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AGRAFE, subst. fém.

AGRAFE, subst. fém.
Petit objet métallique servant à attacher deux ou plusieurs choses ensemble ou à réunir deux parties d'une même chose.
A.− Lang. cour. Sorte de crochet en métal servant à réunir entre elles deux parties d'un vêtement, d'une chaussure, ou à fixer un bijou, un stylographe, etc. :
1. Durant tout l'hiver, celui-là n'allait pas en promenade sans de vives souffrances : d'abord la douleur de ses engelures se réveillait atroce autant qu'un accès de goutte; puis les agrafes et les ficelles destinées à retenir le soulier partaient, ou les talons éculés empêchaient la maudite chaussure d'adhérer aux pieds de l'enfant; il était alors forcé de la traîner péniblement en des chemins glacés où parfois, il lui fallait la disputer aux terres argileuses du Vendômois; ... H. de Balzac, Louis Lambert,1832, p. 56.
2. À côté d'elle, debout, appuyée contre une colonne et la regardant faire, se tient une autre femme tout en blanc; son vêtement sans ceinture, attaché aux épaules par une agrafe d'or, tombe à grands plis droits, et le bout de ses pieds passe dessous dans des sandales découvertes. G. Flaubert, La Tentation de saint Antoine,1849, p. 375.
3. L'âge n'avait fait qu'accroître cette pudeur impitoyable. Sa guimpe n'était jamais assez opaque, et ne montait jamais assez haut. Elle multipliait les agrafes et les épingles là où personne ne songeait à regarder. Le propre de la pruderie, c'est de mettre d'autant plus de factionnaires que la forteresse est moins menacée. V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 723.
4. Des ouvriers, qui tiraient de la pierre pour les constructions des oblats, découvrirent dans un champ du plateau, à quelques pas du chemin, que les processions et les théories ont suivi de toute éternité, des monnaies, des plats en bronze, des fibules, des agrafes, des épingles d'os et d'ivoire et puis une petite statuette de bronze qui souleva dans tout le pays une grande curiosité et un peu de scandale. M. Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 286.
5. ... nous avions touché des caciulas, des bonnets cylindriques de faux astrakan auxquels était cousu un petit drapeau tricolore. Cela se rabattait sur les oreilles, comportait une mentonnière compliquée, et quand c'était mis au point, grâce à un système savant de crochets et d'agrafes, cela ne laissait que les yeux seuls à nu, et nous faisait, aux hommes et à nous, d'étonnantes faces de Touareg. R. Vercel, Capitaine Conan,1934, pp. 69-70.
6. Si l'on présente au malade un stylographe, en s'arrangeant pour que l'agrafe ne soit pas visible, les phases de la reconnaissance sont les suivantes. « C'est noir, bleu, clair, dit le malade. Il y a une tache blanche, c'est allongé. Ça a la forme d'un bâton. Ça peut être un instrument quelconque. Ça brille. Ça a un reflet. Ça peut être aussi un verre coloré. » On approche à ce moment le stylographe et l'on tourne l'agrafe vers le malade. Il poursuit : « Ce doit être un crayon ou un porte-plume. (Il touche la pochette de son veston.) Ça se met là, pour noter quelque chose. » Il est visible que le langage intervient à chaque phase de la reconnaissance en fournissant des significations possibles pour ce qui est effectivement vu... M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 152.
Rem. Syntagmes agrafe-châtelaine : ,,Agrafe dont on se servait pour retenir les montres.`` (Lar. 20e); agrafe-page : ,,Petite pince qui servait à relever les robes à traîne.`` (Lar. 20e); porte de l'agrafe : ,,Espèce de petit anneau dans lequel passe le crochet d'une agrafe.`` (Ac. 1835, 1878).
B.− SC. et TECHN.
1. ARCHIT., CONSTR.
a) ,,Pièce métallique destinée à relier deux assises de pierre ou à fixer un revêtement de dalles verticales contre un mur.`` (Barb.-Cad. 1963).
b) ,,Genre de bride placée sur les ailes de filets en fer pour les unir.`` (Barb.-Cad. 1963).
c) ,,Pièce en S se plaçant dans la feuillure d'un fer à T pour éviter le glissement du verre dans les châssis inclinés.`` (Barb.-Cad. 1963).
d) Bande d'agrafe ou patte d'agrafe (qqf. agrafe seul).
,,Bande métallique en couverture pour empêcher le soulèvement des feuilles près des tasseaux.`` (Barb.-Cad. 1963).) :
7. Les feuilles [de zinc] sont maintenues, sur le voligeage, dans le sens de la hauteur par deux pattes placées en tête, clouées sur le voligeage, appelées pattes d'agrafe, ... E. Robinot, Vérification, métré et pratique des travaux du bâtiment,t. 4, 1928, p. 54.
,,Ornement de sculpture placé à la tête des arcs et reliant les moulures de l'archivolte avec la clef de l'arc et le nu du mur.`` (Barb.-Cad. 1963).
,,Boucle de fer fixée à un volet et qui sert à fermer en même temps la croisée et le volet lorsqu'on l'accroche à l'espagnolette.`` (Barb.-Cad. 1963).
2. ARTILLERIE :
8. ... au départ [du coup], l'agrafe d'armement [dans la fusée R] écrase le ressort d'armement, [et] dégage les languettes du cylindre-agrafe, ... Capitaine Alvin, Leçons d'artillerie,Matériel, 1908, p. 229.
3. BOT. ,,Poils rudes en forme d'hameçons qu'on trouve sur certaines plantes.`` (Besch. 1845).
4. BOUTEILLERIE. Pièce métallique servant à maintenir un bouchon sur le goulot d'une bouteille :
9. On fixe ... les bouchons sur les bouteilles [de champagne] au moyen d'une agrafe en fil de fer en forme d'U ... mise en place au moyen d'une museleuse. R. Brunet, Le Matériel vinicole,1925, p. 528.
5. CH. DE FER. ,,Pièce en feuillard métallique montée en serrage à l'extrémité d'une traverse, pour éviter l'éclatement dû aux alternatives de sécheresse et d'humidité.`` (Lar. encyclop.).
6. CHIR. Petite lame métallique munie d'un crochet à ses deux extrémités et servant à refermer une plaie ou une incision :
10. Il s'est fait engueuler à l'hôpital, pour une histoire idiote, des agrafes enlevées trop tôt, un éventrement. Ça a fait une péritonite. Le type a passé pendant qu'on l'opérait d'urgence. L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 400.
Rem. Syntagmes agrafe de Dujarier : ,,Petite attelle métallique utilisée pour l'ostéosynthèse.`` (Lar. encyclop.); agrafe de Michel : ,,Petite lame de métal munie d'une pointe à chaque extrémité, et qui, une fois fermée à l'aide d'une pince spéciale, permet l'affrontement des plaies ou des incisions.`` (Lar. 3); agrafe de Valentin : ,,Pince à branches parallèles, employée par le chirurgien Valentin dans l'opération du bec-de-lièvre, pour opérer le rapprochement des bords de la plaie.`` (Nouv. Lar. ill.).
7. HORTIC. ,,Ornement qui sert à lier deux figures dans un parterre.`` (Besch. 1845).
8. MÉCANIQUE :
11. Dans l'intervalle compris entre le faisceau tubulaire et la rangée supérieure d'entretoises, la plaque tubulaire est généralement fixée par des vis à des tirants spéciaux ou agrafes rivés sur la paroi inférieure du corps cylindrique. Herdner, Locomotives.
12. D'autres fois, ils [les ressorts de suspension] sont suspendus au-dessous de l'essieu à une agrafe... Herdner, Locomotives.
9. PÊCHE. Plomb à agrafe. ,,Plomb pour pêche au lancer, muni d'un système permettant de changer facilement et rapidement l'engin qu'il est destiné à lester.`` (Lar. encyclop.).
10. RELIURE. Petite tige de métal repliée à ses deux extrémités et servant à attacher ensemble plusieurs feuilles de papier.
Vx. Branche de métal, parfois montée sur cuir, traversant l'épaisseur des feuillets d'un livre pour rapprocher les couvertures de la reliure et servir de fermoir (d'apr. Nouv. Lar. ill.) :
13. Comme elle étoit parvenue à s'y introduire sans témoins, et qu'elle regardoit, pensive, la place où il l'avoit quittée, elle aperçut, au pied du siège sur lequel elle étoit assise, de petites tablettes de cuir de Russie, garnies d'une agrafe d'acier dont le ressort étoit brisé. Elle s'en saisit : et pensant qu'elles pouvoient contenir l'explication dont elle avoit besoin, que peut-être même Lothario ne les avoit pas abandonnées sans dessein dans cet endroit, elle les ouvrit avec empressement, et y promena rapidement ses regards. Ch. Nodier, Jean Sbogar,1818, pp. 184-185.
11. VANNERIE. ,,Osier tortillé au bord d'un panier, d'une hotte.`` (Besch. 1845).
C.− Arg., fig. Main.
Rem. Syntagmes serrer les agrafes : ,,Serrer les mains.`` (L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, L'Argot ancien et moderne, 1878, p. 6); casser l'agrafe : ,,Rompre, se brouiller (ne plus se serrer la main).`` (G. Delesalle, Dict. argot-français et français-argot, 1896, p. 7) :
14. Vous êtes brouillés? L'agrafe ou la ficelle est cassée? Bruant1901.
Prononc. ET ORTH. : [agʀaf]. Enq. : /agʀaf/. − Rem. Fér. Crit. t. 1 1787 : ,,Dans le Dictionnaire grammatical on écrit ce mot avec 2 f, agraffe. Le double f est inutile.``
Étymol. ET HIST. − 1421 agraffe « crochet à patte pour soutenir les tentures de tapisserie » (Compte de la Chambre aux derniers du Dauphin [Charles VII] ds H. Havard, Dict. de l'ameublement et de la décoration dep. le XIIIes. jusqu'à nos jours, t. 1, Paris, 1887 : A Robin Brisebarre, cloutier pour ung cent de crochets à talon, deux milliers de crochets bastards et deux cens agraffes achettées de luy pour tendre les chambres, salles et retraits de mon dict Seigr, le samedi Vejour d'avril [1421], XXII liv. VIII s.); 1530 id. « crochet de métal qui s'insère dans un anneau pour joindre les deux bords opposés d'un vêtement » (Palsgrave, Éclaircissement de la Langue Fr., p. 231 : Hoke for a womans gowne − agraffe); 1701 id. « crampon de fer qui relie les pierres d'un mur » (Fur. : Agraffe. En Architecture, est un crampon, ou morceau de fer à crochet, qui sert à retenir les pierres, & les marbres); 1751 agrafe « sorte d'ornement en architecture, servant à relier » (Encyclop. t. 1 : Agrafe, s. f. terme d'Architect. on entend par ce nom tout ornement de sculpture qui semble unir plusieurs membres d'architecture); 1922 id. « crochet pour bouteille » (Lar. universel en 2 vol., t. 1 : agrafe [...] Sorte de crochet métallique fixé au goulot d'une bouteille pour retenir le bouchon). Soit de l'a. fr. agrappe (1295) avec influence de graffe « crochet », fin xiiies. (agrafer*). Agrappe* déverbal de agraper « s'accrocher à, saisir » (agrapper*) soit plutôt déverbal de agrafer* (1542) malgré la difficulté de chronol.; en faveur de cette hyp., le parallélisme avec agrape*, déverbal de agraper*.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 140.
BBG. − Bar 1960. − Barb.-Cad. 1963. − Bél. 1957. − Bible 1912. − Boiss.8. − Canada 1930. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Cost. 1899. − Delorme 1962. − Esn. 1966. − Fér. 1768. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Hanse 1949. − Jal 1848. − Laborde 1872. − Lar. comm. 1930. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Leloir 1961. − Littré-Robin 1865. − Poignon 1967. − Pollet 1970. − Privat-Foc. 1870. − Thomas 1956. − Viollet 1875.

AGRAFER, verbe trans.

AGRAFER, verbe trans.
Attacher, fixer au moyen d'une ou de plusieurs agrafes.
A.− Lang. cour.
1. Emploi trans.
a) [L'obj. est un nom de chose désignant un vêt., un bijou, etc.] :
1. Maître Huylten agrafa le fermail de sa Bible, rangea ses lunettes dans leur étui, et tira le rideau de la fenêtre, qui laissa voir au soleil une fleur de la passion avec sa couronne d'épines, son éponge, son fouet, ses clous et les cinq plaies de Notre-Seigneur. A. Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 80.
2. Pendant qu'Amélie, sur un signe de la femme de chambre, agrafait la robe par derrière et aidait la duchesse, la soubrette alla prendre des bas en fil d'Écosse, des brodequins de velours, un châle et un chapeau. H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, pp. 589-590.
3. Elle ne répondit rien, mais posa sur la cheminée le collier qu'elle ne parvenait pas à agrafer. A. Gide, La Porte étroite,1909, p. 521.
Agrafer qqc. à :
4. Le vieux voisin avait un costume d'il y a soixante ans : c'était un habit complet de paysan endimanché. La veste en surcot marron, culotte en velours olive, gilet de basin, − laissant voir une chemise à petits plis, agrafée au col par un anneau d'argent; ... H. Murger, Scènes de la vie de jeunesse,1851, p. 127.
5. Lui, pour qui jadis les deux questions irritantes, à des moindres degrés, étaient celle de la rive gauche du Rhin et celle des bretelles, il consolida son matelassage d'épingles de nourrice, de chaînettes-supports, relia ses boutons de plastron par un fil de faux argent qu'il agrafa à une chaîne centrale. J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 98.
b) P. méton., fam. [L'obj. désigne la pers. qui porte un vêt. à agrafer] :
6. Il déboutonne violemment son pourpoint. − Tu m'agrafes toujours comme on agrafe un prêtre, tu serres mon pourpoint, et j'étouffe, mon cher! − V. Hugo, Ruy Blas,1838, I, 1, p. 338.
7. Attendez que je vous agrafe dans le dos, vous ne pouvez pas y arriver... Colette, L'Envers du music-hall,1913, p. 184.
2. Emploi pronom. à sens passif. S'agrafer à.Être agrafé :
8. La salle dans laquelle pénétrèrent Sigognac et les comédiens n'était pas aussi magnifique que Chirriguirri l'assurait : le plancher consistait en terre battue, et, au milieu de la chambre, une espèce d'estrade formée de grosses pierres composait le foyer. Une ouverture pratiquée au plafond, et barrée d'une tringle de fer d'où pendait une chaîne s'agrafant à la crémaillère, remplaçait la hotte et le tuyau de cheminée, de sorte que tout le haut de la pièce disparaissait à demi dans le brouillard de fumée... T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 58.
9. Il est vrai que l'humanité entière, puisqu'il avait su lui résister, en s'immunisant contre elle, n'était plus pour M. Godeau une maladie bien dangereuse ni bien profonde, aussi se plaisait-il à s'imaginer lui-même comme le chêne dans la vallée et il se représentait l'humanité sous l'aspect très négligeable du lichen qui par endroit s'agrafait à sa ceinture. M. Jouhandeau, Monsieur Godeau intime,1926, p. 143.
B.− Emplois techn.
1. ARCHIT., CONSTR. (cf. agrafe B 1) :
10. ... [les pattes à tesseaux] agrafent la feuille [de zinc] de chaque côté, une patte servant à deux feuilles contiguës. E. Robinot, Vérification, métré et pratique des travaux du bâtiment,t. 4, 1928, p. 55.
11. Les murs ont disparu, ne jouant plus aucun rôle de soutien; ces briques creuses dont la construction est si rapide qu'on peut monter d'un étage par jour, ne sont qu'un abri contre le vent et ces granits, ces marbres qui garnissent la base des édifices n'ont que quelques millimètres d'épaisseur et ne constituent plus qu'un ornement; les plafonds en lattis sont simplement agrafés aux charpentes, le toit est fait de feuilles d'acier. Tout bois est interdit, même en décoration; tout l'effort, accru par l'altitude, est troué par ces cages ignifugées que traversent une vingtaine d'ascenseurs en tant de faisceaux de fils électriques qu'on dirait des chevelures... P. Morand, New-York,1930, p. 37.
2. ARTILLERIE :
12. Les systèmes percutants [des fusées à double effet] ... se différencient par les dispositions prises pour agrafer la masselotte et le porte-amorce... Capitaine Alvin, Leçons d'artillerie,Matériel, 1908, p. 234.
3. THÉÂTRE :
13. Agraffer ou attraper : siffler, huer un acteur. On dit qu'un acteur a été agraffé ou attrapé quand le public a donné des marques visibles de son antipathie pour lui. Ch. de Bussy, L'Art dramatique,dict. à l'usage des gens du monde, 1866, p. 20.
C.− Argot
1. Agrafer qqn.L'aborder, s'attacher à ses pas ou le retenir d'une manière importune :
14. « Il m'a agrafé, quel crampon! il ne me lâchait plus! » G. Delesalle, Dict. argot-français et français-argot,1896, p. 7.
15. − À quoi que l'caporal pense de nous faire claquer du bec? Le v'là. J'vais l'agrafer. Eh! caporal, à quoi qu'tu penses d'pas nous faire croûter? H. Barbusse, Le Feu,1916, p. 256.
16. Quand on pouvait agrafer la jeune femme au sortir de l'église, on ne manquait pas de la féliciter. Cette naissance serait une bien grande joie! M. Grange et M. Robert seraient-ils ici pour le baptême? Anne-Marie s'excusait, se dégageait vite; ... H. Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 90.
2. Agrafer qqn ou qqc.Empoigner, s'accrocher à :
17. Mais la pleureuse elle m'agrafe, elle se pend vachement à mon cou, elle me souffle son désespoir. L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 14.
18. Je suis accroupi... Je m'enfonce plein dans la bidoche... C'est mou... C'est la bave... Je tire... J'arrache un grand bout de bacchante... Il me mord, l'ordure!... Je lui trifouille dans les trous... J'ai tout gluant... Mes mains dérapent... Il se convulse... Il me glisse des doigts. Il m'agrafe dur autour du cou... Il m'attaque la glotte... L.-F. Céline, Mort à crédit,1936pp. 388-389.
19. Arrivé au quai Voltaire je repère bien l'endroit... Je vois personne du tout... Sur la berge en bas des marches... J'attrape un pavé, un gros... Je l'amarre à mon truc... Je regarde bien encore autour... J'agrafe tout le fourbi à deux poignes et je le balance en plein jus... Le plus loin que je peux... Ça a pas beaucoup fait de bruit... J'ai fait ça automatique... L.-F. Céline, Mort à crédit,1936p. 504.
Rem. Besch. 1845 note un emploi pronom. : ,,s'agrafer à quelqu'un. S'attacher, se suspendre pour ainsi dire à lui. Extrêmement vulgaire.`` Cf. aussi infra styl. rem.
3. Arrêter, consigner :
20. Est-ce qu'on vous a déjà agrafé [vous, sergent,] pour avoir reçu une femme dans votre poste? − Un an de prison seulement. L. Vidal, J. Delmart, La Caserne, mœurs militaires,1833, p. 197.
21. Ils se jettent dans le tas comme des fardeaux, et c'est des colosses et ça rebondit... Ils agrafent les plus truculents, les mieux hurleurs, les plus chlass... Ils les basculent dans le fourgon, complètement retournés... Ça s'empile, ça s'agglomère... La mêlée s'effrite... L'émeute est dissoute dans la nuit... L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 252.
4. Voler (qqn) :
22. « C'est clair et net, vois-tu, comme les jaunets que tu as négligé d'agrafer cette nuit-là. » G. Fustier, Suppl. au dict. de la langue verte d'A. Delvau,1889, p. 506.
Stylistique − 1. Agrafer est except. appliqué à des abstr. : 23. Déjà elle ne cherchait plus, comme elle l'avait imaginé, à faire que ces deux mains s'unissent, que les dix doigts de Rebendart pénétrassent les dix doigts de Dubardeau. Il semblait qu'elle n'eût plus d'autre espoir que d'arriver à effleurer l'une par l'autre, d'obtenir non plus un courant, mais une étincelle de conciliation. Elle sentait l'une docile et fraîche, l'autre ennemie et brûlante. Dix secondes elle tenta encore, maintenant désespérée, d'agrafer les deux honneurs, les deux courages, les deux générosités du caractère français. Tâche impossible. J. Giraudoux, Bella, 1926, p. 212. 24. « Pensées terrestres, erreurs charnelles », ce sont leur « positivisme », leur « historicisme » à eux. Indifférent que l'âme soit agrafée aux parties de la pensée d'où Dieu est absent, par l'appât des biens temporels ou par les procédés des sciences de la matière : deux formes du royaume terrestre, illégitimes hors du terrestre. J. Malègue, Augustin ou le Maître est là, t. 2, 1933, p. 496. 2. Il est parfois un synon. expr. et qqf. précieux de accrocher : 25. Chacun d'eux portait sur son dos une énorme chimère, aussi lourde qu'un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d'un fantassin romain. Mais la monstrueuse bête n'était pas un poids inerte; au contraire, elle enveloppait et opprimait l'homme de ses muscles élastiques et puissants; elle s'agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l'homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l'ennemi. Ch. Baudelaire, Petits poèmes en prose, Chacun sa chimère, 1867, p. 31. 26. J'ai votre promesse, ajouta-t-elle en lui passant les bras autour du cou. − Pour cela, dit rudement M. Coignard en dénouant les jolies mains agrafées à son épaule, je refuse net. A. France, Les Opinions de Monsieur Jérôme Coignard, 1893, p. 56. Rem. Cf. aussi, dans un autre cont., supra C 2.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [agʀafe], j'agrafe [ʒagʀaf]. Enq. : /agʀaf/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : agrafage, agrafe, agrafeuse (cf. Lar. encyclop.), agrafure. − Rem. Littré : ,,Agrafer et agraper sont deux formes d'un même mot, l'f et le p permutant facilement.``
Étymol. ET HIST. − 1. 1542 aggraffer « déchirer comme avec une griffe » (A. Sevin, trad. de Boccace, Le Philocope, L. I, 16 rods Hug. : Elle commença à battre son clair visaige avec les sanguineuses mains, et aggraffer ses delicates joues), attest. isolée (avec contamination de graffer et de griffer?); 2. 1546 agraffer « saisir, s'emparer (d'un navire avec un grappin d'abordage) » (Palmerin d'Olive, 202 b selon Vaganay ds Rom. Forsch. XXXII, 6 : Le Turcq... ayant fait agraffer le navire de Palmerin, le mena droit à Olimaël); 1562 s'agraffer, emploi pronom. « s'accrocher » (Du Pinet, Hist. nat. de Pline, XVI, 34 ds Gdf. Compl. : Le lyerre blanc fait mourir les arbres auxquels il s'agraffe); le sens de « s'attacher à » est qualifié de vieux et populaire par Boiste 1823 et Land. 1834, de vulgaire par Besch. 1845, trivial et populaire par Lar. 19e, 1866; demeuré dans l'arg. (supra); 3. 1594 agrafer « attacher avec une agrafe » (Sat. Mén., Abrégé des Estats, p. 18 ds Gdf. Compl. : Tous couverts avec leurs capuchons et habits agrafez). 3 hyp. : 1. Soit dér. (préf. a-1*) du m. fr. grafer « attacher avec un crampon », xive-xves. (1364, Compte de J. Dou Four, Arch. KK 3b, fo44 vods Gdf. : Faire .VI. graffez de fer pour graffer le bort du puis du chastel qui estoit depeciez); (1490, Arch. K 272 ibid. : Graffes de fer pour graffer les entablemens de la viz d'icelle chappelle), lui-même dér. de grafe « crochet », xiiie-xves. : fin xiiies., a. pic. graffe (Ellebaut, Trad. de l'« Anticlaudianus » de Alain de Lille, éd. A. J. Creighton, 3226 d'apr. Långfors ds Neuphilol. Mitt., XLVII, 186 : A une aguille ou une graffe); 1313 grafe (Trav. aux chât. d'Artois, Arch. KK 393, fo38 ds Gdf s.v. grape : Grafes et chevilles de fer qui sont mis es galeries); 1490 graffe (Arch. K 272 ds Gdf loc. cit. : Pour .XIII. graffes de fer d'un pié et demi de long). Fr. grafe empr. à l'a. h. all. chrapfo (nomin. sing.) ixes., crapfun (acc. sing.) « uncinus » ds Graff t. 4, 1838, p. 596 s.v. krapho, m. h. all. krapfe « crochet » etc. (Lexer 1963), c-à-d. apr. la deuxième mutation consonantique, alors que les formes fr. graper et grape, c.-à-d. en -p- ou -pp-, remontent au germ. *krappa « crochet » passé sans doute en lat. vulg. av. la 2emutation consonantique (grappe* et grappin*). 2. Soit du m. fr. agraper avec influence de graffe « crochet » (voir ci-dessus). Fr. agraper « s'accrocher à, saisir » du xiieau début xviies. : 1184 (Thib. d. Marly Vers s. la Mort, XXX ds T.-L. s.v. : Mors est le mains qui tot agrape), dér. (préf. a-1*) de l'a. fr. graper « saisir », 1218-1225, (Les Miracles de la sainte Vierge, trad. et mis en vers par Gautier de Coincy, éd. Poquet, 118, 342 ibid. s.v. : Bien pëussiens aler graper, Sade virge, douce et piteuse, Se tu ne fusses retournee), lui-même dér. du fr. grape « crampon, agrafe, grappin », xiiie-xvies. (1213 L.-F. Flutre, Faits des Romains, 421, 16 ds Romania 65 [1939], p. 513 : Li vosoir en furent bien lié a dur ciment et a grosses grapes de fer bien seelees a plom). Cet a. fr. grape, remonte au germ. *krappa « crochet » entré en lat. vulg. av. la 2emutation consonantique. Le passage du groupe initial germ. kr- au fr. gr- s'explique par la faiblesse particulière des occlusives sourdes du germ., Fouché 1966, pp. 687-688. De ces deux hyp., toutes deux recevables, la première semble préférable, la seconde présentant quelque difficulté du point de vue chronol. 3. Soit, dans le cas de l'hyp. 1 de agrafe* : agrafer dér. de agrafe*, évolution parallèle à grafer dér. de graffe et à graper dér. de grape. Voir aussi agrapper, agriffer, agripper.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 66.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Barb.-Cad. 1963. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Canada 1930. − Caput 1969. − Chabat t. 1 1875. − Dup. 1961. − Esn. 1966. − Guiraud (P.). Mélanges d'étymologies argotiques et populaires. Cah. Lexicol. 1967, t. 10, no1, p. 17. − Hanse 1949. − Jal 1848. − Jossier 1881. − Larch. 1880. − La Rue 1954. − Le Breton 1960. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 134, 265. − Sandry-Carr. 1963. − Timm. 1892.

AGRAFÉ, ÉE, part. passé et adj.

AGRAFÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.− Part. passé de agrafer*.
II.− Adj. Qui est agrafé, attaché, fixé au moyen d'agrafes.
A.− Lang. cour. :
1. Chez nous, par exemple, toutes les révolutions de nos mœurs ne se retrouvent-elles pas dans celles de nos habits? Sous les premières races, Charlemagne, qui nous apparaît avec ses cheveux coupés carrément sur le cou, sa tunique de laine brodée en soie, son manteau de peau de mouton agrafé à la manière des empereurs romains, et sa chaussure en forme de cothurne, ne nous donne-t-il pas l'idée de la barbarie, unie à quelques souvenirs d'une haute civilisation? V. de Jouy, L'Hermite de la chaussée d'Antin,t. 4, 1813, p. 261.
2. Au Trocadéro, Berthe ne s'en faisait pas. Agrafée, boutonnée dans son long fourreau de toile grise (...), Berthe passait toutes les heures de son service en train de lire... B. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 388.
B.− Emplois techn. :
3. La partie postérieure [du tube (...)] reçoit un système d'amorçage comprenant une amorce agrafée dans son couvre-amorce et un marteau traversé par une goupille. Capitaine Alvin, Leçons d'artillerie,Matériel, 1908, p. 82.
4. ... les feuilles [de zinc] sont agrafées entre elles de bas en haut du comble. E. Robinot, Vérification, métré et pratique des travaux du bâtiment,t. 4, 1928, p. 54.
5. Les réservoirs [d'avions] en cuivre sont rivés ou (...) agrafés et soudés, le glacis de soudure assurant l'étanchéité. J. Guillemin, Précis de construction, calcul et essai des avions et hydravions,1929, p. 211.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 43.

Quelques définitions tirées au hasard dans le dictionnaire : 

·le trésor de la langue française, un dictionnaire français·