1. Péj., usuel. [En parlant de pers. ou de leur comportement] a) Qui n'a que des qualités d'agrément : 106. Je vous jure par Dieu que vous n'aurez plus à me reprocher de telles incongruités. Je serai gentil, aimable, charmant et faux à faire vomir; mais je serai convenable. Je veux devenir un homme tout à fait bien.
G. Flaubert, Correspondance,1851, p. 334.
107. Elle avait un certain charme mondain provenant d'un esprit alerte, gai, aimable et superficiel, mais aucune séduction réelle et profonde.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Porte, 1887, p. 1075.
108. Le plus séduisant des hommes, un féminin, je veux dire doux, aimable, courtois, mais fuyant, peu sûr, ne s'attachant pas aux amitiés particulières.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 5, 1906-1907, p. 82.
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P. ext. [En parlant de collectivités] :
109. Il [Voltaire] eut l'art funeste chez un peuple capricieux et aimable, de rendre l'incrédulité à la mode. Il enrôla tous les amours-propres dans cette ligue insensée.
F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme, t. 1, 1803, p. 5.
110. Pour lui [Reinhart], les Français étaient des gens adroits, intelligents dans les choses pratiques, aimables, sachant causer, mais légers, susceptibles, vantards, incapables d'aucun sérieux, d'aucun sentiment fort, d'aucune sincérité ...
R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 527.
b) Qui, en étalant des qualités d'agrément, cherche à faire illusion : 111. ... dans le monde, et surtout dans un monde choisi, tout est art, science, calcul, même l'apparence de la simplicité, de la facilité la plus aimable. J'ai vu des hommes dans lesquels ce qui paraissait la grâce d'un premier mouvement était une combinaison, à la vérité très prompte, mais très fine et très savante.
Chamfort, Maximes et pensées,1794, p. 39.
112. Oui, mes filles, ma femme, cette Gabrielle était une charmante personne. Elle quitta son mari pour vivre avec le roi, et, sans quitter le roi, elle vivait avec d'autres. Aimable friponnerie, fine galanterie, coquetterie du beau monde! Il y a des gens, mes filles, qui appellent cela débauche; ils offensent la morale, et ce sont des coquins qu'il faut mettre en prison.
P.-L. Courier, Pamphlets politiques,Procès de Paul-Louis Courier, 1821, p. 130.
113. Il a quelque chose de bienveillant dans la physionomie; mais on y voit trop la longue habitude et le désir continuel d'avoir l'air aimable.
É.-J. Delécluze, Journal,1825, p. 107.
114. Les imprudences des jeunes gens et les maladresses de Madame Laheyrard étaient commentées et enjolivées avec cette aimable charité qui fait le fonds de l'espèce humaine en général, et de l'espèce humaine des petites villes en particulier. Au bout de quelques jours, il n'y eut pas une maison où l'on ne se contât à l'oreille l'histoire des amours d'Hélène et de Gérard.
A. Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, p. 113.
115. ... il faut bien vivre, n'est-ce pas? c'est-à-dire accepter avec un air aimable et indifférent la mauvaise plaisanterie supérieure qui nous est quotidiennement imposée de faire ce qui nous déplaît cent fois plus souvent que le contraire, en vue d'ailleurs de ne plaire à personne.
F. de Miomandre, Écrit sur de l'eau,1908, p. 67.
116. Il a profité de l'occasion pour prononcer quelques paroles tout à fait aimables ... et très cordiales ... très encourageantes ... il nous a bien assuré, que si on se conduisait plus tard dans la vie, dans l'existence, d'une façon aussi valeureuse, on pouvait être bien tranquilles, qu'on serait sûrement récompensés.
L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 158.
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P. ext. Qui ne réussit pas à faire illusion malgré ses apparences d'agrément. C'est une aimable plaisanterie : 117. Vous me connaissez, vous savez (...) que si je ne me sentais pas nécessaire à mes malheureux amis j'aurais terminé la plus détestable existence (...) − et vous restez! Par une aimable plaisanterie vous dites à Mathieu : « Quoique voir Mmede Staël vingt-quatre heures plus tôt ne soit comparable à rien ». Viens donc plaisanter sur la tombe de la malheureuse dont tu dévores le sang et les pleurs.
G. de Staël, Lettres inédites à Louis de Narbonne,1793, p. 207.
118. Et vous? Où en est le roman? Celui de la mère Sand, qui m'est dédié, me vaut les plaisanteries les plus aimables.
G. Flaubert, Correspondance,1866, p. 226.
Rem. Les ex. 117 et 118 sont des approches du sens noté dans la défin.; d'autre part, comme dans les ex. 119 à 123, il y a antiphrase, mais dans un cont. différent, d'où un autre « effet de sens ».
2. Iron. et par antiphrase, littér. [En parlant de pers. ou de comportements qui habituellement ne sont pas qualifiés d'aimables] Étrange, détestable, etc. : 119. henri. − (...) il est en vérité bien heureux que l'on ait eu l'aimable idée de me tuer par le fer ou par le plomb, au lieu de m'empoisonner ...
A. Dumas père, La Reine Margot,t. 2, 1845, IV, 1, p. 49.
120. Mon cousin (...), demi-brute aimable, d'un caractère gai, doué de cet esprit gaulois qui rend agréable la médiocrité, habitait une sorte de ferme-château dans une vallée large où coulait une rivière.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Amour, 1886, p. 736.
121. La mode était d'être non pas seulement sociable, comme les Français l'avaient toujours été, mais « aimable ». C'est Duclos qui le note dans ses Considérations sur les mœurs parues en 1750, et il exprime la crainte qu'on n'ait pris en ce point l'abus pour la perfection. « Aimable », cela supposait au moins autant de vices que de vertus, de la frivolité, de la malice, et certain art de parler, de persifler, une forme nouvelle et légère de la calomnie. L'homme aimable pouvait être souvent l'homme le moins digne d'être aimé. Il ne s'agissait que de plaire.
J. Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 154.
122. Tant de soins, de sollicitude, devenus peu à peu indispensables à un célibataire (...) confit dans un aimable égoïsme, l'irritent cependant parfois ...
A. Arnoux, Double chance,1958, p. 191.
123. Je me débarrasse de certains livres pour faire place à d'autres. Comment choisir? (...) Au fond, et sans bien le savoir, il [l'écrivain] fait un peu le travail de déblaiement que fera la postérité, cette aimable farceuse qui nous jouera à tous de si bons tours − mais nous ne serons pas là pour les goûter comme ils le méritent.
J. Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-1958, p. 57.
Rem. 1. Syntagmes a) Syntagmes usuels. Adv. extrêmement, fort, infiniment, parfaitement, particulièrement, plutôt, Subst. abandon, abbé, accueil, air, ami, article, attention, billet, caractère, chose, compagne, compagnie, compagnon, condescendance, conversation, convive, créature, dame, docteur, enfant, épouse, être, façon, famille, femme, figure, fille, folie, forme, gaieté, gens, geste, grâce, homme, hospitalité, hôte(sse), innocence, invitation, jeunesse, lettre, liberté, manière, maîtresse, mère, monsieur, mot, objet, parole, personnage, personne, peuple, phrase, physionomie, plaisanterie, politesse, qualité, regard, saint, salut, sentiment, société, sourire, souvenir, vieillard, visage, voisin, voix. Verbes avoir, devenir, dire, donner, écrire, envoyer, éprendre, être, faire, (se) montrer, paraître, recevoir, remercier, rendre, trouver, venir; b) Syntagmes rencontrés. Adv. assez, aussi (que possible), bien, moins, peu, plus (beaucoup plus, le plus), réellement, si, singulièrement, tout, tout-à-fait, très, trop, véritablement. 2. Assoc. paradigm. fréq. a) (Quasi-)synon. accort, amène, attachant, attrayant, beau, bienveillant, bon, brave, brillant, charmant, cher, coquet, cordial, courtois, doux, élégant, engageant, estimable, facile, flatteur, frivole, gai, généreux, gentil; gracieux, innocent, intéressant, jeune, joli, léger, mondain, obligeant, poli, sage, séduisant, simple, spirituel, tendre, vertueux; b) (Quasi-)anton. désagréable, désobligeant, disgracieux, dur, froid, hargneux, indifférent, laid, méchant, rude, sévère, sombre, triste. 3. Place de l'adj. par rapport au subst. : aimable s'emploie assez souvent en antéposition; il prend alors une valeur affective et fam. ou une valeur intensive (soulignant favorablement un trait inhérent à la nature de la personne, de la chose considérée) ou encore une valeur emphatique, iron. (surtout en apostrophe).