1. [Suivi d'un compl. introd. par la prép. à; le verbe correspondant serait s'accoutumer à, être accoutumé à] :
1. Plusieurs jours consécutifs ce fut ainsi, une accoutumance lente et calme aux êtres et aux choses, dans l'attente d'une délivrance qu'elle espérait toujours prochaine et dont elle manifestait le désir en cognant à coups de bec aux barreaux de sa prison.
L. Pergaud, De Goupil à Margot,1910, p. 218.
2. Il y a certainement une accoutumance au malheur, un endurcissement, ou mieux : l'habitude du retrait, certaine faculté de repliement, par quoi les natures non épanouies n'offrent aux coups du sort presque plus de surface sensible.
A. Gide, Journal,1915, pp. 515-516.
3. Les coudes sur les tubes de mon fauteuil, je me sens envahi par une torpeur très spéciale, à la fois patiente et résignée, celle que me donne une accoutumance déjà longue aux mœurs et aux manières espagnoles.
A. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 118.
2. [Sans compl.] :
4. « ... j'imagine que d'autres êtres (qui sont mes semblables) y persévèrent souvent jusqu'à la mort, sauvés par l'accoutumance peut-être, chloroformés par l'habitude, abrutis, endormis contre le sein de la famille maternelle et toute-puissante. Mais moi, mais moi, mais moi... »
F. Mauriac, Thérèse Desqueyroux,1927, p. 253.
5. Il semble que le travail scolaire soit d'apprivoiser les classiques; ils paraissent tempérés, assagis, adoucis inoffensifs; leurs armes les plus acérées, l'accoutumance les émousse. On ne les lit pas bien sans leur redonner du tranchant.
A. Gide, Journal,1936, p. 1243.
6. C'est ici qu'on peut parler d'une médication de l'habitude-accoutumance par l'émotion-surprise; Descartes disait que « toutes les passions sont bonnes pourvu qu'elles soient réglées par la connaissance ». La surprise qui associe le corps à la découverte de l'insolite, de l'étrange, du neuf, nous arrache à l'accoutumance. Quant tout est attendu, banal, « tout naturel », « l'admiration » peut rompre le pacte tacite de familiarité désarmante entre notre vie et notre décor. et rendre une jeunesse nouvelle aux gestes les plus usés; ...
P. Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 299.
Rem. 1. Au plur., le mot signifie « variété ou espèce d'accoutumance » :
7. Enfin il faut songer, en supposant un homme assez adroit et assez vigoureux pour se soustraire à cette alternative, à un autre danger, fatal, terrible, qui est celui de toutes les accoutumances. Toutes se transforment bientôt en nécessités. Celui qui aura recours à un poison pour penser ne pourra bientôt plus penser sans poison. Se figure-t-on le sort affreux d'un homme dont l'imagination paralysée ne saurait plus fonctionner sans le secours du haschisch ou de l'opium?
Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,Le Poëme du haschisch, 1860, p. 386.
Rem. 2. Sur le modèle de par habitude s'est créée la loc. par accoutumance « par le fait que qqn s'accoutume à qqc. » :
8. J'arrivai ainsi aux murs de la maisonnette, qui me parut un peu plus accessible que la veille, car il en est de nos habitudes comme de nos études, et un esprit patient et résolu se forme à tout par accoutumance. Je m'arrêtai cependant avant d'entrer au bruit extraordinaire qui partait de l'intérieur.
Ch. Nodier, La Fée aux miettes,1831, pp. 168-169.
9. ... le courant continu devenait par accoutumance presque insensible, mais l'on se rendait compte de sa très réelle puissance; par sa propre faiblesse à soi, aussitôt qu'il se trouvait interrompu.
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 256.
3. Emplois spéc. −
PHYSIOL., PSYCH. L'accoutumance ,,c'est le phénomène biologique qui permet à l'organisme de s'adapter progressivement à certaines substances toxiques et à en tolérer des doses quotidiennes qui seraient mortelles pour un organisme vierge``. (Porot 1960) : 10. Il ne faut redouter ni l'accoutumance, ni les phénomènes d'intolérance.
Langeron ds(F. Widal, J. Teissier, G.-H. Roger, Nouveau traité de médecine,fasc. 4, 1920-1924, p. 508).
11. L'usage de l'opium exige beaucoup de sagesse, de « modération » au sens antique du mot. Il y a une dose d'opium au-delà de laquelle l'effet s'émousse au lieu de s'accentuer, − effet optimum, effet maximum, ce qui distingue le biologique du mécanique −, dose optima qui varie perpétuellement selon le degré d'accoutumance, selon aussi que le fumeur reste étendu ou se promène, parle ou se tait, travaille ou dort, optimum qu'il faut sans cesse chercher par tâtonnements, guetter, calculer, aménager, piéger.
R. Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 37.
− PÊCHE. ,,On dit qu'il y a accoutumance, dans la pêche des poissons carnassiers, lorsque ces derniers ont appris à différencier le leurre de l'esche véritable. Pour les pêcheurs de poissons blancs, créer l'accoutumance c'est habituer le poisson à goûter puis à apprécier un appât ou une esche qu'il n'a pas l'habitude de trouver à l'état naturel dans la rivière. Les esches cuites sont aussi appelées esches d'accoutumance à cause de l'emploi qu'on en fait à cette fin.`` (Lar. encyclop.).