G. Courteline, Boubouroche,1893, II, 3, p. 72.
e) De ces airs, se donner des airs, prendre des airs :
57. Bref, je voulais dominer en toutes choses. C'est pourquoi je prenais des airs, je mettais mes coquetteries à montrer mon habileté physique plutôt que mes dons intellectuels. A. Camus, La Chute,1956, p. 1501.
Fam. Se donner de grands airs.
Loc. pop. Être à plusieurs airs; un air sur deux airs :
58. Être à plusieurs airs : être hypocrite ou fantasque; jouer en cachette plusieurs rôles à la fois, ou faire tantôt bonne et tantôt mauvaise mine à la même personne sans motif apparent. L. Larchey, Les Excentricités de la langue française en 1860,p. 362.
59. marius. − Et puis, je n'aime pas qu'on me regarde d'un air sur deux airs! panisse. − Moi, je te regarde d'un air sur deux airs? fanny. − Tu deviens fou, mon pauvre Marius! M. Pagnol, Marius,1931, I, 10, p. 84.
B.− Plus rare. Apparence extérieure d'une chose. Synon. sembler, paraître.
Rem. Air s'emploie dans les mêmes conditions syntaxiques que sous A. Les grammairiens jugent cet usage incorrect.
1. Air + adj. :
60. Nous continuons à ne rien savoir. Mais les nouvelles m'ont l'air mauvaises. G. Flaubert, Correspondance,1871, p. 252.
61. ... et il a relevé ses chaussettes, qui avaient un peu l'air mélancolique. L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 257.
Loc. Avoir bon air, grand air. Avoir une belle apparence, une belle ordonnance :
62. Ce palais d'un si grand air, ces jardins, c'est le lieu où le terrien français est venu se corrompre. M. Barrès, Mes cahiers,t. 10, 3 avr.-août 1913, p. 80.
63. La maison, reconstruite après l'incendie de 1922, a bon air entre les vieux arbres. J. Green, Journal,1944, p. 118.
2. Air + subst. (en fonction adjective) :
64. ... elle voulait donner un air « fiançailles » à cette liaison, pour que les apparences fussent sauves, mais seulement un air, pas de réalité. H. de Montherlant, Pitié pour les femmes,1936, p. 562.
3. Air + compl. déterminatif
a) [Le compl. déterminatif est un subst. abstr.] :
65. L'univers porte en soi d'infaillibles conseils Dont la sagesse a l'air d'une atroce démence : ... Sully Prudhomme, La Justice,Commencements, 1878, p. 88.
66. Sur la nappe blanche, deux flambeaux d'argent prêtaient un faux air de richesse à cette pièce pauvrement meublée où les derniers rayons du soleil couchant brillaient encore au bas d'une plinthe. J. Green, Moïra,1950, p. 9.
Loc. Air de famille, air de parenté :
67. Les jardiniers descendirent de leurs carrioles une collection de Caladiums qui appuyaient sur des tiges turgides et velues d'énormes feuilles, de la forme d'un cœur; tout en conservant entre eux un air de parenté, aucun ne se répétait. J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 119.
b) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. non actualisé] :
68. Vraiment aussi, il trouve que cet arbre a trop l'air en bois. J. Renard, Journal,1894, p. 210.
c) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. actualisé] :
69. Beaucoup de voitures, beaucoup de bruit, l'air d'une capitale, un petit Paris méridional, voilà Naples. G. Flaubert, Correspondance,1851, p. 127.
70. Il a, dans la cuisse, une douleur rhumatismale qui a tout l'air d'une sciatique. E. et J. de Goncourt, Journal,févr. 1880, p. 59.
d) [Le compl. déterminatif est un inf.] :
71. Une eau d'une limpidité qui a l'air de laver les pierres moussues, vert de bouteille, qui sont au fond, faisant des feuilles du velours, et des cailloux jaunes, de la topaze brûlée. E. et J. de Goncourt, Journal,août 1858, p. 520.
Loc. En avoir tout l'air :
72. Il neigeait. Je regardais par la fenêtre les flocons immaculés s'amasser sur le gazon. Peyrot sonna. J'ouvris moi-même. − Je savais vous trouver, monsieur, par un temps pareil. − Un temps qui déshonore le pays. − Ça en a tout l'air. Il va bientôt falloir un traîneau. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 3, 1932, p. 86.
4. Au plur. Airs :
a) Airs + adj. :
73. ... Si bien qu'on vous admire, écouteurs infidèles, (...) Et que l'eau, palpitant sous le chant qui l'effleure, Baise avec un sanglot le beau saule qui pleure; Et que le dur tronc d'arbre a des airs attendris; ... V. Hugo, Les Contemplations,En écoutant les oiseaux, t. 2, 1856, p. 34.
b) Airs + compl. déterminatif :
74. Il était assis sur un banc de pierre, sous l'arcade d'une galerie qui donne à la maison du Bon-Sauveur des airs d'ancien cloître. J. Barbey d'Aurevilly, Troisième memorandum, introd. 1856, p. 63.
75. Des nuées de mouettes passaient devant les fenêtres, et s'ébattaient sur les berges de l'Arve, dont le cours rapide mais peu profond se donnait des airs de torrent en couvrant d'écume ses rochers à fleur d'eau. R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 21.
c) MAN. ,,Se dit des allures d'un cheval.`` (Ac. 1798-1932). Airs bas, ,,Airs bas, ceux où le cheval manie près de terre.`` (Ac. 1835). Airs relevés, ,,Airs relevés, ceux où le cheval s'enlève davantage en maniant.`` (Ac. 1835). Aller à tous airs, ,,Ce cheval va à tous airs, on le manie comme on veut.`` (Ac. 1835).
Étymol. ET HIST. − 1580 « apparence extérieure » (Montaigne, Les Essais, I, 62 ds Gdf. Compl. : C'est une ladrerie spirituelle qui a quelque air de santé). De air1par dérivation de sens.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Canada 1930. − Daire 1759. − Duch. Beauté 1960, pp. 37-38. − Éd. 1967. − Fér. 1768. − France 1907. − Girard 1756. − Giteau 1970. − Gramm. t. 1 1789. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Kold. 1902. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Larch. 1880. − La Rue 1954. − Lav. Diffic. 1846. − Le Breton 1960. − Le Roux 1752. − Noter-Léc. 1912. − Prév. 1755. − Renson (J.). Les Dénominations du visage en français et dans les autres langues romanes. Étude sémantique et onomasiologique. Paris, 1962, pp. 424-425 (Bibl. de la Fac. de philos. et lettres de l'Univ. de Liège. 162.). − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − Wandruszka (M.). Haltung und Gebärde der Romanen. Tübingen, 1954, pp. 66-75 (Beihefte zur Z. rom. Philol. 96). − Zindel (R.). Des Abstraits en français et de leur pluralisation. Une contribution à l'étude des mécanismes de pensée. Bern, 1958, § 74.

AIR3, subst. masc.

AIR3, subst. masc.
A.− MUSIQUE
1. Mélodie composée pour accompagner les paroles d'un chant. Apprendre un air nouveau :
1. ... mais souvent le bruissement des feuilles emportait l'air avec les paroles. A. de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines,1911, p. 4.
P. ext. Cette mélodie et les paroles qu'elle accompagne :
2. Le père Dodu se mit à entonner un air à boire; on voulut en vain l'arrêter à un certain couplet scabreux que tout le monde savait par cœur. G. de Nerval, Les Filles du feu,Sylvie, 1854, p. 619.
Rem. Syntagmes fréq. un air ancien, un air populaire, célèbre, connu, à la mode; chanter, oublier un air, composer un air sur des paroles; l'air va bien aux paroles.
2. Loc. proverbiales, gén. vieillies (quelques-unes de ces loc. s'entendent au propre et au fig., cf. infra B 1 au fig.)
Vous n'êtes pas dans l'air. Vous chantez faux; vous êtes à côté de la question.
C'est l'air qui fait la chanson. C'est la mélodie qui caractérise le mieux une chanson; c'est le ton qui révèle les intentions cachées sous les paroles.
L'air et la chanson. L'apparence et la réalité.
En avoir l'air et la chanson. Être réellement ce qu'on paraît.
Se donner plus l'air qu'on n'en a la chanson. N'avoir que l'apparence de qqc. :
3. Alors, Anne-Marie reconnut la Mariette de L'Imberdis. Une déraisonnée qui s'en donnait peut-être plus l'air qu'elle n'en avait la chanson, afin de pouvoir insulter les personnes. H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 122.
Crier sur l'air des lampions. [Allusion au cri scandé par la foule en 1827 pour réclamer les illuminations] En deux ou trois syllabes détachées et sur un seul ton :
4. Tous les miliciens se retournèrent, même Manuel qui conduisait et hurlèrent : « hourra! » Et tous de vociférer en espagnol, sur l'air des lampions cette fois, tapant des pieds : A-dieu! Notre peu-titeu ta-ble! A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 482.
B.− P. ext. Mélodie vocale ou instrumentale, qui forme un tout et peut se détacher d'une œuvre.
1. Mélodie d'opéra, d'oratorio, de cantate (gén. avec les paroles) :
5. ... les trois principaux acteurs de l'opéra, doivent chacun chanter cinq airs : un air passionné /l'aria patetica/, un air brillant /di bravura/, un air d'un style uni /aria parlante/, un air de demi-caractère, et enfin un air qui respire la joie /aria brillante/. Stendhal, Vies de Haydn, Mozart et Métastase,1817, p. 305.
6. Chanter « un air » de Gluck au concert, passe encore; jouer tout un acte ... je n'écoute plus. A. Gide, Journal,1902, p. 118.
Rem. Syntagmes fréq. un air d'opéra, d'opérette; l'air du ténor, un air de bravoure.
Au fig., littér. Thème, propos :
7. ... les lettres françaises furent jadis profondément conservatrices, alors même qu'elles chantaient des airs de fronde. Ch. Maurras, L'Avenir de l'Intelligence,1905, p. 50.
Loc. proverbiale. Je connais des paroles sur cet air-là. ,,J'ai entendu en pareille occasion les mêmes choses que vous venez de dire pour vous excuser, pour soutenir cette opinion.`` (Ac. 1835-1932).
2. Mélodie instrumentale.
Un air de flûte, de guitare, de mandoline, de pipeau, de violon, ...; des airs d'accordéon, de cornemuse :
8. Beaucoup de choses s'éveillent autour de lui : le visage rond et charmant entrevu jadis à sa fenêtre de la rue aux Juifs, la fraîcheur d'un air ancien écouté au clavecin ou au luth, ... R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 175.
Air de danse, de ballet, de valse :
9. On entend presque aussitôt un air de valse extrêmement banal et populaire. M. Achard, Jean de la Lune,1929, I, 2, p. 5.
Air de jazz, de mazurka, de menuet, de gavotte, ...
Des airs de café-concert, de cabaret, de guinguette, ...
P. compar., loc. fam.
Jouer un air de qqc. Prendre sa part de quelque chose :
10. − Un vermouth-cassis, un! ... et présenté par Mam'selle Annette! MlleAnnette, il ne se cachait point pour dire tout haut qu'il la trouvait de son goût. C'était la petite bonne du café : vingt ans à peine, blonde, niaise, mais des lèvres fraîches et le trottinement drôle. Gaspard la regardait servir et soupirait : − Nom d'une pipe! J'en jouerais bien un air! Elle ne venait jamais près de lui sans qu'il lui parlât, la chatouillât, lui prît les mains, les bras, la taille. R. Benjamin, Gaspard,1915, p. 146.
Jouer (toujours) le même air. ,,Rabâcher.`` (Nouv. Lar. ill.).
Argot :
11. En jouer un air : fuir, s'enfuir, se sauver, s'évader. Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au Dictionnaire de Delesalle,10 janv. 1900, p. 157.
12. La première fois qu'on va au feu, il est permis d'avoir les grelots, mais jamais d'en jouer un air. [Écho des Marmites, no2, Suppl., févr. 1915]. L. Sainéan, L'Argot des tranchées,1915, p. 108.
Rem. ,,L'explication [de en jouer un air] par la Fille de l'air est fausse : 1oles parlants ont en tête un air de musique; 2ole chevauchement supposé donnerait seulement *se donner la Fille de l'air, qui ne se dit pas. La vraie explication est par jouer un air de flûtes, de jambes.`` (G. Esnault, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956).
Étymol. ET HIST. − 1608 mus. « mélodie, morceau de musique écrit pour une seule voix, accompagnant des paroles » (Régnier, Satyre, III, v. 135 ds Œuvres, chez Lyon et Woodman [1729] p. 38 : Que leur nom retentit dans les airs que l'on chante). Calqué sur l'ital. aria3« mélodie qui accompagne les paroles d'une composition en vers, qui peut être chantée et sur laquelle on peut danser » (attesté dep. 1555-1557, Varchi, V, 51 ds Batt. t. 1 1961) dér. de l'ital. aria2« aspect, expression » (attesté dep. Pétrarque 1304-1374) empr. lui-même à l'a. fr. aire au sens « espèce, sorte », refait sur l'ital. aria1« air1», lui-même du lat. aer « air » sous la forme de l'acc. gr. āera (d'apr. DEI, s.v. aria2et aria3).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 41 759. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 48 518, b) 67 731; xxes. : a) 69 075, b) 58 360.
BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Daire 1759. − Duf. t. 1 1965. − Duf. t. 2 1965. − Esn. 1966. − Giteau 1970. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 88. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 118. − Guiraud (P.). Mélanges d'étymologies argotiques et populaires. Cah. Lexicol. 1967, no10, pp. 18-19. − Prév. 1755. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 343. − Rougnon 1935. − Sandry-Carr. 1963.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·