a) HIST. ROMAINE. Loi organisant le partage des terres du domaine public : 10. Il est vraisemblable que sous le nom vague de loi agraire, on aura confondu deux propositions très-différentes : 1 celle de faire entrer les plébéiens en partage du territoire sacré de la Rome primitive, à la possession duquel tenaient tous les droits de la cité; 2 celle de partager également les terres conquises par tout le peuple, et usurpées par les patriciens. Cette seconde espèce de loi agraire, analogue à celles des Gracches, aura aisément fait oublier l'autre, lorsque l'ancien caractère symbolique de la cité et de l'ager commençait à s'effacer. Les auteurs des lois agraires se présentent à des époques différentes; mais sous des noms identiques qui font douter de leur individualité...
J. Michelet, Histoire romaine,t. 1, 1831, p. 115.
11. Le sort des sujets ou des alliés était devenu d'autant moins supportable à cette époque, que la démocratie romaine agitait alors la grande question des lois agraires. Or le principe de toutes ces lois était que ni le sujet ni l'allié ne pouvait être propriétaire du sol, sauf un acte formel de la cité, et que la plus grande partie des terres italiennes appartenait à la République; un parti demandait donc que ces terres, qui étaient occupées presque toutes par des Italiens, fussent reprises par l'État et partagées entre les pauvres de Rome.
N.-D. Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 505.
b) P. ext. Toute loi ayant pour objet de changer dans un sens égalitaire, le plus souvent par une redistribution, le mode d'acquisition ou de possession des terres : 12. Pourquoi ne parle-t-on jamais à l'homme du premier des droits de l'homme, de son droit à une part de terre déterminée dans la proportion de l'individu au territoire?
− Quelle est cette loi qui porte les emblèmes et le nom de l'égalité à son frontispice? est-ce la loi agraire?
− Non, c'est le contrat de vente d'une nation livrée aux riches par des intrigants et des factieux qui veulent devenir riches.
Ch. Nodier, Jean Sbogar,1818, p. 186.
13. Eh! votre stupide république me donne des nausées! nous ne saurions découper tranquillement un chapon sans y trouver la loi agraire.
H. de Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 55.
14. ... la terre est chose indispensable à notre conservation, par conséquent chose commune, par conséquent chose non susceptible d'appropriation; mais la terre est beaucoup moins étendue que les autres éléments, donc l'usage doit en être réglé, non au bénéfice de quelques-uns, mais dans l'intérêt et pour la sûreté de tous. En deux mots, l'égalité des droits est prouvée par l'égalité des besoins; or, l'égalité des droits, si la chose est limitée, ne peut être réalisée que par l'égalité de possession : c'est une loi agraire qui se trouve au fond des arguments de M. Ch. Comte.
P.-J. Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 196.
15. Les mots propres descendent toujours trop tard dans les masses. Il a fallu que le socialisme fût accusé de vouloir le retour de la loi agraire et de toutes ses conséquences brutales, pour qu'il trouvât des formules plus propres à exprimer ses aspirations.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 328.
Rem. 1. L'agriculture, surtout en ce qu'elle touche à la propriété foncière, est envisagée comme un champ d'action politique et de réformes le plus souvent égalitaires. 2. Dans l'ex. suiv., loi agraire désigne toute loi organisant l'égalité purement numérique entre les citoyens :
16. Les aristocrates et les Jacobins, qui avaient joué un rôle très-inférieur pendant la session, ne se flattaient pas d'être nommés une seconde fois; ils trouvaient donc du plaisir à empêcher ceux qui étaient assurés du suffrage de leurs concitoyens, d'occuper des places dans l'assemblée suivante. Car, de toutes les lois agraires, celle qui plairait le plus au commun des hommes, ce serait la division des suffrages publics en portions égales, dont le talent ne pût jamais obtenir un plus grand nombre que la médiocrité.
G. de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française,t. 1, 1817, p. 334.